Marcotte et Chemin de fer nationaux du Canada |
2012 QCCLP 3414 |
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[1] Le 25 juillet 2011, monsieur Michael Marcotte (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 23 juin 2011 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue initialement rendue le 1er avril 2011 et qui déclare qu’elle est justifiée d’attribuer l’aide personnelle à domicile à compter du 14 février 2011.
[3] L’audience s’est tenue à Longueuil le 12 mars 2012 en présence du travailleur et de son représentant. La CSST n’est pas intervenue au dossier et ni elle ni l’employeur ne sont représentés à l’audience. Le dossier a été mis en délibéré à la même date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer que le travailleur a droit à l’aide personnelle à domicile et à l’aide à la surveillance à compter de l’accident, soit le 29 novembre 2006.
[5] Il souligne également que la décision du 23 juin 2011 indique erronément que la décision du 11 janvier 2010 de la CSST mettant fin à l’aide personnelle n’a pas fait l’objet d’une contestation. Il réfère le tribunal à la contestation du 18 janvier 2010 qu’on trouve au dossier et la produit également avec le bordereau de transmission par télécopieur ainsi que le rapport d’émission (T-1 en liasse) qui démontrent effectivement une contestation.
[6] Le représentant du travailleur demande également à la Commission des lésions professionnelles de déterminer les besoins d’aide personnelle à domicile et de surveillance, suivant la preuve présentée à l’audience, étant donné que le travailleur n’a eu aucune occasion de rencontrer qui que ce soit pour la détermination de ses besoins.
LA PREUVE
[7] Le travailleur a subi une importante lésion professionnelle le 29 novembre 2006 qui a entraîné l’amputation de sa jambe gauche (fémorale), celle de sa jambe droite (tibiale) ainsi que des hernies discales L3-4 et L4-L5.
[8] Cette lésion professionnelle a donné lieu à une atteinte permanente importante et des limitations fonctionnelles qui l’empêchent d’occuper tout emploi.
[9] Le 15 mai 2009, le travailleur retourne dans sa maison qui a été adaptée à sa condition.
[10] Le 15 juin 2009, on lit aux notes évolutives du dossier :
Titre : Fin de l’aide personnelle
-ASPECT PSYCHOSOCIAL :
suite à l’évaluation de l’aide personnelle, T est maintenant autonome dans sa maison qui a été adaptée
-ASPECT LÉGAL :
LSF 08245
[11] La condition physique du travailleur a été consolidée le 25 mai 2009, par le médecin qui a charge qui, par ailleurs, a retenu l’avis du docteur Morissette, psychiatre, à l’effet que la condition psychiatrique nécessitait toujours des soins et traitements.
[12] Le 11 janvier 2010, la CSST rend une décision portant sur la réévaluation des besoins d’aide personnelle à domicile. Elle considère que l’état de santé et la situation personnelle du travailleur se sont améliorés et décide que l’allocation prend fin le 15 juin 2009.
[13] Le 18 janvier 2010, le travailleur par la biais de ses représentants conteste cette décision.
[14] Les notes évolutives contiennent d’ailleurs les informations suivantes en date du 18 janvier 2010:
Titre : réception d’une contestation- appel à la représentante
-ASPECT LÉGAL :
Réception d’une contestation de l’arrêt de l’aide personnelle en juin 2009.
Appel à la représentante, Laurence Bernier : Message laissé lui demandant si elle a des faits nouveaux qui me permettraient de faire une nouvelle évaluation. Je lui demande de me rappeler.
Retour d’appel : message laissé : elle me mentionne ne pas avoir de fait nouveau mais elle me mentionne qu’ils ne sont pas d’accord avec la décision d’arrêter les paiement[sic] de l’aide personnelle. Elle me mentionne que je peux la rappeler sinon elle me demande de transmettre la contestation à la DRA[direction de la révision administrative].
[15] Le 21 janvier 2010, les notes évolutives mentionnent ce qui suit :
Titre : Appel de T- Rencontre avec E et discussion sur l’aide personnelle
-ASPECT MÉDICAL :
T dit avoir plus de douleur au épaule. Il me dit que les transferts de son lit à sa chaise sont plus difficile et que souvent il a besoin d’aide. T dit avoir un colocataire qui lui donne un coup de main quand il en a besoin. Je repasse la grille d’aide personnelle avec lui et T me dit que le reste des AVQ et des AVD vont bien. Par contre en le questionnant un peu plus T me mentionne qu’il est en mesure de faire son lavage seul seulement depuis 1 mois 1/2 . Il me dit qu’avant l’espace n’était pas assez grand à cause de la porte. T dit qu’il a fait des modifications à la salle de lavage qui lui permettent maintenant d’utiliser les appareils convenablement. Je mentionne au T qu’il est important qu’il me fasse savoir les changements dans sa situation si nous voulons ajuster entre autre l’aide personnelle à ses besoins. Je mentionne au T que si lui ne m’avise pas, je ne serai pas au courant. T dit bien comprendre et le fera dans l’avenir. Je mentionne au T que je vais revoir l’aide personnelle pour le lavage et les transferts du lit. Je propose au T une visite d’un ergo pour voir s’il n’y a pas d’autre aide technique que nous pourrions lui fournir pour éviter les douleurs entre autres à ses épaules. T dit que pour le moment, il n’est pas disponible pour ça. Je lui demande de me rappeler s’il pense que ça serait pertinent.
-ASPECT PROFESSIONNEL :
[…]
-ANALYSE ET RÉSULTATS :
faire grille d’aide personnelle.
