Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Labonté

2013 QCCLP 3142

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

6 juin 2013

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

505319-62B-1303

 

Dossier CSST :

113788046

 

Commissaire :

Christian Genest, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Josée Labonté

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           La Commission des lésions professionnelles a rendu le 24 mai 2013, une décision dans le présent dossier;

[2]           Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;

[3]           Au paragraphe [59], nous lisons :

Au surplus, la limite annuelle de 1 500 $ fait en sorte de limiter les sommes qu’un travailleur pourrait exiger abusivement.

[4]           Alors que nous aurions dû lire è ce paragraphe :

Au surplus, la limite annuelle, bien qu’actualisée et mise à jour, fait néanmoins en sorte de limiter les sommes qu’un travailleur pourrait exiger abusivement.

 

 

_________________________________

 

Christian Genest

 

 

 

M. Michel Julien

G.M.S. Consultants

Représentant de la partie requérante

 


Labonté

2013 QCCLP 3142

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

24 mai 2013

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

505319-62B-1303

 

Dossier CSST :

113788046

 

Commissaire :

Christian Genest, juge administratif

 

Membres :

Normand Bédard, associations d’employeurs

 

Noëlla Poulin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Josée Labonté

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]   Le 12 mars 2013, madame Josée Labonté (la travailleuse) conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 22 février 2013, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme les décisions qu’elle a initialement rendues les 20 et 21 décembre 2012 et déclare que la travailleuse a droit au remboursement du montant de 617,76 $ pour l’exécution des travaux effectués par le fournisseur Qualinet, sur présentation de la facture originale. Elle déclare également que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile relativement à la tonte de son gazon.

[3]           L’audience s’est tenue à Saint-Hyacinthe, le 15 mai 2013, en présence de la travailleuse dûment représentée.

[4]           Le dossier a donc été mis en délibéré dès la conclusion de l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           La travailleuse demande de déclarer qu’elle a droit au remboursement des frais engagés pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile, sans être soumise aux formalités que lui impose la CSST.

[6]           Elle demande également de déclarer qu’elle a droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile, relativement à la tonte de la pelouse de son domicile.

LES FAITS

[7]           Le 3 octobre 1997, la travailleuse est victime d’un accident du travail qui lui cause une tendinite de la coiffe des rotateurs bilatérale aux épaules. Cette lésion, consolidée en date du 4 janvier 2000, entraine un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 2,20 %, ainsi que la limitation fonctionnelle suivante :

Éviter d’effectuer un travail qui exige des élévations prolongées ou fréquentes des épaules en flexion antérieure ou abduction de 60 degrés et plus.

[8]           Le 17 décembre 2000, elle subit une récidive, rechute ou aggravation de cette lésion d’origine, suite à l’opération à l’épaule gauche. Cette dernière « lésion » est consolidée le 23 juillet 2001 entrainant un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 10,5 %, ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes :

Éviter les travaux qui impliquent une élévation des membres supérieurs au-delà du plan horizontal, tant en élévation antérieure que latérale.

[9]           Suite à la mise en place d’une mesure de réadaptation, la CSST détermine en date du 25 octobre 2000 que la travailleuse est capable d’exercer l’emploi convenable de réceptionniste-téléphoniste depuis le 20 septembre 2000. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de révision.

[10]        Le 8 avril 2002, la travailleuse subit une nouvelle récidive, rechute ou aggravation de cette même lésion, dont le diagnostic est une tendinite avec capsulite à l’épaule gauche. Cette dernière lésion est consolidée avec une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 22,50 % et les limitations fonctionnelles suivantes :

Ne pas être mise à une tâche où elle a à faire de la manutention de plus de deux kilos avec les membres supérieurs;

Éviter tous les mouvements répétitifs au niveau des membres supérieurs particulièrement au niveau des épaules;

On ne devrait jamais lui demander de faire des élévations des épaules au-delà de 60 degrés;

Ne devrait pas non plus faire de longues périodes de dactylographie avec son membre supérieur droit;

Ne devrait pas lui demander de faire des activités qui nécessitent beaucoup de mouvements répétés au niveau des doigts de la main droite;

Peut  faire de brèves entrées en dactylographie, mais ne devrait pas faire ceci de façon continuelle durant plus de 10 minutes à la fois;

Ne pas faire de la dactylographie de façon continuelle;

Ne pas faire de manutention qui ne respecte pas les limitations fonctionnelles telles que décrites et évaluées par l’ergothérapeute qui a effectué une évaluation des capacités fonctionnelles mentionnées plus haut.

