Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

RÉGION:

Laval

LAVAL, le 25 juin 1999

 

DOSSIER:

91477-61-9709

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Ginette Morin

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jean Litalien

 

 

Associations d'employeurs

 

 

 

Gaétan Forget

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST:

003503208

AUDIENCE TENUE LE :

17 mars 1999

 

DOSSIER BRP :

62416625

À :

Laval

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MADAME PAULINE HARAKA

905, rue Lise

Laval (Québec)

H7X 2M6

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

 

GARDERIE LES GARDELUNES

8305, rue St-André

Montréal (Québec)

H2P 1Y7

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

1700, boulevard Laval, 2e étage

Laval (Québec)

H7S 2G6

 

 

 

                                                         PARTIE INTERVENANTE

 

 


DÉCISION

 

 

[1.]          Le 30 septembre 1997, la travailleuse, madame Pauline Haraka, dépose à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel), une déclaration d’appel à l’encontre d’une décision rendue par le bureau de révision de la région de Laval (le bureau de révision) le 9 septembre 1997.

[2.]          Par cette décision unanime, le bureau de révision maintient la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 2 décembre 1996, déclare que l’emploi de vendeuse de vêtements pour enfants, au revenu brut annuel de 15 371, 00 $, constitue un emploi convenable que madame Haraka est capable d'exercer et déclare que cette dernière n'a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 28 novembre 1996 parce qu'elle occupe cet emploi.

[3.]          Lors de l’audience, madame Haraka est présente et représentée.  Bien que dûment convoqué, l’employeur est absent.  Agissant à titre de partie intervenante, la CSST est représentée.

[4.]          Bien que l’appel de madame Haraka ait été déposé devant la Commission d’appel, la présente décision est rendue par la Commission des lésions professionnelles, conformément à l’article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives[1], entrée en vigueur le 1er avril 1998.  En vertu de l’article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d’appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.

 

[5.]          La présente décision est donc rendue par la commissaire soussignée en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.

OJET DE L’APPEL

[6.]          Madame Haraka demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer que l’emploi de vendeuse de vêtements pour enfants n’est pas un emploi convenable au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).

[7.]          Subsidiairement, madame Haraka demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que cet emploi n’était pas disponible le 28 novembre 1996 et qu’elle avait en conséquence droit à l’indemnité de remplacement du revenu visée par le 2e alinéa de l’article 49 de la loi.

LES FAITS

[8.]          Madame Haraka exerce la fonction d’éducatrice en garderie lorsque le 23 octobre 1989, elle se blesse au dos, au cou et à l'épaule gauche en soulevant un bébé.

[9.]          Après plusieurs mois consacrés à l’investigation médicale et à divers traitements, le docteur Morand émet un rapport final dans lequel il fixe la date de consolidation au 19 avril 1991, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

[10.]      Le 17 juillet 1991, à la demande du docteur Morand, madame Haraka est vue par monsieur Gervais, psychologue, qui conclut à un trouble d'adaptation avec tendance à l'inhibition comportementale pour lequel il entreprend une intervention psychothérapeutique.  Ce dernier mettra cependant fin à cette intervention le 23 octobre suivant étant donné le désir de madame Haraka de concentrer ses démarches sur le traitement de ses lésions physiques avant de s'engager davantage dans un processus psychothérapeutique.

[11.]      Entre-temps, soit le 12 septembre 1991, le docteur Morand procède à l’évaluation des séquelles permanentes résultant de la lésion professionnelle.  Il évalue le déficit anatomo-physiologique à 4 % en retenant les diagnostics d’entorses cervicale et dorsolombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées et décrit les limitations fonctionnelles suivantes :

« À ce chapitre, Mme Haraka se dit quasi invalide.  D’autre part, en fonction des diagnostics émis, des restrictions fonctionnelles usuelles seront appliquées soit limitation de charge à dix kilos, éviter les gestes répétitifs en flexion antérieure du tronc et de rotation, éviter de travailler avec les membres supérieurs plus hauts que le niveau des épaules de façon à protéger l’étage cervical et l’épaule gauche.  Finalement pour faciliter sa réintégration au travail, il y aura indication d’un retour progressif et le suivi médical devra être assuré durant cette période conjointement avec le service de réadaptation pour maintenir la motivation et éviter l’abandon. »

 

 

[12.]      Le 18 octobre suivant, après avoir pris connaissance du résultat d’une tomodensitométrie cervicale révélant une hernie discale C5-C6, le docteur Morand révise son rapport d’évaluation des séquelles permanentes et évalue le déficit anatomo-physiologique à 8 % en retenant les diagnostics d’entorse dorsolombaire et de hernie cervicale.  Il n’apporte cependant aucune correction aux limitations fonctionnelles déjà décrites.

[13.]      Cette évaluation modifiée est acceptée par la CSST qui, le 25 octobre 1991, reconnaît un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique de 9, 2 % en tenant compte des douleurs et de la perte de jouissance de la vie.

[14.]      Le 3 juin 1992, un conseiller en réadaptation entreprend l’évaluation des besoins de réadaptation de madame Haraka.  Lors de cette première rencontre, celle-ci se dit incapable d’exercer tout emploi et réitère cette prétention lors de la deuxième rencontre du 25 juin suivant.

[15.]      Le 26 juin 1992, à défaut de pouvoir obtenir la collaboration de madame Haraka, la CSST détermine que cette dernière est en mesure d’exercer un emploi convenable de finisseuse à la main dans le domaine du textile étant donné l’expérience antérieure qu’elle possède dans ce secteur.  Madame Haraka conteste cette décision.

[16.]      Le même jour, la CSST fait parvenir au docteur Morand la description de l’emploi de finisseuse à la main en lui demandant ses commentaires quant à la capacité de madame Haraka à exercer cet emploi.

[17.]      Le 21 juillet suivant, le docteur Morand transmet la lettre suivante à la CSST :

« En réponse à la vôtre du 26 juin 1992, j’ai revu Mme Haraka et révisé l’ensemble du dossier.

 

En premier lieu concernant le travail jugé convenable par votre service, je crois que Mme Haraka sera appelée à maintenir des positions fixes de travail avec le rachis cervical en flexion antérieure et par conséquent, j’ai des inquiétudes marquées face à ses possibilités de réaliser un tel type de travail.  De plus, il y aura certainement des gestes répétitifs impliquant les membres supérieurs et encore une fois, ceci nous conduira dans une impasse.

 

Madame Haraka allègue un état de quasi invalidité en raison de ses douleurs et se dit dans l’impossibilité de reprendre tout type de travail.

 

J’ai revu le dossier et je n’ai pas retrouvé de myélographie, ce qui serait un examen pertinent pour pouvoir évaluer l’importance des lésions vues au CT-SCAN.  J’ai donc décidé, un peu en désespoir de dossier, de faire procéder chez elle à une myélographie et entre-temps, je la remets en invalidité totale.  Je vous demande de bien vouloir revoir l’emploi jugé convenable. »

 

 

[18.]      Le même jour, il complète un rapport médical dans lequel il pose le diagnostic de douleur chronique et prescrit une myélographie.

[19.]      Le 10 août 1992, la CSST informe madame Haraka qu'elle refuse de reconnaître l'existence d'une récidive, rechute ou aggravation le 21 juillet 1992 et que son plan individualisé de réadaptation se poursuit tel qu'il a été établi.  Madame Haraka conteste cette décision.

