LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES
MONTRÉAL, le 10 août 1998
RÉGION: ÎLE-DE-MONTRÉAL DEVANT LE COMMISSAIRE: J.-David KUSHNER
ASSISTÉ DES MEMBRES: Monsieur Pierre Gamache
Membre patronal
DOSSIERS: 78766-60A-9604
85235-60A-9701 Madame Gertrude Laforme
Membre syndical
DOSSIER CSST: 000518100 AUDIENCE TENUE LES: 29 janvier 1997 et
DOSSIERS BR: 62039385 22 avril 1998
62151511
À: Montréal
MONSIEUR ROBERT PROULX
694, Terrasse du Ruisseau
Lachine (Québec)
H8T 3N5
PARTIE APPELANTE
et
ARTHUR ANDERSEN INC. SYNDIC
Monsieur Marcel Roy
600, de Maisonneuve Ouest
Bureau 2700
Montréal (Québec)
H3A 3J2
PARTIE INTÉRESSÉE
et
CORPORATION RAYMOR LTÉE.
(Entreprise en faillite)
PARTIE INTÉRESSÉE
D É C I S I O N
Dans le dossier 78766-60A-9604, le 12 avril 1996, le travailleur, monsieur Robert Proulx, en appelle devant la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'une décision rendue le 12 mars 1996 par le Bureau de révision de l'Île-de-Montréal (le Bureau de révision).
Par cette décision, le Bureau de révision confirme la décision rendue le 3 avril 1995 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) qui établit que le travailleur doit rembourser à la CSST la somme de 1 034,50 $.
OBJET DE L'APPEL
Le travailleur demande à la Commission d'appel de déclarer qu'il ne doit pas rembourser ce montant à la CSST.
Dans le dossier d'appel 85235-60A-9701, le travailleur en appelle le 28 janvier 1997 d'une décision rendue par le Bureau de révision le 9 décembre 1996 qui confirme la décision rendue par la CSST le 5 février 1996 déclarant que la CSST n'a pas à verser des intérêts au travailleur sur le paiement d'aide personnelle autorisée en décembre 1992.
OBJET DE L'APPEL
Le travailleur demande à la Commission d'appel de déclarer qu'il a droit aux intérêts sur les frais d'aide personnelle remboursés par la CSST.
À l'audience tenue le 29 janvier 1997 dans le dossier 78766-60A-9604, le travailleur a demandé la suspension pour qu'il puisse déposer une déclaration d'appel dans le dossier 85235-60A-9701. En effet, les deux appels sont réunis pour les fins d'audience et d'instruction, le tout conformément à l'article 422 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [L.R.Q. chapitre A-3.001] (la LATMP).
Le présent dossier a été entendu par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel). Toutefois, le 1er avril 1998 est entrée en vigueur la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives (1997 L.Q., c.27). Cette loi crée la Commission des lésions professionnelles qui remplace et continue la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. En vertu de l'article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles. Les affaires dont l'audition a déjà été entreprise avant le 1er avril 1998 sont continuées par le commissaire saisi du dossier mais il exerce sa compétence à titre de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.
La présente décision est donc rendue par le commissaire soussigné en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Commission des lésions professionnelles a eu l'opportunité d'étudier l'ensemble du dossier et aussi entendu les représentations faites par le travailleur présent à l'audience.
Sans voir la nécessité de reprendre le tout ici in extenso ou à ad litteram, la Commission des lésions professionnelles doit constater que les décisions qui font l'objet des appels du travailleur, en l'espèce, les deux décisions du Bureau de révision, font une étude méticuleuse des faits pertinents, des dispositions de la loi applicable ainsi que la jurisprudence pertinente. Nonobstant le désaccord du travailleur à l'égard des décisions, la Commission des lésions professionnelles doit se mettre en accord avec les décisions des instances antérieures.
Il semble néanmoins utile de reprendre les parties pertinentes des décisions du Bureau de révision dont la Commission des lésions professionnelles fait siens les motifs :
«[...]
DÉCISION DU BUREAU DE RÉVISION
La C.S.S.T. réclame au travailleur la somme de 1 034,50 $ en regard d'indemnités qui lui ont été versées dans le cadre de son indemnité de remplacement du revenu.
Il ressort des éléments au dossier qu'en date du 6 février 1995, monsieur Proulx s'est trouvé un emploi de cuisiner. Il a occupé cet emploi à compter de cette date. Or, suivant l'article 52 de la L.A.T.M.P., l'indemnité de remplacement du revenu que reçoit un travailleur doit être réduite du revenu net retenu qu'il tire de son nouvel emploi.
La C.S.S.T. a été informée par le travailleur en date du 2 février 1995 que celui-ci devait débuter son emploi à temps plein en date du 6 février 1995. Cependant, en date du 8 février 1995, monsieur Proulx a communiqué avec son agent de la C.S.S.T. afin de lui demander de retarder l'inscription de la base salariale de son nouvel emploi puisque son employeur conservait ses deux premières semaines de salaire à titre d'arrérage et que de la sorte, il ne recevait son premier chèque de ce nouvel emploi que vers la fin du mois de février 1995. L'agent a expliqué au travailleur qu'il était possible de procéder de la sorte mais que cette situation créerait un trop payé que le travailleur devrait rembourser par la suite. Monsieur Proulx consentait à rembourser ce montant par la suite.
