Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Abitibi-Témiscamingue

Lévis, le 20 mars 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

140756-08-0006

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me Robin Savard

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Rodney Vallière

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Daniel Laperle

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

117698357

AUDIENCE TENUE LE :

8 mars 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Rouyn

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MARTIN MORNEAU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MAISON DU SOLEIL LEVANT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - ABITIBI/TÉMISCAMINGUE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 5 juin 2000, monsieur Martin Morneau (le travailleur) conteste la décision rendue le 30 mai 2000 par la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST).

[2]               Par sa décision, la révision administrative confirme la décision rendue le 15 mars 2000 par la CSST qui déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi habituel à compter du 15 mars 2000 et qu’il n’a plus droit aux indemnités de remplacement du revenu.

[3]               La révision administrative confirme aussi la décision rendue le 28 avril 2000 par la CSST et déclare que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation (RRA) le 6 avril 2000 et qu’il n’a pas droit aux indemnités prévues à la loi.

[4]               À l’audience, monsieur Martin Morneau était présent. Maison du Soleil Levant, l’employeur, n’était ni présent ni représenté. La CSST était représentée par Me Ellen Baulne qui a fait témoigner madame Ginette Gourde, agente à la CSST et ce, à la demande de la Commission des lésions professionnelles.

 

L'OBJET DES CONTESTATIONS

[5]               Le travailleur soulève une question préliminaire, à savoir que son médecin qui a charge, aux fins de compléter son rapport d'évaluation médicale (REM), n’est pas le docteur Gilbert Thiffault, orthopédiste, mais plutôt le docteur Michel Brouillard qui a complété le rapport final le 8 février 2000 et qui prévoit un pourcentage de déficit anatomo-physiologique (DAP) et des limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle du 17 novembre 1999, soit une entorse lombaire avec séquelles.

[6]               Or, il soumet que ses contestations concernant les décisions rendues par la CSST les 15 mars 2000 et 28 avril 2000 sont subsidiaires à son moyen préliminaire soulevé à l’audience car il n’a pas de preuve additionnelle concernant le fond de ces décisions rendues par la CSST.  Il termine en mentionnant que s’il demeure avec des limitations fonctionnelles et un pourcentage de déficit anatomo-physiologique (DAP), la CSST devait l’admettre en réadaptation car il n’est pas capable d’exercer son emploi habituel à compter du 15 mars 2000.  Il ajoute qu’en raison de ses séquelles résultant de son entorse lombaire du 17 novembre 1999, il s’est infligé une nouvelle entorse lombaire, le 6 avril 2000, chez lui, ce qui en fait une nouvelle lésion professionnelle en relation avec celle du 17 novembre 1999.

 

LES FAITS

[7]               Le 17 novembre 1999, monsieur Martin Morneau (le travailleur) a subi une lésion professionnelle à l’occasion d’un accident du travail, lorsqu’il a fait une chute en bas de la boîte de son camion, sur le côté gauche de son corps, avec une boîte dans ses bras.  Au moment de l’événement, le travailleur occupe l’emploi d’ouvrier d’entretien à la Maison du Soleil Levant (l’employeur) depuis le 30 novembre 1998.

[8]               Son emploi consiste principalement à faire de menus travaux d’entretien et à superviser des pensionnaires qui font des travaux communautaires pour cette institution.

[9]               Le travailleur s’absente de son travail à compter du 18 novembre 1999 et consulte, à l’urgence du Centre hospitalier de Rouyn-Noranda, le docteur Éric Chaize qui pose le diagnostic de contusion à la hanche gauche.  Il lui prescrit du Naprosyn, un arrêt de travail et l’application de glace.  Le 18 novembre 1999, des radiographies furent prises à la région du sacrum, du bassin et de la hanche gauche et ont démontré une légère coxarthrose gauche.

[10]           Par la suite, le travailleur fut suivi par son médecin qui a charge, le docteur Brouillard, qui complète une attestation médicale le 22 novembre 1999 et diagnostique une contusion lombaire.  Il lui prescrit de la physiothérapie qui débute le 24 novembre 1999.  Celle-ci cesse le 8 février 2000, après 2½ mois de traitements.  À ce moment, le travailleur note une amélioration d’environ 50 % de ses douleurs lombaires avec irradiation au niveau de la fesse gauche, sous forme de brûlure constante et d’une irradiation au membre inférieur gauche qui est fréquente.

