Décision

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Monette et Unimin Canada ltée

2012 QCCLP 1117

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

16 février 2012

 

Région :

Laurentides

 

Dossiers:

394184-64-0911-R  398725-64-0912-R  418924-64-1009-R

 

Dossier CSST :

134019363

 

Commissaire :

Michèle Juteau, juge administratif

 

Membres :

Alain Allaire, associations d’employeurs

 

Dominic Presseault, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Pierre Monette

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Unimin Canada ltée

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 22 août 2011, monsieur Pierre Monette (le travailleur) dépose une requête en révision ou en révocation à l’encontre d’une décision rendue le 22 juin 2011 par la Commission des lésions professionnelles dont le texte a été rectifié le 12 juillet suivant pour corriger une erreur d’écriture à la note de bas de page no 13.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette trois contestations formulées par le travailleur. Les conclusions pertinentes sont ainsi rédigées :

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

 

394184-64-0911

 

REJETTE la requête de monsieur Pierre Monette en date du 14 novembre 2009 ;

 

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 6 novembre 2009 ;

 

DÉCLARE que monsieur Monette n'est pas atteint d'une silicose simple depuis le 16 décembre 2008, qu’il ne présente pas de maladie pulmonaire professionnelle, qu’il n'a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est justifiée, à compter du 15 septembre 2009, de cesser le paiement de l'indemnité de remplacement du revenu qui lui était versée de façon temporaire ;

 

398725-64-0912

 

REJETTE la requête de monsieur Monette en date du 28 décembre 2009 ;

 

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 11 décembre 2009 ;

 

DÉCLARE que monsieur Monette n'a pas subi de lésion professionnelle le 1er octobre 2009 et qu’il n'a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ;

 

418924-64-1009

 

REJETTE la requête de monsieur Monette en date du 7 septembre 2010 ;

 

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 26 août 2010 ;

 

DÉCLARE que monsieur Monette n'a pas subi de lésion professionnelle le 3 mai 2010, qu’il n'a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et qu’il devra rembourser le montant de 1 193,94 $ qui lui a été versé à titre d'indemnité de remplacement du revenu pour la période du 4 mai 2010 au 17 mai 2010 ; 

 

 

[3]           Le 7 février 2012, le représentant du travailleur avise le tribunal qu’il ne sera pas présent  non plus que son client. Il annonce qu’il produira une argumentation écrite. Il consent à ce que l’audience prévue pour le 13 février 2012 procède en son absence.

[4]           Le 13 février 2012 en avant-midi, le tribunal reçoit une copie de l’argumentation du travailleur.

[5]           Ce 13 février 2012, l’audience relative à la requête en révision et en révocation procède à 13 h 30 tel que prévu en présence du procureur de l’employeur, Unimin Canada Ltée, et de ses représentants.


L’OBJET DE LA REQUÊTE

[6]           Selon le texte de la requête en révision ou en révocation déposé, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de modifier la décision du 22 juin 2011 :

EN CONSÉQUENCE ET POUR TOUS CES MOTIFS, Monsieur Monette demande à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir favorablement sa requête, de modifier la décision de la CLP rendue le 22 juin 2011, de déclarer que le travailleur a subi une maladie pulmonaire professionnelle le 16 décembre 2008 et de reconnaître les rechutes subséquentes, de déclarer que le travailleur a droit aux prestations prévues par la Loi et de déclarer que le travailleur n’a pas à rembourser la somme de 1,193,94 $ qui lui a été versée à titre d’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 04 mai 2010 au 17 mai 2010. 

 

 

[7]           Dans l’argumentation écrite, les conclusions recherchées par le travailleur sont plus élaborées. En plus des éléments précédents, celui-ci requiert la reconnaissance du diagnostic de silicose simple, d’une atteinte permanente, du droit à une indemnité pour préjudice corporel, du fait que sa maladie professionnelle pulmonaire n’est pas encore consolidée et que des traitements sont toujours nécessaires.

L’AVIS DES MEMBRES

[8]           Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales rejetteraient la requête du travailleur. Ils considèrent que la demande du travailleur n’est ni plus ni moins qu’un appel à apprécier de nouveau la preuve et le droit, ce qui ne peut avoir lieu dans le cadre d’un recours en révision ou en révocation. Ils ajoutent que le premier juge administratif fournit des motifs complets et rationnels pour appuyer sa conclusion voulant que le travailleur ne présente pas une silicose simple. Ils sont d’avis que cette question de l’identification du diagnostic est centrale au litige. Ils ne voient aucun vice de fond ou de forme de nature à invalider la décision du 22 juin 2011. 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[9]           Avant d’examiner, les reproches que le travailleur formule à l’encontre de la décision rendue par le premier juge administratif, il y a lieu de faire un bref rappel des règles applicables.

