Fugère et Abitibi-Consolidated inc. (Div. Belgo) |
2009 QCCLP 2088 |
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[1] Le 2 mars 2008, le travailleur, monsieur Bernard Fugère, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 8 février 2008, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision initiale qu’elle a rendue le 20 novembre 2007. D’une part, la CSST déclare que le travailleur est capable d’occuper, à compter du 1er décembre 2007, l’emploi convenable de tâches reliées aux routes d’analyse de vibrations, à la codification et aux routes d’inspections mécaniques, emploi qui pourrait lui procurer un salaire annuel de 65 205$. D’autre part, la CSST déclare que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu doit cesser le 1er décembre 2007 puisque l’emploi est disponible.
[3] À l’audience tenue le 21 janvier 2009, le travailleur est présent et représenté. L’employeur, Abitibi-Consolidated Inc. (Div. Belgo) a avisé le tribunal de son absence à l’audience. La CSST, qui est dûment intervenue au dossier, a aussi avisé le tribunal de son absence.
[4] L’affaire est prise en délibéré le 21 janvier 2009.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’emploi retenu par la CSST n’est pas un emploi convenable.
[6] De façon subsidiaire, il soumet que la CSST devait modifier son plan de réadaptation considérant les circonstances nouvelles, soit l’annonce de la fermeture de l’usine appartenant à l’employeur.
LES FAITS
[7] Du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles et de la preuve produite à l’audience, le tribunal retient les éléments suivants, lesquels lui apparaissent pertinents à la solution du litige qui lui est soumis.
[8] À l’époque pertinente, le travailleur occupe un poste de soudeur chez l’employeur. Il est âgé de 56 ans.
[9] Le 11 mai 2006, le travailleur subit une lésion professionnelle. La CSST reconnaît, en lien avec cette lésion, les diagnostics de contusion au thorax et à la jambe droite, de tendinite et de déchirure de la coiffe de l’épaule droite.
[10] La lésion est consolidée le 19 mars 2007, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[11] Le 11 avril 2007, le docteur Milot, orthopédiste, examine le travailleur et produit le rapport d’évaluation médicale. Il évalue le déficit anatomo-physiologique à 7.50%. Il reconnaît au travailleur les limitations fonctionnelles suivantes :
«LIMITATIONS FONCTIONNELLES : (épaule droite)
> limiter selon tolérance les mouvements surtout répétés et avec charge au-delà de l’horizontale
> limiter les tractions axiales et contrecoups
> limiter les charges en deçà de 10 kg à ne soulever qu’avec le membre supérieur droit en position neutre
> limiter la position statique de flexion et d’abduction selon la tolérance
> limiter les mouvements de rotation de l’épaule»
[12] Le 18 juin 2007, à la demande de la CSST, l’ergonome Guillemette procède à l’analyse du poste de travail de soudeur. Considérant les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur, elle conclut, dans son rapport du 3 juillet 2007, que l’emploi prélésionnel ne respecte pas l’ensemble de ces limitations.
[13] Le travailleur est admis en réadaptation.
[14] L’employeur avise la CSST qu’il est en mesure de proposer un emploi convenable au travailleur. Cet emploi consiste entre autres à faire la route d’inspection. Cet emploi fait partie du département de technicien à l’entretien, dont fait partie monsieur Fugère, et qui englobe plusieurs postes.
[15] Une visite chez l’employeur est organisée afin que l’ergonome Guillemette procède à l’analyse des tâches de l’emploi proposé par l’employeur. Le travailleur et son représentant, deux représentants de l’employeur, un représentant syndical et la représentante de la CSST participent à cette rencontre qui a lieu le 1er octobre 2007.
[16] Lors de cette rencontre, le représentant du travailleur avise les parties que monsieur Fugère souhaite vraiment retourner au travail et qu’en conséquence, il a changé d’avis concernant la prise de sa retraite.
[17] Vu le nombre de tâches à analyser, une deuxième visite du poste est nécessaire. Cette visite a lieu le 17 octobre 2007. Les mêmes personnes y participent.
[18] Le 31 octobre 2007, l’ergonome Guillemette produit son rapport d’analyse à la CSST. Elle conclut que les tâches associées à l’opération du mouleur de rouleaux et à la route d’inspection de lubrification ne respectent pas l’ensemble des limitations fonctionnelles. Par ailleurs, elle conclut que les tâches associées à la route d’inspection des vibrations, à la codification et à la route d’inspections mécaniques respectent les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur.
