Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

22 décembre 2003

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

197054-72-0212

 

Dossier CSST :

119147700

 

Commissaire :

Francine Juteau

 

Membres :

André Guénette, associations d’employeurs

 

Normand Deslauriers, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Jean-Léon Éthier, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Sylvain Masson

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Équipements sportifs stainless steel

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 30 décembre 2002, monsieur Sylvain Masson (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 9 décembre 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST se prononce sur quatre décisions initialement rendues.

[3]                La CSST déclare irrecevable la demande de révision logée le 18 mars 2002 par le travailleur à l’encontre d’une décision rendue le 11 décembre 2001 portant sur la capacité de celui-ci à exercer l’emploi convenable de dessinateur à compter du 10 décembre 2001, en raison de l’absence de motifs raisonnables présentés par le travailleur.

[4]                La CSST confirme la décision initialement rendue le 6 juin 2002 et déclare que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 26 février 2002 en relation avec sa lésion professionnelle du 11 octobre 2000 et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[5]                La CSST déclare sans effet la lettre écrite le 15 août 2002, puisqu’il s’agit d’une lettre d’information et déclare sans objet la demande de révision du travailleur du 20 août 2002.

[6]                La CSST confirme la décision initialement rendue le 3 octobre 2002 et déclare que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 15 juillet 2002 en relation avec sa lésion professionnelle du 11 octobre 2000 et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la loi.

[7]                L’audience s’est tenue à Montréal le 9 septembre 2003, en présence du travailleur et de son procureur. Le 4 septembre 2003, le président de Équipements sportifs stainless steel (l’employeur) informait la Commission des lésions professionnelles qu’il ne serait pas présent à l’audience.

[8]                À la suite de l’audience, la Commission des lésions professionnelles a accordé un délai au travailleur, afin qu’il produise des notes médicales complémentaires. La présente affaire a été mise en délibéré le 16 septembre 2003, date à laquelle les documents ont été transmis à la Commission des lésions professionnelles.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[9]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de considérer qu’il a présenté des motifs raisonnables permettant de le relever de son défaut d’avoir contesté la décision initiale de la CSST du 11 décembre 2001 dans le délai prescrit à la loi. Il soumet que ses motifs résultent d’une double problématique touchant à la fois l’incapacité à exercer l’emploi en raison d’une formation insuffisante qui s’est révélée en cours d’exercice de l’emploi convenable et d’une modification des conditions de travail chez l’employeur à compter de février 2002. En raison de cela, la CSST aurait dû revoir son plan de réadaptation.

[10]           Le travailleur demande de reconnaître qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 26 février 2002 lui ayant occasionné une dermite de contact récidivante.

[11]           Le travailleur demande de considérer que la lettre de la CSST du 15 août 2002 ne constitue pas une simple lettre d’information, mais bien une décision en réponse à sa demande formulée en vertu de l’article 146 de la loi, de revoir son plan de réadaptation en raison de circonstances nouvelles s’étant développées chez l’employeur.

[12]           Le travailleur demande de reconnaître qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 15 juillet 2002 lui ayant occasionné une dermite de contact.

LES FAITS

[13]           Monsieur Masson occupe les fonctions de soudeur mécanicien chez l’employeur depuis 1997. Son travail consiste à concevoir, dessiner et usiner des prototypes d’appareils de musculation en acier inoxydable.

[14]           Le travailleur, qui n’a aucun antécédent de problème de peau, présente des éruptions avec irritation sur la face dorsale des mains à compter de mars 2000. Il s’agit de la partie des mains qui est exposée aux débris d’acier inoxydable lors du machinage. Il traite ses lésions cutanées avec des crèmes topiques. Il tente de poursuivre son travail en utilisant des protections comme des gants de cuir, de coton, de caoutchouc, des habits de protection et il tente même de limiter son travail de conception de prototype dans les bureaux de l’usine chez l’employeur.

[15]           Malgré cela, les lésions que présente le travailleur aux mains, demeurent persistantes. Il consulte le docteur L.-P. Durocher, le 13 septembre 2000. Le médecin produit un rapport médical sur formulaire CSST, retenant le diagnostic de dermite de contact au nickel et au cobalt chez un machiniste, en raison de « patch tests » positifs.

[16]           Le 2 octobre 2000, le docteur Durocher produit un rapport final retenant un diagnostic de dermite de contact allergique et indiquant que le travailleur présente une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[17]           Le 11 octobre 2000, le docteur Durocher produit un nouveau rapport médical retenant toujours le diagnostic de dermite de contact aux mains, indiquant que le travailleur présente une récidive de l’événement du 12 juillet 2000 lors d’un retour au travail.

[18]           À la suite de cette visite médicale, le travailleur présente une réclamation à la CSST. La CSST accepte la réclamation pour maladie professionnelle à compter du 11 octobre 2000, retenant un diagnostic de dermite de contact au nickel et au cobalt chez un soudeur machiniste.

