______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[2] Par sa décision, la révision administrative confirme la décision rendue le 10 décembre 2004 par la CSST et déclare que le travailleur n'a pas droit au remboursement des frais pour l'installation d'un abri d'auto (garage de toile) et d'un abri pour son entrée principale (portique) que le travailleur utilise depuis environ 15 ans pendant l'hiver.
[3] La révision administrative, tout comme la CSST, conclut que le montage et le démontage de ces deux abris utilisés pendant l'hiver ne sont pas des travaux d'entretien courant du domicile, au sens de l'article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la loi).
[4] À l'audience tenue le 14 juillet 2005 à Lévis, le travailleur est présent et représenté par monsieur Yvan Perron. Comstock Qué ltée Wright Projet (l'employeur) n'est ni présent ni représenté.
[5] Lors de cette audience, le travailleur a déposé deux pièces sous les cotes T-1 et T-2. D'abord, sous la cote T-1, un croquis de l'abri d'auto et du portique de son entrée principale qu'il utilise depuis 15 ans et pour lequel il demande le remboursement des coûts pour le montage et le démontage de ses deux abris. Sous la cote T-2, un rapport d'évaluation médicale (REM) fait par le docteur Sylvain Belzile, chirurgien-orthopédiste, qui a procédé à une prothèse totale au genou droit du travailleur, à la suite d'une gonarthrose sévère à ce genou. La Commission des lésions professionnelles a aussi reçu les corrections suggérées ou les précisions demandées par le médecin régional de la CSST, suite au REM du 19 mai 2005. La cause fut prise en délibéré le 18 juillet 2005.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d'accueillir la requête du travailleur, d'infirmer la décision rendue par la révision administrative de la CSST et de déclarer que le travailleur a droit, annuellement, au remboursement pour le montage et le démontage d'un abri d'auto et d'un portique d'entrée qui sont des travaux d'entretien courant du domicile et qui doivent être remboursés par la CSST, compte tenu des limitations fonctionnelles permanentes aux genoux du travailleur.
[7] Le représentant du travailleur demande aussi le remboursement des frais pour l'hiver 2003-2004, même s'il n'y a pas eu de facture produite par le travailleur auprès de la CSST pour ses travaux.
L’AVIS DES MEMBRES
[8] Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis d'accueillir la requête logée par le travailleur et d'infirmer la décision rendue par la révision administrative de la CSST.
[9] Ils sont d'avis que le travailleur a droit au remboursement de ces frais pour l'installation, c'est-à-dire le montage et le démontage d'un garage et d'un portique d'hiver pour la saison 2004 - début 2005 et les suivantes, et ce, selon la production de pièces justificatives démontrant les coûts payés par le travailleur pour ces frais d'entretien courant de son domicile.
[10] Les membres sont d'avis que la preuve prépondérante démontre que le travailleur était déjà propriétaire depuis environ 15 ans de ses deux abris et qu'il pouvait, avant sa récidive, rechute ou aggravation (RRA) subie le 23 avril 2003, au niveau de son genou gauche, effectuer lui-même les travaux de montage et de démontage de ses abris d'hiver, avec l'aide de sa conjointe et de ses enfants lorsqu'ils vivaient sous son toit, ce qu'il ne peut plus faire compte tenu de ses limitations fonctionnelles permanentes à ses genoux (voir REM des 24 novembre 2003 et 16 mai 2005).
[11] De plus, le travailleur a subi une RRA à son genou droit qui fut reconnue par la CSST à compter de la date de son opération, soit le 24 octobre 2004, où une arthroplastie totale du genou droit a été faite par le docteur Belzile, alors que celle au genou gauche a été faite par ce médecin, le 23 avril 2003.
[12] Les membres sont d'avis que le travailleur, en utilisant ses abris qu'il possédait déjà et pour lesquels il ne demande pas le remboursement du coût d'achat mais essentiellement le montant des frais engagés pour le montage et le démontage de ceux-ci, cela fait en sorte de diminuer le coût des frais de déneigement de son domicile qui est considéré comme des travaux d'entretien courant du domicile, selon l'article 165 de la loi et pour lesquels la CSST lui rembourse le coût de ces travaux de déneigement, sur production de pièces justificatives, et ce, depuis l'hiver 2003-2004 et/ou 2004-2005.
