Letiecq et Lama Transport & Manutention ltée |
2011 QCCLP 5503 |
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[1] Le 13 janvier 2011, monsieur Daniel Letiecq (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 10 décembre 2010, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 21 juin 2010 et déclare que la CSST n’assumera pas le coût d’acquisition d’une plaque de cuisson et d’un four encastré.
[3] Le 18 juillet 2011, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à laquelle assiste le travailleur. Lama Transport & Manutention ltée (l’employeur), maintenant une entreprise fermée, n’y était pas représentée.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande de déclarer que la CSST doit payer pour l’acquisition d’une plaque de cuisson et d’un four encastré, de même que le coût de l’installation de ces appareils électroménagers dans le nouveau logement qu’il occupe depuis le 1er juillet 2010. Il demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision en conséquence.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales et celui issu des associations d’employeurs sont d’avis que la requête du travailleur ne peut être accueillie. En effet, la demande du travailleur ne respecte pas les critères prévus à l’article 153 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Notamment, il ne fait pas la preuve que cette adaptation est nécessaire pour lui permettre d’avoir accès aux commodités de son domicile. Il n’a pas été établi qu’il est détenteur d’un bail de trois ans et que le propriétaire acquiescerait aux transformations nécessaires à l’installation de ces appareils. Dans ces circonstances, ils sont d’avis que la requête du travailleur devrait être rejetée.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST doit payer pour l’acquisition d’une plaque de cuisson et d’un four encastré, de même que les frais d’installation de ces appareils à l’appartement occupé par le travailleur depuis le 1er juillet 2010.
[7] La loi prévoit que l’adaptation du domicile d’un travailleur peut être faite dans les circonstances décrites à l’article 153 de la loi:
153. L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si :
1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;
2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et
3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.
Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.
[8] Aux fins de rendre la présente décision, la Commission des lésions professionnelles retient les principaux éléments de preuve suivants.
[9] Le 31 août 2000, le travailleur est victime d’un accident du travail et devient paraplégique. La lésion professionnelle laisse une atteinte permanente de 279 %.
[10] À la suite de cette lésion professionnelle, le travailleur est admis à des programmes de réadaptation prévus à la loi.
[11] Il est, notamment, éligible à l’adaptation de son domicile en vertu de l’article 153 de la loi. À cette époque, la CSST évalue le coût de l’adaptation de la résidence occupée par le travailleur, pour l’adapter à la nouvelle situation, au montant de 94 000 $. Le travailleur décide plutôt de faire construire une nouvelle maison adaptée à ses besoins pour un coût total d’environ 130 000 $. La CSST assume le coût de 94 000 $ sur cette somme. Le 20 novembre 2001, le travailleur aménage dans sa nouvelle maison.
[12] Le 12 mars 2010, le travailleur informe la CSST qu’il déménage le 1er juillet 2010 et lui fait part de différentes demandes pour l’adaptation de son nouveau logement. En effet, le travailleur sera locataire et non pas propriétaire. Il déménage ainsi près de la ville de Trois-Rivières pour que son fils soit davantage à proximité du CEGEP qu’il fréquentera.
[13] Dans cette demande d’adaptation de son nouveau logement, le travailleur demande, notamment, que la CSST paie pour une plaque de cuisson et un four encastré.
[14] Il avait déjà ces appareils électroménagers dont le coût d’achat avait été remboursé par la CSST dans la maison qu’il a fait construire à la suite de sa lésion professionnelle. Il a vendu ces appareils lors de la vente de sa maison.
[15] Le 27 avril 2010, lors d’une conversation téléphonique avec une conseillère en réadaptation, le travailleur est informé qu’il devra fournir la preuve d’un bail de trois ans avant que des travaux d’adaptation du domicile puissent être envisagés. D’autre part, il faudra de plus que le propriétaire de l’immeuble accepte par écrit la réalisation des travaux projetés.
[16] Le 25 mai 2010, le travailleur est informé par une conseillère en réadaptation que la CSST ne paiera pas pour l’acquisition des appareils électroménagers, soit la plaque de cuisson et le four encastré. Toutefois, si le travailleur décide d’acheter ces types d’appareils électroménagers, la CSST paiera pour le coût de leur installation dans le logement.
[17] Le 21 juin 2010, la CSST rend une décision réitérant qu’elle ne défrayera pas le coût d’achat d’une plaque de cuisson et d’un four encastré dans le nouveau logement du travailleur. L’octroi d’appareils électroménagers n’est pas une adaptation résidentielle en tant que telle.
[18] Le 10 décembre 2010, la CSST confirme cette décision à la suite d’une révision administrative, d’où la présente contestation du travailleur.
[19] À l’audience, le travailleur fait valoir qu’il trouve injuste qu’il ait à défrayer un montant plus élevé pour des appareils électroménagers, tels une plaque de cuisson et un four encastré, comparativement au coût d’une cuisinière régulière. Il est d’avis que la CSST devrait défrayer le coût d’achat pour ces électroménagers.