[11]           Le 23 novembre 1999, le travailleur a passé une radiographie à la colonne lombaire qui s’est avérée normale.  Le 29 novembre 1999, le docteur Brouillard pose les diagnostics de contusion lombaire et d’entorse lombaire associée.  Ce diagnostic est repris par le docteur Brouillard le 10 décembre 1999. À ce moment, il constate, lors d’un examen fait en 1998, que le travailleur présentait une diminution du réflexe rotulien gauche.  Il ajoute que les anti-inflammatoires sont plus ou moins efficaces au moment de son examen.  Il lui prescrit du Tylénol.

[12]           Le 6 janvier 2000, le docteur Brouillard constate que l’entorse lombaire que présente le travailleur ne serait pas améliorée selon ses dires.  Il lui prescrit du Naprosyn, du Losec et des Emptec.  Il prévoit une consultation en orthopédie et réitère celle-ci dans son rapport du 21 janvier 2000.  Un scan du rachis lombaire fut fait le 14 janvier 2000 qui n’a démontré aucune anomalie au niveau des disques de L3-L4 à L5-S1, si ce n’est quelques calcifications athéromateuses aorto-iliaques sans dilatation anévrismale.  Par la suite, il y a eu une amélioration avec les traitements de physiothérapie, comme le constate le physiothérapeute le 27 janvier 2000.

[13]           Suite à ces informations obtenues, madame Ginette Gourde, agente à la CSST dans les dossiers de consolidation médicale, a constaté, dès le 28 janvier 2000, que le docteur Brouillard n’avait pas référé le travailleur en orthopédie.  Elle voulait accélérer cette consultation auprès d’un orthopédiste.

[14]           Le 2 février 2000, elle constate que le travailleur a reçu 31 traitements de physiothérapie et qu’il y a lieu d’obtenir un avis médical en orthopédie auprès du docteur Paul-Émile Renaud, orthopédiste de Montréal.  La demande fut faite le 4 février 2000 par le docteur Yvon Constant de la CSST.  L’examen est prévu à Montréal, le 29 février 2000 à 13 h 00.  Le docteur Renaud doit se prononcer sur les sujets de l’article 212 de la loi, notamment le diagnostic, la date de consolidation, le pourcentage d’APIPP, la nature, la nécessité, la durée des soins et/ou des traitements administrés ainsi que l’évaluation des limitations fonctionnelles, s’il y a lieu.

[15]           Le 8 février 2000, le docteur Brouillard complète un rapport final et consolide, à cette date, « l’entorse lombaire avec séquelles » du travailleur et prévoit un déficit anatomo-physiologique (DAP) et des limitations fonctionnelles, où il coche « oui » aux trois premières cases et aux deux premières questions de son rapport final.  Cependant, il mentionne qu’il ne produira pas le rapport d’évaluation en conformité avec le barème des dommages corporels puisqu’il coche « non » à cette case.  Il a référé le travailleur à un autre médecin en cochant « oui » à celle-ci.  Le nom du médecin n’est pas mentionné mais il indique la « Clinique de Laval ».

[16]           Cette référence fait suite au rapport médical du 21 janvier 2000 du docteur Brouillard, car le délai pour consulter un orthopédiste dans la ville d’Amos était trop long.  Sur la foi d’un conseil d’un avocat que le travailleur a consulté, celui-ci l’a référé à une clinique de Laval, afin de produire rapidement son rapport d’évaluation médicale, alors que le travailleur croyait qu’il s’agissait d’une consultation pour un rapport d’expertise, selon ses explications.