[sic]
[16] Le 2 février 2010, une discussion entre le représentant du travailleur et l’agente au dossier est rapportée comme suit dans les notes évolutives :
Titre : Appel à l’avocat du T- capacité de travail, aide personnelle et RVD
-ASPECT LÉGAL :
Appel à Me Jean Mercure. […]
Je lui explique aussi avoir reçu une contestation de la fin de l’aide personnelle. J’indique à Me Mercure avoir parlé au T suite à la contestation et avoir proposé au T d’envoyer un ergothérapeute à son domicile pour réévaluer ses besoins. Par contre le T n’était pas disposé à ce moment-ci pour recevoir l’ergo. Je mentionne à l’avocat que mon mandat au niveau de l’aide personnelle est de fournir des aides-techniques au T pour le rendre au maximum de son autonomie et s’il n’y a plus d’aide technique, on pourrait alors donner un montant d’aide personnelle. Me Mercure me demande de mettre la contestation sur la glace et que nous pourrons en rediscuter lors de notre rencontre du mois de mars 2010.
[17] Le 25 mars 2010, le travailleur, son représentant, son père et la conseillère en réadaptation de la CSST se rencontrent. Au résumé rapporté dans les notes évolutives, on peut lire :
Au niveau de l’adaptation du domicile, je mentionne au T que certains travaux ne sont pas encore faits. T me confirme qu’il reste à compléter les travaux d’aménagement sur le côté de la maison qui ont été défait à cause des rénovations. Il reste aussi à refaire le stationnement qui a été abimé par les camions lors de l’adaptation du domicile. T me dit qu’il ne sait s’il va faire faire ses travaux. Il dit ne pas habiter la maison parce que ça lui rappel trop de mauvais souvenir. T dit ne pas se sentir bien dans sa maison. T pense à la vendre. Actuellement, T vit surtout dans sa maison de St-Ligori avec son père et sa mère. Je mentionne au T que c’est son choix de faire faire ou non les travaux. Je propose au T d’en discuter avec son avocat. T me dit qu’il me fournira des soumissions s’il veut faire les travaux.
L’avocat du T mentionne que le T a besoin d’aide personnelle. J’explique à l’avocat que si le T ne nous fait pas part d’un changement de situation, il est difficile pour moi de faire des changements dans la grille d’aide personnelle. L’avocat du T propose que le T soit évalué par un ergothérapeute. Il me propose de me faire parvenir 2 noms d’ergo et que je choisisse celui que je préfère. Je mentionne à l’avocat que je suis d’accord. De plus Me Mercure mentionne que le T aurait besoin d’aide personnelle au niveau de la surveillance. Je lui mentionne de me fournir une évaluation neuropsychologique qui justifierait une telle demande et que je vais étudier la demande par la suite. L’avocat est d’accord. [sic]
[18] Le 23 juillet 2010, une conversation est rapportée aux notes évolutives :
Titre : Appel à l’avocate du T- suivi du dossier
-ASPECT PSYCHOSOCIAL :
Me Laurence Bernier 514-[...]
Elle me mentionne que le T a été évalué en neuropsychologie au début du mois de juillet 2010. Elle attend le rapport au début du mois de août 2010.
Elle me mentionne qu’elle a de la difficulté à trouver un ergo pour évaluer les besoins du T et qui ne travaille pas avec la CSST. Elle dit toujours chercher une ressource. Je mentionne que la maison qui doit être évalué pour les besoins du T est celle de Candiac et non celle de St-Ligori. [sic]
[19] Le 16 septembre 2010, le neuropsychologue et psychologue clinicien François Crépeau rend le rapport qu’il a effectué à la demande des représentants du travailleur. Il conclut :
Besoins du client en termes d’aide personnelle, en regard des activités de la vie quotidienne et des activités de la vie domestique, ainsi qu’en regard des besoins de surveillance (contrôle de soi, mémoire, organisation dans l’espace)
Étant donné les limitations fonctionnelles que nous avons mentionnées ci-dessus, nous ne croyons pas que M. soit en mesure de s’acquitter seul de toutes les responsabilités relatives à la vie domestique et communautaire. Il est d’ailleurs retourné vivre temporairement avec ses parents depuis sa séparation. Il s’est en outre vu refusé la garde partielle de son fils étant donné les limitations au niveau de la mobilité. Ces exemples illustrent le fait qu’il doit composer avec de nombreuses limitations. À notre avis, M. est capable de rencontrer la plupart des tâches et responsabilités (i.e., repas, courses, lessive, factures, correspondance, entretien ménager). Rappelons que plusieurs activités requièrent un temps considérable et sont plus épuisants lorsqu’elles sont pratiquées en fauteuil roulant. Certains tâches entraînent une augmentation des sensations douloureuses. M. devait à notre avis bénéficier d’une aide personnelle pour lui permettre d’alléger ses tâches et responsabilités quotidiennes. Par ailleurs, M. nous apparaît avoir besoin d’une aide complète pour l’entretien ménager lourd.
En termes de surveillances, nous identifions des besoins légers en ce qui concerne la mémoire et les capacités d’auto-contrôle. M. rapporte en effet de nombreux oublis au quotidien et la probabilité de tels oublis a été confirmée par des résultats faibles aux épreuves de mémoire verbale et visuelle. Il a donc besoin d’une aide humaine pour lui rappeler certaines démarches à accomplir. M. rapporte également des difficultés à s’organiser, à contrôler son irritabilité et ses inquiétudes. Il a donc besoin d’une aide humaine légère pour réguler ses états émotionnels et pour l’encadrer dans certains moments d’anxiété plus intense ou de découragement.
[20] Le 27 octobre 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle considère que les diagnostics de stress post-traumatique, d’impuissance partielle et de problème mictionnel sont en relation avec l’événement du 29 novembre 2006.