[20.]      Le 11 mai 1994, madame Haraka est examinée par le docteur Dupuis, physiatre, qui indique ce qui suit eu égard aux limitations fonctionnelles :

« Les limitations fonctionnelles telles qu'elles ont été décrites par le docteur Morand et telles qu'elles ont été acceptées par la CSST sont les suivantes :

 

-          limitation de charge à 10 kilos;

-          éviter les gestes répétitifs en flexion antérieure du tronc et rotation;

-          éviter de travailler avec les membres supérieurs plus haut que le niveau des épaules de façon à protéger l'étage cervical et l'épaule gauche;

-          retour progressif.

 

À ceci, il conviendrait d'ajouter deux limitations, qui ne figurent pas dans cette liste, mais qui sont implicites dans la lettre adressée par le docteur Morand à monsieur Roger Gagnon, conseiller en réadaptation, le 21 juillet 1992, et qui seraient d'éviter de maintenir des positions fixes de travail avec le rachis cervical en flexion antérieure et d'éviter des gestes répétitifs des membres supérieurs ("je crois que madame Haraka sera appelée à maintenir des positions fixes de travail avec le rachis cervical en flexion antérieure et par conséquent, j'ai des inquiétudes marquées face à ses possibilités de réaliser un tel type de travail.  De plus, il y aura certainement des gestes répétitifs impliquant les membres supérieurs"). »

 

 

[21.]      À la suite de cet avis, le procureur de madame Haraka demande au docteur Morand si, dans sa lettre du 21 juillet 1992, son intention était bien d'ajouter aux limitations fonctionnelles décrites dans son rapport du 12 septembre 1991, les deux limitations fonctionnelles retenues par le docteur Dupuis.  Le docteur Morand confirme que telle était bien son intention.

[22.]      Le 17 janvier 1996, la Commission d'appel[3] déclare que l'emploi de finisseuse à la main dans le domaine du textile ne constitue pas un emploi convenable en ce qu'il ne permet pas à madame Haraka d'utiliser ses qualifications professionnelles et qu'il ne tient pas compte de ses goûts, aptitudes et intérêts.  Elle déclare également que madame Haraka n'a pas été victime d'une récidive, rechute ou aggravation le 21 juillet 1992.

[23.]      Par ailleurs, elle s'exprime comme suit quant à la question des limitations fonctionnelles qui doivent être prises en considération aux fins d'apprécier la capacité résiduelle de madame Haraka :

« […]

 

Dans le cas qui nous occupe, les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle ont été déterminées par le docteur Morand dans son rapport d'évaluation médicale du 12 septembre 1991.

 

Bien que le docteur Morand ait, par la suite, révisé son rapport au chapitre des séquelles fonctionnelles pour tenir compte de la tomodensitométrie cervicale du 5 septembre 1991, aucune modification ne fut apportée au niveau des limitations fonctionnelles.  Le rapport d'évaluation médicale du docteur Morand n'ayant pas été contesté, il lie la Commission et conséquemment, la Commission d'appel en vertu du premier alinéa de l'article 224 de la loi, lequel édicte ce qui suit :

 

[…]

 

Le docteur Morand ne peut pas, au stade de la réadaptation, alors qu'on lui demande de se prononcer sur l'emploi convenable, ajouter de nouvelles limitations à celles émises dans son rapport d'évaluation médicale et apprécier, comme il le fait dans sa lettre du 21 juillet 1992, le caractère convenable de l'emploi déterminé par la Commission en fonction de ces nouvelles limitations qui ne figuraient pas dans son rapport et dont il n'a jamais été question auparavant. »

 

 

[24.]      À la suite de cette décision, la CSST reprend le processus de réadaptation afin d'identifier un nouvel emploi convenable.

[25.]      Le 21 février 1996, lors d'une première rencontre, le conseiller en réadaptation invite madame Haraka à offrir sa collaboration à la nouvelle démarche d'identification d'un emploi convenable.  Par ailleurs, devant l'intérêt manifesté par cette dernière pour un emploi de bureau, il lui offre la possibilité d'une évaluation à l'Institut de formation professionnelle sur mesure afin de déterminer le type de formation pouvant convenir à ses besoins.  Madame Haraka indique alors qu'elle est trop souffrante pour se rendre à Montréal et y suivre des cours à plein temps mais accepte néanmoins de rencontrer une personne ressource de cet institut le 6 mars 1996.

[26.]      Le 28 mars suivant, le conseiller en réadaptation présente à madame Haraka le programme de formation en bureautique préparé à son intention pour lui permettre d'occuper un emploi de commis de bureau.  Le programme envisagé est, selon son souhait, dispensé à mi-temps et échelonné sur une période de neuf mois, incluant un stage en entreprise.  Madame Haraka exige un délai de réflexion, exprime des doutes quant au fait qu'elle puisse faire les apprentissages nécessaires au cours d'une période de neuf mois, indique que selon son avocat, ce programme semble être une manigance de la CSST pour se débarrasser d'elle et finalement, qu'elle préfèrerait pouvoir créer sa propre entreprise en ouvrant un commerce de vente de vêtements.  Le conseiller en réadaptation lui explique alors les subventions pouvant être octroyées par la CSST, l'invite à faire des démarches en vue d'explorer la faisabilité d'un tel projet et lui accorde le délai de réflexion demandé.

[27.]      Le 16 avril 1996, madame Haraka informe le conseiller en réadaptation que son comptable n'est pas favorable à l'idée du commerce et qu'il lui suggère plutôt de compléter une formation collégiale afin de pouvoir éventuellement ouvrir une garderie.  Le conseiller en réadaptation écarte cette solution au motif qu'elle ne respecte pas les objectifs visés par la loi et, devant les craintes de nouveau exprimées par madame Haraka quant au programme de formation en bureautique, il lui offre de rencontrer le personnel de l'institut de formation afin que l'on puisse répondre à toutes ses interrogations.  Cette rencontre a lieu le lendemain 17 avril et, selon le compte rendu qui en est fait aux notes évolutives, madame Haraka s'est vue fournir des explications supplémentaires quant à la nature du programme de formation offert et aux possibilités d'embauche que présente l'emploi de commis de bureau.

[28.]      Le 24 avril 1996, madame Haraka se dit prête à suivre le programme de formation en bureautique à compter du 30 avril suivant.

[29.]      Le 6 mai 1996, le docteur Josée Desrochers rédige une lettre dans laquelle elle indique que madame Haraka est inapte à toute réadaptation au travail et à tout programme de formation considérant sa condition médicale.  Elle indique également que madame Haraka est référée au docteur Richer pour qu'elle soit traitée en clinique de la douleur.

[30.]      Le 13 mai, le conseiller en réadaptation entre en communication avec le docteur Desrochers et l'informe que madame Haraka continue de se présenter à sa formation.  Selon ce qui est rapporté aux notes évolutives, le docteur Desrochers se dit surprise puisque c'est à la demande même de madame Haraka qu'elle a rédigé la lettre du 6 mai par laquelle elle déclare cette dernière inapte à poursuivre le programme de formation.  Elle se dit cependant en accord avec la poursuite du programme dans la mesure où madame Haraka s'en croit capable.  Par ailleurs, elle suggère une référence en psychologie étant donné des événements difficiles à vivre pour madame Haraka notamment, le suicide de son fils il y a deux ans.