[19] Selon son rapport, les tâches associées à la route d’analyse de vibrations consistent à suivre dans l’usine une route précise afin de recueillir des données relatives aux vibrations sur différents équipements et installations. Il y a en tout environ 150 équipements pour une moyenne de trois points de vérification sur chacun. Pour chaque point, le travailleur doit fixer l’extrémité d’un capteur sur l’appareil. La lecture d’un point exige de 60 à 90 secondes.
[20] Le lecteur est conçu pour être porté en bandoulière. Deux lecteurs peuvent être utilisés; l’un pèse huit livres et l’autre 11 livres. Le travailleur utilise de plus un grattoir et une lampe de poche. Au besoin, il doit transporter un stroboscope. Selon le rapport de l’ergonome, la collecte de données sur le terrain représente au moins 50% du temps de travail. Le reste du temps est consacré au transfert des données et à leur analyse. Cette partie du travail se fait à l’ordinateur.
[21] Bien que la majorité des sites pour capter les mesures soit facilement accessible, environ 10% de ceux-ci implique que le travailleur utilise une échelle ou un escalier pour l’atteindre. À l’occasion, le travailleur aura à serrer un boulon s’il s’avère que c’est là la cause de la vibration constatée.
[22] La codification consiste à faire l’inventaire et le suivi des nouveaux équipements. Le travailleur peut avoir à commander une plaque manquante et à l’installer, sur réception. Dans 5% des cas, l’installation de la plaque peut impliquer l’utilisation d’une échelle.
[23] La route d’inspections mécaniques débute par la vérification, sur ordinateur, des anomalies relevées par les mécaniciens des quarts de soir et de nuit. Par la suite, le travailleur débute sa route et procède à l’inspection, qui se fait majoritairement de façon visuelle. Le travailleur doit de plus être attentif à la température d’un moteur, à la vibration, au bruit. Le travailleur a besoin de sa liste de vérification, d’un stylo, d’une lampe de poche et d’une clé ajustable. Au besoin, il utilise un stroboscope et une sonde de mesure.
[24] Dans le cadre de cette tâche, le travailleur n’effectue que des réparations de premier niveau. En cas de bris plus important, il prépare un bon de travail qui sera remis à la personne concernée. La proportion de travail impliquant l’inspection et les réparations varie d’une journée à l’autre.
[25] Le travail implique de se déplacer partout dans l’usine. Le travailleur doit donc emprunter régulièrement les échelles et les escaliers.
[26] Aux fins d’analyser si les tâches respectent les limitations fonctionnelles, l’ergonome retient dans son rapport que le verbe «éviter» signifie effectuer un geste ou une tâche que rarement, soit de 1 à 6% du temps de travail. À l’opposé, elle retient que «ne pas» signifie ne jamais effectuer un geste ou une tâche. Dans la description des limitations fonctionnelles, le docteur Milot utilise le verbe «limiter». Selon l’ergonome, ce verbe se rapproche plutôt du verbe «éviter».
[27] Tel que mentionné, l’ergonome conclut dans son rapport que les limitations fonctionnelles sont respectées dans l’accomplissement des tâches ci-haut décrites. Elle estime que même si le travailleur doit exécuter certaines tâches les bras plus haut que les épaules, par exemple lorsque le capteur est difficilement accessible ou qu’il doit installer une plaque, cela ne représente qu’une petite partie du temps de travail. De plus, cette tâche s’effectue la plupart du temps sans charge puisque le stroboscope n’est utilisé que de façon occasionnelle.
[28] L’ergonome reconnaît que monter dans une échelle implique une traction axiale. Cependant, le membre supérieur n’est jamais complètement étendu et il ne supporte pas le poids du corps qui n’est pas alors suspendu. Elle ajoute que la fréquence d’utilisation des échelles est faible si l’on considère une journée complète de travail.
[29] Elle souligne que le travailleur n’utilise pas d’outils pneumatiques. Il n’est donc pas susceptible d’être soumis à des contrecoups.
[30] Les charges manipulées n’excèdent pas 10 kg.