[19]           Le travailleur poursuit ses consultations auprès du docteur Durocher qui émet un rapport final le 27 février 2001. Il retient un diagnostic de dermite de contact avec allergies prouvées au nickel et au cobalt. Il consolide la lésion au 27 mars 2001 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

[20]           Dans son rapport d’évaluation médicale, le médecin indique que le travailleur présente des fissures aux mains qui ne guérissent pas complètement malgré les crèmes utilisées. Le médecin retrouve à l’examen, à la surface dorsale et distale des quatre premiers doigts gauches et des quatre derniers doigts droits, des placards érythémateux, secs et lichénifiés. Le médecin retient que les « patch tests » d’allergie ont révélé une sensibilisation au nickel et au cobalt concordant avec l’exposition au travail. Il émet des limitations fonctionnelles à éviter l’exposition de la peau au nickel et au cobalt. Il ajoute qu’en raison des lésions inflammatoires chroniques résiduelles aux mains, le travailleur doit éviter l’exposition des mains aux irritants et aux astringents cutanés et éviter l’humidité excessive prolongée aux mains. Il établit le pourcentage d’atteinte permanente à 5,07%.

[21]           En raison de la présence de nickel et de cobalt dans son milieu de travail, monsieur Morin n’est pas en mesure de reprendre son emploi prélésionnel de soudeur machiniste.

[22]           Le 23 mai 2001, la CSST rend une décision qui confirme l’admission du travailleur en réadaptation sociale.

[23]           Le 6 juin 2001, après analyse du dossier, rencontre du travailleur et discussion avec l’employeur, la CSST détermine un emploi convenable de dessinateur chez l’employeur qui s’effectuera chez Moli International, une autre succursale appartenant à l’employeur qui est située dans un autre bâtiment où les bureaux administratifs sont indépendants de l’usine et où il n’y a pas de particules de nickel ni de cobalt. Cette entreprise fait de la conception et du dessin de structures de ponts et de tunnels.

[24]           Pour rendre le travailleur capable d’exercer cet emploi, la CSST prévoit une formation de quatre mois, qui se déroulera du 11 juin au 12 octobre 2001, incluant un stage de quatre semaines. Cette formation est supervisée par l’entreprise S.A.M.O.

[25]           La CSST rend une décision le 6 juin 2001, confirmant le programme de formation en dessin industriel comprenant les cours suivants : mathématiques et métrologie, initiation au dessin et lecture de plans, DAO Autocad 14 et 2000 et anglais oral et compréhension.

[26]           Toutefois, tel que le souligne le travailleur à l’audience, le plan de formation n’a pu être réalisé tel que prévu et la CSST a dû prolonger la période de formation.

[27]           Dès le 30 juillet 2001, le professeur de mathématiques indique avoir besoin de neuf heures de plus et la CSST les lui fournit en soustrayant de la formation prévue des heures en dessin, en anglais et sur Autocad.

[28]           En septembre 2001, la formation est prolongée de quatre semaines car la formation est plus complexe que prévue.

[29]           Environ un mois plus tard, le 3 octobre 2001, 20 heures de plus sont ajoutées pour l’apprentissage du logiciel 3D, tel que demandé par le professeur d’Autocad.  Ces heures sont toutefois incluses dans la première semaine de stage qui débute le 9 octobre 2001.

[30]           Le 7 novembre 2001, l’employeur demande une prolongation du stage de quatre semaines afin que le travailleur puisse s’adapter à son nouvel environnement.

[31]           Le 13 novembre 2001, la CSST rend une décision qui confirme la prolongation du stage de formation jusqu’au 7 décembre 2001.

[32]           Le 15 novembre 2001, l’employeur indique à l’agent de la CSST que son parc d’équipement informatique est différent, que les communications avec la clientèle se font seulement en anglais et que le travailleur doit encore apprendre des choses mais qu’il lui fournit le support et l’encadrement nécessaires.

[33]           Le 29 novembre 2001, l’agent de la CSST note que le travailleur semble déprimé, il se plaint de rester assis toute la journée et ne sait plus s’il est véritablement à sa place.

[34]           Une rencontre a lieu le 6 décembre 2001 avec l’employeur et le conseiller en réadaptation pour évaluer la situation. L’employeur souligne que le travailleur a appris beaucoup mais qu’il lui reste beaucoup à apprendre; il manque de confiance et n’a pas acquis une grande autonomie professionnelle. L’employeur accepte de prendre le travailleur et de continuer à lui fournir l’aide et le support nécessaires pour apprendre les « rudiments » de l’emploi.

[35]           Le 10 décembre 2001, l’employeur informe la CSST qu’il n’offrira au travailleur qu’un salaire de 10,25 $ de l’heure, ce qui correspond davantage à son niveau de qualification, soit un débutant.

[36]           Le 11 décembre 2001, la CSST rend une décision confirmant la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable de dessinateur chez l’employeur à compter du 10 décembre 2001.

[37]           Après sa formation, le travailleur débute son stage chez l’employeur en octobre 2001. Un mois plus tard, il constate une réapparition de ses lésions aux mains.  Malgré cela, il débute son emploi tel que prévu au calendrier le 10 décembre 2001.