[11]        Le 21 juin 2011, la CSST accepte de payer le remboursement de travaux d’entretien relié à la tonte de gazon. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de révision.

[12]        Le 15 novembre 2012, la CSST admet avoir reçu une demande de remboursement pour les travaux de grand ménage, mais demande d’abord qu’une deuxième soumission provenant d’un fournisseur accrédité en matière de grand ménage lui soit acheminée. À cette occasion, elle indique la firme Qualinet à titre d’exemple.

[13]        Le 20 décembre 2012, la CSST accepte de payer un montant de 617,76 $ relié aux frais d’entretien du domicile, soit un grand ménage effectué au cours de l’année 2012, après la présentation de la facture originale du fournisseur agréé Qualinet. Cette décision est confirmée le 22 février 2013 en révision administrative d’où le premier élément du présent litige.

[14]        Le 21 décembre 2012, la CSST, cette fois, refuse le remboursement de travaux d’entretien futurs relié à la tonte de la pelouse. Cette décision est également confirmée le 22 février 2013 en révision administrative d’où le deuxième élément du présent litige.

[15]        La travailleuse, mesurant 4 pieds et neuf pouces, produit à l’audience des photographies d’elle-même, prise de manière concomitante à l’audience, en train de pousser sa propre tondeuse sur son propre terrain, d’une dimension de 17 000 pieds carrés. On y constate qu’afin de manipuler sa tondeuse, qui n’est pas une tondeuse automotrice, ses deux bras se retrouvent ainsi devant elle, dans un angle de 90 degrés.

[16]        La travailleuse indique qu’elle a toujours coupé son gazon elle-même en raison d’une fois par semaine durant la saison estivale, mais qu’elle ne peut plus le faire, puisque cette opération lui cause une douleur au niveau de l’espace sous-acromial antérieur.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[17]        Sur la question spécifique des frais reliés au grand ménage, le représentant de la travailleuse soumet qu’en exigeant le recours à des fournisseurs dûment accrédités, la CSST ajoute ainsi des exigences non prévues au texte de loi. 

[18]        Concernant maintenant le remboursement des frais reliés à la tonte de la pelouse, représentant de la travailleuse soutient que celle-ci est porteuse d’une atteinte grave suite à ses lésions, et que la manipulation de sa tondeuse va nettement à l’encontre de ses limitations fonctionnelles.

L’AVIS DES MEMBRES

[19]        Le membre issu des associations d’employeurs ainsi que celui issu des associations syndicales partagent le même avis et estiment qu’il y a lieu de faire droit à la requête de la travailleuse.

[20]        Ils estiment que la travailleuse souffre d’une atteinte permanente grave, et que la preuve non contredite administrée à l’audience permet de conclure que la coupe de son gazon, ainsi que les travaux reliés au grand ménage, contrevient à ses limitations fonctionnelles, et qu’elle doit en conséquence être remboursée des coûts reliés à l’exercice de ces travaux.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[21]        Le tribunal doit décider si la travailleuse a droit au remboursement des frais engagés pour la coupe de son gazon.

[22]        La Commission des lésions professionnelles doit également décider si la CSST a raison d’exiger deux soumissions détaillées de contractants différents avant l’exécution des travaux déjà autorisés, incluant les numéros d’enregistrement pour fins fiscales (TPS-TVQ) de ces mêmes contractants.

[23]        Pour ce faire, il a entendu la travailleuse et pris connaissance de la preuve documentaire contenue au dossier ainsi que des documents déposés à l’audience, pour ensuite recueillir l’avis des membres.