[31] Les postures statiques durent de 60 à 90 secondes, soit le temps de prendre une mesure. Toutefois, l’ergonome Guillemette soutient qu’à ce moment les membres supérieurs sont en position neutre. De plus, un aménagement ergonomique du poste de travail à l’ordinateur permet aussi d’éviter ce genre de posture.
[32] Elle estime enfin que le travailleur n’a pas à adopter une position de rotation de l’épaule plus de 6% du temps.
[33] Madame Guillemette fait toutefois quelques recommandations pour faciliter un éventuel retour au travail et favoriser, écrit-elle, que celui-ci soit durable et sécuritaire. Elle suggère par exemple un aménagement ergonomique du poste de travail à l’écran d’ordinateur.
[34] Elle recommande aussi de minimiser la distance de transport manuel de charges et d’utiliser une ceinture ou des bretelles plutôt que la bandoulière pour transporter le lecteur.
[35] Enfin, elle recommande de restreindre l’utilisation des échelles ou de favoriser des routes en comportant le moins possible, et de répartir leur utilisation sur l’ensemble de la journée, considérant la lésion de monsieur Fugère et la stabilité musculaire plus difficile de l’épaule.
[36] Le 16 novembre 2007, l’employeur écrit à la CSST, après avoir pris connaissance du rapport d’analyse du poste de travail. Il confirme qu’il peut réintégrer le travailleur au travail le 1er décembre 2007.
[37] Il appert des notes évolutives du dossier que le 19 novembre 2007, l’employeur confirme à la CSST que l’emploi convenable à la route d’analyse des vibrations, à la codification et à la route d’inspections mécaniques est disponible pour le travailleur à compter du 1er décembre suivant, au même salaire que lui procurait son poste de soudeur.
[38] Le 20 novembre 2007, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur est capable, à compter du 1er décembre 2007, d’occuper l’emploi convenable de tâches reliées aux routes d’analyse de vibrations, à la codification et aux routes d’inspections mécaniques. Puisque l’emploi est disponible, la CSST déclare que l’indemnité de remplacement du revenu cessera le 1er décembre 2007.
[39] Le 29 novembre 2007, le travailleur demande la révision de cette décision.
[40] Le 29 novembre 2007, l’employeur annonce la fermeture de l’usine Belgo, entraînant le licenciement collectif de 513 employés, le ou vers le 22 mars 2008.
[41] Il appert des notes évolutives que le 3 décembre 2007, le travailleur communique avec l’agente de réadaptation de la CSST. Il lui demande si l’annonce de la fermeture de l’usine change quelque chose à son dossier. On lui répond que cette annonce ne change rien, puisqu’au moment où la démarche de réadaptation a été entreprise et la décision a été rendue, personne ne savait que l’usine allait fermer.
[42] Le 13 janvier 2008, le représentant du travailleur fait parvenir à la CSST l’avis de licenciement collectif à la suite de la fermeture de l’usine appartenant à l’employeur. Il demande en conséquence à la CSST de reprendre le processus et de mettre en œuvre un plan individualisé de réadaptation afin de déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail, puisque l’employeur n’a pas réellement d’emploi convenable à offrir au travailleur.
[43] Le 8 février 2008, la CSST rend une décision, à la suite d’une révision administrative, par laquelle elle confirme la décision initiale rendue le 20 novembre 2007, d’où le présent litige.
[44] Elle indique entre autres dans cette décision qu’au moment de la démarche d’identification de l’emploi convenable chez l’employeur, rien n’indiquait une possibilité de fermeture définitive de l’usine. Elle estime que la problématique se situait davantage au niveau du travailleur qui était indécis quant à demeurer à la retraite. Elle ajoute que la situation du travailleur n’est pas différente de celle de ses collègues de travail et il serait aussi assujetti aux mêmes mesures de licenciement.
[45] L’employeur a déposé au dossier le rapport de l’ergonome Taillefer, daté du 12 janvier 2009. Monsieur Taillefer a procédé à l’analyse ergonomique et biomécanique des postes d’analyse de vibrations, de codification, de soudure en atelier et d’inspections mécaniques, à la demande de l’employeur. Étant donné que l’usine Belgo est fermée au moment du mandat confié à l’ergonome, l’analyse des tâches a été effectuée à l’usine Laurentides où l’on retrouve des installations et des tâches similaires.
[46] Ces tâches, exécutées par des travailleurs et des contremaîtres en poste ont été validées par le travailleur et son représentant syndical.
