Décision

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Bérubé et Transport Samson inc.

2009 QCCLP 7161

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

19 octobre 2009

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

380383-03B-0906

 

Dossier CSST :

115395345

 

Commissaire :

Ann Quigley, juge administratif

 

Membres :

Claude Jacques, associations d’employeurs

 

Michel St-Pierre, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Denis Bérubé

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Transport Samson inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 3 juin 2009, monsieur Denis Bérubé (le travailleur) dépose une requête devant la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 28 mai 2009 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 12 février 2009 et déclare que la pose de scellant pour les fenêtres n’est pas une dépense remboursable par la CSST.

[3]                De plus, elle confirme la décision rendue initialement le 26 février 2009 et déclare que les travaux de rénovation de planchers et d’escaliers en bois franc ne sont pas remboursables par la CSST.

[4]                Le travailleur se représente seul à l’audience qui a lieu devant la Commission des lésions professionnelles le 17 septembre 2009 à Lévis. Pour sa part, Transport Samson inc. (l'employeur) a informé le tribunal par écrit de son absence à l’audience.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la pose de scellant effectuée sur les fenêtres de son domicile, tout comme le sablage et le vernissage des planchers de bois franc et des escaliers sont des dépenses remboursables par la CSST puisqu’ils constituent, à son avis, des travaux d’entretien courant tel que le prévoit l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

 

LES FAITS

[6]                Sur la base du témoignage du travailleur à l’audience de même que sur l’ensemble de la preuve documentaire disponible, le tribunal retient les faits suivants.

[7]                Le travailleur occupe l’emploi de camionneur chez l'employeur au moment où il est victime d’un accident du travail le 17 juillet 1998.

[8]                Dans le cadre de l’exercice de ses tâches de camionneur, il est victime d’un accident de la route qui survient dans le parc des Laurentides alors qu’à la sortie d’une courbe, un véhicule roulant en sens inverse vient heurter son camion malgré sa tentative de l’éviter.

[9]                Sous la force de l’impact, le camion du travailleur perd ses roues avant de même que son réservoir à essence. Il poursuit sa course sur 150 pieds en appui sur le parapet dont les dernières sections cèdent avant que le véhicule ne verse sur le côté.

[10]           Tel qu’il appert d’une décision[2] rendue par la Commission des lésions professionnelles le 22 mai 2001, le travailleur était attaché sur son siège à l’intérieur de la cabine du camion. Après que le camion se soit renversé, le travailleur est parvenu à se déprendre de son siège et a donné un coup de pied dans le pare-brise afin de sortir rapidement de cette position précaire. Ses vêtements étaient imbibés d’essence provenant d’une fuite du réservoir.

[11]           Après avoir réussi à sortir du véhicule, il a attendu les secours sans pouvoir s’approcher de l’autre véhicule impliqué dans l’accident qui était en feu et dont le conducteur est finalement décédé.

[12]           Dans les jours et les semaines qui ont suivi l’accident, le travailleur a ressenti des douleurs au cou et au membre supérieur droit. Tout son côté droit lui paraissait courbaturé, sans qu’il ne présente toutefois de problèmes fonctionnels importants. Il a donc pu reprendre le travail régulier dès le 17 juillet 1998. Cependant, au plan psychologique, sa situation demeurait difficile d’autant plus qu’il était appelé à reprendre la route.

[13]           À compter de son retour au travail régulier le 17 juillet 1998, et ce, jusqu’à un nouvel arrêt de travail en janvier 2000, le travailleur a ressenti des douleurs au niveau cervical et au membre supérieur droit.

[14]           D’ailleurs, le travailleur a produit une réclamation à la CSST en lien avec une récidive, rechute ou aggravation à compter du 17 janvier 2000. Les diagnostics en lien avec cette lésion professionnelle sont ceux de cervicobrachialgie droite avec tendinite à l’épaule droite.