[13] Les membres considèrent que ces deux abris permettent une plus grande sécurité, lorsque le travailleur quitte son domicile, puisqu'en raison de ses limitations fonctionnelles aux genoux, cela diminue grandement le risque de blessure importante lors d'une chute si son portique d'entrée principale n'était pas abrié et lorsqu'il doit utiliser son véhicule personnel, ce qui l'empêche de les déneiger lui-même ou de les faire déneiger par une tierce personne.
[14] En somme, les membres sont d'avis que, sur production de pièces justificatives démontrant le coût des frais payés par le travailleur pour le montage et le démontage de ses deux abris, ce dernier a droit au remboursement de ces frais, selon l'article 165 de la loi.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[15] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour le montage et le démontage d'un abri d'auto (garage de toile) et d'un abri d'entrée (portique) et si ces travaux constituent des travaux d'entretien courant du domicile prévus à l'article 165 de la loi.
[16] En effet, et contrairement aux arguments soulevés par le représentant du travailleur à l'audience, c'est plutôt l'article 165 de la loi qui est applicable en l'espèce, par opposition à l'article 153, paragraphe 2, de la loi qui cible les travaux d'adaptation du domicile. Les articles 153 et 165 de la loi se lisent comme suit:
153. L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si:
1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;
2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et
3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.
Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.
__________
1985, c. 6, a. 153.
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[17] Dans ce cas-ci, le litige porte essentiellement sur la notion que l'on doit donner à l'expression « travaux d'entretien courant de son domicile », à savoir si le montage et le démontage d'un abri d'auto (garage) et d'un portique (entrée du domicile) constituent de tels travaux prévus à l'article 165 ou encore 153, paragraphe 2, de la loi.
[18] Par ailleurs, la CSST ne conteste pas le fait que le travailleur présente une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison de sa lésion professionnelle du 29 janvier 1975, et surtout de sa RRA survenue le 23 avril 2003 et reconnue par celle-ci. La CSST reconnaît aussi que les limitations fonctionnelles permanentes que le travailleur présente au niveau de son genou gauche, et même à ses genoux, l'empêchent d'effectuer normalement ses travaux qu'il effectuait lui-même, en compagnie des membres de sa famille, et ce, avant sa RRA du 23 avril 2003. De plus, le travailleur a démontré que l'on ne peut monter et démonter ces 2 abris seul, car il faut un minimum de 2 à 3 personnes pour le faire.
[19] Avec respect pour la CSST, la Commission des lésions professionnelles conclut, à partir de l'analyse de la preuve documentaire, du témoignage rendu par le travailleur et des arguments de son représentant, que le travailleur a droit au remboursement de la somme de 258,81 $ (voir facture du 7 octobre 2004) pour les travaux d'entretien courant de son domicile de l'hiver 2004-2005, soit le montage et le démontage d'un abri d'auto et d'un portique qui constituent de tels travaux, et ce, en raison des faits et des motifs suivants:
[20] Le travailleur qui était âgé de 26 ans, a subi un accident du travail le 28 janvier 1975 qui fut reconnu par la CSST. Les lésions reconnues par la CSST sont une déchirure du ménisque interne au genou gauche et une déchirure du ménisque externe au genou droit. Par la suite, le docteur Lefrançois, chirurgien-orthopédiste, procède à des méniscectomies ouvertes en regard du ménisque interne du genou gauche et du ménisque externe du genou droit du travailleur.
[21] L'évolution postopératoire a été assez satisfaisante, puisque le travailleur a pu réintégrer un emploi par la suite, notamment celui de chauffeur d'autobus qu'il occupe au moment de sa RRA du 23 avril 2003 qui concerne alors son genou gauche.
