Décision

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Value Village Stores Inc. et Shank

2011 QCCLP 6070

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Salaberry-de-Valleyfield

15 septembre 2011

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

417332-62C-1008

 

Dossier CSST :

135427177

 

Commissaire :

Pascale Gauthier, juge administratif

 

Membres :

Jean-Benoît Marcotte, associations d’employeurs

 

Nere Dutil, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Pedro Molina-Negro, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Value Village Stores inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Sonia Shank

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 10 août 2010, Value Village Stores inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 5 août 2010 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 27 juillet 2010, déclare que la madame Sonia Shank (la travailleuse) a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu puisque sa lésion professionnelle survenue le 3 décembre 2009 n’est pas consolidée, et déclare qu’elle est justifiée de poursuivre le paiement des soins ou des traitements puisqu’ils sont nécessaires.

[3]           À l’audience, tenue à Salaberry-de-Valleyfield le 20 mai 2011, la travailleuse est présente. L’employeur est absent mais représenté.

[4]           À l’issue de l’audience, un délai est accordé aux parties pour permettre le dépôt de documents additionnels et d’argumentations écrites. L’affaire est mise en délibéré le 12 août 2011.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           L’employeur demande de retenir l’opinion de son médecin expert et de déclarer que la lésion professionnelle de la travailleuse est consolidée le 27 avril 2010, avec une atteinte permanente de 0 %, et sans limitations fonctionnelles.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]           Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont du même avis. Ils estiment que la lésion professionnelle de la travailleuse est consolidée le 27 avril 2010, tel que le reconnaît le docteur Legendre. En effet, depuis le début du mois d’avril 2010, sa condition lombaire est stable et cesse d’évoluer. Aucun traitement additionnel n’est susceptible, à partir de ce moment-là, d’améliorer cette condition. En mai 2010, le docteur Primeau devient le médecin qui a charge de la travailleuse. Le docteur Fournier, membre du Bureau d'évaluation médicale, ne consolide pas la lésion professionnelle de la travailleuse lorsqu’il la rencontre en juillet 2010 parce que ce dernier ne suggère que des exercices cardiovasculaires, non spécifiques à cette lésion.

[7]           Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales constatent cependant que la travailleuse allègue des douleurs, notamment lombaires. Ils estiment que l’état actuel du dossier ne permet pas de déterminer s’il y a ou non présence chez elle d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles reliées à sa lésion professionnelle. À leur avis, il y a lieu de poursuivre l’investigation médicale à cet égard.  

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]           Née en 1983, la travailleuse occupe un poste d’évaluatrice de meubles chez l’employeur lorsqu’elle subit une lésion professionnelle le 3 décembre 2009 en jetant un meuble dans un compacteur. Ce jour-là, le docteur Ariel Hazan retient un diagnostic d’entorse lombaire, suggère un arrêt de travail et prescrit des anti-inflammatoires.

[9]           Le 18 décembre 2009, la docteure Ghislaine Roederer suggère des traitements de physiothérapie et le 22 janvier 2010, elle ajoute l’ergothérapie.

[10]        Dans l’intervalle, soit le 12 janvier 2010, la réclamation de la travailleuse est acceptée par la CSST.

[11]        Le 12 février 2010, la docteure Roederer maintient le diagnostic d’entorse lombaire et suggère toujours l’arrêt de travail ainsi que les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie. Le 26 février 2010, elle autorise le retour au « travail allégé » en raison de trois jours et demi par semaine.

[12]        Des notes de physiothérapie font état de l’évolution de la condition de la travailleuse. Ainsi, le 1er mars 2010, on indique que la travailleuse a moins de douleur et qu’elle réussit à faire toutes ses tâches à la maison. Le 22 mars suivant, on indique qu’elle trouve le retour au travail difficile et que sa douleur a augmenté un peu, surtout du côté droit.

[13]        Le 26 mars 2010, on rapporte qu’elle est parfois trop fatiguée pour faire ses tâches à la maison, que sa douleur au dos descend parfois dans les fesses et qu’elle présente des douleurs aux jambes. La douleur varie de localisation sans raison apparente. Du point de vue objectif, on indique que la mobilité sacro-iliaque droite et la souplesse musculaire sont améliorées, qu’une douleur persiste à L5-S1, et que la condition de la travailleuse est stable.

[14]        Le 4 avril 2010, on rapporte la présence d’une douleur augmentée au niveau de la fesse droite avec irradiation. Du point de vue objectif, la mobilité lombaire se situe dans les limites de la normale, et la palpation pyramidale droite est douloureuse.

[15]        Le 9 avril 2010, on note une condition détériorée depuis dix jours. La mobilité lombaire se situe dans les limites de la normale avec présence de douleur lors de la flexion et de la flexion latérale droite. Une tension variable au niveau du pyramidal droit est rapportée, et le test du « straight leg raising » est positif à 40°.

[16]        Le 11 avril 2010, la docteure Roederer demande une imagerie par résonance magnétique (IRM) et suggère l’arrêt de travail. À l’audience, la travailleuse affirme qu’elle était alors affectée au département des bijoux, où les tâches sont moins exigeantes physiquement, mais qu’elle a dû cesser de travailler parce qu’elle présentait des crampes aux jambes.

[17]        Une note de physiothérapie datée du 25 avril 2010 indique notamment la présence d’une douleur lombaire légère. Du point de vue objectif, le test du « straight leg raising » est positif à 45° tandis que la mobilité lombaire se situe dans les limites de la normale. On indique également que la tension musculaire au niveau pyramidal varie selon les activités.