[47] Le rapport de monsieur Taillefer contient plusieurs photos. On y mentionne de plus que l’analyse a été effectuée à partir de la vidéo numérique. La force déployée a été mesurée avec un dynamomètre Shimpo.
[48] La description de chacune des tâches est sensiblement la même que celle que l’on retrouve au rapport d’analyse de l’ergonome Guillemette. Toutefois, il est précisé que certaines tâches nécessitent les deux mains, surtout celles impliquant la manipulation d’un outil ou d’un instrument de mesure.
[49] À l’instar de l’ergonome Guillemette, l’ergonome Taillefer conclut que les tâches n’impliquent pas de charge de plus de 10 kg.
[50] Il constate que les diverses tâches peuvent être exécutées avec les mains sous la hauteur des épaules. Dans les rares cas où la tâche doit être exécutée avec les mains au-dessus des épaules, il est possible d’exécuter la tâche avec seulement une main.
[51] Dans le cas où le travailleur doit tirer et pousser sur une pièce de métal, il est mentionné que cette tâche peut être exécutée à deux travailleurs.
[52] L’ergonome conclut que les tâches reliées aux ajustements mécaniques et de grimper dans une échelle ne respectent pas les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur. Il estime que ces tâches sont incompatibles avec les limitations voulant que le travailleur doit limiter selon tolérance les mouvements surtout répétés et avec charge au-delà de l’horizontale, de limiter les charges en deçà de 10 kg à ne soulever qu’avec le membre supérieur droit en position neutre et de limiter les mouvements de rotations de l’épaule.
[53] Monsieur Fugère témoigne à l’audience. Il est maintenant retraité. À l’époque pertinente, il occupe un emploi de soudeur chez l’employeur.
[54] Monsieur Fugère raconte qu’en 2002, il s’est blessé au bras gauche. Par la suite, il faisait quand même son travail, en compensant avec son bras droit. Aucune limitation fonctionnelle n’avait été reconnue en lien avec cette lésion de 2002.
[55] En mai 2006, il subit une lésion professionnelle, à la suite de laquelle il est mis en arrêt de travail. Il n’a pas effectué de travaux légers. Il n’est pas retourné au travail depuis cet événement.
[56] Monsieur Fugère a participé à la visite de poste en octobre 2007. À la suite de cette visite, il a discuté avec l’agente de la CSST et lui a mentionné qu’à son avis les tâches n’étaient pas conformes à ses limitations fonctionnelles puisqu’elles impliquent de travailler les bras au-dessus des épaules et de circuler dans des échelles. Il témoigne qu’à la maison, il n’est même pas capable de changer une ampoule au plafond.
[57] Il témoigne avoir reçu le rapport de l’ergonome le 7 novembre 2007. Après l’avoir lu et avoir communiqué avec son syndicat, il a décidé de contester la décision de capacité de travail.
[58] Monsieur Fugère mentionne que la représentante de la CSST l’a avisé par téléphone le 19 novembre 2007 qu’elle rendrait une décision concernant sa capacité de travail.
[59] Le 29 novembre 2007, le travailleur est avisé par monsieur Lacombe, du syndicat, que l’usine ferme ses portes. Il communique avec la CSST pour les en informer.
[60] Monsieur Fugère dit qu’il a pris une préretraite en 2007 parce que les offres étaient intéressantes et qu’il considérait qu’il était devenu dangereux pour lui de travailler. Il avait peur de se blesser à nouveau. Toutefois, l’employeur lui a signifié qu’il lui offrirait un poste sans danger pour lui. Il a demandé ce qu’aurait comme conséquences économiques un retour au travail. Cependant, ce retour ne s’est jamais fait et le travailleur reçoit une rente de retraite depuis avril 2007.
[61] Selon monsieur Fugère, l’emploi convenable retenu par la CSST est un poste qui existait dans l’usine, chez l’employeur. Il reconnaît que la description des tâches que l’on retrouve dans les rapports Guillemette et Taillefer donne une bonne idée du travail. C’est un emploi qui est exécuté seul. Il est toutefois possible d’effectuer certaines tâches à deux travailleurs, si on le demande, comme le recommande l’ergonome Taillefer.