[21] Le 14 décembre 2010, à la demande de la CSST, le travailleur rencontre le docteur Poirier, psychiatre, qui retient le même jour comme date de consolidation du stress post-traumatique « d’intensité modérée, chronicisée » et ne suggère aucun traitement substantiel continu. Quant aux limitations fonctionnelles, le docteur Poirier se dit d’avis que le travailleur ne pourra pas retravailler dans un emploi manuel et il émet des doutes à propos de la possibilité qu’il puisse réintégrer le marché du travail avec un le déficit anatomo-physiologique de 45 % qu’il accorde pour une atteinte à l’intégrité psychique.
[22] Le 14 février 2011, le médecin qui a charge se dit « d’accord » avec ce rapport.
[23] Le même jour, la CSST complète la grille d’évaluation des besoins de surveillance et accorde une aide personnelle.
[24] Le 31 mars 2011, la conversation suivante et rapportée aux notes évolutives a cours :
Titre : Demande d’évaluation des besoins de surveillance
-ASPECT MÉDICAL :
Le représentant du T demande une évaluation des besoins de surveillance.
T a eu une atteinte permanente à l’intégrité physique et physique de 45 % suite à un état de stress post-traumatique.
Dans son rapport le psychiatre mentionne que le T peut avoir besoin par moment d’un encadrement de la part de la famille.
Une grille d’évaluation des besoins de surveillance a donc été faite.
** Une surveillance modérée peut-être nécessaire à certaines occasions pour permettre au T de mieux gérer ses émotions. De plus dans le rapport du psychiatre Dr Poirier, il est noté que le T fait des oublie et à des distractions qui peuvent demandées une supervision à l’occasion, surveillance modérée accordée. Pour les autres sphères d’évaluation, aucune problématique n’a été relevée par le psychiatre. Donc un pointage de 1 pour les besoins de surveillance a été accordé.
L’aide personnelle pour les besoins de surveillance est donc accordée au travailleur en date de la signature de l’expertise par son médecin traitant le 14 février 2011, document sur lequel est basé l’analyse de l’aide personnelle. Pour l’année 2011, le montant d’aide personnelle pour un besoin modéré de surveillance est de 201 $ par mois. [sic]
[25] Dans sa décision du 1er avril 2011, la CSST déclare que le travailleur a droit à une allocation pour la période du 14 février 2011 au 8 avril 2011 en un seul versement de 356,94 $ et pour la période du 9 avril 2011 au 13 février 2013, de 92,57 $ toutes les deux semaines.
[26] La CSST confirme sa décision le 23 juin 2011 suite à une révision administrative d’où la présente contestation. Cette décision contient le paragraphe suivant :
Le 11 janvier 2010, la Commission rendait une décision mettant fin à l’aide personnelle à domicile à compter du 15 juin 2009, puisque l’état de santé et la situation personnelle du travailleur se sont améliorés. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de révision.
[27] On trouve au dossier les seules grilles d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile :
[27.1] Période du 9 mars au 28 septembre 2007 : besoins d’assistance personnelle et domestique évalués à 31/48, évaluation qui n’est pas contestée par le travailleur quant à cette période. Pour ce qui est des besoins de surveillance, il sont évalués à zéro;
[27.2] Période du 7 juin au 12 septembre 2008 : besoins d’assistance personnelle et domestique évalués à 6/48 et besoins de surveillance à zéro;
[27.3] Période du 13 septembre au 21 octobre 2008 : besoins d’assistance personnelle et domestique évalués à 5/48 et besoins de surveillance à zéro;
[27.4] Période du 22 octobre au 17 décembre 2008 : besoins d’assistance personnelle et domestique évalués à 4,5/48 et besoins de surveillance à zéro;
[27.5] Période du 18 décembre 2008 au 27 mars 2009 : besoins d’assistance personnelle et domestique évalués à 4,5/48 et besoins de surveillance à zéro;
[27.6] Période du 14 février 2011 au 13 février 2013 : besoins d’assistance personnelle et domestique évalués à 0/48 et besoins de surveillance à 2 sur 12, soit 1 pour la mémoire et 1 pour le contrôle de soi.
[28] Ces grilles comportent la description suivante des besoins de surveillance, le pointage variant de 0 à 2, 2 étant le besoin marqué :
A- Besoin d’une surveillance marquée :
L’événement a altéré cette fonction cérébrale supérieure et le travailleur doit habituellement être sous surveillance soutenue à l’exception de certaines situations quotidiennes où il peut être laissé seul.
B- Besoin d’une surveillance modérée :
L’événement a altéré cette fonction cérébrale supérieure et le travailleur doit être surveillé dans certaines situations quotidiennes. Il peut être laissé seul en dehors de ces situations; celles-ci sont prévisibles et probables sur une base quotidienne.
[29] Par ailleurs, on retrouve au dossier un certain nombre de décisions sur le sujet d’aide personnelle portant sur certaines périodes qui ne concordent pas toutes avec les périodes des grilles. Ces décisions indiquent un montant journalier sans plus de détails.
[30] Une première décision est datée du 26 juin 2007 portant sur la période du 10 mars au 22 juin 2007.
[31] Une deuxième décision est rendue le 7 janvier 2008 établit l’allocation à compter du 1er janvier 2008. Cette décision est reconsidérée le 18 février 2008 pour modifier à la hausse le montant d’allocation alloué à compter du 1er janvier 2008. Une décision du 19 février 2008 prévoit également le paiement d’un versement unique pour couvrir rétroactivement la différence entre le montant versé du 1er au 27 janvier 2008 et le nouveau montant déterminé par la décision du 18 février 2008.