[18]        Le 27 avril 2010, la travailleuse rencontre le docteur Pierre Legendre, chirurgien orthopédiste, à la demande de l’employeur. Ce dernier est chargé de se prononcer sur le diagnostic, la date de consolidation, les traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Il note que la travailleuse est en arrêt de travail, qu’elle subit quotidiennement des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie, qu’elle consomme du Flexeril (relaxant musculaire) au coucher ainsi que des anti-inflammatoires au besoin. Il décrit les manifestations subjectives ainsi:

L’expertisée se plaint de lombalgie fréquente, bilatérale, irradiant au niveau des deux fesses. Elle se plaint également, occasionnellement, de sciatalgie droite allant jusqu’au talon.

 

Les douleurs sont augmentées par la flexion du tronc et la position assise prolongée. Les douleurs sont diminuées par le repos.

 

Sur l’échelle numérique des douleurs, les douleurs initiales étaient à 8.5/10 au niveau lombaire. Les douleurs actuelles en lombaire varient de 0 à 6/10. L’expertisée nous dit ressentir l’obtention d’un plateau dans l’amélioration symptomatique depuis environ deux mois.

 

 

[19]        À l’examen des amplitudes articulaires du rachis dorsolombaire, le docteur Legendre note une flexion antérieure à 90° avec un Schöber modifié qui passe de 15 à 21 centimètres. En position assise avec les genoux en extension, cette flexion se rend de façon active jusqu’à 100° et à ce moment, le Schöber modifié passe de 15 à 20 centimètres. À partir de la position debout, l’extension est mesurée par goniomètre à 30° et les flexions latérales à 35°. En position assise, les rotations sont à 40°. Il y a douleur exprimée lors de l’obtention de l’extrême de ces amplitudes articulaires. Il n’y a pas de douleur à la palpation au niveau du rachis dorsolombaire, et les tests du Lasègue, du Tripode et d’Ély sont négatifs. Une douleur derrière le genou droit est notée à la manœuvre du Lasègue à droite, la hanche étant fléchie à 70°. L’examen neurologique radiculaire au niveau des membres inférieurs ne démontre aucun déficit sensitif ou moteur. Les manœuvres de Waddell sont négatives.

[20]        Le docteur Legendre pose un diagnostic lésionnel d’entorse lombaire et ajoute qu’il n’y a pas de signe d’irritation ou déficit radiculaire suffisant pour parler d’une hernie discale clinique. Il consolide cette lésion en date de son examen, soit le 27 avril 2010, étant d’avis que l’état objectif de la travailleuse ne sera pas modifié par la poursuite des traitements ou d’investigations.

[21]        De plus, considérant notamment l’absence de spasme musculaire paravertébral et la stabilité symptomatique depuis deux mois, le docteur Legendre est d’avis que les traitements reçus par la travailleuse sont suffisants et qu’il n’y a pas d’autres investigations à obtenir. Il ajoute que les résultats de l’IRM n’auront aucune conséquence thérapeutique, même s’ils démontrent une hernie discale. L’atteinte permanente est évaluée à 0 % en l’absence d’ankylose au niveau du rachis dorsolombaire, et aucune limitation fonctionnelle n’est retenue.

[22]        À l’audience, la travailleuse affirme qu’elle va bien lorsqu’elle rencontre le docteur Legendre, mais qu’elle éprouve tout de même des douleurs, notamment après s’être penchée à son maximum.

[23]        À propos de sa douleur, la travailleuse affirme qu’elle s’est d’abord située à droite, à la charnière lombosacrée. Puis, après quelques épisodes d’exacerbation, cette douleur s’est dirigée vers la gauche.

[24]        Le 29 avril 2010, une IRM est effectuée et est lue par la docteure Geneviève Boisvert, radiologiste, qui constate la présence d’une lésion d’aspect bénin au conus. Un petit pincement intersomatique et un discret hypersignal périphérique sont constatés en L5-S1.

[25]        Toujours en date du 29 avril 2010, une note de physiothérapie rapporte une douleur au membre inférieur droit, davantage présente quand la travailleuse se penche et qu’elle force. Une douleur lombaire est également rapportée comme étant présente de façon plus importante en fin de journée. Du point de vue objectif, la mobilité lombaire se situe dans les limites de la normale, alors que la travailleuse a tendance à compenser en flexion antérieure lors de la flexion latérale droite. Un spasme au niveau du psoas iliaque droit est constaté lors de la flexion de la hanche. Une douleur est présente à la palpation à L5-S1 et pyramidal droit, mais moins intense. Le test du « straight leg raising » est positif à 50°. On note une légère amélioration de l’endurance sans impact au quotidien.

[26]        Le 30 avril 2010, la docteure Roederer suggère la poursuite des traitements et autorise les travaux légers.

[27]        Une note de physiothérapie datée du 14 mai 2010 indique que les douleurs au dos et à la jambe droite sont revenues depuis quelques jours, mais que la première semaine de travail « avait bien été ». Du point de vue objectif, la mobilité lombaire se situe toujours dans les limites de la normale avec une douleur en fin de flexion. On note un retour des spasmes au niveau pyramidal droit. La douleur est augmentée à la palpation à L5-S1. Le test du « straight leg raising » est positif à 40°. On indique, en outre, que la condition de la travailleuse est détériorée au niveau subjectif mais améliorée au niveau objectif.

[28]        Le 16 mai 2010, on note que sa douleur lombaire revient de façon occasionnelle. Du point de vue objectif, la mobilité lombaire se situe dans les limites de la normale, le test du « straight leg raising » est positif à droite à 45°, et une tension musculaire est toujours notée au niveau pyramidal droit.