[62] Monsieur Fugère explique que lorsqu’il doit monter dans une échelle, il le fait en se tenant d’une seule main, puisqu’il doit transporter l’équipement dont il a besoin de l’autre main. Il tient alors l’appareil de la main droite. Il se sert de la main gauche pour monter dans l’échelle.
[63] Il estime que certains instruments pèsent jusqu’à 18 livres. L’appareil est utilisé parfois à bout de bras et plus haut que les épaules. Il y a deux appareils de lecture. Le plus petit est utilisé pour les endroits moins accessibles, parfois avec une perche, à bout de bras.
[64] Les déplacements avec les outils et les appareils durent plus d’une minute.
[65] De plus, selon le travailleur, la circulation dans les échelles peut représenter entre 5 et 10% du temps. Certaines échelles mesurent 40 pieds. L’usine Belgo comporte plusieurs niveaux. Il affirme qu’il faut monter à chaque jour d’une à trois échelles. Il y a plus d’escaliers que d’échelles et les escaliers ne lui causent pas de problèmes.
[66] Selon le travailleur, il doit, dans le cadre de l’emploi convenable, exécuter des tâches au-dessus des épaules de deux à trois fois par heure, ce qu’il est incapable de faire.
[67] Enfin, monsieur Fugère témoigne qu’il était prévu qu’il recevrait une formation en cours d’emploi pour la lecture de données et pour l’analyse de ces données.
L’AVIS DES MEMBRES
[68] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie. Il estime que l’emploi retenu par la CSST ne respecte pas les limitations fonctionnelles telles que décrites par le médecin du travailleur. Le membre issu des associations syndicales estime de plus que la retraite du travailleur n’est pas un élément à considérer, d’autant plus que le travailleur affirme qu’il serait retourné au travail dans la mesure où un emploi convenable lui aurait été offert. En conséquence, l’emploi comportant les tâches reliées aux routes d’analyse des vibrations, à la codification et aux routes d’inspections mécaniques n’est pas un emploi convenable.
[69] Le membre issu des associations syndicales estime de plus que la CSST pouvait modifier le plan de réadaptation, compte tenu des circonstances nouvelles.
[70] Le membre issu des associations d’employeurs ne partage pas cet avis et estime que la requête du travailleur devrait être rejetée. En l’espèce, le travailleur a pris sa retraite et il apparaît de la preuve qu’il n’a pas l’intention ni l’intérêt de retourner travailler chez l’employeur. Dans ce contexte, il n’y a pas lieu d’entamer un processus de réadaptation ni de déterminer un emploi convenable.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[71] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’emploi retenu par la CSST est un emploi convenable.
[72] En l’instance, il n’est pas remis en question que le travailleur a droit à la réadaptation. Ce droit est prévu à l’article 145 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
[73] La détermination d’un emploi convenable s’inscrit dans le cadre de la réadaptation professionnelle, qui a pour but de réintégrer le travailleur au travail :
166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.
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1985, c. 6, a. 166.
[74] Dans le présent dossier, il n’est pas contesté que le travailleur est incapable de reprendre son emploi prélésionnel de soudeur, à cause des séquelles permanentes qu’a entraînées sa lésion professionnelle. C’est donc dans ce contexte que la CSST a entrepris la mise en œuvre d’un plan individualisé de réadaptation en cherchant à déterminer un emploi équivalent ou convenable.
[75] Dans le cadre du processus de réadaptation, l’employeur a clairement manifesté son désir d’offrir au travailleur un emploi convenable. Cette possibilité est prévue par l’article 170 de la loi :
170. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l'employeur s'il a un emploi convenable disponible et, dans l'affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer cet emploi avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.
Dans ce cas, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est devenu capable d'exercer l'emploi convenable disponible.
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1985, c. 6, a. 170.
[76] Les tâches de l’emploi identifié par l’employeur ont fait l’objet d’une analyse par une ergonome. À la suite de cette analyse, la CSST a rendu une décision par laquelle elle retient que l’emploi des tâches reliées aux routes d’inspection des vibrations, à la codification et aux routes d’inspections mécaniques est convenable, que cet emploi est disponible chez l’employeur à compter du 1er décembre 2007 et que le travailleur est capable de l’occuper à compter de cette date.
[77] L’emploi ainsi retenu est-il un emploi convenable au sens de la loi ? Les caractéristiques d’un emploi convenable se retrouvent dans la définition de cette notion que l’on retrouve à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.
