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[1] Le 28 mars 2006, madame Fabiola Castilloux (madame Castilloux) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 15 mars 2006 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 13 décembre 2005 et déclare que madame Castilloux n’a pas droit au remboursement d’une chaise de douche.
[3] À l’audience tenue à New-Richmond le 8 août 2006, madame Castilloux est présente. Le CLSC-CHSLD Baie des chaleurs (l’employeur) a signifié par écrit qu’il serait absent.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Madame Castilloux demande que la CSST assume le coût d’achat et d’installation d’un « système de douche assis ».
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), la commissaire soussignée a reçu l’avis du membre issu des associations d’employeurs et du membre issu des associations syndicales ayant siégé auprès d’elle dans la présente affaire.
[6] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales estiment que la loi et le Règlement sur l’assistance médicale[2] (le règlement) ne permet pas de faire droit à la demande de madame Castilloux, telle que formulée. Cependant, ils sont d’avis qu’elle a démontré qu’elle répondait aux conditions qui sont prévues à ce règlement pour avoir droit à une chaise de douche.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider de la demande de madame Castilloux en vertu des articles 188 et 189 de la loi :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[8] Le règlement auquel réfère le paragraphe 5 de l’article 189 de la loi édicte que les soins, les traitements, les aides techniques et les frais qu’il prévoit font partie de l'assistance médicale à laquelle peut avoir droit un travailleur, lorsque le requiert son état en raison d'une lésion professionnelle.
[9] Le règlement énonce notamment ceci :
3. La Commission de la santé et de la sécurité du travail assume le coût des soins, des traitements et des aides techniques reçus au Québec, selon les montants prévus au présent règlement, si ces soins, ces traitements ou ces aides techniques ont été prescrits par le médecin qui a charge du travailleur avant que les soins ou traitements ne soient reçus ou que les dépenses pour ces aides techniques ne soient faites; à moins de disposition contraire, ces montants comprennent les fournitures et les frais accessoires reliés à ces soins, traitements ou aides techniques.
De plus, toute réclamation à la Commission concernant ces soins, traitements ou aides techniques doit être accompagnée d'une copie de l'ordonnance du médecin qui a charge du travailleur, de la recommandation de l'intervenant de la santé le cas échéant, et des pièces justificatives détaillant leur coût.
L'ordonnance du médecin peut être détaillée ou prendre la forme d'une adresse à un intervenant de la santé.
D. 288-93, a. 3.
18. La Commission assume le coût de location, d'achat et de renouvellement d'une aide technique prévue à l'annexe II, aux conditions et selon les montants prévus à la présente section et à cette annexe, lorsque cette aide technique sert au traitement de la lésion professionnelle ou qu'elle est nécessaire pour compenser des limitations fonctionnelles temporaires découlant de cette lésion.
La Commission assume également les frais prévus à l'annexe II, aux conditions et selon les montants indiqués à cette annexe sur présentation de pièces justificatives détaillant leur coût.
D. 288-93, a. 18.
19. La Commission assume le coût d'une aide technique recommandée par un intervenant de la santé auquel a été référé le travailleur par le médecin qui a charge de ce dernier, dans les cas prévus à l'annexe II.
D. 288-93, a. 19.
[10] Le règlement prévoit spécifiquement à son annexe II, les aides techniques suivantes :
3° Appareils de salle de bain:
a) Le coût d'achat des appareils de salle de bain suivants:
i. les bassines;
ii. les urinoirs;
iii. les sièges surélevés;
iv. les poignées et les barres de sécurité;
b) Le coût de location des appareils suivants:
i. les chaises d'aisance et leurs accessoires;
ii. les chaises de douche;
[11] Madame Castilloux est née le 30 août 1932. Elle est gauchère. Le 8 décembre 1978, alors qu’elle travaillait comme auxiliaire familiale, elle a subi une lésion professionnelle soit une épitrochléite au coude gauche et une bursite aux deux épaules.
[12] En 1996 et 2001, elle a subi une rechute, récidive ou aggravation nécessitant une neurolyse du nerf cubital gauche et une acromioplastie de l’épaule droite.
[13] Le 8 janvier 2003, madame McKoy de la CSST communique avec madame Castilloux concernant le renouvellement de l’aide à domicile. Elle note qu’elle a de la difficulté à se déshabiller, car elle ne peut lever son bras, elle ne peut lever d’objets lourds tels que les assiettes et les chaudrons ni porter son bras vers l’arrière. Madame McKoy conclut que compte tenu de la condition de madame Castilloux, l’aide personnelle à domicile sera accordée pour une période de trois ans.