[29]        La travailleuse affirme à l’audience qu’en mai 2010, sa douleur est toujours fluctuante. Alors qu’elle va bien pendant quelques semaines, soudainement, la douleur revient.

[30]        Le 17 mai 2010, la docteure Roederer complète un rapport final sur lequel elle indique que la lésion professionnelle de la travailleuse est consolidée, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Elle suggère un retour au travail régulier à temps plein. Sur la note de consultation médicale qu’elle rédige ce jour-là, elle rapporte que selon les physiothérapeutes, la travailleuse présente une amélioration objective et une détérioration subjective. Elle indique, en outre, que la travailleuse est furieuse, qu’elle ne comprend pas pourquoi elle a mal aux jambes, qu’elle dit ne pas avoir été bien traitée, qu’elle ne veut plus la revoir et qu’elle décide de changer de médecin. La docteure Roederer ajoute être restée calme.

[31]        À l’audience, la travailleuse témoigne au sujet de ce conflit avec son médecin qui a charge. Elle affirme que le 17 mai 2010, lors d’une consultation médicale, la docteure Roederer a en main le rapport du docteur Legendre et l’informe de son contenu. La docteure Roederer lui aurait dit alors qu’elle n’était pas intéressée à « se lancer là-dedans ». Elle la retournait à son travail régulier et cessait les traitements de physiothérapie. La travailleuse est alors en désaccord, éprouvant toujours des difficultés à se pencher et à se relever. Elle informe la docteure Roederer de son désir de changer de médecin. Cette dernière aurait répondu : « c’est beau ».

[32]        Le lendemain, soit le 18 mai 2010, la travailleuse rencontre le docteur Alain Primeau. Sur un rapport médical d’évolution, il note la présence d’une entorse lombaire, et rapporte le conflit avec la docteure Roederer au sujet du rapport final. Il poursuit les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie, auxquels il ajoute l’acupuncture. Il indique également que la travailleuse va mieux à 70 %.

[33]        Selon le dossier constitué par la CSST (le dossier), toujours en date du 18 mai 2010, une agente informe l’employeur qu’elle ne tiendra pas compte du rapport final de la docteure Roederer et que le dossier sera traité en continuité. L’employeur accepte de se désister d’une ancienne demande d’avis au Bureau d'évaluation médicale et d’en présenter une nouvelle avec le rapport médical du docteur Primeau.

[34]        La Commission des lésions professionnelles souligne, à ce stade-ci, la présence de l’article 192 dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), qui prévoit qu’un travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix. À propos de cette disposition, la Commission des lésions professionnelles s’exprime ainsi dans l’affaire Sport SM inc. et Abesque[2] :

[74]    Conformément à l’article 92 (lire 192) de la loi, le travailleur a le libre choix du professionnel de la santé pour prendre en charge son cas.

 

[75]    La jurisprudence a reconnu que le libre choix est un principe fondamental et ce, d’autant plus que l’enjeu et les conséquences sont forts importants pour le travailleur. À cet égard, rappelons que les conclusions émises par le médecin ayant charge auront pour effet de lier la CSST sous réserve de l’article 224.1 de la loi aux fins de rendre une décision en vertu de la loi. Par ailleurs, aucune disposition de la loi ne permet au travailleur de les contester.

 

[76]    En ce qui concerne la notion de « médecin ayant charge et le caractère liant de son opinion sur les questions médicales », tel que l’exprime la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire St-Arnaud et Ville de Trois-Rivières2, il faut se garder d’appliquer la loi de manière à ce qu’il devienne possible pour un travailleur de « magasiner » les opinions médicales jusqu’à ce qu’il en soit satisfait.

 

[77]    Ceci étant, s’il est contraire à la loi qu’un travailleur choisisse l’opinion médicale qui lui plaît, dans l’affaire Larrivée et Cambior inc. - Géant Dormant3, la Commission des lésions professionnelles a reconnu qu’il a le droit de choisir un médecin en qui il a confiance et qu’il appartient au tribunal d’apprécier les motifs du changement de médecin initié afin de déterminer si la substitution est légitime.

________________

                        2       C.L.P. 256038-04-0502, 20 décembre 2005, D. Lajoie.

                3       C.L.P. 183748-01A-0205, 20 avril 2004, D. Sams.

 

 

[35]        En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles constate, à la lumière du témoignage de la travailleuse et de la note de consultation médicale de la docteure Roederer du 17 mai 2010, qu’il y a présence d’un désaccord manifeste entre ces deux personnes. Selon la travailleuse, la docteure Roederer ne souhaite pas, ce jour-là, débattre l’opinion du médecin expert de l’employeur. De plus, elle ne comprend pas pourquoi sa lésion professionnelle serait consolidée sans traitements additionnels, alors qu’elle a encore des douleurs. Elle n’aurait pas compris non plus la cause de ses douleurs. Lorsqu’elle manifeste à la docteure Roederer son désir de changer de médecin, cette dernière ne se serait pas opposée à cette décision. Or, la travailleuse a besoin d’un médecin pour assurer le suivi de sa condition médicale, et dès le lendemain, elle rencontre le docteur Primeau qui prend alors son dossier en charge.

[36]        Dans ce contexte, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, nous ne sommes pas en présence d’une travailleuse qui « magasine » les médecins jusqu’à obtenir l’opinion médicale souhaitée. Nous sommes plutôt en présence d’une travailleuse qui n’accorde plus sa confiance à son médecin qui a charge, notamment en raison de son incompréhension face à l’origine de ses douleurs et à la cessation annoncée de ses traitements. La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que le docteur Primeau devient le médecin qui a charge de la travailleuse à compter du 18 mai 2010.