[78] L’emploi retenu doit en premier lieu être approprié. En l’espèce, le travailleur reconnaît que l’emploi retenu est approprié. En effet, cet emploi fait partie du département dans lequel il a travaillé pour l’employeur. Il connaît donc les équipements et l’environnement de travail.
[79] L’emploi doit également permettre au travailleur d’utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles.
[80] Pour ce qui est des qualifications professionnelles, rien dans la preuve ne permet de douter que le travailleur ne possède pas les qualifications lui permettant d’occuper l’emploi retenu. De plus, une formation en cours d’emploi était prévue, selon le travailleur.
[81] Qu’en est-il maintenant de l’utilisation de la capacité résiduelle du travailleur dans le cadre de l’exécution des tâches reliées à l’emploi retenu ? Pour répondre à cette question, le tribunal doit se demander si les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur sont compatibles avec les tâches de l’emploi. Considérant l’ensemble de la preuve, le tribunal conclut que les tâches reliées aux routes d’analyse de vibrations, à la codification et aux routes d’inspections mécaniques ne respectent pas les limitations fonctionnelles. Cette conclusion repose sur les motifs suivants.
[82] La première limitation reconnue est que le travailleur doit limiter selon tolérance les mouvements surtout répétés et avec charge au-delà de l’horizontale.
[83] Le tribunal retient de la description des tâches que l’on retrouve dans le rapport de l’ergonome Guillemette, dans celui de l’ergonome Taillefer et du témoignage du travailleur, que certaines de ces tâches impliquent un travail avec le membre supérieur droit au-delà de l’horizontale. C’est le cas dans la route d’inspection des vibrations lorsque le travailleur doit tenir le capteur dans des endroits plus difficilement accessibles. De plus, le travailleur doit parfois travailler à l’aide d’une perche. Aussi, il doit, à l’occasion, tenir le stroboscope.
[84] Pour les tâches reliées à la codification, le travailleur peut avoir à travailler au-delà de l’horizontale, avec un outil, pour procéder à l’installation de plaquettes. De plus, comme le fait remarquer le représentant du travailleur, il doit aussi retirer la plaquette, ce qui implique le même genre de mouvements.
[85] Le travailleur peut également avoir à resserrer des boulons. Cette tâche peut aussi être exécutée au-delà de la hauteur des épaules.
[86] Dans les cas où ces tâches sont exécutées à l’aide d’un outil ou d’un instrument de mesure, il y a présence d’une charge. Les limitations fonctionnelles n’imposent pas de limite de charge, dans le cas de mouvements au-delà de l’horizontale.
[87] Le tribunal reconnaît que ces tâches ne constituent pas la majorité des tâches effectuées et que la majorité des prises de mesures, des changements de plaquettes et des réparations mineures sont faites en deçà ou à la hauteur des épaules. Toutefois, la limitation fonctionnelle impose une limite de l’exécution de mouvements au-delà de l’horizontale, qui est dictée par la tolérance du travailleur. Or, monsieur Fugère a témoigné qu’il était incapable d’accomplir ces tâches qui impliquent une élévation du membre supérieur droit à plus de 90 degrés. Il illustre cette incapacité en disant qu’il n’est même pas capable de changer une ampoule au plafond.
[88] De plus, la limitation fonctionnelle indique de limiter les mouvements surtout répétés, et non seulement répétés.
[89] Ainsi, le tribunal conclut que l’emploi retenu ne respecte pas la limitation fonctionnelle imposée à l’épaule droite voulant que le travailleur doit limiter selon tolérance les mouvements surtout répétés et avec charge au-delà de l’horizontale.
[90] La deuxième limitation fonctionnelle reconnue au travailleur est de limiter les tractions axiales et les contrecoups. Le tribunal estime que des tractions axiales peuvent être exécutées en montant dans une échelle en transportant un outil, ce qui est pratiquement toujours le cas. Aussi, il faut dire que l’ergonome Taillefer conclut que de grimper dans une échelle ne respecte pas les limitations fonctionnelles de monsieur Fugère. Quant à l’ergonome Guillemette, elle recommande au travailleur de restreindre l’utilisation des échelles ou de répartir leur utilisation sur l’ensemble de la journée. Cette recommandation apparaît peu réaliste puisqu’il appert que les routes d’analyse des vibrations et d’inspections mécaniques se font à partir d’une route précise et prédéterminée.