[10]        D’abord, il faut avoir à l’esprit que les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel comme le stipule le dernier alinéa de l’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1]:

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

[Nos soulignements]

 

 

[11]        Néanmoins, la loi prévoit un recours qui fait exception, il s’agit de la révision ou révocation dont l’application est encadrée par l’article 429.56 de la loi :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendue :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[12]        Les principaux reproches formulés par le travailleur à l’encontre de la décision du premier juge administrtif pourraient être de l’ordre du vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision.

[13]        Selon la jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles, le vice de fond ou de procédure de nature à invalider une décision constitue une erreur manifeste de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur l’issue du litige[2]. Ce principe a été réaffirmé par les tribunaux supérieurs et notamment par la Cour d’appel du Québec qui a rappelé que la Commission des lésions professionnelles devait agir avec grande retenue en accordant une primauté à la première décision et se garder de réapprécier la preuve et de réinterpréter les règles de droit[3].

[14]        Le travailleur soutient que le premier juge administratif commet une erreur lorsqu’il retient qu’une condition personnelle comme le tabagisme empêche la reconnaissance d’une maladie professionnelle pulmonaire.

[15]        Avec respect, le tribunal ne voit aucune déclaration de la part du premier juge administratif qui va dans ce sens. D’ailleurs, le représentant du travailleur n’en identifie aucune de manière précise.

[16]        Une simple lecture des motifs de la décision attaquée permet de comprendre que le premier juge administratif conclut que le travailleur a été exposé à la silice par le fait de son travail. L’élément déterminant de sa décision concerne l’identification du diagnostic eu égard aux symptômes du travailleur. Les paragraphes [22] à [24] de la décision sont clairs :

[22] Dans le présent cas, la preuve révèle que monsieur Monette a occupé des emplois de journalier, d'aide-foreur, de foreur et de nettoyeur de convoyeurs chez l'employeur d'octobre 1979 à mai 2008.

 

[23] Les parties admettent que le travail que monsieur Monette a exercé chez l'employeur implique une exposition à la poussière de silice. 

 

[24] Le second critère de la présomption de l'article 29 est donc satisfait.  Ainsi, pour qu’il soit présumé atteint d'une maladie pulmonaire professionnelle, monsieur Monette doit démontrer qu’il est atteint de silicose.

 

 

[17]        Des paragraphes [25] à [86], le premier juge administratif discute de la preuve qui se rapporte au diagnostic à retenir eu égard aux symptômes et signes cliniques du travailleur. Cette question est centrale au litige que le premier juge administratif avait à trancher comme on l’a vu précédemment.

[18]        Aussi, certains des faits examinés ont trait aux symptômes du travailleur et à leur évolution ainsi qu’aux anomalies détectées aux examens radiologiques. Le premier juge administratif explique, en reprenant l’opinion du docteur P. Renzi, que ces éléments ne sont pas compatibles avec un diagnostic de silicose simple.

[19]        On comprend que le tabagisme du travailleur est pris en compte non pas pour exclure la relation causale entre la silicose et le travail accompli par le travailleur, mais pour déterminer si le travailleur présente une silicose simple.

[20]        Bien sûr, le tabagisme, condition personnelle, ne peut empêcher  l’application de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi dans le cas où un travailleur atteint de silicose établit qu’il a été exposé à la poussière de silice par le fait de son travail. Mais dans le présent dossier, tel n’est pas la situation.

[21]        En effet, le premier juge administratif en vient à la conclusion que la preuve médicale prépondérante ne permet pas de conclure que le travailleur présente une silicose simple. Conséquemment, la présomption ne s’applique pas.

[22]        Le travailleur soutient que la détermination du diagnostic ne faisait pas l’objet du litige. Le présent tribunal s’étonne de cet argument, d’abord parce que l’application de la présomption de l’article 29 de la loi exige que l’on démontre que le travailleur est porteur de la maladie mentionnée en annexe, en l’occurrence « une silicose ».

[23]        D’autre part, il considère incohérent que le travailleur puisse à la fois suggérer  que le diagnostic de silicose simple ne fait pas parti des questions à trancher et demander au tribunal de conclure que le travailleur est atteint de silicose simple.