[31.]      Le même jour, madame Haraka indique au conseiller en réadaptation qu'elle ne peut suivre ses cours plus d'une journée par semaine en raison de ses douleurs lombaires.  Après vérification avec l'institut d'enseignement, il est convenu de l'inefficacité d'un tel horaire et de suspendre temporairement la poursuite du programme dans l'attente du résultat de l'évaluation en clinique de la douleur.

[32.]      Le 11 juillet 1996, madame Haraka demande au conseiller en réadaptation de cesser toute intervention et de lui remettre l'argent que la CSST consacre à sa réadaptation afin qu'elle puisse se rendre consulter des médecins au Liban.  Le conseiller explique alors à madame Haraka que si elle ne souhaite plus bénéficier des mesures de réadaptation qui lui sont offertes, il devra fermer le dossier ou procéder à la détermination immédiate d'un emploi convenable.  Face à cette précision, madame Haraka indique qu'elle n'a donc pas le choix et que le processus de réadaptation amorcé doit se poursuivre.  Cependant, elle réitère sa demande de subvention pour ouvrir un commerce de vente de vêtements.

[33.]      Ce même jour, madame Haraka est examinée par le docteur Richer du Centre d'évaluation et de réadaptation physique.  Ce dernier suggère que la prise en charge se fasse d'abord par une évaluation en psychologie, en ergothérapie et en physiothérapie malgré le souhait de madame Haraka d’être suivie en clinique de la douleur.

[34.]      Le 16 juillet 1996, le conseiller en réadaptation rencontre madame Haraka afin de faire le point sur l'évolution de son dossier et l'invite à s'impliquer activement dans le plan de traitements proposé par les intervenants du Centre d'évaluation et de réadaptation physique.

[35.]      Le 12 septembre suivant, le conseiller en réadaptation rencontre ces intervenants et il est alors convenu que le plan de traitements sera d'abord axé sur une intervention en ergothérapie et surtout, en psychologie, étant donné l'état dépressif de madame Haraka et sa prétention d'incapacité à exercer un emploi.

[36.]      Le 27 septembre 1996, le conseiller en réadaptation est informé par l'ergothérapeute que la session de traitements du 19 septembre a dû être annulée puisque madame Haraka n'était pas disponible à cette date.

[37.]      Le 27 novembre 1996, le conseiller en réadaptation rencontre madame Haraka en compagnie de son procureur.  Celle-ci est alors informée d'une décision à venir retenant l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants à titre d'emploi convenable compte tenu d'une enquête ayant permis de conclure qu'elle occupait un tel emploi au commerce de son frère et ce, depuis le mois de septembre précédent.

[38.]      Le 2 décembre 1996, la CSST rend la décision suivante qui fait l'objet du présent litige :

« La présente est pour vous aviser que nous avons déterminé l'emploi convenable de vendeuse de vêtements pour enfants que vous occupez depuis septembre 1996 au revenu minimum annuel de 15 371, 00 $.

 

Nous prenons cette décision, considérant que :

 

1) Nous vous avons offert toutes les mesures de réadaptation que nous croyions adaptées à votre état ou que vous nous avez demandées :

 

-          de novembre 1989 à novembre 1990 et de septembre 1990 à novembre 1991, intervention en physiothérapie;

 

-          d'avril 1991 à octobre 1991, intervention en psychologie que vous avez abandonnée, car vous la jugiez inutile par rapport à votre condition médicale;

 

-          en avril 1996, suite à votre demande, possibilité d'une subvention pour démarrer votre propre entreprise dans le cadre d'une boutique de vêtements, que vous avez déclinée suite à une recherche de votre part auprès de votre comptable;

 

-          d'avril 1996 à septembre 1996, suite à votre demande, un stage en entreprise prévu pour octobre 1996, un programme de formation professionnelle individualisé dans le domaine clérical adapté à la description que vous nous faisiez de votre condition;

 

-          de juin 1996 à novembre 1996, suite à votre demande, deuxième intervention psychologique;

 

-          de juin 1996 à novembre 1996, intervention en ergothérapie.

 

2) Des faits récents découlant d'une enquête ont été soumis à notre attention démontrant que vous étiez en activité de travail durant de longues heures et pour un nombre appréciable, comme vendeuse dans une boutique de vêtements d'enfants.

 

Cette enquête révèle que vous possédez les capacités nécessaires à l'occupation de l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants, capacités supérieures à celles que vous prétendez avoir.

 

En conséquence, au 28 novembre 1996, nous cessons le versement de vos indemnités de remplacement du revenu et les interventions de réadaptation en cours.  Veillez trouver ci-joint à la présente, le calcul illustrant votre inadmissibilité aux indemnités réduites de revenu. »

 

 

[39.]      Le 17 décembre 1996, monsieur Adolphe Haraka, frère de madame Haraka et propriétaire de la boutique « Salut Petit », transmet la lettre suivante à la CSST :

« Je présente cette lettre pour confirmer que madame Pauline Haraka n'est pas une de mes employés chez Salut Petit.  Mais le fait qu'elle se trouvait dans ma boutique explique son cas personnel.  Je m'explique :

 

" Depuis près de deux ans, ma sœur Pauline a perdu son fils et cela a aggravé son cas.  Déjà, elle était malade, et toujours malheureuse.  Son environnement, à la maison, ne lui convenait pas.  Elle était triste et le fait qu'elle restait seule à la maison était, un grand inconvénient.  A cet effet, toute la famille lui suggéra de sortir de la maison pour changer les idées… Comme je suis propriétaire de la boutique Salut Petit, je l'insita à plusieurs reprises de venir dans mon magasin à l'heure qu'elle désire pour pouvoir changer l'atmosphère et ainsi voir des gens.  Je pensa que cela l'aidera beaucoup.  Aussi, quand elle m'appelait pour venir au magasin, je restait toujours aux alentours pour qu'elle puisse me rejoindre n'importe quand."

"Mais après la date de l'enquête, elle ne se présenta plus."

 

Enfin, je ne peux pas l'engager comme employé car les douleurs qu'elle a ne permet pas d'être disponible des heures et des jours de travail précis, et ainsi elle ne peux pas effectuer toutes les tâches que demande cet emploi.  De plus, je n'ai pas besoin d'engager d'autre employé car j'ai déjà un groupe d'employés stables. » [sic]

 

[40.]      Le 6 janvier 1997, le docteur Desrochers indique à la CSST que, lors des consultations des 26 août et 26 septembre 1996, elle a recommandé à madame Haraka d'augmenter ses sorties de la maison et sa vie sociale étant donné son affect dépressif relié à la chronicité de son état physique.

[41.]      Le 16 janvier 1997, monsieur Adolphe Haraka écrit ce qui suit au procureur de madame Haraka :

« Suite à votre lettre du 23 Décembre 1996, je réponds à vos questions :

 

Q 1 - Mme Haraka n'a jamais travaillé comme vendeuse à ma boutique "Salut Petit" située aux promenades Deux-Montagnes.  Donc, il n'y a eu aucune rémunération.

 

Q 2 - Cela n'était même pas une sorte de stage.