[24]        La demande de la travailleuse s’inscrit dans le cadre de la réadaptation sociale prévue à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

 

1° des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2° la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4° le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

[25]        En vertu de ces articles, la travailleuse peut avoir droit au remboursement des travaux d’entretien courant de son domicile. Les conditions pour obtenir le remboursement de ceux-ci sont spécifiquement prévues à l’article 165 de la loi :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[26]        Ainsi, la travailleuse, pour pouvoir bénéficier de cette disposition, doit avoir subi une atteinte permanente grave et elle doit être incapable, en raison de celle-ci, d’effectuer les travaux dont elle réclame le remboursement. Finalement, ces travaux doivent être des travaux qu’elle aurait effectués elle-même sans cette lésion[2].

[27]        Précisons dès maintenant que la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a reconnu à maintes reprises que la tonte de la pelouse constitue un travail d’entretien courant[3] au sens de l’article 165, tout comme le grand ménage d’ailleurs[4], d’où l’absence d’un quelconque débat à l’audience sur ce sujet.

[28]        En effet, bien que la loi ne précise pas le sens qui doit être donné à l'expression «entretien courant», il faut comprendre qu'il s'agit des travaux d'entretien habituels, ordinaires du domicile, par opposition à des travaux d'entretien inhabituels ou extraordinaires[5].

[29]        En l’espèce, le tribunal constate que la travailleuse a effectivement subi une atteinte permanente grave. En effet, celle-ci a subi une blessure importante, accompagnée de plusieurs rechutes, ayant entrainé un pourcentage élevé d’atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique accompagnée de limitations fonctionnelles importantes.

[30]        La Commission des lésions professionnelles considère que cette notion d’atteinte permanente grave s’analyse en regard de la capacité résiduelle de la travailleuse d’exercer les activités visées par l’article 165 de la loi[6]. Cette capacité résiduelle est conséquente des limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle reconnue. Dans ce contexte, le pourcentage d’atteinte permanente retenu n’est pas un critère unique et déterminant dans l’évaluation de la gravité de l’atteinte permanente au sens de l’article 165 de la loi[7].

[31]        D’autre part, en raison des limitations fonctionnelles préalablement identifiées par le tribunal, la travailleuse est manifestement incapable d’effectuer les travaux dont elle demande le remboursement. En effet, la tonte du gazon, impliquant les différents mouvements reproduits par la travailleuse à l’audience, ne respecte aucunement ces limitations.

[32]        La preuve révèle que la travailleuse ne dispose pas d’un tracteur sur lequel elle peut prendre place, et ne dispose pas davantage d’une tondeuse automotrice. Celle-ci  doit donc marcher derrière sa tondeuse en effectuant différents mouvements allant à l’encontre de ses limitations fonctionnelles.

[33]        Le tribunal est donc d’avis qu’en raison de ses limitations fonctionnelles, la travailleuse ne peut, sans danger pour sa sécurité ou son intégrité physique, effectuer la tonte du gazon sur sa propriété.

[34]        Finalement, il a été démontré que, sans cette lésion, la travailleuse aurait effectué elle-même ce travail. En effet, elle l’a toujours fait dans le passé, toujours selon la preuve dont dispose le tribunal.

[35]        En conséquence, le tribunal est donc d’avis que la travailleuse a droit au remboursement des coûts, déjà engagés, relatifs à la tonte de son gazon.

[36]        En revanche, le tribunal précise qu’il ne peut autoriser le remboursement des coûts futurs éventuellement défrayés par la travailleuse, même si la décision de la CSST du 21 décembre 2012, initialement contestée fait état de tonte de pelouse «pour les années futures».

[37]        Effectivement, le tribunal estime, en accord avec une jurisprudence constante[8] sur la question, qu’il ne peut rendre un jugement déclaratoire sur les remboursements auxquels la travailleuse pourrait avoir droit dans les années futures.

[38]        La Commission des lésions professionnelles ne possède aucune compétence pour rendre un tel jugement.

[39]        Comme ces frais n’ont pas fait l’objet d’une réclamation préalable à la CSST, le tribunal ne peut, logiquement, en disposer à l’avance.

[40]        En d’autres termes, le tribunal statut ici sur les frais déjà entamés, mais ne peut statuer à l’avance, sur les frais futurs.

[41]        Reste maintenant à statuer sur toute la question du remboursement des frais relié au « grand ménage» de l’année 2012 qui, rappelons-le, fait également partie du présent litige.