[15]           La CSST et la révision administrative ont refusé cette réclamation. Cependant, la Commission des lésions professionnelles a reconnu l’existence de cette lésion le 31 mai 2001. Cette récidive, rechute ou aggravation est consolidée le 8 mai 2000 par le docteur Larochelle, médecin traitant, qui pose le diagnostic de tendinite à l’épaule droite et de cervicobrachialgie. Il est d’opinion qu’aucun autre traitement ou soin n’est requis et que la lésion professionnelle est consolidée sans atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles.

[16]           Le travailleur reprend donc le travail régulier le 8 mai 2000.

[17]           Le travailleur produit une nouvelle réclamation pour récidive, rechute ou aggravation à compter du 15 décembre 2002 qui est acceptée par la CSST. En lien avec cette réclamation, le docteur Larochelle pose un diagnostic de récidive de symptômes douloureux à l’épaule droite et de cervicobrachialgie droite. Cette lésion professionnelle est consolidée le 6 janvier 2003 par le docteur Larochelle qui parle de cervicobrachialgie et de tendinite calcifiée de la coiffe des rotateurs droite. Il est d’opinion que le travailleur ne conserve aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles.

[18]           Le travailleur produit une nouvelle réclamation pour récidive, rechute ou aggravation à compter du 12 octobre 2004. Le diagnostic alors posé par le docteur Larochelle est celui de cervicobrachialgie droite et radiculopathie C5-C6, C6-C7.

[19]           La CSST et la révision administrative refusent cette réclamation. Cependant, la Commission des lésions professionnelles, dans le cadre d’une décision[3] rendue le 24 août 2006 entérinant un accord, infirme cette décision et déclare que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 12 octobre 2004 de l’événement initial du 7 juillet 1998.

[20]           Le 8 août 2007, le travailleur est évalué par le docteur Yves Ferland, orthopédiste, à la demande de la CSST. Le docteur Ferland doit se prononcer notamment sur l’existence de l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles consécutives à la lésion professionnelle du 12 octobre 2004.

[21]           À l’issue de son évaluation, le docteur Ferland conclut que la lésion professionnelle est consolidée depuis le 8 août 2007 et que le travailleur conserve une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique. Le docteur Ferland dresse le bilan suivant des séquelles :

Code            DESCRIPTION                                                                       DAP

 

203 513          entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles

                     objectivées avec ou sans changement radiologique                    2 %

 

102 365          atteinte des tissus mous épaule droite sans

                     séquelles fonctionnelles ni changement radiologique                  0 %

 

112 354          atteinte sensitive système nerveux périphérique

                     C6 droite, classe II                                                                  1,5 %

 

 

[22]           De plus, le docteur Ferland est d’avis que le travailleur a reçu des traitements adéquats. Cependant, il croit que le travailleur pourrait, à des fins palliatives, être référé à la Clinique de la douleur pour ses douleurs chroniques.

[23]           Le docteur Ferland est également d’opinion que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles qu’il décrit comme suit :

Ce patient devrait avoir les mêmes limitations fonctionnelles que celles émises par le docteur du Tremblay, soit :

 

Au niveau de la colonne cervicale :

 

Ø       Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de soulever, porter, pousser des charges de plus de 25 kilos;

Ø       Éviter de ramper;

Ø       Éviter d’effectuer des mouvements avec amplitude extrême de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale;

Ø       Éviter de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.

 

Au niveau de l’épaule droite :

 

Ø       Éviter les mouvements répétitifs au niveau de l’épaule droite;

Ø       Éviter d’avoir à soulever des charges de plus de 20 kilos;

Ø       Éviter les mouvements au-dessus de 90 degrés de flexion ou d’abduction de l’épaule droite.

 

[24]           Le 7 septembre 2007, le docteur Larochelle complète un rapport complémentaire en réaction à l’expertise du docteur Ferland. Il se dit entièrement d’accord avec les conclusions apparaissant à l’expertise du docteur Ferland.