[37]        D’ailleurs, la CSST traite son dossier en continuité avec le rapport médical du docteur Primeau à compter de cette date, et l’employeur ne manifeste pas son désaccord avec cette démarche.

[38]        Suivant sa rencontre avec le docteur Primeau du 18 mai 2010, la travailleuse poursuit ses traitements. Le 24 mai 2010, en physiothérapie, on indique que sa douleur est revenue avec le retour au travail, et on réitère que sa condition s’est détériorée du point de vue subjectif mais qu’elle s’est améliorée du point de vue objectif.

[39]        Sur un rapport complémentaire reçu par la CSST le 31 mai 2010, le docteur Primeau indique que la lésion professionnelle de la travailleuse n’est pas consolidée, qu’elle va mieux à 70 %, que sa condition est irritable et que la force et l’endurance sont diminuées. Il maintient les traitements de physiothérapie, d’ergothérapie et d’acupuncture.

[40]        Selon une note de physiothérapie datée du 3 juin 2010, la travailleuse ne voit pas de changement dans sa condition et accuse toujours une douleur derrière et sur les côtés du genou droit. La douleur lombaire est plus forte avec les efforts. Du point de vue objectif, la mobilité lombaire est stable. Des spasmes variables sont constatés au niveau pyramidal droit, ainsi qu’une douleur à la palpation à L5-S1. Le test du « straight leg raising » est stable, étant positif à droite à 40°. On note que la condition de la travailleuse est stable et qu’elle n’a eu qu’un traitement d’acupuncture. L’arrêt des traitements de physiothérapie est suggéré en raison de l’atteinte d’un plateau, mais on suggère ceux d’ergothérapie pour améliorer l’endurance.

[41]        Le 6 juin 2010, le docteur François Dulude cesse les traitements de physiothérapie et poursuit ceux d’ergothérapie ainsi que l’acupuncture. La reprise du travail à temps partiel est autorisée. Le docteur Primeau est du même avis en date du 15 juin 2010. Ce jour-là, il indique que l’entorse lombaire de la travailleuse est stable à 70 %.

[42]        Une note de physiothérapie datée du 14 juin 2010 indique que la travailleuse rapporte aller mieux depuis le début des traitements d’acupuncture.

[43]        Le 5 juillet 2010, les physiothérapeutes rapportent que la travailleuse « s’est fait mal en faisant un mouvement brusque pour ramasser une bouteille d’eau », que la douleur est très présente, et que sa condition s’est détériorée en raison d’un événement récent.

[44]        La travailleuse confirme à l’audience la survenance de cet incident. Elle précise que son dos a barré en juin 2010 alors qu’elle a tenté d’attraper une bouteille que son chat a fait tomber. Son dos aurait également barré lors d’un cauchemar.

[45]        Le 6 juillet 2010, la travailleuse rencontre le docteur Karl Fournier, chirurgien orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale. Ce dernier est chargé de donner son avis sur la date de consolidation, les traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. À l’audience, la travailleuse affirme que ses douleurs fluctuaient, et qu’elle avait mal cette journée-là.

[46]        À l’état actuel, le docteur Fournier note que la travailleuse va mal et qu’elle s’est infligé une douleur dans la région lombaire le 30 juin 2010 en tentant d’attraper brusquement une bouteille d’eau. La douleur est surtout ressentie dans la région lombaire du côté gauche. La travailleuse mentionne pouvoir faire toutes ses activités, sauf que rester debout en position prolongée est douloureux, rester assise en position prolongée est douloureux et conduire sa voiture trop longtemps est douloureux, le tout dans la région lombaire. Les activités domestiques se font avec difficulté à cause de la douleur.

[47]        À l’examen des amplitudes du rachis lombaire, le docteur Fournier note que la travailleuse présente une flexion antérieure à 75° avec douleur et une extension à 25° avec douleur. L’élévation de la jambe tendue donne des douleurs lombaires, tant à droite qu’à gauche. Les résultats du reste de l’examen sont normaux. Le test de Schöber n’est pas effectué.

[48]        À la discussion, le docteur Fournier indique que la travailleuse a encore des douleurs dans la région lombaire, ainsi qu’un examen encore perturbé. Il ne croit pas qu’il y ait des signes de non-organicité, que la travailleuse est relativement active et qu’elle devrait bien se rétablir avec le traitement approprié. Il croit qu’il est trop tôt pour consolider la lésion de la travailleuse.

[49]        En ce qui concerne les traitements, le docteur Fournier est d’avis que la travailleuse a besoin de faire des exercices cardiovasculaires, tels que tapis roulant, course sur route ou vélo, trois à quatre fois par semaine, au moins trente à quarante-cinq minutes, et ce pendant deux mois. Par la suite, elle pourrait être consolidée. Les autres traitements sont, à son avis, inutiles.

[50]        Une note de physiothérapie datée du 26 juillet 2010 indique que les vacances ont fait du bien et que la travailleuse s’améliore graduellement et continuellement.

[51]        Le 27 juillet 2010, la CSST rend une décision à la suite de l’avis rendu par le docteur Fournier. Étant liée par cet avis, elle indique que les traitements sont toujours nécessaires et qu’elle continuera à les payer. Elle ajoute que la lésion professionnelle n’est pas consolidée et que la travailleuse a droit à la poursuite du paiement des indemnités. Cette décision est à l’origine du présent litige.