 

Q 3 - Il n'y a eu aucune date précise, et sa présence à la boutique qui est mentionnée dans l'enquête se relie avec son état de santé.  Aussi, afin de l'inciter à sortir de la maison et à se changer l'idées.  Elle pourrait se présenter à l'heure et aux jours qu'elle désire.  Mais, après la date de l'enquête, elle ne se présenta plus.

 

Q 4 - Je ne peux pas engager Mme Haraka dans aucune de mes boutiques à cause de son état de santé, car, elle ne peux pas effectuer toutes les tâches que demande cet emploi.  En plus, les problèmes familiaux et personnels ne me permet pas du tout de le faire. » [sic]

 

 

[42.]      Le 15 mai suivant, le docteur Desrochers écrit la lettre suivante :

« La présente est pour attester que j'ai recommandé à Mme Haraka d'avoir des activités sociales et familiales pour l'encourager à sortir de chez elle et l'empêcher de ruminer sur ses douleurs chroniques dans la période de août à novembre 1996.  Je constatais alors chez madame Haraka des signes et symptômes  de dépression.  Il faut ajouter que Mme Haraka a perdu son fils par suicide le 4-02-1994 et que son deuil n'est pas résolu.

 

Suite à ses activités au magasin pour enfants de son frère nous avons noté une franche amélioration de son état avec diminution des douleurs chroniques et amélioration notable de l'humeur.

 

J'ajoute en terminant que le type d'emploi de vendeuse à temps complet avec position debout prolongée n'est pas adaptée à sa condition médicale.

 

Je crois par ailleurs qu'elle présente un bon pronostic de réadaptation suite à sa grande motivation de retourner sur le marché du travail. » [sic]

 

 

[43.]      Lors de l'audience, la Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage des trois enquêteurs désignés pour enquêter sur les activités de madame Haraka au moyen d'une filature et d'une surveillance magnétoscopique.  De ces témoignages, du rapport d'enquête déposé au dossier de même que de la bande vidéo visionnée à l'audience, la Commission des lésions professionnelles retient essentiellement ce qui suit.

[44.]      Au cours de la période du 30 août au 30 septembre 1996, madame Haraka a fait l’objet d’une filature durant onze jours.  Au cours de ceux-ci, elle s'est rendue à quatre reprises à la boutique « Salut Petit » et y est demeurée approximativement 11 h 20 le 19 septembre, 9 h 25 le 20 septembre, 8 h 20 le 25 septembre et 11 h 25 le 27 septembre.

[45.]      Au cours de la période du 28 octobre au 8 novembre 1996, elle a fait l’objet d’une filature durant sept jours et au cours de ceux-ci, elle s’est rendue à la boutique « Salut Petit » à deux reprises et y est demeurée approximativement 3 h 50 le 6 novembre et 5 h le 8 novembre suivant.

[46.]      À ces dates et périodes, madame Harka était la seule personne présente dans la boutique sauf le 25 septembre, où un homme était également présent, affairé à manipuler de la marchandise à l'arrière du magasin.  De plus, le 19 septembre, madame Haraka a elle-même procédé à l'ouverture et à la fermeture du commerce.  Le 20 septembre, elle a procédé à sa fermeture et le 25 septembre, à son ouverture.

[47.]      À chacune de ces dates, madame Haraka a été observée ou filmée alors qu'elle sert la clientèle, plie des vêtements, les placent sur des supports et étagères et exécute les transactions de vente à la caisse enregistreuse.

[48.]      Au cours de ces périodes, madame Haraka a aussi été suivie et filmée au moment où elle effectue divers déplacements à des fins personnelles.

[49.]      La Commission des lésions professionnelles a également entendu le témoignage de madame Haraka qui, pour l'essentiel, se résume comme suit.

[50.]      Madame Haraka s'est effectivement rendue à la boutique « Salut Petit » aux dates identifiées par les enquêteurs.  Elle ne se souvient toutefois pas si, au cours des périodes visées par l'enquête, elle s'y est rendue à d'autres reprises.  Après avoir été informée de cette enquête, elle ne s’est plus présentée à la boutique de son frère.

[51.]      Elle ne s'est pas rendue à cette boutique pour y travailler mais, selon les recommandations du docteur Desrochers, pour sortir de la maison et se changer les idées.  Elle n'a donc reçu aucune rémunération et c'est pourquoi elle n'a pas parlé de cette activité à son conseiller en réadaptation.

[52.]      Lorsqu'elle était à la boutique, elle en profitait pour prendre un café et discuter avec son frère et les vendeuses, sans servir la clientèle.  En contre-interrogatoire, elle admet qu'elle a pu servir des clients et qu'elle s'est occupée de la caisse enregistreuse.  Elle ne plaçait toutefois pas la marchandise.  Elle ajoute aussi que la plupart du temps, elle n'était pas seule à la boutique puisque d'autres vendeuses ou son frère étaient présents.

[53.]      Concernant les problèmes familiaux et personnels auxquels son frère fait allusion dans sa lettre du 16 janvier 1997, madame Haraka explique d'une part, que sa famille ne l'aime pas et qu'on ne lui parle pas.  Elle ajoute cependant que ce sont des membres de sa famille qui ont demandé à son frère de lui permettre de se rendre à sa boutique, probablement en raison de la peine qu'elle ressent depuis la mort de son fils.  D'autre part, elle explique que la relation avec son frère était bonne en 1996 mais que celle-ci s'est détériorée à la suite d'une importante dispute ayant eu lieu à la fin du mois de janvier 1997, dispute dont elle ne connaît pas la cause.  En contre-interrogatoire, elle explique que cette dispute est attribuable au fait que le commerce de son frère a été cambriolé au cours de la semaine où la CSST a mis fin à son indemnité de remplacement du revenu.  Son frère a alors cru que l'enquête menée par la CSST était la cause du cambriolage.

[54.]      Madame Haraka témoigne également à l'effet qu'elle n'est pas en mesure d'exercer l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants puisqu’elle ne peut accomplir toutes les tâches exigées par cet emploi.  En raison de ses limitations fonctionnelles, elle ne peut rester debout pour de longues périodes et ne peut soulever et transporter des objets lourds.

[55.]      Elle dit cependant avoir fait plusieurs démarches en vue d'obtenir un tel emploi mais celles-ci sont demeurées sans succès.  Au cours des trois derniers mois de l'année 1998, elle a occupé, à temps partiel, un emploi de vendeuse dans une boutique de lingerie pour dames qui appartient à une amie.  Cet emploi n'exigeait toutefois pas de manipuler des boîtes de vêtements non plus que de placer des vêtements sur des étagères.

[56.]      Enfin, madame Haraka explique qu'elle est d'origine Syrienne et qu'elle a complété 13 ans de scolarité dans son pays.  Elle a œuvré  à titre d'enseignante pour quelques années en Syrie et au Liban.  Elle est au Canada depuis 1986 et à son arrivée, elle a occupé quelques emplois dans des manufactures de vêtements et des restaurants.  Elle a par la suite complété quelques cours dans le cadre d'un programme en «Techniques d'éducation en service de garde » et a occupé un emploi d'éducatrice en garderie durant environ un an et demi.