[32] Le 28 mars 2008, une nouvelle décision concernant l’aide personnelle à domicile est rendue par la CSST qui traite de la période du 1er février au 28 mars 2008 et du 29 mars au 6 juin 2008.
[33] Le 27 mai 2008, la CSST rend une décision sur le même sujet pour la période du 7 juin au 12 septembre 2008. Puis, le 23 octobre 2008, une décision de la CSST porte sur les périodes du 13 septembre au 24 octobre 2008 et du 25 octobre 2008 au 17 décembre 2008.
[34] Les décisions du 26 juin 2007, 7 janvier 2008, 18 et 19 février 2008, 28 mars 2008, 27 mai 2008 et 23 octobre 2008 n’ont pas été contestées.
[35] Le 11 janvier 2010, dans une décision dont l’objet est identifié comme « Réévaluation des besoins d’aide personnelle à domicile », la CSST écrit que l’état de santé et la situation personnelle du travailleur se sont améliorés et indique que l’allocation prend fin le 15 juin 2009.
[36] Cette décision a été contestée par le travailleur le 18 janvier 2010, contestation qu’on trouve au dossier et le bordereau de transmission par télécopieur avec le rapport d’émission (T-1 en liasse) ayant été produit à l’audience. La CSST n’a jamais donné suite à cette contestation et n’a pas procédé à la révision administrative de cette décision.
[37] À l’audience, le travailleur témoigne qu’avant son accident, il était autonome, prenait soin de ses propres besoins. Il acquiert sa première maison à 20 ans et y vit seul pendant plusieurs années. Il a également plusieurs activités sociales et sportives dont le snowboard, le vélo de montagne, la chasse et la pêche.
[38] Au moment de son accident, il est marié et a un enfant de 6 mois.
[39] Suite à son accident, il dit n’avoir jamais complété la grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile ni avec un agent, un conseiller en réadaptation ou un ergothérapeute de la CSST. Il précise ensuite qu’il ne peut dire s’il a eu des conversations téléphoniques à propos de l’aide personnelle, mais confirme n’avoir jamais eu de rencontre en personne.
[40] Questionné ultérieurement à propos d’une conversation du 21 janvier 2010 rapportée dans les notes évolutives à propos de la grille d’aide personnelle, le travailleur dit qu’il ne s’en souvient pas. Il reconnaît qu’il y a eu modification de la salle de lavage et une certaine adaptation du sous-sol.
[41] La résidence du travailleur au moment de son accident, rue Bavière, n’est pas adaptée à sa condition et une ergothérapeute conclut que cette maison n’est pas adaptable en raison des multiples paliers qu’elle comporte.
[42] Vers la fin 2006 début 2007, le travailleur acquiert une nouvelle maison, place Adelaïde, qui fut adaptée à sa situation. Lorsqu’il quitte l’Institut de réadaptation de Montréal pour s’installer dans cette résidence, sa femme décide de partir. Le travailleur explique qu’il est alors incapable de rester seul dans cette maison. Il quitte alors pour aller vivre avec ses parents dans une maison qui lui appartient à St-Liguori où il habite toujours au moment de l’audience.
[43] Le travailleur expose dans son témoignage ses besoins par rapport aux activités de la vie quotidienne. Il allègue avoir des problèmes aux épaules, aux coudes et aux poignets. Pour le lever, il a besoin d’aide pour le sortir du lit et lui permettre de s’installer dans son fauteuil. Pour le coucher, quelqu’un doit tenir son fauteuil, au moins quelques fois par semaine.
[44] Pour ce qui est de son hygiène corporelle, il explique que si le bras est élevé trop longtemps, il perd de la force dans l’épaule. Il a donc besoin d’aide. Pour l’habillage, il a besoin d’aide parfois pour prendre les supports dans le garde-robe, s’habiller, notamment à cause de ses douleurs physiques. Quant à l’utilisation des commodités du domicile, il situe son besoin à 2, soit un besoin partiel.
[45] En ce qui concerne la préparation des repas, le travailleur expose que selon ce qu’il cuisine, il peut avoir besoin d’aide. Par exemple, pour placer un plat au four, il doit se pencher, ce qui est difficile parce que son «dos barre parfois ». La cuisson est ce qui est le plus difficile, car il y a un danger de brûlure. Par exemple, s’il a à se déplacer avec un chaudron, il lui arrive de l’échapper par terre ou sur lui.
[46] En ce qui a trait au ménage léger et lourd, il a besoin d’une aide totale, ce qui correspond à ce qui avait été déterminé par la CSST. Il témoigne qu’avec le fauteuil roulant, il « traine des choses avec lui ».
[47] Enfin, quant à l’approvisionnement, il indique qu’il a une détérioration musculaire qui le rend incapable de transporter beaucoup d’articles en même temps. Il ajoute que sa demande de quadriporteur a été refusée par la CSST. Les mouvements de sortir du camion, se diriger sur la rampe pour se rendre à l’épicerie, transporter les articles, et refaire ces mouvements à l’inverse sont difficiles pour lui.
[48] Le travailleur affirme aussi qu’un problème important qu’il vit concerne la gestion de ses comptes à payer. Il dit oublier, ne pas respecter les dates et vivre un problème de mémoire qui l’empêche d’avoir une gestion adéquate.
[49] Une autre difficulté qu’il éprouve réside dans ce qu’il nomme la tolérance dans sa vie avec les autres. Il expose devenir agressif, parler fort, devenir choqué, en colère, et se décrie comme « une bombe » pour les autres. Cela lui cause également des maux de tête et des problèmes avec les autres. Il a peur de ses réactions et craint d’en arriver à frapper quelqu’un.