[22] En effet, la preuve médicale démontre que le travailleur a développé une gonarthrose progressive qui s'est installée, d'abord, au genou gauche et, ensuite, à son genou droit. Le docteur Sylvain Belzile, chirurgien-orthopédiste et médecin traitant du travailleur, procède à une arthroplastie totale du genou gauche, en date du 23 avril 2003, en raison de la sévérité de celle-ci et de l'incapacité pour le travailleur d'effectuer ses tâches régulières de travail, soit chauffeur d'autobus.
[23] À la suite de cette arthroplastie totale du genou gauche postéro-stabilisé, faite par le docteur Belzile le 23 avril 2003, le médecin de famille du travailleur, soit le docteur André Vachon, lui recommande de l'aide personnelle à domicile, le tout tel qu'il appert d'un billet médical à cet effet, daté du 12 mai 2003.
[24] Le docteur Vachon a aussi recommandé, à la CSST, de lui accorder des travaux d'entretien courant de son domicile, notamment pour tondre son gazon, couper sa haie de cèdres, et ce, en raison de ses limitations fonctionnelles et parce que le travailleur ne peut marcher sans aide, car il doit utiliser constamment une canne pour ses déplacements.
[25] Le 31 octobre 2003, la CSST a reconsidéré sa décision initiale du 12 juin 2003 statuant sur l'aide personnelle à domicile en déclarant que le travailleur y a droit pour la période rétroactive au 4 mai 2003 jusqu'au 9 juin 2003 et qu'il a droit à une allocation globale de 777 $ pour cette période. Cette reconsidération donne suite à un rapport d'évaluation à domicile fait par madame Stéphanie Gagné, ergothérapeute, qui a été mandatée par madame Nathalie Perreault, ergothérapeute désignée par la CSST pour évaluer notamment les besoins d'adaptation du domicile du travailleur et l'aide requise au plan des travaux d'entretien courant de son domicile.
[26] La visite au domicile du travailleur a été faite le 8 septembre 2004 et le rapport colligé le 13 septembre 2004, à la demande de madame Sylvie Lavoie, conseillère en réadaptation à la CSST.
[27] Cette évaluation est basée sur les limitations fonctionnelles que présente le travailleur au niveau de ses genoux, notamment celui de gauche qui a été reconnu par la CSST, lors de la RRA survenue le 23 avril 2003, et des limitations fonctionnelles permanentes au niveau de la colonne cervicale du travailleur qui sont les suivantes:
Éviter les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétée ou fréquente des charges dépassant 10 kilogrammes; il ne doit pas avoir à effectuer des mouvements répétés ou fréquents de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne cervicale, et ce, même de faible amplitude; il ne doit pas avoir à travailler en position fixe d'extension, de flexion ou de rotation de la colonne cervicale.
[28] Quant aux limitations fonctionnelles permanentes retenues pour les genoux du travailleur, madame Gagné retient celles qui ont été reconnues par le docteur Belzile, lors de son REM complété le 24 novembre 2003, puisque le travailleur présente une lésion bilatérale aux genoux, car les radiographies prises le 15 octobre 2004, au niveau de son genou droit, révèlent la présence d'une gonarthrose de légère à modérée. C'est la raison pour laquelle le docteur Belzile a aussi procédé à une arthroplastie du genou droit en date du 28 octobre 2004, date où la CSST a reconnu une RRA à ce genou comme aggravation de l'accident du travail du 29 janvier 1975 qui a aussi lésé celui-ci.
[29] Les limitations fonctionnelles permanentes établies par le docteur Belzile dans son REM du 24 novembre 2003, qui concordent avec celles retenues dans un deuxième REM, daté du 19 mai 2005, qui concerne le genou droit et la bilatéralité des lésions, sont les mêmes, soit les suivantes:
Concernant les genoux: « il devrait éviter tout travail nécessitant une position verticale prolongée; éviter d'avoir à marcher sur des distances de plus de 500 pieds; éviter un travail nécessitant une position accroupie; éviter tout travail en terrain accidenté ».