[25]           Le 13 septembre 2007, la CSST rend une décision reconnaissant que le travailleur conserve une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de 4,90 % correspondant à une indemnité pour préjudice corporel de 3 018,45 $.

[26]           De plus, le 20 septembre 2007, la CSST rend une décision informant le travailleur qu’il a droit à la réadaptation puisqu’il conserve une atteinte permanente attribuable à sa lésion professionnelle.

[27]           De même, le 3 décembre 2007, la CSST rend une décision refusant le remboursement de la tonte de la pelouse pour les étés 2005-2006 ainsi que le déneigement pour les hivers 2002-2003, 2003-2004, 2004-2005, 2005-2006 et 2006-2007. Comme principal motif de refus, la CSST rappelle que ces travaux sont remboursables uniquement dans les cas où il y a une atteinte permanente grave à l’intégrité physique du travailleur en raison d’une lésion professionnelle.

[28]           Cependant, ce même jour, la CSST rend une deuxième décision où il informe le travailleur qu’elle accepte de payer les frais suivants d’entretien courant de son domicile, soit la tonte de pelouse pour l’été 2007 ainsi que le déneigement pour l’hiver 2007-2008.

[29]           Le 4 décembre 2007, la CSST rend une décision déterminant un emploi convenable, soit celui de livreur de mets préparés qui peut procurer au travailleur un revenu annuel estimé à 16 684,80 $. La CSST considère que le travailleur a la capacité d’exercer cet emploi à compter du 3 décembre 2007 et qu’il aura droit à cette indemnité jusqu’à ce qu’il se trouve un emploi ou au plus tard le 3 décembre 2008. À compter de ce moment, il aura droit à une indemnité réduite de remplacement du revenu de 810,10 $ toutes les deux semaines.

[30]           Le 10 février 2009, le travailleur transmet à la CSST une soumission pour le sablage et le vernissage de planchers de bois franc de son domicile. Cette soumission est au montant de 1 839,87 $. À la lecture de la soumission, le tribunal constate qu’il n’y a pas de ventilation entre le coût des matériaux et de la main-d’œuvre.

[31]           Le 26 février 2009, la CSST rend une décision en lien avec cette demande de remboursement. Elle informe le travailleur que ces travaux ne sont pas remboursables puisque tous les travaux de rénovation, de construction, de réparation ne font pas partie du programme sur les travaux d’entretien courant du domicile.

[32]           Le 12 mars 2009, le travailleur transmet à la CSST une soumission corrigée qui comporte la ventilation entre le coût de la main-d’œuvre estimé à 1 132 $ pour une surface de 566 pieds2 à 2 $ du pied2  et le coût du vernis sur une surface de 566 pieds2 qui est à 0,35 $ du pied2 pour un total de 198,10 $, ce qui l’amène à une facture totale de 1 330,10 $ à laquelle s’ajoute 300 $ pour les marches et contremarches pour un total de 1 630,10 $ avant taxes et de 1 839,97 $ après taxes.

[33]           Le 8 février 2009, le travailleur transmet à la CSST une demande de remboursement pour des travaux d’entretien de fenêtres qui ont eu lieu à l’automne 2008. Plus précisément, il fait refaire le scellant de ses fenêtres en PVC. Il précise à la CSST qu’il n’a pas de reçu pour ce travail l’ayant fait effectuer non pas par un contracteur mais par un particulier. Le travailleur affirme qu’il a déboursé une somme de 300 $ à cette fin.

[34]           Le 12 février 2009, la CSST rend une décision refusant de rembourser le coût de la pose de scellant pour les fenêtres, déclarant que ces dépenses ne sont pas remboursables en vertu de la loi. La révision administrative confirme les décisions du 12 et du 26 février 2009 concernant le non-remboursement de la pose de scellant et du sablage et vernissage de planchers et d’escaliers de bois franc.