En date du 28 février 1995, la C.S.S.T. a reçu les premiers talons de chèques de monsieur Proulx et a donc inscrit la nouvelle base salariale du travailleur rétroactivement au 6 février 1995, date d'entrée en fonction à l'emploi. Ceci a eu pour effet de créer un surpayé pour l'indemnité de remplacement du revenu payée au travailleur du 6 février au 2 mars 1995 par la C.S.S.T. Il s'agit du montant de 1 034,50 $ qui a été versé au travailleur pour cette période.
Les documents fournis par le travailleur permettent de constater que pour la période du 6 février au 2 mars 1995, il a reçu de son employeur la somme de 1 138,70 $. Comme il l'a fait valoir à l'audition, cette somme a cependant été reçue trois semaines après son entrée en fonction.
Lors de l'audition, le travailleur indique qu'il est prêt à rembourser la moitié de la somme réclamée par la C.S.S.T. puisque son employeur ne lui a pas versé immédiatement pour ses premières semaines de travail. Il se dit prêt à rembourser la somme complémentaire au moment où l'employeur lui remettra le salaire correspondant à deux semaines de travail, qu'il conserve en arrérage.
La compétence du Bureau de révision est de déterminer les sommes versées en trop au travailleur et qui devront être remboursées à la C.S.S.T. Par ailleurs, les modalités de remboursement de ces sommes peuvent faire l'objet d'une entente entre la C.S.S.T. et le travailleur. Le Bureau de révision n'a aucune prise sur cet aspect.
Après analyse de l'ensemble de la preuve et des dispositions législatives, le Bureau de révision ne peut accueillir favorablement la demande du travailleur. En effet, l'article 52 de la L.A.T.M.P. indique clairement qu'un travailleur voit son indemnité de remplacement réduite à compter du moment où il tire un revenu de son nouvel emploi. Or, même si monsieur Proulx a été payé avec un délai de trois semaines par son nouvel employeur, il est entré en fonction chez celui-ci à compter du 6 février 1995. La C.S.S.T. était justifiée de créer un surpayé en vertu de l'article 430 de la L.A.T.M.P. puisque c'est à partir du 6 février 1995 que la C.S.S.T. doit procéder à la réduction de l'indemnité de remplacement du revenu du travailleur en vertu de l'article 52 de la L.A.T.M.P.
Dans la période du 6 février au 2 mars 1995, monsieur Proulx a reçu 1 138,70 $ de son employeur, montant plus élevé que le montant de son indemnité de remplacement du revenu pour la même période qui est établie à 1 034,50 $. Le travailleur doit donc rembourser le montant de 1 034,50 $ à la C.S.S.T. car, contrairement à ses prétentions, il a reçu son salaire de l'employeur pour cette période, même si l'employeur lui a versé les sommes avec un décalage de deux semaines.
POUR CES MOTIFS, le Bureau de révision:
REJETTE la demande de révision du 4 mai 1995;
MAINTIENT la décision du 3 avril 1995 qui établit que le travailleur doit rembourser à la C.S.S.T. la somme de 1 034,50 $.»
En ce qui concerne la question des intérêts reliés aux frais de l'aide personnelle, la Commission des lésions professionnelles fait siens les motifs du deuxième Bureau de révision qui s'est ainsi prononcé:
«DÉCISION DU BUREAU DE RÉVISION
Suite à une décision du 15 août 1992 de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (C.A.L.P.), le 16 décembre 1992, la C.S.S.T. autorisait le paiement au travailleur des frais rétroactifs pour aide personnelle.
Au début de décembre 1993, M. Proulx a demandé à la C.S.S.T. de lui verser les intérêts sur le montant qui a été payé pour aide personnelle.
Le 16 janvier 1996, M. Proulx réitère sa demande auprès de la C.S.S.T. qui l'informe le 5 février 1996 qu'elle ne peut donner suite à sa demande.
L'article 364 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.A.T.M.P.) prévoit ce qui suit:
364. Si une décision d'un bureau de révision ou de la Commission d'appel reconnaît à un bénéficiaire le droit à une indemnité qui lui avait d'abord été refusée, augmente le montant d'une indemnité ou entraîne un remboursement à l'employeur, la Commission paie des intérêts:
1° à compter de la date de la réclamation, s'il s'agit d'une indemnité payable à un bénéficiaire;
2° à compter de la date où il a effectué le paiement en trop, s'il s'agit d'un remboursement à l'employeur.
Le taux de ces intérêts est déterminé suivant, les règles établies par règlement. Ces intérêts se capitalisent quotidiennement et, dans le cas visé au paragraphe 1° du premier alinéa, font partie de l'indemnité.