[50] Il ajoute que le neurologue Crépeau lui a identifié une difficulté à exprimer ses propres difficultés. Il confirme qu’il n’exprime pas facilement ses besoins et ses problèmes. Parfois, il ne voit pas qu’il a un problème.
[51] Le représentant du travailleur a soumis que les besoins devraient être établis comme suit pour la période à compter du 29 septembre 2007 :
Tableau d’évaluation des besoins d’assistance |
||
Le lever |
A - Besoin d’assistance partielle |
1.5 |
Le coucher |
A - Besoin d’assistance partielle |
1.5 |
Hygiène corporelle |
A - Besoin d’assistance partielle |
2.5 |
Habillage |
A - Besoin d’assistance partielle |
1.5 |
Déshabillage |
A - Besoin d’assistance partielle |
1.5 |
Soins vésicaux |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Soins intestinaux |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Alimentation |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Utilisation des commodités du domicile |
A - Besoin d’assistance partielle |
2 |
Préparation du petit déjeuner |
A - Besoin d’assistance partielle |
1 |
Préparation du dîner |
A - Besoin d’assistance partielle |
2 |
Préparation du souper |
A - Besoin d’assistance partielle |
2 |
Ménage léger |
A - Besoin d’assistance complète |
1 |
Ménage lourd |
A - Besoin d’assistance complète |
1 |
Lavage du linge |
A - Besoin d’assistance complète |
1 |
Approvisionnement |
A - Besoin d’assistance partielle |
1.5 |
Total |
|
20/48 |
[52] La Commission des lésions professionnelles a également entendu le témoignage de monsieur William Marcotte (monsieur Marcotte), le père du travailleur. Celui-ci, qui témoigne hors de la présence du travailleur, à la demande du représentant du travailleur et avec l’accord de celui-ci, confirme les difficultés éprouvées par son fils.
[53] Il explique dans ses mots et dans un témoignage chargé d’émotions que son fils n’est plus le même depuis l’accident, qu’il a besoin d’aide et de surveillance. Il décrit la crainte qu’il a à le laisser seul à la maison. Il témoigne également de la charge que cela exige à son épouse qui prend soin de lui.
[54] Monsieur Marcotte rapporte notamment que le travailleur oublie de payer les comptes, oublie des plats qui cuisent sur la cuisinière. Si par exemple le travailleur s’entend avec sa mère pour aller à la banque le lendemain, il peut facilement oublier.
[55] Il expose que son fils démontre le désir de faire les choses de manière autonome, ce qu’il réussit à faire tout de même pour plusieurs choses. Toutefois, lorsqu’il n’y arrive pas, il réagit et vit beaucoup de frustration. Il se met en colère facilement, se montre agressif et agit de manière imprévisible. Monsieur Marcotte perçoit qu’il est difficile pour son fils d’accepter sa condition depuis son accident.
[56] Monsieur Marcotte affirme aussi que le travailleur a du mal à dormir, qu’il bouge constamment. Il dit également craindre pour la sécurité de son fils, face à lui-même.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[57] Lors de son argumentation, le représentant du travailleur expose que la condition du travailleur ne s’est jamais améliorée et il demande de regarder l’ensemble de la situation pour les besoins d’aide personnelle à domicile et les besoins de surveillance rétroactivement à la date de l’accident.
[58] Le représentant du travailleur reconnaît que la CSST a déjà payé pour l’adaptation d’une résidence du travailleur, laquelle a pris du temps. Par ailleurs, il n’a plus été en mesure d’occuper cette résidence suite au départ de sa conjointe. Il s’est réfugié chez ses parents.
[59] Il expose que la grille complétée jusqu’au 28 septembre 2007 n’est pas remise en cause et demande qu’à compter du 29 septembre 2007, les besoins d’aide personnelle à domicile soient établis à 20 sur 48 selon les chiffres détaillés en preuve.
[60] Pour ce qui est des besoins de surveillance, il prétend qu’ils sont marqués par rapport à la mémoire et au contrôle de soi. Il précise que la distinction entre un besoin de surveillance « marquée » et « modérée » contenue au formulaire de la CSST repose essentiellement sur la prévisibilité et la probabilité des besoins et que selon la preuve présentée, le représentant considère que la preuve démontre le besoin de type marqué.
[61] Questionné par le tribunal quant aux décisions antérieures qui n’ont pas été contestées, le représentant du travailleur prétend qu’il n’est pas possible de savoir, à la lecture de ces décisions, à quoi est relié le paiement de l’aide personnelle. Dans la mesure où la prétention du travailleur à l’effet qu’il n’a jamais été consulté est retenue, le représentant soumet que le tribunal pourrait se prononcer dans le sens demandé, sans égard aux décisions antérieures.
L’AVIS DES MEMBRES
[62] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs considèrent que le travailleur a droit à l’allocation pour de l’aide personnelle à domicile selon les modalités demandées et depuis le 18 décembre 2008. Ils estiment que l’évaluation de la CSST ne peut être retenue puisque le travailleur n’a pas eu l’opportunité de donner son point de vue lors d’une rencontre et qu’aucune évaluation par une ergothérapeute n’apparaît du dossier.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[63] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur peut bénéficier de l’aide personnelle à domicile et de surveillance depuis sa lésion professionnelle du 29 novembre 2006.