[38]           Le travailleur fait valoir à l’audience que, dans les faits, le manque de temps pour compléter sa formation de manière satisfaisante a obligé le formateur à utiliser des heures prévues pour certaines matières pour d’autres matières. Ainsi, il devait apprendre le logiciel Autocad 14, mais ce manque de temps ne lui a permis d’apprendre que brièvement le logiciel Autocad 2000. Il explique pourtant que l’employeur fait surtout du dessin relatif à des structures de ponts, de tunnels et d’aéroports, alors qu’il n’a aucunement touché aux dessins de ponts ou aux dessins mécaniques lors de sa formation. Il souligne également que l’employeur utilisait beaucoup les logiciels en 3D, mais qu’il n’a pu les apprendre convenablement. Il ajoute que le parc informatique utilisé chez S.A.M.O. était fort différent de celui utilisé chez l’employeur. Les logiciels n’étaient pas les mêmes. De plus, il s’est aperçu au fil du temps que la clientèle était principalement américaine et que toutes les communications se faisaient en langue anglaise. Selon lui, il n’était pas outillé pour tenir des conversations en anglais malgré les 60 heures de formation qu’avait prévues la CSST dans cette matière.

[39]           Le travailleur effectue l’emploi convenable et constate une diminution de ses lésions aux mains lors du congé, correspondant aux vacances des Fêtes. Cependant, au retour du congé, il constate une augmentation de ses problèmes aux mains, particulièrement du côté auriculaire, là où ses mains frottent sur les surfaces de travail.

[40]           C’est également à cette période qu’il apprend que la filiale pour laquelle il travaillait en octobre 2000, a pris de l’expansion et a acquis les locaux adjacents et à l’étage inférieur à l’atelier de dessin chez Moli International. Dans ces locaux, la compagnie fabrique des produits utilisant de l’acier inoxydable.

[41]           Il consulte le docteur Durocher le 26 février 2002. Celui-ci diagnostique alors une dermite de contact chronique et prescrit un arrêt de travail. Le travailleur présente une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation à la CSST. Celle-ci est refusée.

[42]           Le 27 février 2002 le travailleur communique avec l’agent de la CSST pour lui faire part des difficultés qu’il rencontre dans l’exercice de son emploi convenable et de la reprise de ses allergies.

[43]           Lorsque le docteur Durocher revoit le travailleur le 13 mars 2002, il inscrit dans ses notes que le travailleur se plaint de réactions au niveau des mains en raison des frottements sur les plans qui sont étalés sur le bureau. Le médecin retient un diagnostic de dermite de contact chronique par friction répétée des doigts sur les « blue print » ou par le nickel contenu dans les « blue print » ou par la poussière ou les contaminants sur le papier ou par un contaminant irritant. Il mentionne que les derniers « patch tests » ont été positifs au nickel seulement. Ceux au cobalt se sont révélés négatifs. Il autorise tout de même un retour au travail régulier.

[44]           En raison de la réapparition de ses légions, qu’il attribue aux changements dans les conditions d’exercice de son travail, le 18 mars 2002, le travailleur conteste la décision du 11 décembre 2001 portant sur sa capacité à exercer l’emploi convenable de dessinateur chez l’employeur.

[45]           Lors de l’audience, le travailleur ajoute qu’en raison de sa formation incomplète de dessinateur, l’employeur lui demandait à l’occasion de faire de menus travaux qui n’étaient pas reliés à l’emploi de dessinateur. Ainsi il a dû passer des fils pour les ordinateurs sous les bureaux et près des cloisons, constatant alors que les produits d’isolation, entre l’atelier de dessin et l’usine, n’étaient pas toujours recouverts par des murs et étaient exposés à l’air. Selon lui, ces produits d’isolation répandaient des substances irritantes dans l’atelier de dessin.

[46]           De plus, il souligne que son travail de dessin technique à l’ordinateur l’oblige à utiliser des plans de papier. Certains plans voyageaient de l’usine à l’atelier de dessin. Il travaillait à la journée longue sur des plans, afin d’en transposer les mesures à l’ordinateur. En raison de cela, le côté latéral de ses mains frottait sur les plans. D’ailleurs, il souligne qu’à compter de janvier 2002, ses lésions étaient plutôt sur le côté latéral des mains, là où il y avait frottement avec le papier. Également, l’utilisation de la souris l’amenait à avoir un certain frottement de la main avec les surfaces du bureau.

[47]           Le travailleur fournit à la Commission des lésions professionnelles des photos de l’atelier, de l’usine et des cloisons séparant les locaux.

[48]           La CSST informée de cette problématique, a dépêché sur les lieux du travail un inspecteur, afin d’évaluer la situation. Tel qu’il appert de son rapport daté du 18 mars 2002, l’inspecteur cherchait à valider la présence ou non de poussières de nickel ou de cobalt sur les plans utilisés par le travailleur. L’inspecteur convient que l’usine de production d’éléments architecturaux construits en acier inoxydable est localisée au rez-de-chaussée de l’atelier de dessin. Il souligne qu’il n’y a pas de système de ventilation dans le local des dessinateurs. Toutefois, son observation visuelle du plancher, des surfaces du mobilier et de l’équipement l’amène à conclure que ceux-ci sont propres et exempts d’accumulation de poussières. Il effectue également une vérification à l’aide d’un tube fumigène et constate qu’il n’y avait pas d’infiltration d’air en provenance des locaux adjacents, dont une section de l’usine. Selon lui, l’entrée possible de contaminants par les portes du local des dessinateurs est réduite, puisque le local est en pression positive. C’est une inspection visuelle qui amène l’inspecteur à conclure qu’il n’y a pas de présence de poussières de nickel ou de cobalt sur les plans utilisés par le travailleur.

