[1.] Le 12 mars 1998, Mme Danielle Caron interjette appel d’une décision du 12 janvier 1998 du Bureau de révision de la région de Lanaudière.
[2.] Ce Bureau de révision, confirmant la décision du 31 juillet 1997 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), déclarait alors unanimement que Mme Caron n’avait pas droit au remboursement des frais de peinture de 1 150 $ qu’elle avait contractés au printemps 1997 à l’occasion de son déménagement.
[3.] Vêtements Junior DEB inc. (l’employeur) n’était pas représentée à l’audience.
[4.] Bien que l’appel de Mme Caron ait été déposé à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel), la présente décision est rendue par la Commission des lésions professionnelles conformément à l’article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives [1] entrée en vigueur le 1er avril 1998. En vertu de l’article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d’appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.
[5.] La présente décision est rendue par le soussigné en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.
OBJET DE L’APPEL
[6.] Mme Caron demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du 12 janvier 1998 du Bureau de révision et de déclarer qu’elle doit être remboursée du montant de 1 150 $ que lui ont occasionné les travaux de peinture intérieure et extérieure de la résidence qu’elle a acquise au printemps 1997.
LES FAITS
[7.] La Commission des lésions professionnelles, après avoir pris connaissance du dossier et après avoir entendu Mme Caron, retient notamment les éléments suivants de la présente affaire.
[8.] Mme Caron est actuellement âgée de 42 ans. Elle était au service de l’employeur à titre d’opératrice depuis l’été 1990.
[9.] Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles s’en réfère aux faits suivants relatés dans la décision du 12 janvier 1998 du Bureau de révision faits, ainsi que l’a admis Mme Caron, qui résument bien ceux qui sont pertinents à la présente affaire :
«Le 21 juin 1991, madame Caron s’inflige une tendinite à l’épaule gauche qui est reconnue comme lésion professionnelle par la C.S.S.T. Elle subit des récidives, rechutes ou aggravations les 8 janvier 1992 et 11 mars 1993 qui l’obligent à subir une acromioplastie. La lésion est consolidée le 5 mai 1995.
(…)
Le 4 juillet 1995, son médecin, le docteur Pagé, complète un rapport d’évaluation médicale dans lequel il évalue qu’elle demeure avec un pourcentage de 15,50 % de déficit anatomo-physiologique et les limitations fonctionnelles suivantes :
- Pas de gestes répétitifs avec épaule gauche.
- Ne pas soulever de charges au-delà de 5 livres.
- Ne pas travailler à bout de bras, il faut que son coude soit supporté la plupart du temps.
Le 14 juillet 1995, la C.S.S.T. décide que madame Caron demeure avec un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique de 18,40 %. Le 29 mars 1996, elle détermine qu’elle est capable d’exercer, à partir du 28 mars 1996, l’emploi convenable d’aviseur technique et, compte tenu de la non disponibilité (sic) de cet emploi, prolonge le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour une période maximale d’un an.
La C.S.S.T. interrompt le versement de cette indemnité lorsque madame Caron occupe un emploi au cours de l’été 1996. Mais elle abandonne cet emploi après quelques semaines en raison de sa difficulté à supporter la pression qu’il implique et la C.S.S.T. reprend alors le versement de l’indemnité de remplacement du revenu. Madame Caron n’a pas occupé d’emploi depuis ce temps.
Elle explique qu’en 1996, elle habitait à Mascouche, dans la maison de ses parents qu’elle a reçue en héritage en 1990. Au moment où elle a pris possession de la maison, elle a effectué des rénovations dont le coût a été assumé par un emprunt hypothécaire. Le montant du remboursement de cette hypothèque et du paiement des taxes municipales et scolaires s’élevait à 472$ par mois.
En février 1997, sachant que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu prenait fin le 28 mars 1997 et qu’elle devrait subvenir à ses besoins avec les prestations de la sécurité du revenu, soit 490 $ par mois, elle décide de vendre sa maison et d’en acheter une autre à St-Calixte. Le montant du remboursement de l’hypothèque et du paiement des taxes de cette nouvelle maison est de 214,96 $ par mois.