[35]           Le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de cette décision.

[36]           Dans le cadre du témoignage qu’il livre à l’audience, le travailleur informe le tribunal qu’il est propriétaire de son domicile depuis 1994, soit une résidence unifamiliale de type « bungalow ».

[37]           En lien avec la pose de scellant sur les fenêtres, le travailleur dépose un document informatif extrait d’internet indiquant que le seul entretien requis pour les fenêtres en PVC est un entretien périodique comportant la vérification du scellant et, lorsque requis, refaire le calfeutrage extérieur si le scellant a séché ou craqué.

[38]           Le travailleur poursuit en indiquant que lorsqu’il a acquis sa résidence en 1994, il s’agissait d’une résidence neuve et qu’en 2008, il doit, pour la première fois, faire refaire le scellant sur les fenêtres.

[39]           Le travailleur précise qu’il ne s’agit pas d’un travail nécessitant une spécialité particulière mais malheureusement, en raison de ses limitations fonctionnelles tant au niveau cervical qu’au membre supérieur droit, il ne pouvait les effectuer lui-même. Il poursuit son témoignage en disant que n’eût été des conséquences de sa lésion professionnelle, il aurait effectué ces tâches.

[40]           Au soutien de sa position, le travailleur produit des photos de la première résidence qu’il a acquise préalablement à celle qu’il habite depuis 1994. Il s’agissait d’une maison mobile qu’il a entièrement rénovée, d’abord en refaisant le revêtement intérieur puis en démolissant la cuisine et en construisant de nouvelles armoires. Il a aussi refait les murs de gypse, tiré les joints et fait la peinture et autres travaux.

[41]           Le travailleur poursuit en disant qu’il n’a pas de factures pour la pose de scellant puisqu’il s’est informé auprès d’un entrepreneur général qui lui aurait demandé environ 600 $ pour procéder au scellant de 13 portes et fenêtres. Cependant, son épouse travaille dans le domaine de la restauration et a croisé un client qui était en mesure d’effectuer cette tâche et lui a offert de le faire à moindre coût, soit à 300 $, mais en ne produisant pas de factures. Afin de limiter le plus possible les dépenses, le travailleur a donc choisi de recourir aux services de cet individu.

[42]           En ce qui a trait au sablage et au vernissage de planchers et d’escaliers, le travailleur précise que lorsqu’il a fait construire sa maison, il y avait évidemment des planchers neufs en bois franc. Cependant, comme il l’a précisé antérieurement, il habite cette maison depuis 14 ans en compagnie de son épouse et de leurs deux enfants. De plus, son épouse a fait de la garde d’enfants à domicile, ce qui a endommagé aussi les planchers avec le temps. Ces planchers n’ayant jamais été sablés ou vernis, ils y ont procédé en 2008.

[43]           Bien que le travailleur admet n’avoir jamais fait de sablage et de vernissage de planchers, il affirme qu’il aurait été tout à fait en mesure de le faire en louant l’équipement, soit la sableuse. Il rappelle qu’il a effectué des tâches beaucoup plus complexes et exigeantes physiquement que cela avant son accident du travail.

 

L’ARGUMENTATION DU TRAVAILLEUR

[44]           Le travailleur, après avoir procédé à une revue de la jurisprudence, affirme que les travaux de sablage et de vernissage de planchers et la pose de scellant constituent des travaux d’entretien courant.

[45]           En ce qui a trait à la pose de scellant, il affirme qu’elle est nécessaire afin de garder les fenêtres en bon état et d’empêcher l’eau de s’infiltrer.

[46]           Le travailleur fait une analogie avec les travaux de peinture extérieure qui sont remboursés par la CSST à tous les cinq ans. Il fait valoir que s’il avait des fenêtres en bois, la CSST aurait accepté de les faire peinturer. Il signale qu’il est cependant plus avantageux pour la CSST qu’il ait fait installer des fenêtres de PVC puisque le seul entretien requis est la pose de scellant lorsqu’il se fissure, ce qui n’est pas requis fréquemment puisque c’est la première fois qu’il doit être fait en 14 ans.