[64] Plus précisément, le représentant du travailleur ne remet pas en cause l’évaluation des besoins réalisée pour la période jusqu’au 28 septembre 2007, mais prétend qu’à compter du 29 septembre 2007, les besoins doivent être évalués en fonction de la preuve et des représentations faites à l’audience. Il prétend qu’étant donné que le travailleur n’a jamais rencontré quelqu’un de la CSST pour la détermination de ses besoins, la Commission des lésions professionnelles peut procéder à cette détermination, et ce, rétroactivement.
[65] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) énonce les conditions pour bénéficier de l’aide personnelle à domicile et ce qu’elle comprend:
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
__________
1985, c. 6, a. 158.
159. L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.
Cette personne peut être le conjoint du travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 159.
[66] Quant à l’évaluation, la loi prévoit les modalités :
161. Le montant de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.
__________
1985, c. 6, a. 161.
162. Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur :
1° redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou
2° est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5).
__________
1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a. 79; 1994, c. 23, a. 23.
163. Le montant de l'aide personnelle à domicile est versé une fois par deux semaines au travailleur.
Ce montant est rajusté ou annulé, selon le cas, à compter de la première échéance suivant l'événement qui donne lieu au rajustement ou à l'annulation.
__________
1985, c. 6, a. 163.
[67] Le Règlement sur les normes et barèmes de l'aide personnelle à domicile[2], contient d’autres dispositions sur le sujet:
3. Les mesures d'assistance visent, selon les besoins du travailleur, à aider celui-ci à prendre soin de lui même et à effectuer les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.
Décision 97-12-03, a. 3.
4. Les mesures de surveillance visent à aider le travailleur à prendre soin de lui-même durant les périodes comprises entre l'exécution de ses activités personnelles et de ses tâches domestiques, définies à l'article 2.1 de l'annexe 1, lorsqu'il a une atteinte permanente entraînant des séquelles neurologiques ou psychiques et qu'il a des besoins d'assistance suivant les normes établies à la grille d'évaluation des besoins d'aide personnelle à domicile prévue à cette annexe.
Décision 97-12-03, a. 4.
ÉVALUATION DE L'AIDE PERSONNELLE À DOMICILE
5. Les besoins d'aide personnelle à domicile sont évalués par la Commission de la santé et de la sécurité du travail en tenant compte de la situation du travailleur avant la lésion professionnelle, des changements qui en découlent et des conséquences de celle-ci sur l'autonomie du travailleur.
Ces besoins peuvent être évalués à l'aide de consultations auprès de la famille immédiate du travailleur, du médecin qui en a charge ou d'autres personnes-ressources.
Cette évaluation se fait selon les normes prévues au présent règlement et en remplissant la grille d'évaluation prévue à l'annexe 1.
Décision 97-12-03, a. 5.
[68] Pour avoir droit à l’aide personnelle à domicile, un travailleur doit satisfaire à trois conditions :
1) être incapable de prendre soin de lui-même et;
2) être incapable d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il effectuerait normalement;
3) l’aide doit s’avérer nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
[69] La jurisprudence[3] établit clairement que le « et » est conjonctif, ce qui fait en sorte que les deux premières conditions sont indissociables l’une de l’autre en ce qu’elles doivent être rencontrées simultanément et de façon cumulative pour donner ouverture au droit.
[70] La Commission des lésions professionnelles rapporte avec approbation les propos tenus dans la décision Gagné et Provigo distribution inc.[4]:
[38] Dès qu’il est médicalement possible de déterminer des séquelles permanentes de la lésion, la condition d’ouverture au droit à la réadaptation est rencontrée. La travailleuse a dès lors droit à l’aide personnelle à domicile si les autres conditions de l'article 158 sont rencontrées.
[71] Le travailleur ayant subi des conséquences majeures des suites de son accident, il est manifeste qu’il a droit à la réadaptation et que la première condition pour avoir droit à l’aide personnelle à domicile est rencontrée.
[72] Par ailleurs, le témoignage du travailleur que le tribunal retient et considère crédible fait état des difficultés qu’il rencontre dans ses activités de la vie quotidienne. La preuve présentée, que la Commission des lésions professionnelles a été en mesure d’apprécier, l’amène à la conclusion que le travailleur a besoin d’une aide partielle pour le lever, le coucher, l’hygiène corporelle, l’habillage et le déshabillage ainsi que l’utilisation des commodités du domicile.
[73] En ce qui concerne la préparation des repas, le travailleur a exposé les problèmes rencontrés en raison de sa condition pour par exemple, placer un plat au four, procéder à la cuisson d’aliments. La Commission des lésions professionnelles en retient que le travailleur a besoin d’une aide partielle.
[74] En ce qui a trait au ménage léger et lourd, le tribunal conclut que le travailleur a besoin d’une aide totale, ce qui correspond à ce qui avait été déterminé par la CSST.
[75] Enfin, quant à l’approvisionnement, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il a besoin d’une aide partielle principalement parce qu’il lui est difficile de se déplacer tout en transportant les articles qu’il se procure.
[76] En ce qui a trait à la surveillance, le tribunal considère que le travailleur a démontré des besoins de surveillance marquée en ce qui concerne la mémoire et le contrôle de soi. La preuve révèle en effet que les oublis du travailleur, de même que son impulsivité, sont des sources d’ennuis pour le travailleur et son entourage.
[77] Pour ce qui est de la détermination des besoins d’aide personnelle et de surveillance, le témoignage du travailleur a été clair et crédible à l’effet qu’aucune rencontre n’a eu lieu pour la détermination de ses besoins. On trouve au dossier quelques mentions à propos de discussions avec le travailleur ou ses représentants au sujet de ses besoins d’aide personnelle. Toutefois, une seule conversation avec le travailleur qui a cours le 21 janvier 2010 traite directement de ses besoins. On peut lire que l’agent « repasse la grille d’aide personnelle » avec le travailleur. Par contre, les notes ne rapportent pas tous les aspects discutés et lors de son témoignage, le travailleur affirme ne pas se souvenir.