[57.]      La Commission des lésions professionnelles a aussi entendu le témoignage de madame Nour Haik, la fille de madame Haraka.  Cette dernière explique qu'à la fin du mois de janvier 1997, elle a été témoin d’une dispute entre sa mère et son oncle, monsieur Adolphe Haraka.  Elle ne sait toutefois pas quel était l'objet de cette dispute.  Depuis, sa mère et son oncle ne se sont pas revus.

[58.]      Témoigne également monsieur Jean-Pierre Henri qui, à l'époque, était le conseiller en réadaptation responsable du dossier de madame Haraka.

[59.]      Ce dernier explique que madame Haraka ne lui a pas parlé de ses activités au commerce de son frère et que tout au long du processus de réadaptation, elle se disait très souffrante et incapable de travailler.  Aussi, lorsque l'enquête a révélé qu'elle exerçait un emploi de vendeuse de vêtements pour enfants sans, par ailleurs, rencontrer de difficultés à exécuter les tâches inhérentes à ce type d'emploi, il a considéré qu'il s'agissait là d'un emploi convenable au sens de la loi.

AVIS DES MEMBRES

[60.]      Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis que l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants constitue un emploi convenable que madame Haraka est capable d'exercer, celui-ci étant conforme à la définition donnée par l'article 2 de la loi.

[61.]      Par ailleurs, ils estiment que la preuve permet de conclure que cet emploi était disponible le 28 novembre 1996, de telle sorte que madame Haraka n’avait pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu visée par le 2e alinéa de l'article 49 de la loi.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[62.]      La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants constitue un emploi convenable que madame Haraka est capable d'exercer.  Dans l'affirmative, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST était justifiée de mettre fin au versement de l'indemnité de remplacement du revenu le 28 novembre 1996 étant donné la disponibilité de l'emploi convenable à cette date.

[63.]      L'emploi convenable est ainsi défini à l'article 2 de la loi :

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;

 

[64.]      La Commission des lésions professionnelles retient en premier lieu que la CSST a procédé à la détermination unilatérale de l'emploi convenable de vendeuse de vêtements pour enfants.

[65.]      Selon la jurisprudence développée par la Commission d'appel[4], la CSST peut procéder à telle détermination lorsque, pour divers motifs, le travailleur fait défaut de collaborer au processus devant conduire à la détermination d'un emploi convenable.  Cependant, la CSST doit alors respecter certaines conditions : elle doit, en autant que faire se peut, chercher à susciter la collaboration du travailleur et elle doit s’assurer d’évaluer l'emploi qu'elle entend retenir en regard des caractéristiques servant à qualifier l'emploi de « convenable » au sens de la loi.

[66.]      De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, la CSST était justifiée de déterminer de façon unilatérale l'emploi convenable de vendeuse de vêtements pour enfants pour madame Haraka, les conditions posées à cet égard par la jurisprudence étant respectées.

[67.]      En effet, tel qu'il appert des notes évolutives complétées entre le 21 février et le 27 novembre 1996, de même que du témoignage du conseiller en réadaptation, la démarche visant à élaborer un deuxième plan individualisé de réadaptation s'est avérée ardue en raison de la faible collaboration offerte par madame Haraka, celle-ci se considérant inapte à exercer tout emploi et adoptant une attitude ayant pour conséquence de faire obstacle à toute mesure de réadaptation offerte.  D'ailleurs, madame Haraka a adopté une attitude similaire lors de la première démarche de réadaptation ce qui a conduit la Commission d'appel à formuler la mise en garde suivante dans sa décision du 17 janvier 1996 : « Il va sans dire que la travailleuse devra apporter sa totale collaboration à tout programme visant sa réinsertion sur le marché du travail sous peine d'encourir les sanctions que la loi prévoit en pareil cas ».

[68.]      Par ailleurs, à chaque étape du processus et devant chacune des nouvelles réticences exprimées par madame Haraka, le conseiller en réadaptation a constamment suscité la collaboration de cette dernière, n'hésitant pas à déployer toutes les ressources et à utiliser tous les moyens jugés nécessaires afin de chercher à répondre aux besoins exprimés par madame Haraka.

[69.]      Enfin, étant mis au fait de l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants occupé par madame Haraka au commerce de son frère, alors que celle-ci prétend être incapable de réintégrer le marché du travail, notamment, en raison de douleurs chroniques, le conseiller en réadaptation a retenu cet emploi à titre d'emploi convenable en évaluant qu'il respectait toutes et chacune des caractéristiques servant à le qualifier de « convenable » au sens de la loi.

[70.]      En deuxième lieu, la Commission des lésions professionnelles considère que l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants constitue un emploi convenable que madame Haraka est capable d'exercer puisque celui-ci lui permet d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qu'il présente une possibilité raisonnable d'embauche et que ses conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique compte tenu de sa lésion.

[71.]      Eu égard à ces critères, madame Haraka soumet que l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants n'est pas convenable sous le seul angle du respect de sa capacité résiduelle.

[72.]      Le fait qu'un emploi donné permette à un travailleur d'utiliser sa capacité résiduelle, s'apprécie avant tout en fonction des limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle, lesquelles sont décrites par le médecin qui a charge ou, le cas échéant, par le Bureau d'évaluation médicale.

[73.]      En l'instance, les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle du 23 octobre 1989, ont été déterminées par le docteur Morand dans son rapport d'évaluation médicale du 12 septembre 1991 et sont les suivantes : limitation de charges à 10 kilos, éviter les gestes répétitifs de flexion antérieure et de rotation du tronc,  éviter de travailler avec les membres supérieurs plus haut que le niveau des épaules.  Bien que celui-ci ait, le 18 octobre suivant, révisé son rapport au chapitre du déficit anatomo-physiologique, il n'a apporté aucune modification au niveau des limitations fonctionnelles.  Le rapport du 12 septembre 1991 n'ayant pas été contesté, il lie conséquemment la Commission des lésions professionnelles en vertu du premier alinéa de l'article 224 de la loi.

[74.]      Le docteur Morand a ultérieurement confirmé que, par sa lettre du 21 juillet 1992, il était bien de son intention d'ajouter deux limitations fonctionnelles à celles déjà décrites soit, éviter de maintenir des positions fixes de travail avec le rachis cervical en flexion antérieure et éviter les gestes répétitifs des membres supérieurs.

[75.]      Dans sa décision du 17 janvier 1996, la Commission d’appel a décidé que ces dernières limitations fonctionnelles n'avaient pas à être prises en compte et que l’appréciation de la capacité résiduelle de madame Haraka devait se faire en référant aux seules limitations fonctionnelles établies par le docteur Morand le 12 septembre 1991.

[76.]      Madame Haraka soumet que les limitations fonctionnelles ainsi ajoutées par le docteur Morand doivent néanmoins être considérées, la jurisprudence de la Commission d'appel étant à l'effet que l'emploi convenable doit être déterminé en tenant compte, non seulement des limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle, mais aussi, de la condition globale du travailleur.

[77.]      La Commission d'appel s'est effectivement prononcée en ce sens à plusieurs reprises et la soussignée souscrit entièrement à cette position.