[49]           Il appert du dossier que l’employeur écrit à la CSST le 19 mars 2002 indiquant qu’il avait accepté de reprendre le travailleur croyant qu’il serait autonome. Il souligne qu’il a à son emploi trois catégories de dessinateurs : junior, intermédiaire et sénior. Il estime que le travailleur n’est même pas au stade de junior, mais encore au stade étudiant. Selon lui, le travailleur a encore besoin de formation pour satisfaire aux exigences de l’emploi. De même, monsieur Gaston Ouellet, supérieur immédiat du travailleur chez l’employeur, mentionne dans une lettre du 29 juillet 2002, que le travailleur a fait quelques erreurs en décembre 2001 en raison de son manque de formation.

[50]           À la suite de la lettre rédigée par l’employeur le 19 mars 2002, la CSST répond dans une lettre du 25 avril 2002, qu’elle a accordé au travailleur la formation prévue, indiquant que le travailleur a complété avec succès les cours prévus avec une moyenne générale de 91 %. La CSST écrit à l’employeur pour connaître les motifs qui lui font remettre en question le plan de réinsertion professionnelle élaboré avec sa collaboration.

[51]           Le 2 mai 2002, le conseiller en réadaptation discute avec l’employeur du fait que le travailleur possède potentiel, compétences, connaissances et habiletés pour exercer l’emploi convenable.  Cependant, l’employeur informe la CSST qu’il ne veut pas offrir au travailleur un nouveau plan individualisé de réadaptation. Il indique au conseiller que si le travailleur a besoin de formation supplémentaire, il peut la lui offrir sur place de même que l’encadrement nécessaire. Le conseiller en réadaptation consigne à ses notes que si le travailleur a besoin de formation, celle-ci sera assurée à l’interne chez l’employeur et que la CSST n’a pas à intervenir dans cette dynamique.

[52]           En réponse à la lettre du 25 avril 2002 de la CSST, le 7 mai 2002, l’employeur mentionne qu’il est prêt à reprendre le travailleur en tout temps et à lui donner une formation interne. Toutefois, l’employeur soulève de nouveaux éléments voulant que ce soit plutôt le fait que le travailleur n’aime pas travailler dans un bureau, qui explique ses difficultés à réaliser son emploi.

[53]           Le 8 mai 2002, le docteur Durocher produit un rapport final retenant un diagnostic de dermite de contact temporairement aggravée par la friction répétée sur les plans. Il recommande d’éviter les irritants cutanés et l’exposition aux particules de nickel.

[54]           En juin 2002, le travailleur retourne chez l’employeur, mais cette fois-ci à ses frais. L’employeur accepte alors de superviser le travailleur afin qu’il puisse parfaire sa formation mais ne lui offre aucune rémunération en échange.

[55]           Le 15 juillet 2002, le travailleur consulte le docteur Sary qui note une aggravation de sa dermite aux mains. Il retrouve des lésions prurigineuses aux doigts et aux mains. Il lui prescrit une crème pour atténuer ses lésions. Le travailleur présente une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation à la CSST. Celle-ci est refusée.

[56]           Le 22 juillet 2002, le travailleur revoit le médecin qui note à nouveau des lésions prurigineuses aux mains qu’il qualifie alors d’aiguës.

[57]           Le 24 juillet 2002, le procureur du travailleur demande à la CSST de procéder à la modification de son plan individualisé de réadaptation. Le procureur souligne que le travailleur a développé des symptômes de sa maladie professionnelle car il a de nouveau été exposé à des plans contenant du cobalt, ce qui contrevient à ses limitations fonctionnelles. Invoquant ces circonstances nouvelles, le procureur du travailleur demande la modification du plan individualisé de réadaptation tel que le permet l’article 146 de la loi.

[58]           Le 15 août 2002, la CSST donne suite à la demande du procureur du travailleur. Elle lui écrit et indique avoir procédé à l’analyse du dossier. Elle conclut que le processus de réadaptation a été réalisé conformément aux dispositions de la loi. La CSST ajoute qu’elle s’est assurée que le travailleur évolue dans des conditions adaptées à son état post lésionnel et qu’il est apte à exercer l’emploi convenable de dessinateur à la suite des mesures mises en place et des diverses interventions réalisées dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

[59]           Le docteur Durocher, qui témoigne à l’audience, confirme que le travailleur, en raison de ses lésions chroniques, pouvait être incommodé par toute forme de particules irritantes présentes dans son milieu de travail. Il rappelle d’ailleurs que lorsque le travailleur avait tenté un retour au travail dans un atelier de dessin, à l’autre usine, un échec avait été constaté en raison du déplacement des plans de l’usine à l’atelier de dessin. Par ailleurs, il explique la limitation fonctionnelle qu’il a émise dans son rapport médical du 28 mars 2001. Il précise qu’en raison des inflammations chroniques, que le travailleur a développé à la suite de sa lésion professionnelle, même sans la présence de nickel et de cobalt dans l’environnement, le frottement sur des irritants ou des astringents cutanés est suffisant pour exacerber les lésions du travailleur.