[52]        Une note de physiothérapie, datée du 9 août 2010, indique que la condition de la travailleuse varie depuis l’épisode de la bouteille d’eau, et qu’elle estime avoir besoin de traitements de physiothérapie. Il lui est davantage difficile d’effectuer ses activités quotidiennes à la maison. On indique, en outre, que sa condition s’est légèrement détériorée suite aux vacances et au stress au travail.

[53]        Le 23 août 2010, on indique que la travailleuse a toujours des hauts et des bas, que sa condition varie, que la douleur est plus importante lorsqu’elle fait davantage d’activités, et que le repos diminue sa douleur. On note une légère amélioration de l’endurance. Du point de vue objectif, la mobilité lombaire est légèrement diminuée en flexion et extension.

[54]        Le 13 septembre 2010, on indique que la travailleuse présente une douleur lombaire, qui bouge de gauche à droite. Ses douleurs sont plus importantes après une journée complète de travail. Le test du « straight leg raising » est positif à droite à 42° et à gauche à 55°. On note que sa condition est stable.

[55]        Le 4 octobre 2010, on indique que la travailleuse a beaucoup de douleurs lombaires à gauche et au membre inférieur droit (aine et genou), qu’elle trouve son travail difficile, de pire en pire depuis qu’elle a commencé à faire une journée complète par semaine. On ajoute qu’elle doit toujours en faire plus au travail et qu’elle ressent beaucoup de stress lié aux quotas à respecter. On note, en outre, une légère amélioration de la force et de l’endurance, et que le stress vécu par la travailleuse au travail limite l’amélioration de sa condition en regard de la douleur. Le 28 octobre suivant, on indique que sa condition s’est légèrement détériorée sans raison apparente.

[56]        Dans l’intervalle, soit le 25 octobre 2010, la travailleuse rencontre la docteure Ezzedine Attig, neurologue, à la demande du docteur Dulude. Cette dernière indique que l’étude électrophysiologique pratiquée au niveau des deux membres inférieurs ne révèle aucun signe franc de neuropathie diffuse ni compressive. Il n’y a pas d’évidence de radiculopathie motrice ni aiguë ni chronique. La docteure Attig indique, en outre, que la travailleuse présente un problème musculo-squelettique avec des lombalgies et des douleurs au niveau du genou droit, et suggère une opinion en orthopédie ainsi que des traitements conservateurs.

[57]        Une note de physiothérapie, datée du 21 décembre 2010, indique que la travailleuse va bien, qu’elle a moins de douleurs, et qu’elle a les capacités physiques pour faire plus d’heures de travail. Le 3 mars 2011, une telle note indique que sa condition s’est détériorée, que la travailleuse a davantage de douleurs mais elle ne sait pas vraiment pourquoi. Le 30 mars 2011, elle va beaucoup mieux. On indique que les traitements de physiothérapie avec approche en ostéopathie améliorent progressivement sa condition.

[58]        Le 8 avril 2011, la travailleuse rencontre le docteur André Roy, physiatre, à la demande du docteur Primeau. Ce dernier indique que la travailleuse présente un tableau de lombalgies bilatérales depuis l’événement accidentel de décembre 2009. Ces douleurs irradient au niveau des deux régions fessières et inguinales. Le docteur Roy ajoute que la travailleuse est toujours symptomatique malgré des traitements de physiothérapie, d’ergothérapie et d’acupuncture, et qu’elle occupe un travail à temps partiel. Il retient le diagnostic de dysfonction segmentaire L4-L5 et L5-S1, sans signes de radiculopathie ni signes d’irritation radiculaire. Il procède à des blocs facettaires L4-L5 et L5-S1 bilatéralement, et indique que cette procédure a été bien tolérée.

[59]        Une note de physiothérapie datée du 27 avril 2011 indique que la travailleuse note une légère diminution de la douleur suite à l’infiltration, que cette douleur varie de 0 à 4 sur 10, et qu’elle augmente à l’effort et au soulèvement de charges. On indique, en outre, que sa condition progresse lentement.

[60]        À l’audience, la travailleuse affirme qu’elle consulte régulièrement la docteure Élaine Caron, qui lui prescrit des anti-inflammatoires et des relaxants musculaires. Les infiltrations lui auraient fait du bien, améliorant sa condition jusqu’à 75 % environ.

[61]        Ses activités personnelles se limitent à prendre des marches et à faire le ménage, avec l’aide de certains membres de sa famille. Elle pratiquait le ballon-balai avant l’événement accidentel de décembre 2009, mais des spécialistes lui ont conseillé de ne pas reprendre cette activité en raison des risques pour sa santé.

[62]        En ce qui concerne son travail, elle est de retour à ses tâches régulières à raison de quatre jours par semaine, mais ne déplace plus de meubles. Elle affirme que ses douleurs augmentent en travaillant, notamment en soulevant des livres. Ces douleurs étaient d’ailleurs présentes même lorsqu’elle effectuait du travail léger. Elle ajoute qu’elle se sentait mieux après ses vacances, mais qu’elle a dû soulever des boîtes au travail, ce qui a empiré sa condition.

[63]        La Commission des lésions professionnelles tient à souligner qu’elle ne met aucunement en doute la présence de douleurs chez la travailleuse. Cette dernière a livré un témoignage crédible et spontané à cet égard. Suivant l’argumentation écrite de l’employeur, elle a fait parvenir au tribunal un document faisant état de ses prétentions, auquel sont jointes des photographies de son milieu de travail. Ces photographies n’ayant pas été déposées à l’audience, elle ne font pas partie de la preuve et ne sont pas considérées dans la prise de la présente décision.