[78.]      Comme l'a précisé la Commission d'appel dans l'affaire Tremblay et Coffrages C.C.C. Ltée (Les)[5] la capacité résiduelle doit tenir compte d’une autre pathologie qui affecte la condition du travailleur et ce, dans la mesure où celle-ci est présente au moment de la détermination de l'emploi convenable et qu'elle est clairement établie par la preuve médicale :

« De l'avis de la Commission d'appel, la capacité résiduelle s'évalue non uniquement en fonction des limitations fonctionnelles résultant d'une lésion professionnelle mais, également, en tenant compte des autres pathologies qui affectent la condition du travailleur au moment où doit être évaluée sa capacité résiduelle pour déterminer l'emploi convenable et dans la mesure où ces pathologies sont clairement établies par la preuve médicale.  Il ne peut en être autrement car l'emploi convenable est avant tout un emploi «approprié», selon le tout premier élément de la définition précitée. »

 

[79.]      De plus, suivant la position adoptée dans Williams et Global Driver Service et CSST[6], cette autre pathologie doit présenter un caractère incapacitant eu égard à l'emploi convenable déterminé donc, des limitations fonctionnelles incompatibles avec la nature des tâches inhérentes à cet emploi :

« Le premier critère, pour déterminer si l'emploi retenu est un emploi convenable au sens de la loi, est le respect de la capacité résiduelle du travailleur.  Cette capacité résiduelle s'évalue en fonction des limitations fonctionnelles qui ont été reconnues au travailleur mais aussi, comme la Commission d'appel l'a mentionné dans Tremblay et Les Coffrages C.C.C. Ltée3, en fonction des autres pathologies qui affectent le travailleur au moment de l'évaluation de sa capacité résiduelle et qui sont clairement établies par la preuve médicale.

 

En l'instance, la preuve démontre que le travailleur souffre de la maladie de Parkinson depuis 1989.  Il n'y a cependant aucune preuve médicale au dossier qui établit que cette condition était incapacitante au moment où la capacité résiduelle du travailleur a été évaluée en vue de la détermination de l'emploi convenable.  Au moment où cette évaluation a été faite, le seul rapport médical au dossier faisant état de cette pathologie était celui du docteur Catchlove en date du 4 février 1991, où il était écrit que le travailleur souffrait de « mild Parkinsonism in the left upper arm » et que cette condition « does not interfere in any way with driving ».

[…] Aucun médecin n'avait émis de limitations fonctionnelles en rapport avec la maladie dont souffre le travailleur au moment où l'emploi de répartiteur en transport a été déterminé et rien n'indique que cette maladie empêchait le travailleur, à l'époque, d'exercer un tel emploi. »

 

[80.]      Enfin, tel qu'il en en a été décidé dans ces deux affaires de même que dans Fournier et Comact inc. et CSST[7], il s'agit de considérer les limitations fonctionnelles attribuables à une pathologie qui est tout à fait étrangère à la lésion professionnelle, celles qui le sont à une pathologie dont la relation avec la lésion professionnelle n'a pas été reconnue malgré une réclamation soumise en ce sens et celles attribuables à une pathologie ayant déjà été reconnue dans le cadre d'une autre lésion professionnelle.

[81.]      De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, il ne saurait cependant être question de considérer, au chapitre de la condition globale du travailleur, des limitations fonctionnelles qui, en relation avec la lésion professionnelle ayant conduit à la détermination d'un emploi convenable, diffèrent de celles valablement établies conformément à la seule procédure d'évaluation médicale prévue à la loi.  Conclure autrement, comme le recherche madame Haraka, aurait pour conséquence de permettre au travailleur de faire indirectement ce que la loi ne lui permet pas de faire directement.

[82.]      Selon les données fournies par le système « Repères » en date du 21 novembre 1994, lesquelles sont au dossier, l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants est compris dans le titre de commis-vendeuse de vêtements répertorié sous le code 5135-178 de l'ancienne «Classification canadienne descriptive des professions ».  Cet emploi est ainsi décrit :

« Employé ou employée de commerce dont la fonction est de vendre des vêtements aux consommateurs ou aux consommatrices dans un commerce ou dans un magasin à rayons, en leur donnant les renseignements utiles et en les conseillant en vue de satisfaire leurs goûts et leurs besoins. »

 

 

[83.]      Les principales tâches inhérentes à cet emploi sont les suivantes :

-          Reçoit la clientèle et détermine ses besoins relatifs à l'achat de vêtements.

-          Conseille la clientèle en matière de mode, de style, de couleurs, etc.

-          Présente des modèles de vêtements et les accessoires complémentaires.

-          Renseigne sur l'entretien des vêtements envisagés et sur leurs caractéristiques.

-          Dirige la personne vers la salle d'essayage.

-          Ajuste le vêtement et localise des points importants à marquer pour la prise des mesures, s'il y a lieu.

-          Utilise la technique appropriée à la prise des différentes mesures.

-          Établit la facture et reçoit le paiement en argent ou par carte de crédit.

-          Emballe les vêtements achetés et les remets au client ou à la cliente.

-          Dispose les autres vêtements essayés sur les supports à l'étalage.

-          Tient l'inventaire de la marchandise et passe les commandes à l'entrepôt. »

 

[84.]      Quant aux exigences physiques, il s’agit de celles qui suivent :

« Effort physique :

 

L- Travail léger et capacité de déplacer un poids de 11 kg.

 

Capacités physiques :

 

C- Capacité de tendre les bras ou manipuler.

D- Capacité de travailler avec les doigts ou de tâter.

F- Facilité à communiquer verbalement.

H- Capacité d'entendre des mots et des sons avec précision.

 

Autres qualités physiques :

 

Bonne endurance physique à la position debout prolongée. »

 

 

[85.]      Référant à ces données, aux limitations fonctionnelles décrites par le docteur Morand le 12 septembre 1991 et aux faits mis en preuve au moyen de l'enquête, la Commission des lésions professionnelles conclut que l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants permet à madame Haraka d'utiliser sa capacité résiduelle sans que, par ailleurs, les conditions d'exercice de cet emploi comportent un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique compte tenu de sa lésion professionnelle du 23 octobre 1989.

[86.]      D'abord les descriptions de tâches et d'exigences physiques contenues aux différents outils de référence, tel le système « Repères », doivent être utilisées à titre indicatif afin d'orienter l'évaluation des exigences physiques d'un emploi eu égard à la capacité résiduelle d'un travailleur tout en permettant de prendre en considération différents facteurs : le fait qu'une tâche puisse être requise de manière occasionnelle, le fait qu'un emploi donné puisse s'exercer dans différents secteurs d'activités dont certains qui sont moins exigeants, le fait qu'une tâche puisse être exécutée de manière différente pour pallier aux limitations fonctionnelles, et le fait que les limitations fonctionnelles attribuées ne visent pas l'impossibilité d'accomplir un mouvement quelconque mais qu'elles sont plutôt émises en regard d'un mouvement qui doit être évité, effectué selon une durée limitée ou selon une fréquence et cadence restreintes.  Il ne s'agit donc pas d'en faire une interprétation restrictive de telle sorte qu'il faille, en tout temps, rechercher le caractère « parfaitement compatible » d'un emploi donné eu égard à la capacité résiduelle du travailleur.

[87.]      Ainsi, contrairement aux prétentions de madame Haraka, le fait que l'emploi de vendeuse de vêtements exige la capacité de déplacer un poids de 11 kilos alors qu'une limite de 10 kilos lui est imposée par ses limitations fonctionnelles, ne peut certes conduire à conclure au non respect de sa capacité résiduelle.