[30] Lors de sa visite au domicile du travailleur, le 8 octobre 2004, l'ergothérapeute Stéphanie Gagné confirme le témoignage rendu par ce dernier à l'audience, soit qu'il habite une maison unifamiliale (maison mobile) qui comprend un rez-de-chaussée et un sous-sol. Les dimensions de sa maison sont de 14 pieds de large par 56 pieds de long. Sa cour extérieure (entrée) est en gravier et d'une superficie de 20 pieds de large par 60 pieds de long. Elle peut accueillir environ 8 véhicules. La façade du terrain avant est d'une superficie de 70 pieds de large par 116 pieds de long.
[31] Madame Gagné, lors de cette visite au domicile du travailleur, constate aussi chez ce dernier des problèmes à ses membres supérieurs, à ses membres inférieurs, à son rachis dorsolombaire, et surtout que sa tolérance et les positions qu'il devrait emprunter pour effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile sont fortement problématiques, compte tenu de ses limitations fonctionnelles.
[32] En effet, madame Gagné fait état des mouvements limités au niveau des membres inférieurs du travailleur et des engourdissements qu'il ressent lorsqu'il maintient une position pendant plus de 10 minutes, que ce soit assise ou debout, puisqu'il doit modifier fréquemment celle-ci, ce qui a été observé lors de son évaluation.
[33] De plus, elle constate que le travailleur doit faire régulièrement des mouvements de flexion et d'extension des genoux pour dégourdir ses jambes et bougent beaucoup lorsqu'il est assis sur sa chaise, afin de trouver une position stable et différente. Il ressent aussi une symptomatologie douloureuse lors du maintien prolongé d'une même position et doit faire usage de médication, notamment du Démérol, et ce, en situation de crises douloureuses. Il doit même faire une sieste de 15 à 20 minutes sur son fauteuil du salon pour se reposer.
[34] De plus, le travailleur a de la difficulté à s'accroupir pour atteindre un objet au sol et prend spontanément appui sur une surface solide près de lui, en fléchissant le tronc le plus possible et en conservant les genoux bloqués, soit en position d'extension. Madame Gagné croit que le fait de fléchir un peu les genoux engendrerait chez le travailleur une perte de contrôle à ceux-ci et donc une dérobade et une chute possible, compte tenu de la force musculaire qui est très limitée aux genoux du travailleur.
[35] Le travailleur a aussi confirmé ce qu'elle écrit dans son rapport, à savoir qu'il est père de deux enfants qui demeuraient toujours à son domicile, en 2003, soit une fille âgée de 20 ans et un garçon âgé de 25 ans qui est chauffeur de camion et effectue de longues journées, ce qui implique qu'il n'est pas souvent disponible pour s'acquitter des travaux d'entretien extérieur du domicile de son père.
[36] D'ailleurs, en 2004, le fils et la fille du travailleur ont quitté son domicile pour s'établir dans la région. Quant à l'épouse du travailleur, celle-ci est toujours active sur le marché du travail et s'affairait avec le travailleur, et/ou ses enfants, à monter et à démonter l'abri d'auto et le portique pendant la saison hivernale, ce qu'ils n'ont pas fait pendant l'hiver 2004-2005.
[37] Or, la preuve révèle que la superficie du stationnement à déneiger chez le travailleur est de 20 pieds de large par 60 pieds de long et, puisque le travailleur utilise un abri d'auto (garage double en toile) depuis environ 15 ans, cette superficie à déneiger diminue de 400 pieds carrés, car son garage mesure 20 pieds par 20 pieds. Il en coûte alors moins cher au travailleur et, par incidence, à la CSST, pour déneiger le stationnement du travailleur.
[38] Quant au déneigement de l'un des escaliers donnant accès à l'entrée principale du domicile du travailleur, soit celui de la galerie, illustré sur le croquis déposé sous la cote T-1, la preuve révèle que l'abri utilisé par le travailleur à cet endroit mesure 7 pieds de large par 12 pieds de long. Cela appert d'une estimation faite le 13 octobre 2004 par « Les entreprises Jacques Laprise enr. » au travailleur, à l'effet que le coût pour monter et démonter son garage de toile, avec tubulures, de 20 pieds par 20 pieds ainsi qu'un abri d'hiver pour son portique de 7 pieds par 12 pieds, serait de 299 $, incluant les taxes. Or, ce coût est estimé à 258,81 $, incluant les taxes, par les « Auvents Serge Bilodeau inc. » de Saint-Rédempteur qui a posé ces deux abris chez le travailleur, le 14 octobre 2004, tel qu'il appert de la facture datée du 7 octobre 2004, dont refuse de rembourser la CSST en considérant qu'il ne s'agit pas de travaux d'entretien courant du domicile du travailleur.