[17]           Madame Gourde a reçu un appel du travailleur le 8 février 2000.  Il lui dit que le rapport final du docteur Brouillard est complété et qu’il prévoit une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.  Il le réfère à la clinique de Laval.  À ce moment, le travailleur mentionne à madame Gourde qu’il verra un médecin de la Clinique Médigestal de Laval et l’avise qu’il a cessé sa physiothérapie.  Le travailleur lui demande aussi pourquoi la CSST le fait expertiser à Montréal.  Madame Gourde lui répond que c’est pour devancer les délais afin d’obtenir une consultation en orthopédie et que, lors de la réception de celle-ci, elle demandera l’opinion ou l’avis de son médecin.  C’est alors que le travailleur mentionne à madame Gourde qu’il téléphonera à Montréal pour obtenir un rendez-vous pour son évaluation et qu’il essaiera de l’obtenir en même temps que celle de la CSST.  En aucun temps, madame Gourde mentionne avoir suggéré un nom de médecin ni une clinique médicale à ce dernier.

[18]           Le 9 février 2000, le travailleur téléphone à madame Gourde et lui mentionne que son rendez-vous est fixé, le 29 février, à 9 h 00, auprès du docteur Gilbert Thiffault, orthopédiste de la Clinique Médigestal, située au 1800, boul. Le Corbusier, suite 101, à Laval.  Il lui donne le code postal et le numéro de téléphone qui concorde avec les informations indiquées sur ce rapport d’évaluation médicale. Le 11 février 2000, madame Gourde envoit une photocopie du dossier médical du travailleur au docteur Gilbert Thiffault, à l’adresse indiquée.

[19]           Le 29 février 2000, le travailleur s’est rendu à Laval pour obtenir un rapport d’évaluation médicale, tel qu’en fait foi le rapport complété par le docteur Thiffault, le 6 mars 2000. Ce rapport est fait pour la CSST du Québec, à la demande de monsieur Martin Morneau et concerne l’événement du 17 novembre 1999.  Le docteur Thiffault a questionné et examiné le travailleur et pris connaissance de son dossier et de ses antécédents.  Il retient le diagnostic d’entorse lombaire, suite à sa chute du 17 novembre 1999 et consolide celle-ci le 8 février 2000, comme l’a fait précédemment le docteur Brouillard.  Il conclut qu’il n’y a plus nécessité de traitements, notamment en physiothérapie.  Des suites de son examen physique, des signes subjectifs et de la symptomatologie imprécise alléguée par le travailleur, pour laquelle il n’y a pas de correspondance objective au niveau lombaire et de ses membres inférieurs.  Le docteur Thiffault conclut qu’il n’y a pas d’atteinte permanente chez le travailleur.  Pour les mêmes raisons, il conclut qu’il n’y a pas de limitations fonctionnelles chez lui.  Il expédie son rapport à madame Gourde de la CSST.  Elle le reçoit le 13 mars 2000.

[20]           Madame Gourde reçoit aussi le rapport du  médecin désigné de la CSST, soit le docteur Paul-Émile Renaud qui a examiné le travailleur le 29 février 2000, à 13 h 00, à son cabinet de Montréal.  Après l’avoir questionné, examiné et pris connaissance de ses antécédents et des examens radiologiques, il conclut que sa contusion lombaire est guérie depuis le 29 février 2000, soit la date de son examen et qu’il ne présente aucune atteinte permanente basée sur la présence de critères objectifs.  Il ne recommande aucun traitement depuis le 8 février 2000 et ajoute qu’il n’y a pas de limitations fonctionnelles qui peuvent être basées sur la présence de critères objectifs.  Ce rapport fut reçu par le médecin régional de la CSST le 9 mars 2000.  Madame Gourde en a pris connaissance le 14 mars 2000.  Le travailleur a reçu le rapport d’évaluation médicale (REM) du docteur Gilbert Thiffault, vers le 14 mars 2000, suite à l’expédition de celui-ci par madame Gourde qui lui a aussi acheminé celui du docteur Renaud.  Ces deux rapports furent aussi transmis au docteur Brouillard.