[88.]      D’une part, l'écart entre ces deux mesures n'est aucunement significatif et, dans l'hypothèse où madame Haraka peut être appelée à déplacer des poids supérieurs à 10 kilos, tels des boîtes contenant des vêtements à placer, rien ne l'empêche d'utiliser une aide technique ou de manipuler quelques unités à la fois.  D’autre part, il existe des emplois de vendeuse de vêtements qui n’exigent pas le déplacement de charges comme en témoigne le fait, qu'en 1998, madame Haraka a occupé un tel emploi à titre de vendeuse dans une boutique de lingerie pour dames.

[89.]      Pour leur part, et à défaut de preuve contraire, les limitations fonctionnelles visant à éviter les gestes répétitifs de flexion et de rotation du tronc et à éviter de travailler avec les membres supérieurs plus haut que le niveau des épaules, sont respectées.  L'emploi de vendeuse de vêtements exige des mouvements de flexion et de rotation du tronc sans que ceux-ci aient cependant à être exécutés de façon répétitive.  De la même manière, cet emploi peut impliquer d'avoir à élever les membres supérieurs plus haut que les épaules sans toutefois avoir pour exigence de travailler ainsi de façon courante et constante.

[90.]      D'ailleurs, au visionnement de la bande vidéo, la Commission des lésions professionnelles a été à même de constater qu'au cours des journées passées à la boutique « Salut Petit », madame Haraka n'avait pas à exécuter des mouvements répétitifs de flexion et de rotation du tronc non plus qu'à travailler avec les membres supérieurs plus haut que les épaules, bien qu'elle ait dû, occasionnellement, effectuer de tels mouvements.

[91.]      Enfin, la bonne endurance physique à la position debout prolongée n'est pas en cause, le docteur Morand n'ayant décrit aucune restriction à cet égard.

[92.]      Bien que ces caractéristiques ne soient pas remises en cause, la Commission des lésions professionnelles conclut également que l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants permet à madame Haraka d'utiliser ses qualifications professionnelles et qu'il présente une possibilité raisonnable d'embauche.

[93.]      Selon les données fournies par le système « Repères », cet emploi exige généralement une formation académique de niveau secondaire V et les qualités personnelles nécessaires pour un travail qui implique essentiellement une qualité de contact avec la clientèle.

[94.]      Le fait que madame Haraka n'ait pas réussi à obtenir une équivalence de secondaire V, selon ce qui est rapporté par la Commission d'appel le 17 janvier 1996, n'est pas déterminant.

[95.]      D'une part, il n'est pas établi que tous les employeurs ont cette exigence d'embauche et cette carence scolaire peut certes être compensée par les autres acquis professionnels que possèdent madame Haraka notamment, une expérience antérieure en garderie qui s'avère certainement pertinente au moment de conseiller la clientèle dans l'achat de vêtements pour enfants.

[96.]      D’autre part, comme l'a pu le constater la Commission des lésions professionnelles lors du visionnement de la bande vidéo, madame Haraka possède de tout évidence les qualités personnelles requises à l'exercice de cet emploi.  D'ailleurs, au cours du deuxième processus de réadaptation, elle a elle-même manifesté un intérêt à œuvrer dans le secteur de la vente de vêtements.

[97.]      Enfin, toujours selon les données fournies par le système « Repères », les perspectives d'emploi pour cette profession jusqu'en l'an 2000 sont qualifiées de bonnes, celles-ci devant connaître un taux de croissance supérieur à la moyenne en raison de la personnalisation des produits et des services.

[98.]      La seule allégation de madame Haraka à l'effet que ses recherches d'emploi se sont soldées par un échec ne permet pas de conclure à l'absence de possibilité raisonnable d'embauche.  Cette notion est différente de celle d'un emploi disponible ou offrant une garantie d'embauche et doit s'apprécier en regard de critères objectifs qui ont trait au marché de l'emploi en vue de déterminer si l'emploi existe et est sujet à l'embauche.

[99.]      Pour l'ensemble de ces motifs, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants constitue un emploi convenable que madame Haraka est capable d'exercer.

[100.]                          Reste donc à déterminer si la CSST était justifiée de mettre fin au versement de l'indemnité de remplacement du revenu le 28 novembre 1996 en application de l'article 49 de la loi, lequel se lit comme suit :

« 49. Lorsqu'un travailleur incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle devient capable d'exercer à plein temps un emploi convenable, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il pourrait tirer de cet emploi convenable.

 

Cependant, si cet emploi n'est pas disponible, ce travailleur a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou jusqu'à ce qu'il le refuse sans raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il devient capable de l'exercer.

 

L'indemnité prévue par le deuxième alinéa est réduite de tout montant versé au travailleur, en raison de sa cessation d'emploi, en vertu d'une loi du Québec ou d'ailleurs, autre que la présente loi. »

 

 

[101.]                          Eu égard au premier alinéa de cette disposition et, compte tenu des conclusions précédentes quant au fait que l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants constitue un emploi convenable, la preuve soumise ne démontre pas, de manière prépondérante, que madame Haraka n'était pas, à cette date, devenue capable d'exercer à plein temps cet emploi, soit parce que des mesures de réadaptation étaient nécessaires à cette fin, soit parce que sa capacité résiduelle ne lui permettait pas d'occuper un tel emploi à plein temps.

[102.]                          Par ailleurs, il n'est pas contesté que madame Haraka n'a pas droit à une indemnité réduite de remplacement du revenu, le revenu net retenu correspondant au revenu brut annuel de 15 371, 00 $ pouvant être tiré de l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants étant supérieur à l'indemnité de remplacement du revenu qui lui était versée au moment de la décision de la CSST.

[103.]                          Seule la question du droit à l'indemnité de remplacement du revenu visée par le 2e alinéa de l'article 49 de la loi demeure eu égard à la disponibilité de l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants.

[104.]                          À cet égard, madame Haraka prétend que cet emploi n'était pas disponible le 28 novembre 1996 bien que l'enquête ait révélé sa présence à la boutique « Salut Petit » au cours des mois de septembre et de novembre 1996.

[105.]                          Au soutien de sa prétention, elle soumet que, pour qu'un emploi soit jugé disponible, le travailleur doit exécuter un travail pour un employeur moyennant rémunération.  Or selon elle, les lettres rédigées par son frère le 17 décembre 1996 et le 16 janvier 1997 de même que sa déclaration de revenus pour l'année 1996, attestent de l'absence de rémunération.  De plus, ces lettres de même que celles rédigées par le docteur Desrochers le 6 janvier et le 15 mai 1997, confirment que sa présence à la boutique « Salut Petit » avait pour objectifs de sortir de la maison et de se changer les idées en raison de sa condition dépressive et douloureuse.

[106.]                          La Commission des lésions professionnelles ne peut cependant acquiescer à cette prétention et, malgré l'absence d'une preuve directe de rémunération, en vient à la conclusion que l'emploi convenable de vendeuse de vêtements pour enfants était non seulement disponible le 28 novembre 1996 mais effectivement occupé par madame Haraka depuis le mois de septembre précédent.