[39] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles constate, lors de l'évaluation des travaux d'entretien courant au domicile du travailleur, faite par madame Gagné, que celle-ci recommandait fortement une aide complète pour la tonte du gazon, le taillage des arbustes (environ une dizaine) et des deux haies, le ratissage du terrain au printemps et à l'automne ainsi que l'installation et le retrait de protections hivernales pour les arbustes et l'une des deux haies, soit la haie située à l'avant de son domicile et près de la rue.
[40] La preuve révèle qu'à la suite de ce rapport colligé par madame Gagné, la CSST a accepté de rembourser les coûts du déneigement du domicile du travailleur, au montant de 295 $, incluant les taxes, tel qu'il appert de la décision rendue le 8 octobre 2004 par la CSST. Toutefois, le travailleur précise que le déneigement est fait pour une superficie de 20 pieds de large par 40 pieds de long et non de 20 pieds par 60 pieds, puisqu'il avait déjà installé son garage de toile. De plus, cela n'inclut pas le déneigement de son entrée principale pour se rendre à son garage ou encore à son stationnement, lorsqu'il sort de sa résidence, soit celui muni d'un abri (portique de toile). Cela est d'ailleurs confirmé par madame Gagné dans son rapport du 13 septembre 2004.
[41] En effet, madame Gagné écrit dans son rapport que le travailleur est incapable de déneiger, seul ou avec sa souffleuse à neige, son stationnement ni ses deux entrées avant, dont l'une est munie d'un abri, ce qui la rend accessible en tout temps. Elle s'appuie sur les limitations fonctionnelles du travailleur et du fait qu'il ne peut plus pelleter ses escaliers car cette tâche exige une tolérance en position debout suffisante. De plus, le travailleur devrait utiliser sa canne pour s'appuyer au sol, en raison de ses limitations fonctionnelles aux genoux, ce qui le mettrait à risque de chutes et donc d'une aggravation à ceux-ci. Toutefois, elle considère que même l'installation de ces 2 abris nécessite une aide mais que cet aspect n'est pas inclus à l'article 165 de la loi.
[42] Or, le travailleur estime les coûts additionnels de ce déneigement, s'il n'avait pas d'abri d'auto ni de portique, à environ le tiers de celui qu'il a réclamé à la CSST, en octobre 2004. Il croit y avoir droit pour des raisons de sécurité et surtout parce que ses limitations fonctionnelles l'empêchent d'effectuer lui-même ce travail qu'il faisait régulièrement avant sa RRA du 23 avril 2003 en compagnie de sa femme et/ou de ses enfants, ce qui n'est plus le cas depuis l'hiver 2004-2005.
[43] Le travailleur avait d'ailleurs acheté son abri d'auto et son portique pour éviter d'avoir à déneiger ces 2 endroits afin d'avoir accès à son domicile et à son auto car les vents dominants soufflent du côté de ses portes d'entrée avant, car il n'en a pas ailleurs. Selon lui, il s'agit d'une question de sécurité pour lui et son épouse lorsqu'ils sortent de leur domicile et il ne réclame pas pour l'achat mais bien pour le montage et le démontage qu'il considère comme étant des travaux d'entretien normaux, puisqu'il les possédait déjà bien avant sa RRA du 23 avril 2003. Il croit qu'il s'agit d'un travail d'entretien habituel et ordinaire qui doit se faire à chaque saison, soit à l'automne (le montage) et au printemps (le démontage).