[47]           En ce qui a trait au vernissage et au sablage de planchers de bois et d’escaliers le travailleur réfère à de nombreuses décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles qui ont confirmé que ces travaux constituaient des travaux d’entretien courant du domicile puisqu’ils visent à le maintenir en bon état.

[48]           Le travailleur argue que la situation aurait été différente s’il avait enlevé le plancher de bois franc pour le remplacer par un autre revêtement. Il aurait alors été question de rénovation mais tel n’est pas le cas, selon lui, lorsqu’un travailleur ne fait que sabler et vernir un plancher.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[49]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis.

[50]           Ils sont d’opinion qu’en regard aux travaux pour lesquels le travailleur réclame un remboursement, il est porteur d’une atteinte permanente grave le rendant incapable d’effectuer ces travaux.

[51]           De plus, ils considèrent qu’autant les travaux de sablage et de vernissage de planchers et d’escaliers de bois franc que la pose de scellant de portes et fenêtres constituent des travaux d’entretien courant au sens où l’entend la loi puisqu’ils visent à maintenir en bon état le domicile du travailleur et constituent des travaux d’entretien normal ou courant.

[52]           De plus, les membres sont convaincus, sur la base du témoignage du travailleur qu’il considère crédible que n’eût été des limitations fonctionnelles qu’il conserve à la suite de sa lésion professionnelle, il aurait lui-même effectué ces travaux d’entretien courant.

[53]           Dans ces circonstances, les membres sont d’avis d’accueillir la requête déposée par le travailleur le 3 juin 2009 et d’infirmer la décision rendue par la CSST le 28 mai 2009 à la suite d’une révision administrative.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[54]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais liés à la pose de scellant de fenêtres et aux sablage et vernissage de planchers de bois franc et d’escaliers dans son domicile, conformément à l’article 165 de la loi qui prévoit ce qui suit :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

[notre soulignement]

 

 

[55]           Il appert de cet article que trois conditions sont requises afin de bénéficier du remboursement des frais liés à l’entretien courant du domicile, soit :

-          l’existence d’une atteinte permanente grave à l’intégrité physique;

-          l’incapacité d’effectuer les travaux d’entretien courant du domicile qu’il effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion; et

-          que les frais soient engagés.

[56]           Quant à la première condition d’application de l’article 165 de la loi, soit l’existence d’une atteinte permanente grave, cette dernière n’est pas définie par la loi.

[57]           Une revue de la jurisprudence permet toutefois de préciser sur quelle base l’atteinte permanente doit être appréciée en vue de la qualifier ou non de grave.

[58]           Ainsi, dans l’affaire Chevrier et Westburn ltée[4], la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles en vient à la conclusion, après avoir interprété l’article 165 de la loi et avoir procédé à une revue de la jurisprudence, que l’atteinte permanente grave s’évalue non pas uniquement en fonction du pourcentage d’atteinte permanente établi à la suite de la lésion professionnelle, mais plutôt en analysant la capacité résiduelle du travailleur en fonction des travaux d’entretien courant qu’il ne peut accomplir. Le tribunal s’exprime comme suit à ce sujet :

Dans cette optique, le mot « grave » qui qualifie l’atteinte permanente à l’article 165 de la loi ne doit pas être considéré isolément. L’article doit être lu dans son ensemble et dans le contexte de l’objet de la loi et du but recherché par la réadaptation sociale. Il y a donc lieu d’analyser le caractère grave d’une atteinte permanente à l'intégrité physique en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi. Donc, pour avoir droit au remboursement des frais d’entretien pour une chose particulière, il faut que le travailleur ait une atteinte permanente qui est suffisamment grave pour l’empêcher d’accomplir ce travail d’entretien courant particulier de son domicile vu que le but d’une telle mesure de réadaptation est de rendre le travailleur autonome.