Madame Caron explique également qu’au cours de l’été 1996, elle a fait effectuer des travaux de peinture dans certaines pièces de sa maison de Mascouche et que la C.S.S.T. lui a remboursé le coût de ses travaux. À la suggestion de l’agent de la C.S.S.T., elle n’a pas fait peindre toutes les pièces de la maison parce que le coût des travaux aurait dépassé le montant maximum annuel auquel elle avait droit, en vertu de l’article 165, compte tenu qu’elle avait obtenu le remboursement du coût d’autres travaux effectués pendant l’année. Elle comptait faire peindre les autres pièces au cours de l’année 1997.
Lorsqu’elle est déménagée à St-Calixte, elle a fait peindre tout l’intérieur et l’extérieur de sa maison. Elle dépose en preuve deux photographies montant l’extérieur de la maison avant et après l’exécution des travaux de peinture. Elle était peinte en brun et madame Caron l’a fait repeindre en bleu. Le coût des travaux s’est élevée (sic) à 1 150 $. Le reçu a été transmis à la C.S.S.T.
Elle déclare que n’eût été des conséquences de sa lésion professionnelle, elle aurait elle-même effectué les travaux de peinture.»
[10.] Mme Caron témoigne à l’audience.
[11.] Mme Caron confirme, dans un premier temps, ce que rapporte de son témoignage le Bureau de révision. Elle spécifie qu’elle est déménagée dans sa nouvelle maison de St-Calixte en mai 1997.
[12.] Mme Caron témoigne qu’elle a vendu sa résidence de Mascouche 65 000 $ et qu’elle a payé 17 700 $ sa nouvelle résidence de St - Calixte. Elle spécifie qu’elle n’a pas eu le choix de procéder à ce geste compte tenu qu’à compter de mars 1997 son indemnité de remplacement du revenu était interrompue.
[13.] Mme Caron explique qu’elle a acheté sa maison d’une dame âgée qui ne l’avait pas entretenue beaucoup, notamment au niveau de la peinture tant intérieure qu’extérieure. Elle indique que l’ancienne propriétaire fumait beaucoup, ce qui explique sans doute en partie que les murs blancs étaient devenus plutôt jaunes. Elle a tout refait repeinturer en blanc. Quant à la peinture extérieure, un mur était particulièrement endommagé et la peinture s’écaillait au point que les peintres ont dû le gratter. Les photographies fournies après l’audience de la maison, avant et après l’application de la peinture extérieure, ne permettent pas de vérifier cette affirmation de Mme Caron compte tenu que celles-ci semblent avoir été prises à environ dix mètres de la maison, distance qui laisse plutôt soupçonner l’état normal de la peinture.
[14.] Mme Caron indique que, lors de l’achat de la maison de St-Calixte, elle savait pertinemment qu’elle devrait faire repeinturer tant l’intérieur que l’extérieur de cette maison et que ce fait a certainement contribué à ce qu’elle la paie 17 700 $ plutôt que les 25 000 $ exigés par sa vendeuse.
[15.] Mme Caron spécifie également qu’elle a recommencé à travailler le 18 mars 1998, et ce, à titre de couturière.
[16.] Mme Caron dépose, à l’audience, la lettre du 17 mars 1999 signée par M. Poliquin, le fils de la dame qui lui a vendu la résidence de St-Calixte :
«Suite à notre discussion au téléphone je vous confirme par écrit ce que nous nous sommes dit l’autre jour.
Vous comprendrez que ma mère qui a 73 ans ne peut plus sortir.
Pour ce qui est de la maison, mes parents l’ont fait construire en 1969. Lorsque mon père est décédé ma mère a négligé la maison étant incapable de faire l’entretien courant.
C’est pour cette raison, comme vous aviez pu le constater lors de l’achat que la maison manquait d’entretient et de peinture depuis plusieurs années.»
(sic)
AVIS DES MEMBRES
[17.] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la situation particulière de Mme Caron l’obligeait à déménager et que l’état de la maison qu’elle a dû acheter requérait des travaux d’entretien de peinture, travaux qui avaient été payés, seulement qu’en partie, en 1996 par la CSST à sa résidence précédente.