[21]           Le 14 mars 2000, madame Gourde constate, suite à la réception du rapport du docteur Thiffault qui est le médecin choisi par le travailleur, que ce dernier ne présente aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles résultant de son entorse lombaire, consolidée le 8 février 2000, sans traitement additionnel depuis cette date.  Elle lui téléphone et l’avise que ses indemnités de remplacement du revenu cesseront à cette date, puisqu’il est redevenu capable d’exercer son emploi, dès le 15 mars 2000.  Une lettre décisionnelle est émise à cet effet, soit celle du 15 mars 2000. Le travailleur lui mentionne qu’il n’est pas d’accord et qu’il a encore de la douleur.  Il ajoute qu’il n’est pas d’accord avec son docteur; qu’il s’est fait avoir et qu’il contestera.  Madame Gourde lui dit qu’elle est liée par son médecin qui mentionne qu’il ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle.  Le travailleur lui indique que lors de sa lésion professionnelle, il restait deux semaines à son contrat de travail avec son employeur.

[22]           Le travailleur a eu d’autres discussions avec madame Gourde.  Le 21 mars 2000, il lui dit qu’il n’est pas d’accord avec son dossier et que le docteur Brouillard n’avait pas demandé une expertise mais une consultation.  Elle lui mentionne que le docteur Brouillard a fait un rapport final en prévoyant un déficit anatomo-physiologique (DAP) et des limitations fonctionnelles mais qu’il devait se trouver un médecin pour se faire évaluer, soit obtenir un rapport d’évaluation médicale (REM).  À ce moment, le travailleur lui dit qu’il contestera le choix de son médecin, ce qui est réitéré à l’audience, lorsqu’il fut appelé à préciser l’objet de ses contestations.

[23]           À ce sujet, le travailleur relate plusieurs distinctions dans les rapports complétés par les docteurs Thiffault et Renaud, notamment en ce qui a trait au diagnostic retenu et à leur examen objectif, notamment au niveau des réflexes qui étaient absents ou diminués lorsqu’il a rencontré le docteur Thiffault et, présents, lorsqu’il a rencontré le docteur Renaud.  Il se questionne sur la fiabilité de ces deux rapports.  Cependant, lorsqu’il fut questionné par la représentante de la CSST et interrogé par le tribunal, le travailleur a admis et reconnu que le docteur Thiffault fut choisi par lui et non par son agente et que les coordonnées furent transmises par lui auprès de madame Gourde.  Par ailleurs, il souligne qu’il ressentait une pression de son agente pour trouver un orthopédiste et que c’est sur la foi d’un conseil d’un avocat qu’il a choisi le docteur Thiffault de Laval.  Il voulait économiser du temps en se présentant à la même date pour se faire expertiser car le délai d’attente était trop long dans la région d’Amos pour obtenir un avis médical.

[24]           Le travailleur termine en mentionnant qu’il a su, après avoir reçu son expertise du docteur Thiffault par la CSST et après s’être informé auprès de la secrétaire de cette clinique médicale, que celle-ci faisait des expertises médicales, notamment pour la CSST et les employeurs, comme en fait foi les documents qu’il a obtenus de cette secrétaire qui sont déposés aux pages 99 à 105 du dossier de la Commission des lésions professionnelles. Il soumet que s’il avait su cette information, il n’aurait pas choisi le docteur Thiffault mais plutôt les docteurs Tino Tran ou Gilles Tremblay qui font de bonnes expertises médicales.

[25]           Il ajoute qu’il n’a aucune preuve à offrir concernant sa capacité d’exercer son emploi habituel depuis le 15 mars 2000.

[26]           Le travailleur a revu le docteur Brouillard le 16 mars 2000 qui réitère le diagnostic « d’entorse lombaire avec séquelles » et mentionne qu’il a reçu le rapport du docteur Thiffault.  Il se questionne à savoir s’il prescrira de nouveaux traitements de physiothérapie.

[27]           Le 6 avril 2000, vers 10 h 45, alors qu’il est chez lui, le travailleur échappe derrière son divan un papier important.  Il se penche, pousse son divan de salon sur le plancher de bois franc et, en se penchant pour ramasser le papier au sol, il reste barré.  Il mentionne dans sa réclamation du travailleur, logée le 10 avril 2000 à la CSST, qu’il est demeuré dans cette position quelques secondes et qu’il a eu de la difficulté à se redresser.  Il a ressenti une violente douleur dans le bas du dos.  À l’audience, il mentionne qu’il n’a pas fait d’effort physique pour pousser son divan et qu’il n’a pas plié ses genoux, lorsqu’il a ramassé ce papier.