[14] Le 21 août 2003, madame Castilloux subit une autre rechute, récidive ou aggravation, soit une acromioplastie de l’épaule gauche effectuée par la docteure Myriam Fraser. Celle-ci a consolidé la lésion professionnelle le 11 janvier 2005 et a dirigé madame Castilloux au docteur Gilles-Roger Tremblay pour l’évaluation des séquelles.
[15] Le 11 avril 2005, le docteur Tremblay remplit le rapport d’évaluation médicale. Il conclut à une augmentation du déficit anatomo-physiologique et retient les limitations fonctionnelles suivantes (il s’agit des mêmes limitations que lors de la rechute, récidive ou aggravation de 2001) :
- Éviter tout effort de plus de cinq kilogrammes avec les membres supérieurs;
- Éviter tous les mouvements répétitifs au niveau des deux épaules;
- Éviter d’avoir les épaules à plus de 70 degrés d’abduction ou 70 degrés d’élévation antérieure.
[16] Le 3 juin 2005, la docteure Fraser remplit l’ordonnance suivante : « Douche assis. Dx : bursite épaules et ne peut plus forcer pour sortir du bain (re : aggrave douleurs sinon) ».
[17] Le 27 octobre 2005, madame Joncas de la CSST rencontre madame Castilloux à son domicile afin d’évaluer la demande d’une « douche assis ». Madame Castilloux lui explique que sa douche ne fonctionne plus; elle demande un appareil dans lequel elle peut s’asseoir et dont « l’eau vient d’en dessous ». Madame Castilloux mentionne que faire réparer sa douche actuelle coûterait entre 700,00 $ et 800,00 $ et qu’elle n’en a pas les moyens.
[18] Le 24 novembre 2005, madame Joncas communique avec la docteure Fraser. Selon ce que rapporte madame Joncas, la docteure Fraser ne se souvient pas dans quel but elle a prescrit une douche assise et ne sait pas de quel genre d’appareil il s’agit. Elle ne voit pas de contre-indications à ce que madame Castilloux utilise une douche régulière. La docteure Fraser ajoute que c’est madame Castilloux qui a demandé de lui prescrire une « douche assis » et qu’elle va en rediscuter avec elle.
[19] À l’audience, madame Castilloux explique au tribunal qu’elle habite la même maison depuis 25 ans et que depuis quelque temps, la douche ne fonctionne plus. Elle n’a pas l’argent nécessaire pour la faire réparer. Elle se rend chez une coiffeuse pour se faire laver les cheveux. Elle vit avec son fils, mais celui-ci n’est pas souvent à la maison. Elle ne peut plus lever ses bras et voudrait obtenir l’installation d’une douche « comme celle annoncée à la télévision ». Elle affirme que le fait d’être assise pour prendre sa douche serait moins exigeant pour ses bras. Le tribunal comprend que madame Castilloux demande une douche complète qui permet entre autres, de prendre sa douche en position assise.
[20] La Commission des lésions professionnelles ne peut faire droit à la demande de madame Castilloux telle que formulée. En effet, tel qu’il ressort du paragraphe 5 de l’article 189 de la loi, la CSST détermine par règlement les aides techniques dont peut bénéficier un travailleur. Or, le règlement prévoit spécifiquement les aides techniques qui peuvent être en ce qui concerne les « appareils de salle de bain ». Un système de douche complet tel que celui qui a été demandé par madame Castilloux n’y est pas prévu. De plus, il n’appartient certainement pas à la CSST de changer ou de faire réparer la douche de madame Castilloux.
[21] Toutefois, la Commission des lésions professionnelles retient que le 8 janvier 2003, la CSST a reconnu que madame Castilloux avait besoin d’aide personnelle à domicile pour une période supplémentaire de trois ans et qu’après cette évaluation, madame Castilloux a subi une autre rechute, récidive ou aggravation impliquant cette fois-ci son épaule gauche. Le dossier ne contient aucune indication indiquant que la CSST aurait réévalué l’aide personnelle à domicile de madame Castilloux à la suite de cette rechute, récidive ou aggravation du 21 août 2003. Bien que les limitations fonctionnelles soient demeurées les mêmes, le fait que madame Castilloux est gauchère doit être pris en considération. De plus, cette rechute, récidive ou aggravation a entraîné une augmentation de l’atteinte permanente à l’intégrité physique. La Commission des lésions professionnelles constate également que le médecin traitant a prescrit une « douche assis ».
[22] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que madame Castilloux a droit à une chaise de douche tel que prévu au Règlement sur l’assistance médicale puisque la preuve démontre que cette aide technique est en relation avec sa lésion professionnelle.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de madame Fabiola Castilloux;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 15 mars 2006 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que madame Fabiola Castilloux a droit à une chaise de douche tel que prévu au Règlement sur l’assistance médicale.
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Me Johanne Landry |
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Commissaire |
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AVIS :
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