[60]           Également, il profite de l’occasion pour rétablir ses propos rapportés par l’agent de la CSST au dossier. Il mentionne que lorsqu’il a donné son opinion le 12 mars 2002, il n’avait pas toute l’information en main.

[61]           Le docteur Durocher mentionne également que la lésion qu’il a diagnostiqué chez le travailleur en février et mars 2002 était de la même nature que celle qu’il avait évaluée auparavant, bien que la localisation était différente en raison probablement du frottement des mains sur les plans.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[62]           Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que le travailleur a présenté des motifs raisonnables permettant de le relever de son défaut d’avoir contesté la décision du 11 décembre 2001 portant sur sa capacité à exercer l’emploi convenable de dessinateur en dehors du délai prescrit par la loi. Ils reconnaissent que la preuve non contredite et prépondérante apportée par le travailleur permet d’établir qu’il devait, dans l’exercice de son travail de dessinateur chez l’employeur, faire des gestes de frottement sur les surfaces et sur les plans aggravant ainsi ses lésions chroniques aux mains. D’ailleurs, la chronicité de ses lésions a provoqué chez le travailleur une fragilité qui le rend susceptible à présenter des rechutes, tel que ce fut le cas le 26 février 2002 et le 15 juillet 2002. Les conditions d’exercice de cet emploi contreviennent aux limitations fonctionnelles émises par le médecin traitant du travailleur.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[63]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a présenté des motifs raisonnables permettant de le relever de son défaut d’avoir contesté la décision du 11 décembre 2001 dans le délai prescrit à la loi. La Commission des lésions professionnelles doit également décider si la CSST devait revoir le plan individualisé de réadaptation du travailleur et rendre une décision à cet effet plutôt que de transmettre une lettre d’information et déterminer si les deux réclamations du travailleur pour récidive, rechute ou aggravation doivent être acceptées.

[64]           Le travailleur prétend que malgré le plan individualisé de réadaptation, il n’avait pas la capacité à exercer l’emploi convenable de dessinateur chez l’employeur et que, malgré sa contestation logée hors délai sur cet aspect, il avait des motifs raisonnables pour être relevé de ce hors-délai.

[65]           À travers ses explications, il soumet des éléments qui constituent à la fois des motifs pour être relevé de son défaut d’avoir contesté dans le délai et à la fois des motifs pour justifier son incapacité à exercer l’emploi convenable de dessinateur chez l’employeur. Car ce n’est qu’après avoir exercé l’emploi un certain temps, qu’il a été en mesure de réaliser son incapacité. Les motifs qu’il invoque résultent d’éléments ayant créé une situation d’emploi nouvelle nécessitant une réévaluation de son plan de réadaptation.

[66]           La Commission des lésions professionnelles constate de la preuve qu’à compter de décembre 2001, et plus particulièrement de janvier 2002, des circonstances nouvelles, d’ordre médical d’une part et d’ordre professionnel d’autre part, sont apparues et permettent de relever le travailleur du hors-délai. Ces circonstances n’étaient pas connues du travailleur lorsque la décision sur la capacité à exercer l’emploi convenable a été rendue le 11 décembre 2001 et ne pouvaient justifier alors une contestation du travailleur.

[67]           Le travailleur soumet que sa formation était inadéquate et que ce n’est qu’en exerçant cet emploi pendant un certain temps qu’il a pu se rendre compte de cela. La Commission des lésions professionnelles a déjà retenu cet argument pour relever un travailleur des conséquences de son défaut d’avoir contesté hors délai, considérant que c’est après avoir été confronté aux exigences de l’emploi convenable que le travailleur pouvait avoir des motifs de contester, alors qu’initialement, il croyait être en mesure d’exercer l’emploi convenable[2].

[68]           Malgré la lettre de l’employeur du 7 mai 2002, qui insiste davantage sur les goûts personnels du travailleur pour expliquer ses difficultés à exercer l’emploi convenable, l’ensemble des éléments au dossier vient plutôt corroborer le témoignage du travailleur voulant que son manque de formation soit à l’origine de ses difficultés.

[69]           Ainsi, le témoignage non contredit du travailleur veut que l’employeur n’a jamais accepté de le rémunérer au tarif horaire initialement prévu.  C’est en raison de son niveau de formation correspondant à un étudiant qu’il a évalué son salaire à la baisse.

[70]           Malgré cela, le travailleur a occupé l’emploi et a même travaillé une période sans salaire sous la supervision de l’employeur, la CSST ayant laissé le soin aux parties de trouver une façon de s’accommoder pour poursuivre la formation amorcée dans le cadre du plan individualisé de réadaptation.