[107.]                          Au soutien de cette conclusion, la Commission des lésions professionnelles retient en premier lieu que le témoignage de madame Haraka relativement à sa présence à la boutique « Salut Petit » est peu crédible.  En effet, celle-ci a, à plusieurs reprises, tenu des propos contradictoires et offert des explications peu vraisemblables notamment, quant aux raisons de sa présence à ce commerce, aux activités qu'elle y exerçaient et aux circonstances qui l'ont conduite à ne plus y retourner à compter du 28 novembre 1996.  Dans ce contexte, l'absence de revenus d'emploi dans sa déclaration fiscale pour l'année 1996, offre peu de valeur probante.

[108.]                          Deuxièmement, la Commission des lésions professionnelles retient que la preuve soumise a permis d'établir un certain nombre de faits difficilement conciliables avec une activité ayant un caractère strictement occupationnel.

[109.]                          D'abord, lorsque madame Haraka s'est rendue à la boutique «Salut Petit » au mois de septembre et au mois de novembre 1996, elle y est demeurée pour de longues heures consécutives soit, 11 h 20 le 19 septembre, 9 h 25 le 20 septembre, 8 h 20 le 25 septembre, 11 h 25 le 27 septembre, 3 h 50 le 6 novembre et 5 h le 8 novembre.  Une telle présence est pour le moins contradictoire avec le fait qu'à cette époque, madame Haraka se disait inapte à exercer un emploi et à poursuivre son programme de formation en bureautique étant donné sa condition dépressive et douloureuse.

[110.]                          De plus, madame Haraka avait en sa possession les clés du commerce et, à trois reprises, elle a procédé à l'ouverture et à la fermeture du magasin.  Cet élément témoigne d’une responsabilité d'employée et est incompatible avec ses déclarations et celles de son frère à l'effet qu'elle se rendait à la boutique « Salut Petit » quand elle le voulait.

[111.]                          En outre, à ces dates et périodes, madame Haraka était seule au commerce, sauf pour la journée du 25 septembre, et à chaque fois, elle était la seule personne qui servait la clientèle et qui effectuait les transactions financières à la caisse.

[112.]                          Finalement, madame Haraka a annulé la session de traitements en ergothérapie du 19 septembre 1996 alors qu'à cette date, elle est demeurée à la boutique de son frère pour un total de 11 h 20 soit, de 9 h 39 à 20 h 59 et ce, en procédant à l'ouverture et à la fermeture du commerce.  On peut comprendre que madame Haraka avait donc, ce jour là, une obligation à se rendre au commerce puisque autrement, il aurait été normal qu'elle privilégie la mesure de réadaptation physique prévue à son plan individualisé de réadaptation.

[113.]                          Troisièmement, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir l’avis formulé par le docteur Desrochers et les affirmations écrites de monsieur Adolphe Haraka aux fins de conclure à l'exercice d'une seule activité occupationnelle.

[114.]                          Dans ses lettres du 6 janvier et du 15 mai 1997, le docteur Desrochers ne fait qu'indiquer qu'elle a recommandé à madame Haraka d'augmenter ses activités sociales.  De plus, l'avis qu'elle formule quant à la nécessité et aux bienfaits apportés par les activités de madame Haraka au commerce de son frère, offre peu de valeur probante, ce médecin ayant auparavant attesté de l'incapacité de madame Haraka à poursuivre tout démarche de réadaptation professionnelle à la demande de cette dernière alors que tel n’était pas nécessairement pas le cas.

[115.]                          Pour leur part, les affirmation écrites de monsieur Haraka du 16 décembre 1996 et du 17 janvier 1997, sont en partie contredites par le propre témoignage de madame Haraka notamment, en ce qui concerne le rôle joué par la famille en vue de l'inciter à se rendre à la boutique de son frère et les problèmes familiaux et personnels faisant obstacle à son embauche.  Dans ce contexte, ces affirmations demeurent peu convaincantes à défaut d'avoir pu entendre le témoignage de monsieur Haraka.

[116.]                          De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, l'ensemble de ces faits suffisamment importants, précis et concordants démontrent, de manière prépondérante, que madame Haraka se rendait à la boutique « Salut Petit » afin d'y exercer l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants moyennant rémunération.

[117.]                          En dernier lieu, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir l'argument de madame Haraka voulant que l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants n'était plus disponible au-delà du 28 novembre 1996 puisqu'à compter de cette date, elle ne s'est plus rendue à la boutique « Salut Petit ».

[118.]                          La Commission des lésions professionnelle a, pour les motifs précédemment exposés, conclut que l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants était disponible et occupé par madame Haraka en date du 28 novembre 1996.  Si cet emploi est ultérieurement devenu non disponible parce que madame Haraka ne s'est plus présentée à la boutique de son frère à la suite de l'enquête de la CSST et parce que ce dernier ne peut plus l'embaucher en raisons de problèmes familiaux et personnels, il s'agit là de circonstances extrinsèques à la lésion professionnelles qui n'ont pas à être considérées aux fins de faire renaître le droit à l'indemnité de remplacement du revenu visée par le 2o alinée de l'article 49 de la loi.

 

 

 

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la déclaration d'appel déposée par madame Pauline Haraka devant la Commission d'appel le 30 septembre 1997;

CONFIRME la décision rendue par la bureau de révision de la région de Laval le 9 septembre 1997;

DÉCLARE que l'emploi de vendeuse de vêtements pour enfants constitue un emploi convenable au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE que madame Pauline Haraka est devenue capable d'exercer à plein temps l'emploi convenable de vendeuse de vêtements pour enfants le 28 novembre 1996;

DÉCLARE que l’emploi convenable de vendeuse de vêtements pour enfants était disponible le 28 novembre 1996 et que madame Haraka n’avait en conséquence pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu visée par le 2e alinéa de l’article 49 de la loi; et

DÉCLARE que le revenu brut annuel pouvant être tiré de cet emploi convenable est de 15 371, 00 $ et que madame Haraka n'a en conséquence pas droit à une indemnité réduite de remplacement de revenu en application du 1e alinéa de l’article 49 de la loi.

 

 

 

 

Ginette Morin,

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

Claude Bovet

4370, rue Parthenais

Montréal (Québec)

H2H 2G6

 

 

 

Représentant de la travailleuse

 

 

 

Panneton, Lessard

(Dominique Wilhelmy)

1700, Boul. Laval, 2eme étage

Laval (Québec)

H7S 2G6

 

 

 

Représentante de la CSST

 

 



[1]  L.Q., 1997, c.27

[2] L.R.Q., c.A-3.001

[3]  Haraka et Garderie Les Gardelunes et CSST, CALP 51277-61-9303, 17 janvier 1996, Mireille Zigby.

[4]  Voir notamment : CSST et Bleau et Guy Brunelle, CALP 37592-60-9203, 30 novembre 1993, Jean-Guy Raymond.  Vachon et Claude Couture Électrique et CSST, CALP 46918-03-9210, 26 mai 1995, Jean-Marc Dubois.  Harnois et Jeans A.C.G. inc. (Les), CALP 44877-62-9209, 31 octobre 1994, Mireille Zigby.

[5]  CALP 51269-03-9305, 23 mars 1995, Marie Beaudoin.

[6] CALP 66813-60-9502, 17 février 1997, Mireille Zigby.

[7]  CALP 38042-03-9203, 10 décembre 1992, Marie Beaudoin.

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