 

[nos soulignements]

 

 

[59]           Ces paramètres d’analyse ont été repris à maintes reprises par la Commission des lésions professionnelles[5] et la soussignée y souscrit.

[60]           Appliquant ces paramètres au présent dossier, le tribunal rappelle que le travailleur conserve les limitations fonctionnelles suivantes consécutives à sa lésion professionnelle :

Au niveau de la colonne cervicale :

 

Ø       Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de soulever, porter, pousser des charges de plus de 25 kilos;

Ø       Éviter de ramper;

Ø       Éviter d’effectuer des mouvements avec amplitude extrême de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale;

Ø       Éviter de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.

 

Au niveau de l’épaule droite :

 

Ø       Éviter les mouvements répétitifs au niveau de l’épaule droite;

Ø       Éviter d’avoir à soulever des charges de plus de 20 kilos;

Ø       Éviter les mouvements au-dessus de 90 degrés de flexion ou d’abduction de l’épaule droite.

 

[61]           Or, les travaux d’entretien pour lesquels le travailleur demande à la CSST de le rembourser sont la pose de scellant sur ses fenêtres et portes en PVC et le sablage et le vernissage de planchers et d’escaliers de bois franc sur une surface de 566 pieds2.

[62]           Le tribunal doit donc déterminer si les limitations fonctionnelles que conserve le travailleur sont suffisamment graves pour l’empêcher d’accomplir ces travaux d’entretien.

[63]           En ce qui a trait à la colonne cervicale, le tribunal est d’opinion que la pose de scellant ne peut être effectuée par le travailleur, notamment en raison de la limitation fonctionnelle selon laquelle il doit éviter d’effectuer des mouvements avec amplitude extrême de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale.

[64]           Or, le tribunal comprend que pour la pose de scellant, le travailleur aurait dû l’effectuer sur 13 portes et fenêtres, ce qui aurait, de l’avis du tribunal, nécessité des mouvements extrêmes de flexion, d’extension et de torsion de la colonne cervicale. De plus, ce travail d’entretien aurait pu aussi nécessiter des mouvements de flexion ou d’abduction de l’épaule droite au-dessus de 90 degrés, ce que le travailleur ne peut effectuer.

[65]           Le tribunal est donc d’opinion qu’en ce qui a trait à la pose de scellant sur les portes et fenêtres, il est porteur d’une atteinte permanente grave qui ne lui permet pas d’effectuer ces travaux.

[66]           Qu’en est-il des travaux de sablage et de vernissage de planchers et d’escaliers de bois franc ?

[67]           À cet égard, toujours à la lumière des limitations fonctionnelles émises au travailleur, le tribunal est d’avis que bien qu’il ne possède pas le détail quant au poids de la sableuse qui est requise pour effectuer de tels travaux, il est possible que la charge soit de plus de 25 kilos.

[68]           De même, le tribunal constate que le travailleur ne doit pas être soumis à des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale, ce que pourrait générer l’utilisation de la sableuse.

[69]           De plus, il ne peut soulever des charges de plus de 20 kilos à l’aide du bras droit, ce qui pourrait être requis dans le cadre de ces tâches.

[70]           Dans ce contexte, le tribunal est d’opinion qu’en lien avec les travaux de sablage et de vernissage de planchers et d’escaliers, le travailleur est porteur d’une atteinte permanente grave au sens où l’entend l’article 165 de la loi.

[71]           Les travaux de pose de scellant et de sablage et de vernissage de planchers et d’escaliers de bois franc constituent-ils des travaux d’entretien courant au sens où l’entend l’article 165 de la loi ?

