Martel |
2011 QCCLP 899 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Laval |
9 février 2011 |
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Région : |
Laurentides |
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Dossier CSST : |
060631090 |
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Commissaire : |
Louise Boucher, juge administratif |
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Membres : |
Jacynthe Fortin, associations d’employeurs |
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Angèle Marineau, associations syndicales |
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Partie requérante |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 28 mai 2010, madame Michèle Martel (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle elle demande la révision d’une décision rendue par le tribunal le 29 avril 2010.
[2] Cette décision rejette la requête de la travailleuse, confirme une décision rendue le 7 janvier 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais encourus pour la tonte du gazon et le déneigement durant la période automne/hiver 2008-2009.
[3] L’audience de la présente requête a lieu à Saint-Jérôme, le 8 février 2011. La travailleuse est présente. Le délibéré a débuté à cette date.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue le 29 avril 2010 et de déclarer qu’elle a droit au remboursement des frais initialement demandés.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] La membre issue des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales sont du même avis. La travailleuse ne démontre pas l’existence d’un vice de fond de nature à invalider la décision rendue par le tribunal le 29 avril 2010.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider si elle doit réviser la décision rendue par le tribunal le 29 avril 2010.
[7] Dans sa requête datée du 28 mai 2010, la travailleuse soumet que la décision du tribunal est entachée de vices de fond de nature à l’invalider.
[8]
Selon l’article
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[9]
Elles peuvent cependant être révisées ou révoquées en conformité avec
les termes de l’article
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[10] Depuis plus d’une décennie[2], la Commission des lésions professionnelles interprète la notion de vice de fond comme étant une erreur manifeste de faits ou de droit ayant un effet déterminant sur le sort du litige. En 2003, la Cour d’appel du Québec[3] donnait son aval à cette interprétation.
[11] En 2005, la même Cour d’appel rappelle[4] qu’une décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision[5]. La Cour d’appel insiste sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative, invitant et incitant la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d’une très grande retenue lorsqu’elle est saisie d’un recours en révision ou révocation. La première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n’est qu’exceptionnellement qu’elle pourra être révisée.
[12]
Rappelons aussi que la révision ou révocation d’une décision de la
Commission des lésions professionnelles n’est possible que dans les situations
prévues à l’article
[13] Qu’en est-il en l’instance?
[14] La travailleuse a subi une lésion professionnelle en 1976 intéressant la région lombaire et de nombreuses rechutes, récidives et aggravations dans les années suivantes. Depuis le 27 août 2008, la CSST considère qu’il est impossible de lui déterminer une quelconque capacité de travail et la travailleuse reçoit une indemnité de remplacement du revenu qui s’éteindra à l’âge de 68 ans.
[15] À quelques reprises, au cours des années, elle a demandé à la CSST le remboursement des coûts engagés pour la tonte du gazon et le déneigement. Cette demande a toujours été refusée, la travailleuse n’ayant pu démontrer qu’elle effectuait ou effectuerait elle-même ces tâches.
[16] La Commission des lésions professionnelles avait à décider de la dernière demande de la travailleuse à cet effet.
[17] Après la tenue d’une audience le 21 avril 2010, à laquelle assistaient la travailleuse et son représentant, la Commission des lésions professionnelles décide, le 29 avril 2010, que la travailleuse n’a pas droit au remboursement de tels frais. C’est de cette décision dont se plaint la travailleuse en l’instance.
[18]
Pour décider de la réclamation de la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles interprète l’article
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[19]
Dans sa requête en révision, la travailleuse reproche l’interprétation
adoptée par la première juge administratif. Selon elle, en concluant que la
requérante devait effectuer les travaux elle-même et de façon complète, la
première juge administratif augmente indûment le fardeau de preuve de la
requérante. De ce fait, elle se plaint de l’interprétation adoptée par la
première juge administratif de l’article
[20] La Commission des lésions professionnelles a analysé chacun de ces griefs à la lumière des dispositions législatives et des enseignements jurisprudentiels et en vient à la conclusion que la travailleuse ne démontre pas l’existence d’erreurs manifestes et déterminantes susceptibles de conduire à la révision de la décision.
