Auclair |
2012 QCCLP 1024 |
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[1] Le 10 novembre 2011, monsieur Michel Auclair (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 7 octobre 2011 à la suite de la révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 9 juin 2011 qui refuse au travailleur le remboursement des frais pour un abonnement au CAA.
[3] L’audience s’est tenue à Sherbrooke le 10 janvier 2012 en présence du travailleur et la cause a été mise en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande de reconnaître qu’il a droit au remboursement des frais pour un abonnement au CAA.
LA PREUVE
[5] Le 18 août 1995, le travailleur subit une lésion professionnelle aux genoux et il connaît deux récidives, rechutes ou aggravations en 1997 et 2002. Il conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles importantes.
[6] Le rapport d’évaluation médicale du 23 juin 2006 prévoit les limitations suivantes :
Pour ses genoux, monsieur Auclair devra éviter les activités qui impliquent de :
- se tenir debout plus de 5 minutes à la fois
- marcher en terrain plat plus de 5 minutes
- marcher en terrain inégal, accidenté ou en pente
- s’asseoir et se lever
- actionner des pédales.
Pour sa colonne lombaire, monsieur Auclair devra éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
- Soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 5 kilos
- Marcher longtemps, garder la même posture (debout, assis) plus de 5 à 10 minutes
- Travailler dans une position instable (ex. dans des échafaudages, échelles, escaliers)
- Effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs comme actionner des pédales
- Travailler en position accroupie, ramper ou grimper
- Effectuer des mouvements de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude
- Monter fréquemment plusieurs escaliers, marcher en terrain accidenté ou glissant
- Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (comme celles provoquées par du matériel roulant sans suspension)
En plus des restrictions ci-dessus, le caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement et la capacité de concentration sont incompatibles avec tout horaire régulier. On peut toutefois envisager une activité dont le travailleur peut contrôler lui-même le rythme et l’horaire.
À ces limitations s’ajouteront celles qu’émettra le docteur Goulet, psychiatre.
[7] Suite à une décision rendue le 11 novembre 2010 par la Commission des lésions professionnelles, la CSST autorise l’achat d’un quadriporteur ainsi que d’une remorque.
[8] Le 8 juin 2011, le travailleur présente à la CSST une demande de remboursement des frais pour un abonnement au CAA au montant de 160,16 $.
[9] Le 9 juin 2011, la CSST refuse la demande de remboursement du travailleur et celui-ci conteste cette décision le 8 juillet 2011.
[10] Le 7 octobre 2011, suite à la révision administrative, la CSST confirme sa décision initiale et refuse la demande du travailleur estimant que ces frais ne sont pas remboursables en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) ou du Règlement sur l’assistance médicale[2] (le Règlement), d’où la présente contestation.
[11] Le travailleur prétend à l’audience que compte tenu de ses limitations fonctionnelles, notamment quant au soulèvement de charge de plus de 5 kilos, à la position accroupie et aux mouvements de la colonne lombaire, il ne serait pas en mesure d’assurer lui-même le nécessaire en cas de panne, par exemple le changement d’un pneu en cas de crevaison.
[12] Le travailleur explique qu’il a à se déplacer en automobile à l’extérieur de sa municipalité de résidence avec son épouse pour les besoins courants du ménage environ aux deux semaines. Ils se rendent également à Montréal pour visiter la famille à tous les mois ou six semaines. Le travailleur consulte également son médecin à Sherbrooke une fois tous les trois mois.
[13] Le travailleur habite la municipalité de Scotstown située à une soixantaine de kilomètres de la ville de Sherbrooke. Selon le témoignage du travailleur, il n’existe pas de garage entre Scotstown et East Angus, chemin qu’il doit emprunter pour se rendre à Sherbrooke.
[14] Il affirme à l’audience que la conduite de l’automobile est le plus souvent assurée par son épouse, mais qu’il conduit également.