[18.] Pour sa part, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que les coûts de peinture réclamés par Mme Caron ne peuvent être remboursés en vertu de l’article 165 de la loi compte tenu que le coût d’achat de la maison qu’elle a acquise au printemps 1997 tenait compte de l’état dans lequel était celle-ci et que le prix qui a été payé a été ainsi fixé en fonction de cet état.
MOTIFS DE LA DÉCISION
[19.] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST doit rembourser à Mme Caron les coûts de peinture que celle-ci a encourus au printemps 1997 à sa nouvelle résidence de St-Calixte.
[20.] C’est l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) qui trouve ici application. Cet article se lit ainsi :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui‑même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
[21.] Après analyse, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure dans le sens souhaité par Mme Caron.
[22.] Que Mme Caron réponde aux exigences de l’article 165 précité pour pouvoir bénéficier du remboursement de travaux d’entretien courant de son domicile n’est pas en cause dans la présente affaire. De la même façon, il est admis que les travaux de peinture qui visent à maintenir et à conserver le plus longtemps possible le domicile dans un état propre à sa destination constituent effectivement des travaux d’entretien courant.
[23.] Si elle convient ainsi volontiers que c’est à bon droit que Mme Caron s’est vu rembourser en 1996 les travaux de peinture à sa résidence de Mascouche, la Commission des lésions professionnelles est cependant d’avis que de telles dépenses ne sont pas remboursables en vertu de l’article 165 pour la résidence que celle-ci a acquise au printemps 1997 à St-Calixte.
[24.] Que Mme Caron, devant la perspective d’une diminution importante de ses revenus, ait cru opportun de vendre la résidence familiale dont elle avait hérité et d’acheter une maison plus modeste ne saurait cependant entrer en ligne de compte pour disposer de la présente affaire.
[25.] En effet, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il y a lieu de distinguer les travaux d’entretien courant spécifiés à l’article 165 de la loi, qui visent à maintenir en bon état le domicile, des travaux notamment de réparation et d’aménagement qui sont nécessités pour que le domicile qui est acquis corresponde davantage aux fins auxquelles on le destine.
[26.] C’est notamment dans un tel contexte que la fixation du prix d’achat d’une résidence se négocie. Les réparations et les aménagements qui doivent être effectués influenceront forcément le prix dont les parties conviendront finalement. Telle a été la situation de Mme Caron lorsqu’elle a négocié, au printemps 1997, l’achat de sa maison de St-Calixte.
[27.] Mme Caron aurait cependant également pu négocier de payer sa résidence 1 150 $ de plus et demander à sa vendeuse de faire effectuer les travaux de peinture intérieur et extérieur que pouvait requérir la propriété visée. S’il est évident, dans ce dernier cas, qu’on ne saurait réclamer à la CSST le remboursement des travaux de peinture effectués à la résidence à acquérir, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le même raisonnement doit être tenu lorsque l’acquéreur de cette résidence choisit plutôt de faire effectuer de tels travaux après l’acquisition de celle-ci. De tels travaux constituent des travaux d’aménagement et ne sauraient, selon la Commission des lésions professionnelles, être assimilés à des travaux d’entretien courant du domicile au sens de l’article 165 de la loi.
[28.] Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles conclut que Mme Caron n’a pas droit au remboursement des travaux de peinture qu’elle a fait effectuer, au printemps 1997, au domicile qu’elle venait d’acquérir.
[29.] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE l’appel du 12 mars 1998 de Mme Danielle Caron;
CONFIRME la décision du 12 janvier 1998 du Bureau de révision de la région de Lanaudière;
ET
DÉCLARE que Mme Caron n’a pas droit au remboursement des coûts des travaux de peinture qu’elle a fait effectuer à son nouveau domicile au printemps 1997.
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Commissaire |
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DUPONT, LANDREVILLE ET ASSOCIÉS (Me Paul Thiffault) 92, place Bourget Nord JOLIETTE (Québec) J6E 5E5 |
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Représentant de la partie appelante |
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AVIS :
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