Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Sherbrooke

Le 12 juillet 2005

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte - Nord

 

Dossier :

252181-09-0501

 

Dossier CSST :

120567540

 

Commissaire :

Me Luce Boudreault

 

Membres :

Jacques St-Pierre, associations d’employeurs

 

Rémy Lévesque, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Monelle Tremblay

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Centre de Santé des Nord-Côtiers

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 10 janvier 2005, madame Monelle Tremblay (la travailleuse) dépose une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 23 décembre 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Cette décision déclare irrecevable sa demande de révision à l’encontre d’une décision rendue le 24 mai 2004 au motif qu’elle a été produite hors délai et qu’aucun motif raisonnable n'a été démontré permettant de relever la travailleuse de son défaut.

[3]                À l’audience tenue à Forestville le 30 juin 2005, la travailleuse est présente et représentée. Le Centre de Santé des Nord-Côtiers (l’employeur) et son représentant ont avisé qu’ils ne se présenteraient pas à l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de la relever de son défaut d’avoir contesté, en dehors du délai prévu à la loi, la décision de la CSST et d’accueillir sa demande de remboursement complet de la facture des travaux d’entretien courant de son domicile.

LES FAITS

[5]                Concernant le hors délai, la travailleuse, qui exerce les fonctions de secrétaire, a subi une lésion professionnelle reconnue par la CSST le 28 février 2000. Une tendinite du sus-épineux droite a été diagnostiquée et par la suite, une tendinite à l’épaule gauche. Le 18 septembre 2001, une acromioplastie et une exérèse de calcification à l’épaule droite ont été faites, la travailleuse est consolidée et reprend le travail en octobre 2002. Cette chirurgie a entraîné une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Par la suite, la travailleuse aura des aggravations au niveau de son épaule gauche, ce qui sera accepté par la CSST.

[6]                En 2003, la travailleuse demande à la CSST le remboursement de certains frais d’entretien courant de son domicile. Cette demande est acceptée par la CSST dans une décision du 23 avril 2004.

[7]                En 2004, suite à une séparation, la travailleuse emménage dans une nouvelle maison et fait une nouvelle demande à la CSST pour une réévaluation du remboursement des frais d’entretien courant du domicile puisqu’elle est maintenant seule pour faire celui-ci.

[8]                On constate aux notes évolutives de la CSST, que le tribunal ne reprendra pas ici au long, que la travailleuse communique à plusieurs reprises avec son agent au sujet de la réévaluation de ses besoins, vu une récente rechute au niveau de sa tendinite à l’épaule gauche. Les discussions avec l’agente révèlent que celle-ci lui indique que ses besoins seront réévalués lorsqu’il y aura consolidation de sa lésion et évaluation des séquelles permanentes supplémentaires à son épaule gauche.


[9]                Le 23 avril 2004, la CSST rend la décision suivante concernant le paiement de frais de réadaptation :

Madame,

À la suite de l’analyse de vos besoins de travaux d’entretien, nous vous informons que nous ne pouvons rembourser les travaux d’entretien suivants

 

·         La peinture intérieure

·         La peinture extérieure (fenêtres, patio, galerie)

·         Le déneigement

·         La tonte du gazon

·         Le ratissage du terrain

·         Installation et retrait des protections hivernales pour arbres et arbustes.

 

En effet, notre analyse nous confirme que vous n’exécutiez pas ces travaux vous-même avant l’événement du 28 février 2000.

 

Toutefois, notre analyse nous confirme que vous avez droit au remboursement des frais pour le grand ménage. En conséquence, nous vous rembourserons sur réception de la facture originale payée. Veuillez noter que deux estimés d’entrepreneurs reconnus sont nécessaires si le coût des travaux est plus élevé que 300,00 $.

[10]           Le 20 mai 2004, la CSST reconsidère sa décision du 23 avril 2004 concernant les travaux d’entretien et conclut de la façon suivante :

Madame,

 

En vertu de l’article 365 , 1 er alinéa de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, il y a lieu de reconsidérer la décision du 23 avril 2004 concernant les travaux d’entretien.

 

En conséquence, après révision de votre dossier, les frais de main d’œuvre pour les travaux suivants vous seront payés au tiers du montant de la facture détaillée sur présentation de reçus de paiement :

 

â         La peinture intérieure aux 5 ans

â         La peinture des fenêtres du garage aux 2 ans

â         Le déneigement du stationnement

â         Le déneigement de deux voies d’accès au domicile

â         Le ratissage du terrain.

 

Nous ne pouvons vous rembourser la peinture extérieure, la tonte du gazon, la peinture des volets, patio et galerie ainsi que l’installation et le retrait des protections hivernales pour arbres et arbustes.

 

La présente lettre n’affecte pas les autres sujets faisant l’objet de la décision initiale.

[11]           À l’audience, la travailleuse explique qu’elle a reçu des informations contradictoires, soit que l’évaluation de ses besoins concernait l’épaule droite et que l’aide serait réévaluée suite à l’aggravation à son épaule gauche. La travailleuse a contesté la décision du 20 mai 2004 le 25 août 2004. À cette époque, lors d’une conversation avec l’agente, celle-ci lui a dit que finalement il n’y aurait pas de réévaluation de ses besoins puisque la décision du mois de mai concernait les deux épaules. Lorsqu’elle a constaté ce fait, elle a immédiatement contesté la décision.

[12]           Il est à noter que la travailleuse a ensuite été opérée à l’épaule gauche en septembre 2004.