[71]           Ces éléments démontrent plutôt la volonté du travailleur à parfaire sa formation malgré les embûches et ne permettent pas de retenir les éléments rapportés par l’employeur voulant que c’est le manque d’intérêt du travailleur qui l’empêchait d’exercer convenablement son travail. Si tel avait été le cas, le travailleur n’aurait pas, par la suite, poursuivi une formation à ses frais.

[72]           Par ailleurs, le travailleur ne pouvait constater cette incapacité reliée à ce manque de formation avant d’avoir exercé l’emploi pendant quelque temps. D’ailleurs, même si le travailleur avait débuté son emploi en décembre 2001, ce n’est qu’en mars 2002 qu’il se décide à écrire à la CSST pour se plaindre du manque de formation du travailleur. Encore en mai 2002, l’employeur discute avec la CSST du fait qu’il va offrir au travailleur la formation et l’encadrement nécessaires lorsque requis.

[73]           C’est donc au fil de l’exercice de cet emploi que le travailleur et l’employeur ont réalisé que la formation était inadéquate et que l’expérience acquise à exercer cet emploi ne pouvait compenser le manque de formation. Dans les circonstances, il était difficile pour le travailleur de contester sa capacité à exercer son emploi convenable avant d’avoir vécu la réalité du travail exercé chez l’employeur.

[74]           Ainsi, la formation incomplète du travailleur constitue à la fois un motif permettant de le relever de son hors-délai et à la fois un motif relatif à sa capacité à exercer l’emploi convenable chez l’employeur, dernier point sur lequel nous reviendrons plus loin.

[75]           Le travailleur allègue également d’autres motifs pour expliquer sa contestation hors délai de la capacité à exercer l’emploi convenable.

[76]           Ces motifs sont reliés aux conditions d’exercice de l’emploi et à un problème médical qui s’est aggravé au fil du temps.

[77]           À nouveau, la Commission des lésions professionnelles estime que les motifs soumis par le travailleur constituent des motifs raisonnables, puisqu’il ne pouvait connaître l’évolution de sa condition médicale avant d’avoir exercé son emploi convenable ni la nouvelle situation d’emploi dont il n’a appris l’existence qu’après janvier 2002.

[78]           Il appert du témoignage du travailleur et de la preuve qu’il soumet à ce sujet, que les conditions d’exercice de son emploi de dessinateur ont été modifiées à compter de janvier 2002. L’acquisition par l’employeur de l’usine adjacente à l’atelier de dessin a fait en sorte que le travailleur était exposé à différentes formes de particules. Alors qu’il ne devait plus travailler dans un environnement contenant du nickel et du cobalt et éviter d’être exposé à des irritants et des astringents cutanés, il s’est retrouvé dans un atelier de dessin contigu à une usine utilisant de l’acier inoxydable et différents irritants cutanés susceptibles de réactiver sa maladie professionnelle. Les photos et la description des lieux qu’en a fait le travailleur, permettent de conclure qu’il devait y avoir nécessairement transfert des irritants cutanés d’un endroit à l’autre. Aucune ventilation n’était prévue pour l’atelier de dessin.

[79]           Tel qu’il en témoigne à l’audience, le travailleur devait se rendre dans l’usine, les plans voyageaient de l’usine à l’atelier et d’autres irritants étaient visibles car les murs n’étaient pas étanches. D’ailleurs, l’employeur confirme au conseiller en réadaptation le 9 mai 2001, que les dessinateurs doivent aller à l’usine pour prendre des mesures pour la conception de l’équipement. Il souligne que le travailleur se retrouvera alors dans un environnement poussiéreux en contact avec des substances de cobalt et de nickel.

[80]           Malgré les éléments contenus au rapport de l’inspecteur de la CSST, la Commission des lésions professionnelles estime que la prépondérance de la preuve permet plutôt d’établir qu’il y avait présence d’irritants cutanés dans l’atelier des dessinateurs, qu’il s’agisse de nickel, de cobalt ou d’autres irritants et que les tâches exercées par le travailleur l’amenaient à être en contact avec ces irritants qui se déposaient nécessairement sur les surfaces de papier et les surfaces de travail. La localisation des lésions en témoigne.

[81]           Le docteur Durocher, lors de son témoignage à l’audience, a clairement indiqué que toutes sortes de particules irritantes peuvent affecter les lésions du travailleur en raison de la chronicisation de celles-ci. Le docteur Durocher rappelle également que la présence de ces lésions chroniques fait en sorte que même sans allergie à certaines particules, le seul fait qu’elles sont irritantes et astringentes est suffisant pour exacerber sa maladie. Les gestes qu’il doit réaliser dans son milieu de travail l’amènent à avoir des frictions répétées sur les plans ou les surfaces de travail.

[82]           Cette situation d’emploi nouvelle, en plus de modifier les conditions d’exercice de l’emploi convenable, a exacerbé le problème de dermite que connaissait le travailleur.  Quelques semaines après le début de son stage chez l’employeur, le travailleur a vu ses lésions s’aggraver. Le travailleur ne pouvait prévoir que l’emploi convenable lui causerait de tels problèmes aux mains car cet emploi était sensé respecter ses limitations fonctionnelles.

[83]           En plus de constituer des motifs raisonnables, ces circonstances nouvelles auraient dû amener la CSST à revoir le plan individualisé de réadaptation, tel que demandé par le travailleur.