[28]           Le 7 avril 2000, il a consulté le docteur Brouillard qui mentionne dans ses notes médicales que c’est en se penchant pour ramasser un papier par terre et en poussant son divan, qu’il a ressenti une douleur lombaire qui est revenue.  À ce moment, le travailleur ressent une douleur à la palpation de L3 à L5, le Lasègue est positif à 45° bilatéralement et il ne pouvait marcher sur la pointe des pieds.  Il diagnostique une « récidive d’entorse lombaire avec séquelles » et lui prescrit de la physiothérapie qu’il débute le 12 avril 2000, à raison de 3 traitements par semaine qui se terminent le 28 avril 2000.

[29]           Le travailleur mentionne que cette récidive d’entorse lombaire est due aux séquelles de sa précédente entorse lombaire, pour laquelle il aurait dû se voir accorder un DAP de 2 % et des limitations fonctionnelles.  Il n’a pas d’autres preuves à offrir concernant l’ensemble de ses deux dossiers.

[30]           Monsieur Robert B. Bourré, directeur général chez l’employeur, a écrit une lettre de référence pour le travailleur le 1er novembre 1999.  Il fut supérieur immédiat de ce dernier et durant son emploi, de novembre 1998 à novembre 1999, à titre de superviseur en menuiserie, il dit que le travailleur a su démontrer franchise, loyauté et honnêteté, tout en faisant preuve d’appartenance à son organisme sans but lucratif.  Il a su utiliser des matériaux recyclables à sa portée, en vue d’éviter des achats onéreux et il a géré du personnel qui faisait des travaux compensatoires.

 

[31]           Quant à l’argumentation des parties, le travailleur n’a rien d’autre à ajouter.  Par ailleurs, la CSST soumet une décision rendue le 29 février 1996 par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel), dans la cause « Léonard Gagné et Pyrotex ltée ».  La commissaire, Me Mireille Zigby définit la notion de médecin qui a charge d’un travailleur.  Elle soumet que cette décision s’applique au cas sous espèce et que le docteur Thiffault fut le médecin qui a charge du travailleur, aux fins de compléter son rapport d’évaluation médicale, à la demande de ce dernier et du docteur Brouillard qui l’a référé à cette clinique de Laval.

[32]           Selon cette dernière, les décisions rendues par la CSST qui sont subsidiaires à cette question préliminaire, doivent être confirmées.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[33]           Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la question préliminaire soulevée par le travailleur à l’audience, puisque le docteur Thiffault est son médecin qui a charge, aux fins de compléter son rapport d’évaluation médicale, selon l’article 203 de la loi.  Ils soumettent que la preuve prépondérante, et même admise par le travailleur, confirme que ce docteur fut le médecin de son choix.

[34]           Ils sont d’avis de confirmer les décisions rendues par la CSST, puisque le travailleur est lié par les conclusions émises par le docteur Thiffault dans son rapport du 6 mars 2000 et qu’en l’absence de limitations fonctionnelles et d’un pourcentage de déficit anatomo-physiologique (DAP), le travailleur est redevenu capable d’exercer l’emploi qu’il occupait habituellement, soit celui de superviseur en menuiserie et ce, depuis le 15 mars 2000.

[35]           Ils sont aussi d’avis que la preuve prépondérante démontre que le travailleur n’a pas récidivé d’une entorse lombaire sans séquelles, le 6 avril 2000, puisqu’il s’agit d’un nouveau fait accidentel résultant d’une condition personnelle et qu’il n’a pas droit aux indemnités ni aux prestations prévues à la loi pour celle-ci.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[36]           Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles doit disposer de la question préliminaire soulevée par le travailleur à l’audience, à savoir si le docteur Gilbert Thiffault, orthopédiste, est son médecin qui a charge, aux fins de compléter son rapport d’évaluation médicale, daté du 6 mars 2000, faisant suite à son examen du 29 février 2000.

[37]           Dans un deuxième temps, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur était capable d’exercer son emploi habituel de superviseur en menuiserie à compter du 15 mars 2000 et s’il a droit aux indemnités de remplacement du revenu depuis cette date.

[38]           Finalement, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation (RRA) le 6 avril 2000, de sa lésion professionnelle initiale du 17 novembre 1999.