[78] Par ailleurs, les faits mis en preuve permettent de conclure qu’aucune rencontre à ce sujet n’a eu lieu avec le travailleur.
[79] La preuve offerte à l’audience de même que la revue du dossier amènent ainsi la Commission des lésions professionnelles à retenir que le travailleur n’a pas eu l’opportunité de participer à l’évaluation de ses besoins d’une manière qui puisse permettre une détermination adéquate.
[80] Le tribunal ne doute pas non plus que le travailleur effectuait lui-même antérieurement les tâches pour lesquelles il a besoin d’aide aujourd’hui. La preuve démontre effectivement qu’il était autonome, vivait seul pendant plusieurs années.
[81] La Commission des lésions professionnelles conclut que la deuxième condition pour le droit à l’aide personnelle est rencontrée.
[82] Enfin, il ne fait aucun doute dans l’esprit du tribunal que l’aide demandée est nécessaire au maintien du travailleur à son domicile où il vit avec ses parents.
[83] La Commission des lésions professionnelles ajoute que selon l'article 158 de la loi, l’aide que des membres de la famille peut apporter n’a pas à être considérée même s’il peut être approprié de le faire. Néanmoins, il ne s'agit que d'une circonstance que le tribunal peut considérer pour décider de la nécessité de fournir une aide personnelle au domicile[5].
[84] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles considère que l'équité commande que l'on considère l'épuisement de cet apport familial lorsque celui-ci découle des conséquences de la lésion professionnelle. À ce sujet, la preuve présentée révèle une pression vécue par les parents du travailleur, du fait des conséquences de la lésion professionnelle. Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles estime que l'aide demandée répond à l'objectif de la loi, soit la réparation des conséquences d'une lésion professionnelle[6].
[85] Le tribunal ne peut que souhaiter que l’aide accordée permette au travailleur de même qu’à ses parents de mieux vivre avec les conséquences de la lésion professionnelle du travailleur.
[86] En somme, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a droit à l’aide personnelle à domicile demandée pour répondre à ses besoins en fonction de la détermination suivante :
Tableau d’évaluation des besoins d’assistance |
||
Le lever |
A - Besoin d’assistance partielle |
1.5 |
Le coucher |
A - Besoin d’assistance partielle |
1.5 |
Hygiène corporelle |
A - Besoin d’assistance partielle |
2.5 |
Habillage |
A - Besoin d’assistance partielle |
1.5 |
Déshabillage |
A - Besoin d’assistance partielle |
1.5 |
Soins vésicaux |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Soins intestinaux |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Alimentation |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Utilisation des commodités du domicile |
A - Besoin d’assistance partielle |
2 |
Préparation du petit déjeuner |
A - Besoin d’assistance partielle |
1 |
Préparation du dîner |
A - Besoin d’assistance partielle |
2 |
Préparation du souper |
A - Besoin d’assistance partielle |
2 |
Ménage léger |
A - Besoin d’assistance complète |
1 |
Ménage lourd |
A - Besoin d’assistance complète |
1 |
Lavage du linge |
A - Besoin d’assistance complète |
1 |
Approvisionnement |
A - Besoin d’assistance partielle |
1.5 |
Total |
|
20/48 |
[87] Pour ce qui est des besoins de surveillance, en complétant la grille en 2011, la CSST a reconnu un besoin de surveillance pour la mémoire et le contrôle de soi qu’elle a évalué chacun à 1, ce qui est également documenté par l’expertise du neuropsychologue et psychologue clinicien Crépeau. De plus, le travailleur a une atteinte à son intégrité psychique correspondant à un déficit anatomo-physiologique de 45 %.
[88] La Commission des lésions professionnelles retient aussi le témoignage du travailleur et celui de son père quant aux difficultés de mémoire et du contrôle de soi, particulièrement le caractère imprévisible des réactions du travailleur, présent depuis l’accident, et que le père du travailleur a pu constater en vivant avec son fils.
[89] Ainsi, le tribunal conclut à des besoins de surveillance marquée pour ce qui concerne la mémoire et le contrôle de soi.
[90] Quant à la période pour laquelle le travailleur a droit à la détermination de ses besoins en fonction des représentations faites à l’audience, la Commission des lésions professionnelles abonde dans le même sens que le représentant du travailleur à l’effet qu’elle n’est pas restreinte à la période sur laquelle la CSST a statué[7].
[91] En effet, la loi lui accorde le pouvoir de se prononcer en fonction du mérite réel et la justice du cas :
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
__________
1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
[92] Le tribunal considère par ailleurs qu’elle ne peut, pour les motifs ci-après énoncés, étendre l’objet de sa décision à toute la période pour laquelle le représentant du travailleur lui demande de se prononcer.
[93] La Commission des lésions professionnelles estime qu’il y a lieu de remonter minimalement au 15 juin 2009. En effet, la décision du 11 janvier 2010 de la CSST met fin à l’aide personnelle rétroactivement au 15 juin 2009. Cette décision a été contestée par le travailleur, contestation à laquelle la CSST n’a pas donné suite.
[94] Dans sa décision du 23 juin 2011 qui précède la contestation dont la Commission des lésions professionnelles est saisie en premier lieu, la CSST prend en compte que la décision du 11 janvier 2010 n’a pas été contestée, ce qui est faux.
[95] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la prise en compte de cette information erronée par la CSST ouvre la porte à ce qu’en rendant la décision qui aurait dû être rendue quant à la contestation dont elle est saisie, elle remonte minimalement jusqu’au 15 juin 2009.