[44] À ce sujet, la Commission des lésions professionnelles est aussi de cet avis car, si la CSST reconnaît l'installation et le retrait des protections hivernales pour les arbustes et l'une des deux haies, en considérant cela comme des travaux d'entretien courant du domicile du travailleur, tout comme la taille de ceux-ci, il y a lieu de se questionner sur ce refus lorsqu'un travailleur possède déjà de tels équipements, au moment de sa lésion professionnelle reconnue par la CSST, Il est utile de mentionner pourquoi le même raisonnement ne s'appliquerait pas à un abri d'auto et à un portique avant d'une entrée principale d'un domicile d'un travailleur qui doivent être montés et démontés, une fois par année et dont les coûts afférents au déneigement sont diminués par l'installation de ces abris, ce qui justifie d'autant plus le remboursement du coût de cette installation, lorsqu'un travailleur le faisait lui-même puisqu'il en était déjà propriétaire au moment de sa lésion professionnelle ?
[45] Dans ce cas-ci, il ne s'agit pas d'un abri de luxe acheté récemment mais bien d'une nécessité pour le travailleur qui en a besoin pour sa sécurité et surtout pour respecter ses limitations fonctionnelles permanentes, car la CSST devrait alors rembourser le déneigement total, incluant ces 2 abris, si le travailleur n'en avait pas.
[46] En effet, si le travailleur ne possédait pas de tels équipements, notamment pour son entrée principale (portique), il y aurait un risque de chute au sol, ce qui pourrait entraîner une RRA aux genoux du travailleur, et ce, compte tenu de ses limitations fonctionnelles et des constatations mentionnées par l'ergothérapeute Gagné dans son rapport daté du 13 septembre 2004. La même constatation serait faite par la Commission des lésions professionnelles, si son entrée était déneigée par une tierce personne, rémunérée par la CSST, car celle-ci ne pourrait déneiger en tout temps ces accès munis d'un abri d'hiver, afin de toujours éviter l'accumulation de neige au sol et le pelletage.
[47] Au surplus, ces constatations vont dans le sens des limitations fonctionnelles émises par le docteur Belzile qui a retenu un pourcentage de déficit anatomo-physiologique (DAP) de 19 %, soit 15 % pour une prothèse totale du genou gauche avec séquelles fonctionnelles objectivées, selon le code 103 006 du Règlement sur le barème des dommages corporels2(le Règlement) et de 4 % pour une ankylose incomplète en flexion du genou gauche, selon le code 106 842. De plus, le travailleur demeure avec une atteinte cicatricielle vicieuse au genou gauche, soit un préjudice esthétique (PE) établi à 6,3 % par le docteur Belzile, selon le code 224 402, auquel doit s'ajouter un pourcentage de 1 % pour le facteur bilatéralité, car le travailleur s'est vu accorder initialement, lors de ses opérations subies en 1975, 2 % de DAP total, soit 1 % pour chacune des méniscectomies subies à ses genoux, selon les codes 103 042 et 103 060.
[48] Ce bilan des séquelles évaluées par le docteur Belzile, dans son REM du 24 novembre 2003, fut jugé conforme par le médecin-évaluateur de la CSST. Un pourcentage d'APIPP de 29 % lui fut accordé, soit 24,30 % de DAP et de PE, auquel s'ajoute 4,70 % pour les douleurs et perte de jouissance de la vie (DPJV), le tout tel qu'il appert de la décision rendue le 11 décembre 2003 par la CSST.
[49] En outre, si l'on considère que le travailleur a aussi subi une RRA qui a été reconnue par la CSST, le 28 octobre 2004, soit lors de son opération, qui a consisté à une prothèse totale du genou droit, il faut alors s'attendre à ce que le bilan (DAP) des séquelles actuelles, concernant ce genou, ainsi que le facteur bilatéralité soient plus importants, tel que le précise d'ailleurs le docteur Belzile dans son deuxième REM, qu'il a complété le 19 mai 2005. Toutefois, le médecin de la CSST lui a demandé de corriger ou de préciser les pourcentages retenus à la suite de cette RRA au genou droit du travailleur, le tout tel qu'il appert des corrections suggérées et déposées par le représentant du travailleur après l'audience.