[64]        Cependant, la Commission des lésions professionnelles comprend, du témoignage qu’a livré la travailleuse à l’audience et des commentaires consignés aux notes de physiothérapie mentionnées précédemment et qui font partie de la preuve, que la travailleuse présente des douleurs, et que ces douleurs augmentent à l’effort, y compris au travail.

[65]        En effet, dès le 22 mars 2010, une note de physiothérapie indique que la travailleuse trouve le retour au travail difficile. Même si elle est affectée au département des bijoux, elle cesse les travaux légers suivant les recommandations de son médecin de l’époque. Des douleurs sont constamment rapportées aux notes de physiothérapie par la suite. Encore en octobre 2010, on réitère que la travailleuse a beaucoup de douleurs lombaires à gauche et au membre inférieur droit, qu’elle trouve son travail difficile, surtout depuis qu’elle fait des journées complètes et qu’elle vit un stress relié à des quotas à respecter.

[66]        Il ne fait pas de doute, aux yeux du tribunal, que la travailleuse est symptomatique, et qu’elle considère les tâches reliées à son travail comme étant difficiles à accomplir.

[67]        Ceci étant dit, la Commission des lésions professionnelles est appelée à déterminer si la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 3 décembre 2009 est consolidée et, le cas échéant, à quelle date.

[68]        Le terme « consolidation » est défini ainsi dans la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

[…]

 

« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[69]        Selon la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, une lésion professionnelle est « consolidée », notamment lorsqu’elle ne peut s’améliorer et « qu’aucun traitement ne peut apporter une amélioration »[3]. La notion de consolidation est essentiellement médicale, et cet espoir d’amélioration doit s’appuyer sur des règles médicales[4]. La date de consolidation d’une lésion professionnelle sera celle où il n’est plus possible de concevoir, du point de vue médical, une amélioration prévisible.

[70]        En l’espèce, la travailleuse est victime d’une entorse lombaire le 3 décembre 2009. Tous les médecins intervenus au dossier retiennent ce diagnostic. Des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie sont rapidement prescrits par le médecin qui a alors charge de la travailleuse, et des notes de physiothérapie font régulièrement état de sa condition.  

[71]        La Commission des lésions professionnelles constate que dès le 1er mars 2010, du point de vue objectif, ces notes rapportent une amélioration de la mobilité sacro-iliaque et de sa souplesse musculaire. Les 4, 9 et 25 avril 2010, cette mobilité lombaire se situe dans les limites de la normale, avec douleur lors de la flexion et flexion latérale droite. Les résultats de l’examen des amplitudes articulaires du rachis dorsolombaire pratiqué par le docteur Legendre le 27 avril 2010 sont également normaux, avec douleur exprimée à l’extrême de ces amplitudes. La mobilité lombaire se situe toujours dans les limites de la normale le 29 avril 2010, alors que la travailleuse a tendance à compenser en flexion antérieure lors de la flexion latérale droite. Le 14 mai 2010, cette mobilité est encore considérée dans les limites de la normale avec douleur en fin de flexion. Le 3 juin 2010, la mobilité lombaire est considérée stable. La Commission des lésions professionnelles constate donc que la mobilité lombaire de la travailleuse ne change pas entre le début du mois d’avril et le début du mois de juin 2010.

[72]        Un test de l’élévation de la jambe tendue est positif à 40° le 4 avril 2010. Le 25 avril suivant, il est positif à 45°. Le 27 avril 2010, le docteur Legendre constate qu’il est positif à 40°, tandis que le 29 avril suivant, en physiothérapie, il est mesuré positif à 50°. Le 14 mai 2010, il est positif à 40° tandis que deux jours plus tard, il l’est à 45°. Le 3 juin 2010, il est toujours positif à droite à 40°. La Commission des lésions professionnelles constate donc que les résultats du test de l’élévation de la jambe tendue sont sensiblement identiques entre le début du mois d’avril et le début du mois de juin 2010.

[73]        La palpation pyramidale droite est notée comme étant douloureuse le 4 avril 2010, tandis qu’une tension variable à ce niveau est rapportée le 9 avril suivant. Le 25 avril 2010, on note que cette tension musculaire varie selon les activités. Le 27 avril 2010, le docteur Legendre ne constate pas de douleur à la palpation tandis que le 29 avril suivant, on indique qu’elle est présente mais moins intense. Le 14 mai 2010, des spasmes sont notés au niveau pyramidal droit, après un retour au travail, ainsi qu’une douleur à la palpation L5-S1, et une tension musculaire est toujours notée à ce niveau deux jours plus tard. Le 3 juin 2010, des spasmes variables sont constatés au niveau pyramidal droit ainsi qu’une douleur à la palpation à L5-S1. La Commission des lésions professionnelles constate donc que la travailleuse présente des spasmes variables au niveau pyramidal ainsi qu’une douleur à la palpation L5-S1, et que cette situation ne change pas entre le début du mois d’avril et le début du mois de juin 2010.

[74]        La condition de la travailleuse est considérée comme étant stable par les physiothérapeutes le 26 mars 2010. Le 27 avril suivant, la travailleuse indique au docteur Legendre qu’elle ressent un plateau dans l’amélioration de sa symptomatologie depuis deux mois. Le 29 avril 2010, en physiothérapie, on rapporte une légère amélioration de l’endurance tandis que le 14 mai 2010, on note que sa condition s’est améliorée au niveau objectif. Le 18 mai 2010, le docteur Primeau indique que la travailleuse va mieux à 70 %. Il réitère ce constat le 31 mai 2010. Le 3 juin suivant, une note de physiothérapie indique que la condition de la travailleuse est stable et qu’un plateau est atteint.