[39]           En ce qui a trait à la question préliminaire soulevée par le travailleur à l’audience, la Commission des lésions professionnelles rejette celle-ci pour les raisons suivantes.

[40]           D’abord, il appert de la preuve prépondérante au dossier que le docteur M. Brouillard fut le médecin qui a charge du travailleur jusqu’au 8 février 2000, date où il complète son rapport final, en mentionnant que le travailleur présente une « entorse lombaire avec séquelles », consolidée le 8 février 2000 et qu’il prévoit une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles mais en référant le travailleur auprès d’un autre médecin pour procéder au rapport d’évaluation médicale, en conformité avec le barème des dommages corporels, le tout tel qu’il appert de son rapport final, complété selon l’article 203 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la LATMP) qui se lit comme suit :

203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui - ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :

 

  le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement;

  la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

  l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

________

1985, c. 6, a. 203.

 

 

[41]           Or, selon la jurisprudence majoritaire retenue par les commissaires de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et de la Commission des lésions professionnelles, notamment dans la cause « Léonard Gagné et Pyrotex ltée », déposée par la représentante de la CSST à l’audience, il appert de cette décision que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles doivent être précisées pour satisfaire aux exigences de l’article 203 de la loi et lier la CSST sur ces questions.  Le simple fait de cocher « oui » sur certaines de ces cases par le médecin qui a charge du travailleur n’est pas suffisant pour conclure que la CSST est liée par les conclusions retenues par ce médecin, s’il ne précise pas le pourcentage et n’énumère pas les limitations fonctionnelles.

[42]           En effet, il se dégage de la jurisprudence majoritaire qu’un rapport final, pour rencontrer les exigences de l’article 203 de la loi, doit être complété d’un rapport d’évaluation médicale (REM), indiquant le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (APIPP), selon le Règlement sur le barème des dommages corporels mais aussi décrire les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle, puisque sans ces constatations motivées, il est difficile de conclure sur ces deux sujets.

[43]           Or, lorsqu’il y a une contradiction entre le rapport final complété par le médecin traitant et le rapport d’évaluation médicale plus élaboré qui accompagne ou complète ce rapport final, il fut décidé dans l’affaire « Larivière et Hôpital du Haut-Richelieu »[1] que la préséance doit être donnée aux conclusions élaborées par le médecin traitant ou qui a charge dans le rapport d’évaluation médicale, puisque ce rapport complémentaire est celui qui est conforme à l’article 203 de la loi.

[44]           Il fut d’ailleurs décidé par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel)[2], que le médecin à qui le travailleur est référé par son médecin traitant ou qui a charge (le docteur Brouillard) pour procéder à l’évaluation des séquelles permanentes, doit être considéré comme le médecin qui a charge du travailleur, aux fins de ce mandat.

[45]           En l’instance, la preuve révèle que le docteur Brouillard, médecin traitant et qui a charge du travailleur jusqu’au 8 février 2000 a référé ce dernier au docteur Gilbert Thiffault, ou encore à sa clinique médicale de Laval, afin qu’il complète le rapport d’évaluation médicale et se prononce sur l’existence et/ou le pourcentage de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle du 17 novembre 1999.

[46]           Par conséquent, le docteur Gilbert Thiffault, dans son REM du 6 mars 2000, doit être considéré comme le médecin qui a charge du travailleur, aux fins de statuer sur ces deux conclusions, dont ne s’est pas acquitté le docteur Brouillard dans son rapport final ni dans un rapport d’évaluation médicale subséquent à celui-ci.

 

En l’occurrence, le travailleur et la CSST sont liés par les conclusions émises par le docteur Thiffault dans son rapport d’évaluation médicale du 6 mars 2000 et ce, en vertu de l’article 224 , paragraphe 1 de la LATMP qui se lit comme suit :

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[47]           Cela fait en sorte que le travailleur ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle du 17 novembre 1999.

[48]           En disposant de cette question préliminaire, la Commission des lésions professionnelles doit, à la lumière du rapport d’évaluation médicale du docteur Thiffault, décider si le travailleur était capable ou non d’exercer son emploi habituel de superviseur en menuiserie et ce, depuis le 15 mars 2000, le tout en conformité avec l’article 44 de la loi.