[84]           Il est  vrai qu’à l’époque, la CSST a conclu à l’absence de récidive, rechute ou aggravation et confirmé que la formation était adéquate. Considérant ces éléments, la CSST a conclu qu’il n’y avait pas matière à revoir le plan individualisé de réadaptation. Cependant, les éléments que retient la Commission des lésions professionnelles l’amènent à conclure en sens contraire.

[85]           L’article 146 de la loi prévoit que la CSST peut modifier le plan individualisé de réadaptation si des circonstances nouvelles surviennent.

146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

 

Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

__________

1985, c. 6, a. 146.

 

 

[86]           Malgré la demande du travailleur, la CSST a refusé de modifier le plan individualisé de réadaptation.  En révision administrative, la CSST a confirmé que la lettre du 15 août 2002 constituait une lettre d’information référant à la décision de capacité d’exercer l’emploi convenable.

[87]           La Commission des lésions professionnelles ne partage pas cette analyse et considère qu’il s’agit plutôt d’une décision de refus de modifier le plan individualisé de réadaptation et non d’une simple lettre d’information, puisque la CSST a analysé les circonstances alléguées par le travailleur avant de référer le travailleur à la décision de capacité rendue antérieurement. Elle a donc refusé de modifier le plan individualisé de réadaptation malgré les éléments soumis par le travailleur.

[88]           La jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et de la Commission des lésions professionnelles a rappelé que lorsque des circonstances nouvelles se présentaient et pouvaient affecter le processus de réadaptation, il y avait lieu d’en tenir compte. Dans l’affaire Villeneuve et Ressources Aurore inc [3]la Commission d’appel définit ce qu’est une circonstance nouvelle au sens de l’article 146. Elle souligne qu’elle doit se rapporter directement au plan individualisé de réadaptation, soit que le travailleur ne puisse pas accomplir le travail ou soit que l’emploi convenable ne réponde plus aux critères énoncés à la définition d’emploi convenable

[89]           Or, c’est justement le cas en l’espèce et, tel que le soumet le travailleur, la CSST aurait du conclure à des circonstances nouvelles permettant de modifier son plan individualisé de réadaptation et revoir l’emploi convenable ou sa capacité à l’exercer.

[90]           Car il y a ici des circonstances nouvelles à plusieurs niveaux. Le travailleur n’a pas été contredit sur la qualité de sa formation. Même s’il a réussi sa formation, celle-ci est demeurée incomplète et l’employeur le signale à plusieurs reprises.

[91]           La Commission d’appel[4] a déjà décidé que la nécessité d’une formation additionnelle ou la prolongation d’un stage pour être en mesure d’acquérir les compétences requises sont des circonstances nouvelles justifiant la modification du plan individualisé de réadaptation.

[92]           Or, tel que le souligne le travailleur, le parc d’équipement informatique de l’employeur était plus moderne que celui où le travailleur a réalisé sa formation.  Même l’employeur fait part à la CSST, le 15 novembre 2001, de cette situation, indiquant la nécessité de fournir un support et un encadrement supplémentaires pour le travailleur. L’employeur souligne également que le travailleur doit encore apprendre des choses, ce qui rejoint le témoignage du travailleur qu’il n’a pas vu suffisamment le dessin 3D et n’a pas vu tous les logiciels Autocad.

[93]           La Commission des lésions professionnelles estime qu’effectivement, tel que le rapporte le travailleur, et tel que confirmé par l’employeur dans sa lettre du 19 mars 2002, la formation accordée au travailleur pour exercer l’emploi convenable de dessinateur chez l’employeur n’était pas complète et le travailleur n’avait même pas acquis le statut de dessinateur junior. Ce manque de formation était un obstacle à exercer convenablement cet emploi à compter du 10 décembre 2001.

[94]           Au surplus, le travailleur a appris en cours d’exercice que les communications étaient presque exclusivement en anglais. De telles circonstances ont amené la Commission d’appel dans l’affaire Roberge et Métro-Richelieu inc.[5] à retourner le dossier à la CSST pour qu’elle se prononce sur l’opportunité de modifier le plan individualisé de réadaptation deux ans après la détermination de l’emploi convenable car le travailleur n’était pas bilingue alors que requis.

[95]           Notons également que la Commission d’appel a déjà décidé[6], que la CSST doit vérifier à la fin de la période de formation si l’emploi convenable l’est vraiment.  En l’espèce, la CSST a conclu que la formation était adéquate malgré les commentaires des parties et a remis entre les mains de l’employeur la responsabilité de compléter la formation du travailleur, indiquant que s’il y avait besoin de formation, celle-ci serait assurée à l’interne. La CSST admettait donc que la formation était insuffisante mais avait transféré ses obligations à l’employeur. Il semble que cet arrangement ait été fait dans le but d ‘éviter à l’employeur d’assumer le coût d’un nouveau plan individualisé de réadaptation.

[96]           De plus, tel que la Commission d’appel le soulignait dans l’affaire Grimard et Industries Raleigh du Canada ltée[7], des circonstances nouvelles de nature médicale constituent un élément qui peuvent amener la CSST à revoir le plan individualisé de réadaptation.