[42]        Retenons également que ce ne sont que les modalités assortissant le remboursement réclamé qui font ici l’objet de ce même litige.

[43]        Afin d’éviter toutes confusions, le tribunal abordera un à un les divers éléments qui sont ressortis dans le traitement administratif du présent dossier.

[44]        D’abord, en ce qui a trait à la nécessité de produire diverses soumissions, c’est à juste titre que le représentant de la travailleuse souligne que cette exigence n’est aucunement prévue à la loi, mais découle plutôt d’une politique interne de la CSST[9].

[45]        Bien que la CSST ait choisi de se doter de politiques internes, et qu’elle se sente ainsi liée par ces mêmes politiques, celles-ci n’ont aucunement comme conséquence de lier la Commission des lésions professionnelles[10].

[46]        À ce titre, le tribunal retient particulièrement le passage suivant de l’affaire Letendre et Relizon Canada inc.[11], par lequel le juge administratif Diane Lajoie exprime ce qui suit :

[40]      Le tribunal ne nie pas le pouvoir de la CSST d’adopter des politiques d’application de la loi. Toutefois, il ne peut être lié par une politique lorsque celle-ci impose des critères d’admissibilité à une mesure de réadaptation qui ne sont pas prévus par la loi ni par un règlement adopté en vertu de la loi et qui vont au-delà de ce qu’exige la loi2.

_______________________

2           Rioux et Abitibi-Consolidated inc., C.L.P., 179171-04-0202, 10 juin 2002, J.-F. Clément

 

 

[47]        Ainsi, de la même manière, la Commission des lésions professionnelles n’est pas davantage liée par cette exigence, découlant également d’une politique interne, de fournir différentes soumissions accompagnées de numéros d’enregistrement de T.P.S. ou de T.V.Q., puisque pareilles exigences ne figurent pas à la loi.

[48]        Le soussigné constate que lorsque le législateur requiert la production de soumissions, il le mentionne clairement, tel que le démontrent les articles 154 et 156 de la loi, ce qu’il ne fait pas à l’article 165 :

154.  Lorsque le domicile d'un travailleur visé dans l'article 153 ne peut être adapté à sa capacité résiduelle, ce travailleur peut être remboursé des frais qu'il engage, jusqu'à concurrence de 3 000 $, pour déménager dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle ou qui peut l'être.

 

À cette fin, le travailleur doit fournir à la Commission au moins deux estimations détaillées dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige.

__________

1985, c. 6, a. 154.

 

 

156.  La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci lui fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.

__________

1985, c. 6, a. 156.

 

 

[49]        Dans Lemieux et Projet de préparation à l’emploi[12], le juge administratif Lucie Nadeau conclut que l’exigence de soumissions ajoute au texte de loi et constitue plus qu’une modalité puisqu’elle limite le droit de soumettre une demande. Les exigences relatives aux soumissions ne sont pas prévues à la loi.

[50]        Dans Grenier et Manac inc.[13], la Commission des lésions professionnelles retient que la jurisprudence majoritaire établit que les dispositions prévues à l’article 165 de la loi n’obligent nullement le travailleur à fournir deux soumissions comme le requiert la politique de la CSST.

[51]        Plusieurs autres décisions rendues subséquemment ont d’ailleurs confirmé cette interprétation[14].

[52]        Ensuite, la loi n’exige pas non plus que les travaux d’entretien courant du domicile soient exécutés par des entrepreneurs[15]. Lorsque telle exigence a été jugée appropriée par le législateur, il l’a mentionnée explicitement, comme à l’article 156 de la loi par exemple ; ce n’est pas le cas à l’article 165.  On conçoit d’ailleurs aisément que des travaux d’entretien courant ne soient pas soumis aux mêmes formalités que des travaux d’adaptation.

[53]        Finalement, puisqu’il en a également été question en cours d’audience, la loi ne prohibe nullement l’exécution des travaux en cause par un membre de la famille du travailleur prestataire[16].