[24]        Dans sa requête, le travailleur reprend l’appréciation de la preuve faite par le premier juge administratif. En somme, il demande au présent tribunal de chausser les souliers du premier juge administratif pour emprunter un sentier qui mène à des conclusions qui lui sont favorables. En reprenant l’analyse de la preuve médicale et en suggérant une autre interprétation, il invite le tribunal à un exercice qui ne peut avoir lieu dans le cadre d’une requête en révision ou en révocation. Comme mentionné précédemment, la décision du premier juge administratif, qui est finale et sans appel, doit prévaloir.

[25]        En terminant, quelques remarques sur les documents déposés par le travailleur pour appuyer sa requête en révision ou en révocation. En annexe à sa requête, il soumet :  

·     un protocole radiologique du 17 juin 2010;

 

·     une lettre du 9 août 2011 adressée au travailleur et signée par monsieur Sandi L. Bowker, directeur des ressources humaines pour l’employeur; et

 

·     une lettre du 11 août 2009 adressée au travailleur et signée par Josée Vaudry, directrice administrative pour l’employeur.

[26]        Ces documents ne constituent pas des faits nouveaux au sens du premier  paragraphe de l’article 429.56 de la loi. La radiographie est un élément qui aurait pu être obtenu en temps utile pour l’audience qui a donné lieu à la décision du 22 juin 2011.

[27]        Le dossier du tribunal, tel que soumis au premier juge administratif du tribunal, comportait des documents faisant état des résultats de tests d’imagerie médicale. Celui du 17 juin 2010 n’ajoute rien de plus. Le radiologiste mentionne d’ailleurs qu’il n’y a pas de changement par rapport à 2008.

[28]        Quant aux lettres de l’employeur, elle ne donne aucune information pertinente à la question que devait trancher le premier juge administratif. Il en est de même des autres lettres déposées le 23 septembre 2011 par le travailleur :

·     une lettre du 7 septembre 2011 avisant le travailleur que son assurance médicaments et vie a été suspendue à partir du 1er septembre 2011;

 

·     une lettre du 24 août 2011 du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale mentionnant que le travailleur a droit à une rente d’invalidité;

 

·     une lettre du 11 septembre 2011 adressée au travailleur et signée par Alain Vachon directeur pour l’employeur.

 

 

[29]        Quant au certificat médical du 1er septembre 2011 attestant de l’invalidité du travailleur depuis le 16 décembre 2008 pour une maladie pulmonaire obstructive chronique, outre le fait qu’il constitue une opinion médicale qui, vraisemblablement, aurait pu être obtenue en temps utile pour l’audience présidée par le premier juge administratif, ce document ne permet pas de remettre en question la conclusion voulant que le travailleur ne souffre pas d’une silicose.

[30]        Le 3 janvier 2012, le travailleur dépose une nouvelle expertise du docteur Jacques Malo, pneumologue. Le médecin donne son opinion sur l’invalidité du travailleur à la demande de la Régie des rentes du Québec.  Il diagnostique une bronchite chronique due au tabagisme et ajoute « une silicose radiographique minime ou légère ».

[31]        Cette nouvelle opinion diagnostique d’un autre pneumologue ne constitue pas un fait nouveau. Les éléments que le médecin considère pour rendre son opinion sont les mêmes que ceux qui ont été portés à la connaissance des pneumologues qui ont déjà rendu des opinions. Un nouvel avis médical sur les mêmes faits ne constitue pas un fait nouveau. De surcroît, il n’est pas démontré en quoi cet avis aurait un effet déterminant sur le sort du litige alors que le diagnostic de silicose n’est pas posé cliniquement. 

[32]        Conséquemment, la Commission des lésions professionnelles juge que la requête en révision ou en révocation du travailleur est sans fondement.    

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Pierre Monette.

 

 

 

__________________________________

 

Michèle Juteau

 

 

 

 

M. Benoit Marier

CABINET DE CONSULTATION ET D’EXPERTISE

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Carl Lessard

LAVERY DE BILLY

Représentant de la partie intéressée

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P., 733; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P.; CSST et Viandes & Aliments Or-Fil, C.L.P. 86173-61-9702, 24 novembre 1998, S. Di-Pasquale; Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P. 214190-07-0308, 20 décembre 2005, L. Nadeau.

[3]           Bourassa et Commission des lésions professionnelles [2003] C.L.P. 601 C.A.; Commission de la santé et de la sécurité du travail et Fontaine [2005] C.L.P. 626 C.A; Commission de la santé et de la sécurité du travail et Touloumi, [2005] C.L.P. 921 C.A.

AVIS :
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