[75]        En ce qui concerne les douleurs que présente la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles constate qu’elles ne se situent pas uniquement au niveau lombaire. Des douleurs au genou droit et aux jambes sont notamment rapportées. Ces douleurs sont, en outre, variables. En physiothérapie, on rapporte qu’elles augmentent à l’effort. Par exemple, le 1er mars 2010, la travailleuse peut faire toutes ses tâches à la maison tandis que le 22 mars suivant, elle a plus de difficulté à les effectuer après avoir travaillé. On indique que la douleur varie sans raison apparente, mais que sa condition est stable. Le 4 avril 2010, la douleur lombaire est augmentée, irradiant aux jambes, tandis que le 25 avril 2010, elle est considérée légère. Le 27 avril suivant, le docteur Legendre note que la travailleuse se plaint de lombalgies fréquentes et bilatérales, irradiant aux fesses, et que ses douleurs sont augmentées par la flexion et la position assise prolongée. La travailleuse considère alors avoir atteint un plateau dans l’amélioration de sa symptomatologie depuis deux mois. Le 29 avril 2010, on rapporte que cette douleur lombaire est plus importante en fin de journée. Le 14 mai 2010, on indique que sa condition s’est détériorée au niveau subjectif mais améliorée au niveau objectif, tandis que le 16 mai 2010, on indique qu’elle revient de façon occasionnelle. Le 3 juin 2010, une douleur plus forte avec les efforts est rapportée. La travailleuse affirme d’ailleurs à l’audience que sa douleur est toujours fluctuante en mai 2010. Elle revient de façon soudaine après une période d’accalmie. La Commission des lésions professionnelles constate donc que la travailleuse présente des douleurs fluctuantes en avril 2010, et que ces douleurs demeurent fluctuantes jusqu’en juin 2010.

[76]        En juin 2010, une note de physiothérapie rapporte que la travailleuse ne voit pas de changement dans sa condition, que sa douleur lombaire est plus forte avec les efforts, et que sa condition est stable. On suggère même l’arrêt des traitements en raison de l’atteinte d’un plateau.

[77]        De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, la preuve prépondérante fait état d’une condition stable chez la travailleuse entre le début du mois d’avril et le début du mois de juin 2010. Du point de vue objectif, pendant cette période, sa mobilité lombaire est la même, le test de l’élévation de la jambe tendue donne les mêmes résultats, il y a toujours présence d’une tension musculaire variable et d’une douleur à la palpation L5-S1, et il y a toujours présence d’une douleur fluctuante alléguée.

[78]        Cette stabilité était déjà présente au début du mois d’avril 2010. Elle était donc présente lorsque la travailleuse rencontre le docteur Legendre le 27 août 2010. À ce moment-là, il y avait donc lieu de considérer sa lésion professionnelle consolidée. En raison notamment des résultats de son examen physique et du fait que la travailleuse ressentait alors un plateau quant à sa symptomatologie, le docteur Legendre était justifié de consolider sa lésion.

[79]        La Commission des lésions professionnelles constate que les douleurs rapportées par la travailleuse, qui sont fluctuantes, sont plus importantes lorsqu’elle rencontre le docteur Fournier, membre du Bureau d'évaluation médicale, le 6 juillet 2010. Tel qu’elle le mentionne à l’audience et tel que le rapporte les physiothérapeutes, elle a tenté d’attraper brusquement une bouteille quelques jours auparavant. Elle rencontre donc le docteur Fournier à un moment critique. À l’examen de la mobilité, ce dernier note la présence d’une légère limitation de mouvement en flexion et extension, mais ne confirme pas cette limitation de mouvement avec la mesure de l’index de Schöber. On ne peut donc pas déterminer s’il s’agit d’une véritable ankylose ou d’un réflexe antalgique. Nous savons par ailleurs que la travailleuse présente de façon constante, depuis avril 2010, une douleur en fin de flexion. De plus, alors que le docteur Fournier mentionne que l’élévation de la jambe tendue donne des douleurs lombaires à droite et à gauche, il n’indique pas à partir de quel degré cette douleur se présente. Or, nous savons que depuis avril 2010, le test de l’élévation de la jambe tendue donne un résultat positif entre 40° et 50°. Ainsi, l’examen du docteur Fournier ne peut, à lui seul, démontrer que la condition objective de la travailleuse a changé depuis le début du mois d’avril 2010.

[80]        Le docteur Fournier prescrit par ailleurs de nouveaux traitements à la travailleuse, soit des exercices cardiovasculaires, tels que course ou vélo. Il considère tous les autres traitements, c'est-à-dire ceux de physiothérapie, d’ergothérapie et d’acupuncture, comme étant inutiles. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles les traitements proposés par le docteur Fournier visent plutôt la condition générale de la travailleuse. Cette suggestion de traitement n’est donc pas suffisante pour retarder la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse au motif que sa lésion professionnelle serait encore susceptible de s’améliorer.