[97]           Or, après janvier 2002, le travailleur s’est retrouvé à exercer l’emploi convenable dans un milieu où il y avait présence d’irritants et d’astringents cutanés. La modification des conditions d’exercice de son emploi et de l’installation de l’usine utilisant de l’acier inoxydable, de façon mitoyenne à l’atelier de dessin, est en partie responsable de cette situation. Or, le travailleur a été transféré dans cette usine car il ne devait plus être en contact avec des poussières de nickel ou de cobalt. Les changements relatifs à l’installation de l’entreprise dans ce bâtiment sont survenus à son insu et il y avait du travail d’usinage similaire à ce qui se faisait dans les locaux où le travailleur a développé sa maladie professionnelle.

[98]           Ces modifications à l’environnent de travail auraient dû amener la CSST à modifier le plan individualisé de réadaptation du travailleur afin que ses limitations fonctionnelles soient respectées.

[99]           Pour toutes ces raisons, la Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur n’avait pas la capacité à exercer l’emploi convenable de dessinateur chez l’employeur le 10 décembre 2001 et que la CSST aurait dû revoir le plan individualisé de réadaptation en raison de circonstances nouvelles, tel que le prévoit l’article 146 de la loi.

[100]       Par ailleurs, les récidives, rechutes ou aggravations du travailleur doivent être reconnues puisque les lésions diagnostiquées le 26 février 2002 et le 15 juillet 2002 sont identiques et peuvent être mises en relation avec la maladie professionnelle développée par le travailleur.

[101]       Après avoir connu une exacerbation de ses lésions en décembre 2001, le travailleur a connu une amélioration de celles-ci lors du long congé des Fêtes mais la détérioration s’est à nouveau manifestée avec la reprise du travail. Il s’agit de lésions sur une condition chronique qui s’aggrave progressivement. Ce n’est que le 26 février 2002 que lui fut confirmé par son médecin que cela était relié à son travail.  D’ailleurs les lésions s’étaient alors installées là où il y avait frottement avec différentes surfaces.

[102]       Également, le 15 juillet 2002 après un retour chez l’employeur, le travailleur connaît une exacerbation de ses lésions et le médecin note des lésions aiguës le 22 juillet 2002.

[103]       Il y avait présence de particules irritantes dans le milieu de travail, même s’il ne s’agissait pas seulement du nickel. La friction sur des surfaces de travail et sur les plans est susceptible de provoquer l’apparition des symptômes chez un travailleur aux prises avec ce type de dermite. D’ailleurs, le dermatologue traitant attribue leur réapparition à cela. Également, le travailleur rapporte une diminution de ses symptômes lorsqu’il n’est plus dans ce milieu de travail.

[104]       Le docteur Durocher a témoigné que les circonstances d’exercice de l’emploi décrites par le travailleur étaient susceptibles d’avoir provoqué une aggravation de sa maladie professionnelle.  Il n’y a pas de preuve médicale contraire au dossier.

[105]       La Commission des lésions professionnelles conclut que la prépondérance de la preuve permet d’établir que le travailleur a subi une lésion professionnelle sous la forme de récidive, rechute ou aggravation le 26 février 2002 et le 15 juillet 2002.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du 30 décembre 2002 de monsieur Sylvain Masson, le travailleur;

INFIRME la décision rendue le 9 décembre 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE recevable la demande de révision du travailleur;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas la capacité à exercer l’emploi convenable de dessinateur chez Équipements sportifs stainless steel, l’employeur, le 10 décembre 2002 et qu’en conséquence, il a droit aux indemnités prévues à la loi;

DÉCLARE que la lettre du 15 août 2002 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail constitue une décision;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit modifier le plan individualisé de réadaptation du travailleur;

DÉCLARE que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 26 février 2002 en relation avec sa lésion professionnelle du 11 octobre 2000;

DÉCLARE que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 15 juillet 2002 en relation avec sa lésion professionnelle du 11 octobre 2000;

 

 

__________________________________

 

Francine Juteau

 

Commissaire

 

 

 

Me André Laporte, avocat

LAPORTE & LAVALLÉE

Représentant de la partie requérante

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001

[2]          Couture et Office Overload (Division Drake) 129545-31-9912, 14 novembre 2000, R.Ouellet; Berardi et Restauration Scadia, 184295-72-0205, 10 décembre 2002, D.Taillon.

[3]           Villeneuve et Ressources Aurore inc., [1992] C.A.L.P. 6 .

[4]          Kaoukji et Reber inc., [1994] C.A.L.P. 656 ; Chartrand et Les Foyers Providence, C.A.L.P. 66807-64-9502, 28 mars 1996, B.Roy; Lombardi et Construction Dosca inc, [1997] C.A.L.P. 80

[5]          C.A.L.P. 52512-64-9307, 22 novembre 1994, M. Duranceau.

[6]          Bélanger et Castonguay & Frères ltée, C.A.L.P. 44163-62-9208, 24 janvier 1995, G. Robichaud, révision rejetée, 12 juillet 1996, B. Roy.

[7]          [1998] C.A.L.P. 295 .

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