[49]           Puisque la présomption d’incapacité prévue à l’article 46 de la loi ne s’applique plus, car la lésion professionnelle du travailleur est consolidée depuis le 8 février 2000, il revient à ce dernier de démontrer par une preuve prépondérante, tant factuelle que médicale, son incapacité d’exercer son emploi habituel.

[50]           Avec toute déférence pour l’opinion contraire, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur ne s’est pas acquitté de ce fardeau, puisqu’en raison de son entorse lombaire, consolidée depuis le 8 février 2000, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, il n’a donc pas droit à la réadaptation ni à l’indemnité de remplacement du revenu et ce, conformément à l’article 57, paragraphe 1 de la loi qui se lit comme suit :

57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants :

 

  lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48;

(...)

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1985, c. 6, a. 57.

 

 

[51]           En conséquence, la CSST était justifiée de mettre fin à son droit à l’indemnité de remplacement du revenu et aux prestations prévues à la loi depuis le 15 mars 2000, date où elle s’est prononcée sur sa capacité à exercer son emploi, en tenant compte des conclusions émises par le docteur Thiffault, quant à l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle du 17 novembre 1999.

[52]           Finalement, la Commission des lésions professionnelles ne peut acquiescer à la contestation du travailleur concernant sa réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation qui serait survenue le 6 avril 2000, à son domicile.  En effet, puisque le travailleur ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle du 17 novembre 1999, des suites de son entorse lombaire, consolidée depuis le 8 février 2000, la Commission des lésions professionnelles ne peut donc expliquer la nouvelle entorse lombaire survenue le 6 avril 2000, à son domicile, comme étant en relation avec sa lésion professionnelle initiale du 17 novembre 1999, puisqu’elle ne résulte pas d’une séquelle de celle-ci mais plutôt d’une condition personnelle.

[53]           D’autre part, une entorse lombaire ne récidive pas selon la littérature médicale, ce qui fut d’ailleurs repris dans la cause « Boisvert et Halco »[3] car celle-ci survient suite à un nouvel événement ou fait accidentel, ce qui est le cas, selon les explications données par le travailleur à l’audience et les notes cliniques du docteur Brouillard du 7 avril 2000.

[54]           Il s’agit donc d’une nouvelle entorse lombaire survenue chez lui qui n’a aucune relation avec sa lésion professionnelle du 17 novembre 1999.  Le travailleur n’a donc pas droit aux indemnités ni aux prestations prévues à la loi pour celle-ci.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE le moyen préliminaire soulevé par monsieur Martin Morneau (le travailleur) à l’audience;

REJETTE la requête logée par le travailleur le 5 juin 2000;

DÉCLARE que le médecin qui a charge du travailleur, aux fins de rendre la présente décision sur sa capacité d’exercer son emploi, est le docteur Gilbert Thiffault qui s’est prononcé dans son rapport d’évaluation médicale du 6 mars 2000, en prévoyant que le travailleur ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle du 17 novembre 1999;

CONFIRME la décision rendue le 30 mai 2000 par la révision administrative, à l’effet que le travailleur est redevenu capable d’exercer son emploi habituel depuis le 15 mars 2000 et qu’il n’a plus droit aux indemnités ni aux prestations prévues à la loi depuis cette date;

CONFIRME la décision rendue par la révision administrative le 30 mai 2000, qui refuse sa réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation survenue le 6 avril 2000, puisqu’elle résulte d’une condition personnelle; et

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit aux indemnités de remplacement du revenu ni aux prestations prévues à la loi pour cette lésion.

 

 

 

 

Me Robin Savard

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Ellen Baulne)

33, rue Gamble Ouest

Rouyn-Noranda (Québec)

J9X 2R3

 

Représentant de la partie intervenante

 

 

 



[1]           C.A.L.P., No. 38310-62-9203, 9 mars 1994, commissaire M. Lamarre

[2]           Ministère de la Justice et Lapointe (1991) C.A.L.P., 453, révision rejetée, 14-1-1992, S. Lemire

[3]           C.A.L.P., 19, 1995

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