[50] La Commission des lésions professionnelles constate aussi que la durée pour installer les deux abris est d'environ deux heures, et ce, à trois personnes, puisqu'il est impossible de monter seul ces abris. De plus, la toile doit être mise par la suite et nécessite aussi une période additionnelle de quelques heures de travail. Compte tenu de l'état des genoux du travailleur, celui-ci mettrait, en moyenne, plus de cinq heures pour effectuer ces travaux finaux et risquerait de se blesser aux genoux à nouveau.
[51] La Commission des lésions professionnelles considère que ce n'est pas au travailleur à défrayer le coût de l'installation de ces deux abris pour la saison hivernale, puisque, n'eût été de sa lésion professionnelle du 23 avril 2003, soit sa RRA de son accident du travail du 29 janvier 1975 qui touche ses deux genoux, le travailleur aurait pu toujours s'acquitter lui-même de cette tâche avec les membres de sa famille qui résidaient tous sous le même toit, ce qui n'est plus le cas.
[52] Cette demande du travailleur répond d'ailleurs à l'article 1 de la loi, soit l'objet de la loi qui a pour but la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires. L'article 1 de la loi se lit comme suit:
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
[53] La Commission des lésions professionnelles constate aussi que la loi ne précise pas le sens qui doit être donné à l'expression « travaux d'entretien courant de son domicile », retrouvée à l'article 165 de la loi. Il faut cependant comprendre qu'il s'agit de travaux d'entretien habituels, ordinaires et même normaux qui doivent être faits de façon périodique ou encore selon les saisons, tel que le précise le réviseur de la CSST dans sa décision, et ce, par opposition à des travaux d'entretien qui sont inhabituels ou extraordinaires, ce qui n'est définitivement pas le cas ici, lorsqu'on doit monter et démonter un abri d'auto et un portique pour éviter le déneigement d'une partie de l'entrée principale et du stationnement pendant l'hiver, car, à moins que le soussigné ne se trompe et malgré le réchauffement de la température au Québec, il reste toujours des accumulations de neige au sol pendant nos hivers rigoureux.
[54] Par contre, la Commission des lésions professionnelles est du même avis que le réviseur Babin, lorsqu'il précise que les travaux inhabituels et/ou extraordinaires visent notamment la rénovation, la construction, l'agrandissement ou la réparation du domicile et que les frais engagés pour ces travaux sont exclus de l'article 165 de la loi, ce qui n'est définitivement pas le cas ici.
[55] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles a retrouvé quelques décisions qui se sont prononcées spécifiquement sur notre litige, soit l'installation et la désinstallation d'un abri d'auto et/ou d'un portique, pour lesquels la CSST a dû rembourser les frais aux travailleurs concernés, selon la preuve qui a été faite devant ce tribunal.
[56] Une des décisions retrouvées par le soussigné est Fetterley et Dynea Canada ltée[3], où le commissaire a autorisé ces frais au travailleur qui installait lui-même son abri d'auto pour les hivers, depuis 1992 jusqu'à la survenance de sa lésion professionnelle, soit le 23 juillet 1999, alors que la CSST lui avait même octroyé un remboursement de ces frais pour le montage et le démontage, durant les hivers de 1999 et de 2000.
[57] Le soussigné constate que d'autres décisions vont dans le même sens, notamment Falduto et Outillage 7 Matrice Emmanuel inc.[4], où la commissaire reconnaissait le principe du remboursement des frais engagés pour une installation-désinstallation d'un abri d'auto, selon la définition des travaux d'entretien courant du domicile mais n'a pu les rembourser au travailleur, en l'absence de pièces justificatives (travail au noir) démontrant le paiement de ces frais.
[58] Cette décision(4) allait dans le même sens que l'affaire Frigault et Commission scolaire de Montréal[5], où ce principe pour les frais engagés pour l'installation et la désinstallation d'un abri en place pour éviter le déneigement additionnel n'était pas remis en cause, même si ces frais n'ont pas été remboursés à la travailleuse, car celle-ci ne le faisait pas elle-même et ne l'aurait pas fait si elle n'avait pas subi sa lésion professionnelle. Ce principe fut reconnu dans une autre décision, soit la cause Julien et Construction Nationar inc. et CSST[6].