Or, les frais d'aide personnelle ne constituent pas des indemnités et des intérêts n'ont donc pas à être versés au travailleur sur le montant qu'il reçoit pour de l'aide personnelle.
C'est d'ailleurs dans ce sens que la C.A.L.P. a décidé, entre autres dans l'affaire Tardif et C.S.S.T. et Entreprises Réjean Turgeon Inc.:1
Les frais d'entretien visés à l'article 165 LATMP ne constituent qu'une prestation versée en tant qu'assistance financière ou pour obtenir des services professionnels.
...
La C.S.S.T. n'avait pas à rembourser les frais d'intérêt car les frais d'entretien que la C.S.S.T. a dû rembourser ne constituent pas une indemnité au sens de l'article 364.
...
L'intention du législateur dans cet article se limite à ce qu'il qualifie d'indemnité, soit une prestation versée en argent pour le remplacement du revenu pour compenser un dommage corporel subi ou un décès.
1 - C.A.L.P. 70437-03-9506»
La Commission des lésions professionnelles tient à ajouter un commentaire à la décision du Bureau de révision, à savoir que, faisant droit à la demande du travailleur concernant les indemnités de remplacement du revenu versées en trop par la CSST dans le premier dossier, équivaudrait à lui permettre un double revenu et double indemnité, ce qui n'est pas prévu à la loi. Le travailleur admet de son propre aveu que deux semaines après, il a bel et bien été payé pour ses deux semaines de travail, à compter du 6 février 1995. Il est, de notre avis, tout à fait normal que l'employeur juge bon de payer son employé dans la période suivant les deux premières semaines travaillées, ce qui fut fait par l'employeur le 23 février 1995.
Or, les articles 49 et 52 de la loi se lisent ainsi:
«49. Lorsqu'un travailleur incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle devient capable d'exercer à plein temps un emploi convenable, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il pourrait tirer de cet emploi convenable.
Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou jusqu'à ce qu'il le refuse sans raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il devient capable de l'exercer.
L'indemnité prévue par le deuxième alinéa est réduite de tout montant versé au travailleur, en raison de sa cessation d'emploi, en vertu d'une loi du Québec ou d'ailleurs, autre que la présente loi.»
«52. Malgré les articles 46 à 48 et le deuxième alinéa de l'article 49, si un travailleur occupe un nouvel emploi, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il tire de son nouvel emploi.»
Donc, le droit du travailleur à l'indemnité de remplacement du revenu est lié à son incapacité d'exercer son emploi ou bien à la disponibilité d'un emploi convenable, le cas échéant.
Les deux situations visées à l'article 49 ne sont pas des situations que le travailleur a vécues en février 1995. Il a bel et bien commencé à travailler le 6 février 1995 et fut payé son plein salaire par l'employeur, le 23 février 1995. Pourtant, la CSST, par erreur, a versé au travailleur l'indemnité de remplacement du revenu
pour les deux semaines durant lesquelles il était de retour au travail. Ainsi, la Commission est en droit de demander le remboursement de ce montant auquel le travailleur n'avait pas droit puisque dans les faits, il n'y a aucune perte de revenu reliée à une incapacité découlant des conséquences de sa lésion professionnelle, et ceci pour la période du 6 au 23 février 1995.
En ce qui concerne le deuxième appel, comme le Bureau de révision l'a bien dit dans sa décision du 9 décembre 1996 et comme la Commission d'appel l'a bien déclaré dans l'affaire Tardif précitée, les frais d'entretien ou d'aide personnelle ne sont pas des prestations ou des indemnités au sens de la loi et plus particulièrement au sens de l'article 364. Ainsi, les dispositions de la loi visant le paiement des intérêts en ce qui concerne l'indemnité de remplacement du revenu et aussi l'indemnité pour dommages corporels ne sont pas applicables au cas demandé par le travailleur, à savoir les frais d'entretien et d'aide personnelle.
Il s'ensuit que les appels du travailleur doivent être rejetés.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 78766-60A-9604
REJETTE l'appel du travailleur, monsieur Robert Proulx, logé le 12 avril 1996;
CONFIRME la décision rendue le 12 mars 1996 par le Bureau de révision ainsi que celle rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 3 avril 1995;
DÉCLARE que le travailleur n'avait pas droit de recevoir l'indemnité de remplacement du revenu pour la période du 6 février 1995 jusqu'au 2 mars 1995;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est bien fondée de demander le remboursement de l'indemnité de remplacement du revenu versée durant cette période, à savoir un montant de 1 034,50 $;
ORDONNE au travailleur de rembourser à la Commission de la santé et de la sécurité du travail le montant en question, soit de 1 034,50$.
Dossier 85235-60A-9701
REJETTE l'appel logé par le travailleur le 28 janvier 1997;
CONFIRME la décision rendue le 9 décembre 1996 par le Bureau de révision ainsi que celle rendue le 5 février 1996 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail;
DÉCLARE que le travailleur n'a pas droit aux intérêts reliés aux frais d'aide personnelle en question.
J.-David Kushner,
Commissaire
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.