[72]           Dans l’affaire Claveau et Industrie GMI inc. précitée[6], la Commission des lésions professionnelles a eu à se pencher sur la notion d’entretien courant du domicile. Le tribunal s’exprime comme suit :

[23]      La loi ne définit pas l’expression « entretien courant du domicile ». Dans l’affaire Rouette et Centre hospitalier Cooke, la commissaire Sénéchal écrit ce qui suit :

 

[51]      L’article 165 de la Loi exige qu’il s’agisse de travaux d’entretien courant du domicile. La Loi ne définit pas l’expression « entretien courant ». Dans l’affaire Champagne et Métallurgie Noranda inc. (Horne) 1, le commissaire Pierre Prégent procède, entre autres, à l’analyse de la notion d’entretien courant du domicile.  Il conclut que cette notion vise les travaux qui sont exécutés pour maintenir en bon état le domicile et dont la nature même de ces travaux faits qu’ils sont habituels, ordinaires et banals.

 

1                    C.L.P. 144899-08-0008, 1er mars 2001, Me Pierre Prégent.

 

[24]      En outre, dans l’affaire Paquet et Pavillon de l’Hospitalité inc., le commissaire Savard dresse la liste des travaux qui ont été reconnus à titre de travaux d’entretien courant du domicile. Il écrit ce qui suit :

 

[68]      Or, il fut établi par la jurisprudence que les travaux suivants sont des travaux d’entretien courant du domicile et qu’ils doivent être remboursés, tels que :

 

-     tondre le gazon;

-     laver les vitres du domicile;

-     faire le grand ménage annuel tel que laver les murs, plafond, armoire, tapis, plancher et vitres du domicile;

-     certains travaux visant à la conservation d’un terrain et du domicile d’un travailleur tels qu’ébrancher des arbres et arbustes et les couper si nécessaire, ainsi que ramasser des feuilles dans les gouttières et sur le terrain;

-     l’achat et le transport de bois de chauffage au domicile d’un travailleur, si ce dernier coupait et transportait lui-même son bois de chauffage de sa terre à bois à son domicile, et ce, avant sa lésion professionnelle et qu’il utilisait ce bois comme source principale de chauffage;

-     le ramonage d’une cheminée si celle-ci sert comme principale source de chauffage du domicile du travailleur;

-     les travaux de peinture et/ou de teinture, s’il vise à la conservation du domicile et de ses dépendances, telles qu’une galerie, un patio, des châssis extérieurs et intérieurs ainsi que les murs et les plafonds du domicile;

-     le sablage et le vernissage d’un plancher de bois franc qui visent à le restaurer et à le conserver, c’est-à-dire à l’entretenir;

-     le déneigement et le déglaçage d’une aire de stationnement du domicile et de ses dépendances immobiles, telles qu’un balcon, patio, galerie, toiture qui doivent être nettoyés pour conserver et utiliser ces espaces nécessaires à l’entretien courant du domicile. »

 

 

[25]      Cette liste n’est pas exhaustive. Dans sa qualification, le tribunal doit toutefois tenir compte que les travaux ordinaires et habituels du domicile doivent être opposés à des travaux d’entretien inhabituels ou extraordinaires.

 

[nos soulignements]

 

 

[73]           Partant des principes établis dans la jurisprudence, le tribunal est d’opinion que dans la présente affaire, le travailleur a démontré que la pose de scellant et le sablage et le vernissage de planchers et d’escaliers de bois franc constituent des travaux d’entretien courant en ce qu’ils sont nécessaires en vue de maintenir en bon état le domicile du travailleur et constituent un entretien normal ou courant.

[74]           Bien que la pose de scellant ne doive pas être faite fréquemment, elle ne s’apparente pas pour autant à des travaux d’entretien dits « inhabituels ou extraordinaires » puisqu’il apparaît que le type d’entretien requis est « normal et courant ».

[75]           Ainsi, le travailleur satisfait à la deuxième condition d’application de l’article 165 de la loi.