[54]        En fait, tous les concepts jurisprudentiels précités découlent d’une première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans le dossier Bastien et CHSLD Plateau Mont-Royal[17] énonçant que les conditions d’ouverture en matière de remboursement pour des travaux d’entretien courant du domicile sont prévues, de façon exhaustive, par le biais de l’article 165 de la loi, et découle notamment du fait que les travaux prévus à cet article sont de moindre envergure que ceux visés aux articles 154 et 156, et que la limite annuelle de 1 500 $ fasse en sorte que les montants en cause sont moins importants.

[55]        En ce sens, les présentes conditions au remboursement de ces frais mêmes frais d’entretien, imposées en l’espèce par la CSST, excèdent les exigences de la loi et y constituent un ajout à ce même texte de loi.

[56]        Le soussigné est parfaitement conscient des risques de dérapages découlant d’une pareille interprétation, mais cela ne l’habilite pas à créer une exigence non prévue par le texte de loi.

[57]        De même, certaines des situations précitées peuvent effectivement engendrer un certain malaise, mais cela n’autorise pas pour autant le tribunal à créer de toutes pièces une « poignée juridique » sur laquelle il pourrait s’appuyer afin de les proscrire.

[58]        En revanche, il est clair que la CSST n’est pas obligée de payer sans mot dire toutes les factures qui lui sont produites. Elle a en effet l’obligation en vertu de l’article 181 de la loi de retenir la solution appropriée la plus économique en matière de réadaptation. Elle peut donc questionner la véracité ou l’adéquation des factures qu’elle reçoit afin de contrer l’exagération éventuelle des factures soumises par la travailleuse.

[59]        Au surplus, la limite annuelle de 1 500 $ fait en sorte de limiter les sommes qu’un travailleur pourrait exiger abusivement.

[60]        Par ailleurs, il découle également implicitement des termes de l’article 165 que la présentation de certaines pièces justificatives est requise pour l’obtention d’un remboursement. En effet, qui dit « remboursement » dit forcément déboursé préalable, dont la preuve doit être offerte[18].

[61]        Ainsi, pour l’ensemble de ces motifs, le tribunal est d’avis que la travailleuse a droit au remboursement du coût relatif à son « grand ménage» pour l’année 2012.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de madame Josée Labonté, la travailleuse;

INFIRME en partie la décision rendue le 22 février 2013 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile qu’elle a déjà engagés relativement à la tonte de son gazon;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais d’entretien futurs de son domicile relativement à la tonte de son gazon, puisqu’elle ne les a pas encore engagés.

DÉCLARE que pour l’année 2012, la travailleuse a droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile relativement à son « grand ménage».

DÉCLARE que ces frais sont remboursables jusqu’à concurrence du montant annuel maximum autorisé par l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

_________________________________

 

Christian Genest

 

 

M. Michel Julien

G.M.S. Consultants

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Royal Duciaume et Entrepreneur Minier CMAC inc. (Mine), C.L.P. 423310-08-1010, 1er juin 2011; Bacon et General Motors du Canada ltée, [2004] C.L.P. 941 .

[3]           Loparis et Maisons Bellevue inc., 2011 QCCLP 4156 ; Lagassé et Construction Atlas inc., C.L.P. 58540-64-9404, 31 octobre 1995, F. Poupart; Brousseau et Protection d'incendie Viking ltée, C.L.P.18374-61-9004, 15 septembre 1992, L. Boucher, (J4-18-25); Chevrier et Westburne ltée, C.L.P. 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy, (J2-15-19); Lévesque et Mines Northgate inc., [1990] C.A.L.P. 683 ;; Paquet et Pavillon de l'Hospitalité inc., C.L.P.142213-03B-0007, 12 décembre 2000, R. Savard; Pinard et Russel Drummond, C.L.P. 45317-02-0008, 29 novembre 2000, R. Deraiche.

[4]           De Leon et Restaurant Bâton Rouge - Boucherville, C.L.P. 302774-62-0611, 29 févier 2008, R. L. Beaudoin; Rouette et Centre hospitalier Cooke, C.L.P. 141411-04-0006, 31 mai 2001, S. Sénéchal; Liburdi et Les spécialistes d'acier Grimco, C.L.P. 124728-63-9910, 9 août 2000, J.-M. Charrette; Tardif et Alimentation Chez-vous, C.L.P. 29828-03-9106, 2 août 1993, J.-M. Dubois;.