[81]        Cependant, en raison des conclusions du docteur Fournier, les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie se poursuivent. Ainsi, le 27 juillet 2010, une note indique que les vacances ont fait du bien, tandis que le 9 août 2010, on indique que la condition de la travailleuse s’est légèrement détériorée suite aux vacances et au stress au travail. Le 23 août 2010, comme c’était d’ailleurs le cas au début du mois d’avril précédent, la travailleuse a toujours des hauts et des bas, sa condition varie, la douleur est plus importante lorsqu’elle fait davantage d’activité, et elle diminue au repos. Rien n’a changé à cet égard. Le 13 septembre suivant, la douleur lombaire est toujours présente, plus importante à la fin d’une journée de travail. Le test de l’élévation de la jambe tendue est toujours positif à droite à 42°. On note une condition stable. En octobre 2010, on note que la douleur lombaire s’accentue à gauche et que la travailleuse trouve son travail difficile. Le 21 décembre 2010, la travailleuse va bien et elle a moins de douleurs. Le 3 mars suivant, sa condition s’est détériorée sans qu’elle ne sache pourquoi, tandis que le 30 mars 2011, elle va beaucoup mieux. Il y a donc toujours présence d’une condition fluctuante chez la travailleuse, sa condition n’ayant pas changé depuis le mois d’avril 2010.

[82]        Le 8 avril 2011, plus d’un an après la survenance de sa lésion professionnelle, le docteur Roy indique que la travailleuse est toujours symptomatique malgré les traitements de physiothérapie, d’ergothérapie et d’acupuncture. Il retient le diagnostic de dysfonction segmentaire à L4-L5 et L5-S1 bilatéralement, pour lequel il procède à des blocs facettaires. Cependant, il n’indique pas si ce diagnostic est en relation avec la lésion professionnelle de la travailleuse. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, l’administration de ces blocs facettaires ne saurait donc, à elle seule, retarder la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse. De plus, ces blocs facettaires ne sont pas prescrits de façon contemporaine à la survenance de l’événement accidentel. Lorsqu’elle les reçoit, sa condition lombaire est stable depuis plus d’un an. Avant la stabilisation de sa condition ou de façon contemporaine à celle-ci, ces infiltrations ne sont donc pas considérées.

[83]        À l’audience, la travailleuse affirme que les blocs facettaires ont amélioré grandement sa condition. Cependant, une note de physiothérapie du 27 avril 2011 indique qu’ils n’ont que légèrement diminué la douleur. On indique à nouveau que sa douleur varie, comme c’était le cas en avril 2010. On ajoute, en outre, que sa condition progresse lentement, comme on indiquait que les traitements de physiothérapie avec approche en ostéopathie amélioraient progressivement sa condition le 30 mars précédent. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, ces allégations sont insuffisantes pour retarder la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse, puisque le docteur Legendre est d’avis que tous les traitements doivent être cessés, que le 6 juillet 2010, le docteur Fournier estime que ceux de physiothérapie, d’ergothérapie et d’acupuncture sont inutiles, que les docteurs Dulude et Primeau cessent ceux de physiothérapie les 6 et 15 juin 2010. 

[84]        En raison de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles conclut que la lésion professionnelle de la travailleuse est consolidée à la date retenue par le docteur Legendre, soit le 27 avril 2010. Sa mobilité lombaire, les résultats du test de l’élévation de la jambe tendue, la présence de tension et de douleur à la palpation, donc sa condition objective, demeure inchangée à compter d’avril 2010. De plus, la Commission des lésions professionnelles considère que la preuve médicale prépondérante démontre que les soins et les traitements ne sont plus nécessaires à partir de cette date.

[85]        La Commission des lésions professionnelles est également appelée, dans le présent dossier, à se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Dans l’état actuel du dossier, seul le docteur Legendre à émis une conclusion à cet égard. En l’absence d’ankylose, il retient une atteinte permanente de 0 %, et en l’absence d’atteinte permanente, il ne retient pas de limitations fonctionnelles. La Commission des lésions professionnelles estime que sur ces deux sujets, l’opinion du docteur Legendre est trop laconique pour permettre au tribunal de conclure, sur la foi de cette seule opinion, que la travailleuse n’est pas porteuse d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. D’ailleurs, le docteur Legendre note dans son expertise que la travailleuse se plaint de lombalgies fréquentes et bilatérales, irradiant aux fesses, et que ses douleurs sont augmentées par la flexion et la position assise prolongée.

[86]        La travailleuse allègue être porteuse de douleurs. Tant son témoignage à l’audience que les notes de physiothérapie en font état. De plus, ces notes rapportent que ces douleurs seraient augmentées par l’effort et le travail. Nous savons, en outre, qu’au cours de l’investigation médicale, la travailleuse a allégué être porteuse de douleurs lombaires irradiantes aux fesses, au genou droit et aux jambes. Compte tenu de l’état actuel du dossier, et étant donné l’absence, par exemple, d’un rapport d’évaluation médicale et d’une opinion médicale motivée sur les questions de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il y a lieu de retourner le dossier de la travailleuse à la CSST pour qu’un suivi approprié soit effectué en regard de ces deux questions.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de Value Village Stores inc., l’employeur;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 5 août 2010 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la lésion professionnelle subie par madame Sonia Shank, la travailleuse, est consolidée le 27 avril 2010 sans nécessité de soins additionnels;

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour que le traitement administratif approprié en regard de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles soit effectué.

 

__________________________________

 

Pascale Gauthier

M. Louis Plante

ALLEN & HURAS PROFESSIONAL CORP.

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 337332-31-0801, 11 novembre 2008, H. Thériault.

[3]  2333-2224 Québec inc. et Thériault, C.L.P. 288408-31-0605, 26 octobre 2006, C. Lessard.

[4]  Trudel et C.S. de l’Estuaire, C.L.P. 224977-09-0401, 25 août 2004, J.-F. Clément.

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