[15] Le travailleur ajoute que jusqu’à il y a environ trois ans, son fils qui habitait avec eux prenait part aux déplacements, mais depuis que ce n’est plus le cas, il a senti le besoin de s’abonner au CAA auquel il a recours environ trois fois par année, notamment dans un cas où une vitre du véhicule était cassée.
L’AVIS DES MEMBRES
[16] Le membre des associations d’employeurs est d’avis de rejeter la demande du travailleur, car cette possibilité n’est pas prévue à la loi, que cela ne contribue pas à la réadaptation et que la situation de devoir faire appel à un service de dépannage demeure une éventualité.
[17] Le membre des associations syndicales est d’avis d’accueillir la demande du travailleur compte tenu de ses limitations fonctionnelles.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[18] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais pour un abonnement au CAA.
[19] La loi prévoit le droit à la réadaptation pour le travailleur qui conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
[20] L’objectif de la réadaptation sociale est exposé à l’article 151 de la loi :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
[21] La loi contient également une disposition expresse concernant l’utilisation du véhicule :
155. L'adaptation du véhicule principal du travailleur peut être faite si ce travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et si cette adaptation est nécessaire, du fait de sa lésion professionnelle, pour le rendre capable de conduire lui-même ce véhicule ou pour lui permettre d'y avoir accès.
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1985, c. 6, a. 155.
[22] Cette disposition particulière à l’adaptation du véhicule du travailleur oriente en conséquence les possibilités de réadaptation dont le travailleur peut bénéficier.
[23] Ainsi, il s’agit de savoir si l’acceptation de la demande du travailleur en l’espèce pourrait lui permettre de le rendre capable de conduire lui-même son véhicule ou lui permettre d’y avoir accès.
[24] La Commission des lésions professionnelles se réfère à la décision Bériault[3] où la demande du travailleur visait à obtenir un téléphone cellulaire et son abonnement pour les déplacements et qui énonce :
[51] Par ailleurs, en ce qui concerne le téléphone cellulaire, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il ne s’agit pas d’une adaptation au véhicule visant à rendre le travailleur capable de conduire lui-même son véhicule ou pour lui permettre d’y avoir accès. La preuve démontre que le travailleur conduit déjà son véhicule tel qu’adapté. De plus, un téléphone cellulaire est un accessoire qui ne constitue pas une adaptation au véhicule.
[25] Le tribunal fait sienne l’argumentation soumise dans cette décision et l’applique par analogie au cas en l’espèce.
[26] La Commission des lésions professionnelles ne remet pas en cause les limitations importantes du travailleur ni les difficultés qu’il est susceptible de vivre advenant une panne de son véhicule automobile. Elle est consciente que l’abonnement à un service de dépannage pourrait sans doute rassurer le travailleur face à cette éventualité.
[27] Toutefois, la Commission des lésions professionnelles estime que cette demande ne rencontre pas le critère prévu à la loi, soit de le rendre capable de conduire lui-même son véhicule ou lui permettre d’y avoir accès.
[28] D’ailleurs, la preuve révèle que le travailleur est actuellement en mesure de conduire son véhicule même si son épouse conduit le plus souvent.
[29] Enfin, la demande du travailleur n’est pas non plus visée par l’article 157 de la loi puisque le coût d’abonnement au CAA ne peut être considéré comme un coût d’assurance et d’entretien découlant de l’adaptation du véhicule :
157. Lorsque la Commission assume le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal d'un travailleur, elle assume aussi le coût additionnel d'assurance et d'entretien du domicile ou du véhicule qu'entraîne cette adaptation.
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1985, c. 6, a. 157.
[30] Au surplus, le Règlement n’est d’aucun secours pour motiver le bien-fondé d’une réclamation comme celle en l’espèce.
[31] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’elle ne peut donner suite à la demande du travailleur et qu’il n’a pas droit au remboursement des frais pour un abonnement au CAA.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Michel Auclair, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 7 octobre 2011;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais pour un abonnement au CAA.
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Annie Beaudin |
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