[5]           Pelletier et CSST, C.L.P. 145673-08-0008, 25 septembre 2001, S. Lemire; Lévesque et Mines Northgate inc., [1990] C.A.L.P. 683 .

[6]           Ganotec inc. et Morin [2007] C.L.P. 1579 ; Bacon et General Motors du Canada, [2004] C.L.P. 941 ; Barette et Centre hospitalier Ste-Jeanne D’Arc, [2004] C.L.P. 685 ; Cyr et Thibault et Brunelle, C.L.P. 165507-71-0107, 25 février 2002, L. Couture; Filion et P.E. Boisvert auto ltée, C.L.P. 110531-63-9902, 15 novembre 2000, M. Gauthier; Boileau et Les centres jeunesse de Montréal, C.L.P. 103621-71-9807, 1er février 1999, Anne Vaillancourt; Claveau et Ministère du Revenu du Québec et Ministère des Communications du Québec, C.A.L.P. 40195-60-9205, 30 mai 1994, M. Lamarre; Chevrier et Westburne ltée, C.A.L.P. 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy, (J2-15-19).

[7]           Voir par exemple Tremblay et Entreprises PEB ltée, C.L.P. 334032-31-0711, 15 août 2008, C. Lessard.

[8]           Ouellet et Excavation Leqel 1993 ltée, C.L.P. 144557-03B-0008, 13 février 2001, P. Brazeau; Lamontagne et C.L.S.C. Samuel de Champlain, C.L.P. 175805-62-0112, 7 janvier 2004, É. Ouellet; Plante et Schonfeld Transport enr. C.L.P. 251909-64-0412, 12 avril 2006, J.-F. Martel.

[9]           Marcotte et Fermes St-Vincent et Commission de la santé et de la santé et de la sécurité du travail, C.L.P. 334462-03B-0711, 2 juin 2008, J.-F. Clément; Hôpital général juif Mortimer B. Davis, C.L.P. 334541-71-0711, 18 juillet 2008, Y. Lemire.

[10]          Glaxo Smithkline Biologicals, C.L.P. 334462-03B-0711, 2 juin 2008, J.-F. Clément; Hôpital général juif Mortimer B. Davis, C.L.P. 334541-71-0711, 8 juillet 2008, Y. Lemire.

[11]          C.L.P. 235551-04B-0406, 21 mars 2005, D. Lajoie

[12]          C.L.P. 206523-61-0304 et al, 25 février 2005, L. Nadeau.

[13]          C.L.P. 297919-04-0608, 16 mai 2007, A. Gauthier.

[14]          Voir à titre d’exemples: Piché et Forrage Dominik 1981 inc., C.L.P. 322769-08-0707, 21 janvier 2008, F. Daigneault; Dontigny et Service de gestion Quantum ltée, C.L.P. 289915-62-0605 et al, 20 février 2008, D. Beauregard; Gadoua et Acier CMC inc., C.L.P. 287335-62-0604, 10 mars 2008, R. Baudoin; Rainville et MGR fabrication et réparation inc., C.L.P. 339535-04B-0802, 20 juin 2008; M. Watkins; Pouliot et Supermarché Lambert inc., C.L.P. 361844-62B-0810, 5 août 2009, M. D. Lampron.

[15]          Millaire et Sport Motorisé Millaire inc., C.L.P. 252156-64-0412, 14 novembre 2005, F. Poupart.

[16]          Fiorina Lio-Mascaro et Rayonese Textile inc., C.L.P. 263290-64-0505, 1er mai 2006, J.-F. Martel.

[17]          C.L.P. 226220-71-0401, 15 juillet 2004, L. Couture.

[18]          Voir : Cantin et Pointe-Nor (Gravier), C.L.P. 266316-08-0507, 13 mars 2006, J.-F. Clément ; Bacon et General Motors du Canada ltée, C.L.P. 226939-04-0402, 17 novembre 2004, J.-F. Clément ; Hamelin et Mines Richmont inc. (Division Beaufor), C.L.P. 200318-08-0302, 17 octobre 200, P. Prégent.

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