[76]           Qu’en est-il maintenant de la condition selon laquelle il aurait normalement effectué les travaux pour lesquels il demande un remboursement ?

[77]           À ce sujet, le travailleur a témoigné à l’audience et a démontré, notamment à l’aide de photos, qu’il avait l’habitude avant le fait accidentel dont il a été victime en 1998 d’effectuer des travaux d’entretien, voire même de réparation et de rénovation sur son domicile.

[78]           Le tribunal retient notamment le fait que lors de l’achat de sa première maison qui était une maison mobile, le travailleur a refait entièrement le revêtement extérieur de même que les divisions à l’intérieur, les armoires de cuisine, le revêtement du plancher, etc.

[79]           Le tribunal accorde de la crédibilité au témoignage du travailleur à l’effet que bien qu’il n’ait jamais eu à sabler et à vernir des planchers de bois franc auparavant, il y aurait vraisemblablement procédé lui-même sachant où se procurer l’équipement et le matériel nécessaire pour ce faire.

[80]           Selon le même raisonnement, le tribunal est convaincu que le travailleur aurait procédé lui-même à la pose de scellant sur les portes et fenêtres de sa résidence n’eût été de ses limitations fonctionnelles.

[81]           À la lumière de la preuve offerte et des paramètres jurisprudentiels qui semblent avoir été respectés dans le présent dossier, le tribunal est d’avis que le travailleur a droit au remboursement des frais de main-d’œuvre tant pour la pose de scellant sur les fenêtres et portes de son domicile qu’en lien avec le sablage et le vernissage des planchers et escaliers de bois franc.

[82]           À cette fin, en ce qui concerne la pose de scellant, le travailleur devra soumettre à la CSST une facture ou un reçu complété par l’individu qui a effectué les travaux et attestant que le travailleur a bel et bien déboursé un montant d’argent pour la main-d’œuvre liée à cet entretien courant. Cette facture devra faire la ventilation entre le coût de la main-d’œuvre et le coût des matériaux, ces derniers n’étant pas remboursés par la CSST.

[83]           En ce qui a trait au sablage et au vernissage de planchers et d’escaliers de bois franc, le tribunal constate que le travailleur a transmis une facture amendée comportant la distinction entre le coût de la main-d’œuvre et le coût des matériaux.

[84]           Ainsi, le tribunal constate que le travailleur a déboursé la somme de 1 132 $ pour la main-d’œuvre requise afin de procéder au sablage des planchers et 300 $ pour le sablage des marches et contremarches, pour un total de 1 432 $ plus taxes. Il a donc droit au remboursement de cette somme par la CSST.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée par monsieur Denis Bérubé, le travailleur, le 3 juin 2009;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 28 mai 2009 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais de main-d’œuvre générés par le sablage et le vernissage de planchers et d’escaliers de bois franc au montant de 1 432 $ plus taxes;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais de main-d’œuvre liés à la pose de scellant sur production de pièces justificatives à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

 

 

 

 

Ann Quigley

 

 

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 147217-03B-0010, 31 mai 2001, G. Marquis.

[3]           C.L.P. 234008-03B-0405, 271179-03B-0503, 24 août 2006, R. Jolicoeur.

[4]           C.A.L.P. 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy.

[5]           Benoit et Produits électriques Bezo ltée et Produits d’éclairage Exacta Canada ltée (faillite), C.L.P. 144924-62-0008, 13 février 2001, R.L. Beaudoin; Dupuis et Services d’aide domestique enr., C.L.P. 132205-71-0002, 28 juin 2001, D. Lévesque; Méthot et Transport YGB inc. (fermée), C.L.P. 171379-63-0110, 7 août 2002, R.M. Pelletier; Barette et C.H. Ste-Jeanne-D’Arc 2004, C.L.P. 685; Claveau et Industries GMI inc., C.L.P. 355892-02-0808, 23 août 2008, R. Napert.

[6]           Voir note 3.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.