[96] Par ailleurs, des décisions ont été rendues par la CSST concernant l’aide personnelle à domicile les 26 juin 2007, 7 janvier 2008, 18 et 19 février 2008, 28 mars 2008, 27 mai 2008 et 23 octobre 2008 et ces décisions n’ont pas été contestées. Cette dernière décision porte sur la période jusqu’au 17 décembre 2008.
[97] La Commission des lésions professionnelles comprend que dans les faits, le travailleur a continué de bénéficier d’une allocation pour aide personnelle à domicile après le 17 décembre 2008 et jusqu’au 15 juin 2009, sans toutefois qu’une décision ait été rendue pour cette période.
[98] Ainsi, compte tenu qu’aucune décision n’a été rendue pour la période postérieure au 17 décembre 2008, et que le travailleur n’a pas eu l’opportunité de contester jusqu’à maintenant concernant la période entre le 18 décembre 2008 et le 15 juin 2009, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’elle peut se prononcer quant à cette période sans compromettre les décisions antérieures qui sont devenues finales. Ce faisant, le tribunal agit de manière conforme au principe de stabilité des décisions[8].
[99] La Commission des lésions professionnelles retient donc la période remontant au 18 décembre 2008, conclusion qui respecte également la prescription extinctive appliquée par la Commission des lésions professionnelles pour l’aide accordée rétroactivement :
Le versement rétroactif de montants d'argent visant à compenser pour des services qui auraient pu avoir leur raison d'être dans le passé, mais qui dans les faits n'ont pas été octroyés, ni assumés par le travailleur au moment opportun, remplit fort peu le rôle visé par le législateur lors de l'adoption des articles 1 , 145 , 151 , 158 et 159 LATMP, soit la réduction la plus immédiate possible de l'impact négatif pouvant découler d'une lésion professionnelle. Il y a lieu ainsi de pallier de manière supplétive au défaut crée par l'effet de la rétroactivité adopté par la majorité de décideurs du tribunal, et ce, en référant à la prescription extinctive prévue à l'article 2925 du Code civil du Québec, soit trois ans[9].
[100] En somme, la Commission des lésions professionnelles est d’avis d’accueillir la requête du travailleur et de déterminer l’aide personnelle à domicile incluant pour répondre aux besoins de surveillance en fonction des représentations du représentant du travailleur et de l’ensemble de l’appréciation de la preuve, et ce, rétroactivement pour la période à compter du 18 décembre 2008.
[101] Enfin, le tribunal tient compte également de l’article 364 de la loi :
364. Si une décision rendue par la Commission, à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358, ou par la Commission des lésions professionnelles reconnaît à un bénéficiaire le droit à une indemnité qui lui avait d'abord été refusée ou augmente le montant d'une indemnité, la Commission lui paie des intérêts à compter de la date de la réclamation.
Le taux de ces intérêts est déterminé suivant les règles établies par règlement. Ces intérêts se capitalisent quotidiennement et font partie de l'indemnité.
__________
1985, c. 6, a. 364; 1993, c. 5, a. 20; 1997, c. 27, a. 20; 1996, c. 70, a. 42.
[102] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’allocation pour l’aide personnelle à domicile et la surveillance constitue une indemnité au sens de cette disposition[10] et elle retient la date de la contestation de la décision du 11 janvier 2010, soit le 18 janvier 2010 comme point de départ du calcul des intérêts.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Michael Marcotte, le travailleur;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 juin 2011;
DÉCLARE que le travailleur a droit à l’aide personnelle à domicile et à l’aide pour répondre à ses besoins de surveillance à compter du 18 décembre 2008;
DÉCLARE que les besoins d’assistance personnelle et domestique doivent être établis sur la base de 20 points sur 48 dans la grille prévue à l’annexe 1 du Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile;
DÉCLARE que les besoins de surveillance doivent être établis sur la base de 4 points sur 12 dans la grille prévue à l’annexe 1 du Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile;
DÉCLARE que le travailleur a droit au versement d’intérêts sur le paiement de l’allocation pour l’aide personnelle à domicile et pour la surveillance, et ce, à compter du 18 janvier 2010;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour le calcul de l’allocation payable au travailleur, en capital et intérêts, tenant compte de l’allocation déjà versée pour la période visée par la présente décision.
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Annie Beaudin |
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Me Jean Mercure |
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Lexauris |
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Représentant de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] R.R.Q., c. A-3.001, r. 9.
[3] CSST et Fleurent, [1998] C.L.P. 360 ; Côté et DL Sanitation enr., [2007] C.L.P. 1457 ; Chapados et Camp Louis-Georges Lamontagne, C.L.P. 349183-01A-0805, 19 mars 2009; Transelec / Common inc. et Desjardins, 2011 QCCLP 6705 .
[4] Turgeon et C.S.S.T., C.L.P. 136575-61-0004, 21 septembre 2000, L. Nadeau.
[5] Beauregard c. CALP, [2000] C.L.P. 55 (C.A.).
[6] Medeiros Melo et Aluminium Varina inc., 2011 QCCLP 3356 .
[7] Société canadienne des postes c. Morency, [1989] R.J.Q. 2300 (C.A.).
[8] Les Ameublements Québéko inc. et Contant, C.L.P. 173817-64-0111, 10 mars 2004, J.-F. Martel, (03LP-304).
[9] Charron et Marché André Martel inc., [2010] C.L.P. 219 ; révision rejetée, 2011 QCCLP 5854 .
[10] Montminy et St-Jérôme Bandag inc., C.L.P. 379339-64-0905, 14 janvier 2010, M. Lalonde.
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