[20] Rappelons que la loi précise l’objet visé par la réadaptation sociale à l’article 151 de la loi :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
[21] L’adaptation du domicile d’un travailleur, prévu à l’article 153 de la loi, fait effectivement partie de la section réadaptation sociale de la loi.
[22] La lecture des articles 151 et suivants de la loi démontre que la CSST a une certaine discrétion pour apprécier la demande d’un travailleur à ce chapitre. Cependant, certains critères sont incontournables.
[23] Ainsi, lorsque le travailleur s’adresse à la CSST pour demander l’adaptation de son domicile en vertu de l’article 153 de la loi, il doit établir qu’elle est nécessaire pour lui permettre l’accès, notamment, aux commodités de son domicile. C’est en ce sens que décidait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Frigault[2] en s’exprimant comme suit :
[50] La Commission des lésions professionnelles ne peut faire droit à ces demandes. Si l’on peut comprendre que ces appareils puissent faciliter la vie de la travailleuse, puissent lui être utiles, l’article 153 réfère à des adaptations qui soient nécessaires pour faciliter l’accès aux biens et commodités du domicile. Le critère est celui d’une nécessité, ce qui est différent d’une utilité ou d’une facilité. […]
[24] Dans la présente cause, le travailleur habite son nouveau logement depuis le 1er juillet 2010. Lors de cet aménagement, il a acheté une cuisinière conventionnelle. Ces faits établissent que la plaque de cuisson et le four encastré ne sont pas « nécessaires » à l’accès à ces commodités de cuisson au sens de l’article 153 de la loi, bien que la Commission des lésions professionnelles reconnaisse qu’ils en faciliteraient, sans doute, l’accès. Le travailleur allègue que la CSST avait déjà payé pour de tels appareils électroménagers lorsqu’il avait aménagé dans sa nouvelle maison, adaptée à ses besoins, en 2001.
[25] La Commission des lésions professionnelles constate que la CSST, à l’époque, avait évalué le coût d’adaptation du domicile que le travailleur occupait lors de sa lésion professionnelle, au montant de 94,000 $. Le travailleur avait opté pour la construction d’une maison adaptée à sa nouvelle situation. La CSST lui octroyait alors la somme maximale de 94,000 $. C’est dans ce contexte que la plaque de cuisson et le four encastré avaient été installés et leur coût d’achat inclus dans le montant maximal octroyé par la CSST.
[26] La Commission des lésions professionnelles retient que l’adaptation du domicile d’un travailleur n’inclut pas spécifiquement le remboursement par la CSST du coût d’achat d’appareils électroménagers. Par contre, comme l’a mentionné la CSST dans la décision ici contestée, l’installation des appareils électroménagers est, elle, visée par l’adaptation du domicile. Encore une fois, certains critères doivent cependant être respectés.
[27] Parmi ces critères, le travailleur doit fournir une preuve qu’il s’engage à demeurer dans le domicile à être adapté pendant une période de trois ans (article 153 de la loi). Dans la présente cause, bien que le travailleur n’ait pas fourni une preuve d’un bail d’une durée de trois ans, on peut croire qu’il a fourni cette preuve à la CSST puisque certains travaux d’adaptation ont été acceptés par elle. De plus, conformément à l’article 156 de la loi, la CSST ne peut assumer le coût des travaux d’adaptation du domicile que si les conditions y spécifiées sont respectées :
156. La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci lui fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.
[28] Dans le cas de l’adaptation d’un logement loué par le travailleur, il faut comprendre qu’une des autorisations visées à l’article 156 de la loi, doit inclure celle du propriétaire de l’immeuble. À l’évidence, la CSST ne pourrait assumer le coût des travaux d’adaptation d’un logement loué sans s’être assurée, au préalable, de l’autorisation du propriétaire de l’immeuble.
[29] Dans le présent cas, le travailleur n’a pas établi que le propriétaire de l’immeuble du logement qu’il loue depuis le 1er juillet 2010 autoriserait, au sens de l’article 156 de la loi, l’installation d’une plaque de cuisson et d’un four encastré.
[30] Ainsi, si le travailleur décidait d’acheter une plaque de cuisson et un four encastré, encore faudrait-il qu’il s’assure du respect des critères de l’article 156 de la loi pour leur installation; ce qui n’est pas le cas dans l’état actuel du dossier devant la Commission des lésions professionnelles.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Daniel Letiecq, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 10 décembre 2010, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’a pas à assumer le coût de l’acquisition d’une plaque de cuisson et d’un four encastré.
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Line Vallières |
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M. Jean-Guy St-Georges |
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ST-GEORGES, HÉBERT INC. SYNDIC |
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Représentant de la partie intéressée |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.