[21]
D’abord, l’interprétation de l’article
[23] Ainsi, afin de permettre l’application de l’article 165, les conditions suivantes doivent être rencontrées :
1) une atteinte permanente grave doit subsister de la lésion professionnelle;
2) le travailleur doit être incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile;
3) il doit s’agir de travaux qu’il effectuerait lui-même si ce n’était de la lésion;
4) les frais doivent avoir été engagés.
[22] Sur ce point, la décision du 29 avril 2010 ne comporte aucune erreur manifeste et déterminante.
[23] Ensuite, la première juge administratif note que la travailleuse rencontre chacune de ces conditions, sauf une : elle ne fait pas la preuve qu’elle effectuerait elle-même les travaux n’était-ce de sa lésion. Pour en arriver à cette conclusion, elle analyse le témoignage de la travailleuse, de son époux, et le contenu des notes évolutives pertinentes dans le dossier de la CSST qui, soit dit en passant, comporte plus de mille pages.
[24] La travailleuse reproche à la première juge administratif d’attribuer une trop grande importance au contenu des notes évolutives du dossier de la CSST. La lésion professionnelle subie par la travailleuse remonte à 1976 et, à plusieurs occasions à travers les années, des professionnels et des conseillers de la CSST où dont les services étaient retenus par celle-ci, ont rencontré la travailleuse pour évaluer ses besoins de toute nature. Dans le cas qui nous concerne, la première juge administratif retrace, dans les documents contenus au dossier de la CSST, des rencontres avec une ergothérapeute et avec une conseillère en réadaptation. Elle en fait mention aux paragraphes [30] et [31] de sa décision. Elle écrit :
[30] En effet, il ressort de la preuve documentaire que la travailleuse s’en remet à son conjoint pour effectuer ce genre de tâches. De façon non équivoque, celle-ci admet à l’ergothérapeute Masse qu’à compter de 1993, date où elle loue pour la première fois une propriété et alors qu’elle détient toujours une certaine capacité, c’est son conjoint qui s’occupe des travaux d’entretien courant.
[31] Dans le même ordre d’idées, la travailleuse indique à une conseillère en réadaptation en 2005 que c’est son conjoint qui entretient l’ensemble de la maison tant à l’intérieur qu’à l’extérieur jusqu’en 1999, date où il doit accepter de déléguer en raison de problèmes au cœur.
[25] Il est tout à fait indiqué, pour la première juge administratif, de s’en remettre au contenu du dossier de la CSST. D’ailleurs, une copie conforme de ce dossier est transmise à tout travailleur qui loge une contestation devant la Commission des lésions professionnelles, quelques semaines avant l’audience.
[26] Dans le cas sous étude, la travailleuse avait déjà, à quelques reprises, dans le passé, demandé le remboursement des coûts relatifs à la tonte du gazon et au déneigement et ses demandes avaient été refusées pour la même raison. Elle ne démontrait pas avoir effectué ces tâches elle-même. Il eut été étonnant qu’elle livre un témoignage contraire devant la Commission des lésions professionnelles après ces quelques tentatives.
[27] Quant au dernier reproche fait par la travailleuse dans sa requête en révision, à savoir l’appréciation de son témoignage et de celui de son époux, la Commission des lésions professionnelles ne le retient pas à titre d’erreur manifeste et déterminante. En effet, il appartient au juge du fond d’apprécier la crédibilité des témoins et la valeur probante de contenu des témoignages. C’est à cet exercice que s’est livrée la première juge administratif et la Commission des lésions professionnelles n’a pas à refaire cet exercice dans le cadre d’une requête en révision.
[28] La travailleuse ne démontre pas l’existence d’erreurs manifestes et déterminantes pouvant donner ouverture à la révision de la décision datée du 29 avril 2010.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision de madame Michèle Martel.
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Louise Boucher |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Produits
forestiers Donohue et Villeneuve,
[3] Bourassa c. Commission des lésions professionnelles,
[4] CSST et Fontaine,
[5] Louis-Seize
et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P.
[6] Moschin
et Communauté urbaine de Montréal,
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