[59] De plus, l'ergothérapeute Gagné, qui a fait la visite et l'étude des travaux d'entretien courant au domicile du travailleur, considère que ce dernier n'est plus en mesure de les effectuer seul, comme il le faisait auparavant en compagnie des membres de sa famille, soit depuis sa RRA du 23 avril 2003, en raison de ses limitations fonctionnelles permanentes aux genoux, puisque sa lésion est bilatérale.
[60] Toutefois, madame Gagné concluait qu'il ne s'agissait pas de travaux d'entretien courant de son domicile (montage et démontage des deux abris), prévus à l'article 165 de la loi. Or, cette question d'interprétation d'un article de la loi n'est pas de sa compétence, car aucun des travaux n'est énuméré dans cet article et chaque cas est un cas d'espèce qui doit être interprété à la lumière des faits et de la preuve qui est soumise au tribunal.
[61] Dans ce cas-ci, les travaux de montage et de démontage de ses deux abris, que possédait déjà le travailleur avant sa RRA du 23 avril 2003 et qu'il installait lui-même avant sa RRA, constituent des travaux d'entretien courant de son domicile, compte tenu de nos saisons hivernales et que cela diminue les coûts ou les frais de déneigement que doit rembourser la CSST au travailleur, et ce, sur production de pièces justificatives.
[62] Par ailleurs, même si la Commission des lésions professionnelles autorise le remboursement de ces frais, qui reviendront annuellement, la CSST ne doit pas cesser de rembourser les frais de déneigement pour le domicile du travailleur, puisque ce déneigement est justifié.
[63] En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que toutes les conditions d'admissibilité prévues à l'article 165 de la loi sont ici respectées par le travailleur qui réclame la somme de 258,81 $ pour le montage et le démontage d'un abri d'auto et d'un portique pour se rendre à l'entrée principale de son domicile, et ce, pour la saison hivernale 2004-2005.
[64] En effet, le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique, en raison de sa lésion professionnelle au genou gauche et, par la suite, au genou droit, qui ont toutes deux été reconnues par la CSST et ce dernier est maintenant devenu incapable d'effectuer lui-même ces travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement, n'eût été de sa lésion professionnelle du 23 avril 2003 et de celle du 28 octobre 2004, alors qu'il conserve des limitations fonctionnelles permanentes aux genoux.
[65] Le travailleur a donc droit au remboursement des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux par une tierce personne, et ce, jusqu'à concurrence du maximum annuel permis par la loi, pour l'ensemble des travaux d'entretien courant du domicile.
[66] Quant à la saison hivernale 2003-2004, la Commission des lésions professionnelles n'a retrouvé aucune pièce justificative du travailleur prouvant qu'il a engagé ces frais. Le travailleur n'a donc pas droit à ces frais, puisqu'il ne les aurait pas déboursés, à moins d'une preuve contraire qu'il devra soumettre à la CSST qui devra y donner suite.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête produite par monsieur Normand Dussault (le travailleur);
INFIRME la décision rendue le 28 février 2005 par la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST);
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement d'une somme de 258,81 $ pour le montage et le démontage d'un abri d'auto (garage de toile) et d'un portique pour la saison hivernale 2004-2005, selon la pièce justificative qu'il a produite auprès de la CSST, en date du 7 octobre 2004; et
DÉCLARE que ces travaux constituent des« travaux d'entretien courant de son domicile », selon l'article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi), qu'il peut réclamer annuellement à la CSST, selon la production de pièces justificatives démontrant qu'il a engagé de tels frais pour faire exécuter ces travaux par une tierce personne, et ce, jusqu'à concurrence du maximum annuel autorisé pour l'ensemble des travaux d'entretien courant du domicile.
|
|
|
Me Robin Savard |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
Monsieur Yvan Perron |
|
UNION TRAVAILLEURS ACCIDENTÉS QUÉBEC |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.