[13]           À l’audience, après avoir requis l’avis des membres, le tribunal a relevé la travailleuse de son défaut d’avoir contesté dans les délais la décision du 20 mai 2004. Il a été en effet jugé que la travailleuse présentait un motif raisonnable notamment en raison des informations ambiguës quant à la réévaluation de sa situation suite à sa séparation et son aggravation à l’épaule gauche. Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles a déclaré recevable sa demande de révision.

[14]           Sur le fond, le représentant de la travailleuse soumet que la CSST doit rembourser la totalité des frais d’entretien du domicile et non le tiers de ceux-ci. D’autre part, il demande également que la CSST réévalue le remboursement des frais pour la tonte du gazon et de la peinture extérieure occasionnelle vu les nouvelles limitations fonctionnelles émises suite à la chirurgie du mois de septembre 2004.

L’AVIS DES MEMBRES

[15]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que la requête de la travailleuse doit être accueillie. En effet, l’article 165 de la loi traite du remboursement des frais d’entretien courant du domicile et aucune disposition de la loi ne permet à la CSST de ne rembourser ceux-ci qu’en partie au motif que deux personnes auraient pu aider la travailleuse dans l’exécution de ces travaux.

[16]           Quant à la réévaluation pour la tonte de gazon ou la peinture extérieure occasionnelle, celle-ci ne peut être faite pour la demande faisant l’objet du litige soit celle de 2004. Les frais d’entretien courant du domicile nécessitent des décisions annuelles et lorsque la travailleuse fera sa demande pour les travaux de 2005, la CSST devra effectivement examiner le rapport d’évaluation médicale soumis par le docteur Paquet suite à la chirurgie de septembre 2004.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[17]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a droit à l’entièreté du remboursement des frais d’entretien courant du domicile.

[18]           La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) traite de cette question à l’article 165 de la loi :

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

 

 

[19]           Il n’est pas remis en question ici que la travailleuse a droit au remboursement de ces travaux puisqu’elle a subi une atteinte grave à son intégrité physique et ce, aux deux épaules. D’autre part, il n’est pas remis en question non plus que la travailleuse effectue elle-même ces travaux, particulièrement depuis qu’elle vit seule.

[20]           La jurisprudence indique que la CSST ne peut se permettre de présumer l’aide perpétuelle de parents vivant avec un travailleur et que ce motif pour ne pas accorder de remboursement pour les frais d’entretien est discriminatoire et porte préjudice au travailleur qui reçoit l’aide d’un proche comparativement à celui qui n’en reçoit pas. Rien dans la loi ou la jurisprudence n’oblige un travailleur à attendre l’aide d’un tel parent[2].

[21]           Dans la présente affaire, la Commission des lésions professionnelles constate que la CSST a décidé d’accorder le remboursement du tiers des frais encourus au motif que deux autres personnes pourraient aider la travailleuse. La Commission des lésions professionnelles ne sait pas d’où la CSST sort cette méthode de calcul mais rien dans la loi ni dans les règlements adoptés en vertu de celle-ci ne permet à la CSST de décider ainsi.

[22]           Lorsque le droit à la réadaptation sociale est acquis et qu’il est jugé qu’un travailleur a droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile, ceux-ci doivent être remboursés au complet, le texte de l’article 165 de la loi est sans équivoque sur cette question. La CSST doit rembourser les frais engagés et non pas une fraction de ceux-ci selon l’évaluation arbitraire qu’elle peut en faire. La seule limite qui est édictée à cet article est le montant maximum de frais par année et c’est ce qui doit être respecté.

[23]           Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles estime que la requête de la travailleuse sur ce point doit être accueillie et qu’elle a droit au paiement complet des frais d’entretien de son domicile énumérés à la décision du 20 mai 2004, soit : la peinture intérieure aux cinq ans; la peinture des fenêtres du garage aux deux ans; le déneigement du stationnement; le déneigement de deux voies d’accès au domicile; le ratissage du terrain.

[24]           Concernant la demande de la travailleuse de réévaluer les frais qui ont été refusés au motif qu’il y a aggravation des limitations fonctionnelles suite à la chirurgie du mois de septembre 2004, la Commission des lésions professionnelles ne peut considérer cette demande en relation avec les frais accordés pour l’été 2004 mais constate que la CSST devra tenir compte de la situation de la travailleuse et du rapport d’évaluation médicale produit par le docteur Paquet le 13 juin 2005 pour l’évaluation de ses besoins subséquents.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de madame Monelle Tremblay;

INFIRME la décision rendue le 23 décembre 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE recevable sa demande de révision à l’encontre de la décision rendue le 20 mai 2004;

DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement complet des frais d’entretien courant du domicile suivants : la peinture intérieure aux cinq ans; la peinture des fenêtres du garage aux deux ans; le déneigement du stationnement; le déneigement de deux voies d’accès au domicile; le ratissage du terrain.

 

 

__________________________________

 

Me Luce Boudreault

 

Commissaire

 

 

M. Valois Pelletier

C.S.N.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me François Boisjoli

SAVARD, NADEAU & ASSOCIÉS

Représentant de la partie intéressée

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          Gauthier et Agence de sécurité de Montréal ltée, 63709-60-9410, 13 février 1996, P. Capriolo; Favre et Temabex inc., 131104-0809911, 19 juillet 2000, P. Prégent; Gauthier et Construction Gilbert enr. (fermé), 163986-01A-0106, 15 août 2003, D. Sams.

 

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