[91] Le médecin du travailleur évalue de plus qu’il doit limiter les charges en deçà de 10 kg à ne soulever qu’avec le membre supérieur droit en position neutre. Il appert des rapports des deux ergonomes que les charges manipulées dans le cadre du travail retenu ne dépassent pas cette limite. Monsieur Fugère témoigne que l’appareil le plus lourd pèse 18 livres, ce qui respecte la limite de 10 kg.
[92] Une autre limitation fonctionnelle reconnue au travailleur est de limiter la position statique de flexion et d’abduction selon tolérance. Le tribunal retient de la preuve que les tâches reliées à l’emploi retenu impliquent des postures statiques de flexion ou d’abduction de l’épaule droite. Ces postures se retrouvent lors de la prise de mesure, laquelle doit durer entre 60 et 90 secondes. On peut également retrouver ce genre de postures dans les cas d’installation de plaquettes ou de réparations mineures.
[93] Il faut tenir compte que la limitation fonctionnelle ne précise pas de degré d’amplitude de la posture statique de flexion ou d’abduction et que la limite imposée est, encore une fois, dictée par la tolérance du travailleur. Cette limitation n’est donc pas respectée.
[94] Enfin, le travailleur doit limiter les mouvements de rotation de l’épaule. Le tribunal estime que bien qu’il soit difficile d’en évaluer la fréquence, les tâches impliquent certainement des mouvements de rotation, interne ou externe, de l’épaule droite.
[95] Le tribunal en vient donc à la conclusion que les tâches de l’emploi retenu ne respectent pas les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur, telles que décrites par son médecin. On ne peut donc pas non plus conclure que les conditions d’exercice de cet emploi ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur, compte tenu de sa lésion.
[96] Quant à la possibilité raisonnable d’embauche, elle doit être analysée dans le contexte particulier de la présente affaire, à savoir que l’emploi convenable est offert chez l’employeur.
[97] La soussignée souscrit à l’opinion que le commissaire Martel exprime dans l’affaire Brisebois et Volailles Grenville inc[2]. :
«[43] Quand l’emploi convenable offert est disponible chez l’employeur, comme c’est ici le cas, le critère de la possibilité raisonnable d’embauche s’apprécie dans un contexte particulier : ce poste est-il bien réel et offre-t-il la perspective d’une stabilité raisonnable à moyen terme ? Si l’emploi jugé convenable existe bel et bien dans l’entreprise au moment où cette détermination est faite, si le travailleur y a accès (ici, la convention collective en vigueur n’y faisant pas obstacle, la travailleuse s’est vu octroyer le poste et l’a de fait occupé) et s’il n’y a aucune raison sérieuse de douter qu’il va continuer d’en être ainsi pour l’avenir prévisible, l’objectif premier visé par la loi dans le cadre du programme de réadaptation professionnelle élaboré pour le travailleur, à savoir sa réintégration dans son milieu de travail, sera atteint, comme le veut l’article 170 de la loi.» (Citation omise)
[98] La jurisprudence de ce tribunal reconnaît également qu’un emploi convenable chez l’employeur doit exister aussi ailleurs sur le marché du travail et ne pas avoir été créé de toutes pièces pour le travailleur.
[99] En l’espèce, la preuve ne permet pas de conclure que l’emploi n’existe pas ailleurs sur le marché du travail; au contraire, l’ergonome Taillefer a réalisé son analyse de poste dans une autre usine, chez un autre employeur, qui détient un équipement similaire et offre des tâches semblables.
[100] De plus, le travailleur a témoigné que le poste retenu comme emploi convenable existait réellement chez l’employeur.
[101] Au moment où la CSST rend sa décision initiale le 20 novembre 2007, l’emploi est disponible chez l’employeur à compter du 1er décembre 2007, et semble donc offrir une stabilité raisonnable à moyen terme.
[102] Toutefois, dès le 29 novembre 2007, soit avant même que le travailleur débute l’emploi, l’employeur annonce la fermeture de l’usine le 22 mars 2008. À ce moment, l’emploi retenu ne présente plus de possibilité raisonnable d’embauche.
[103] En conclusion, la preuve a démontré de façon prépondérante que l’emploi retenu ne respecte pas les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur. Ce seul motif est à lui seul suffisant pour conclure que l’emploi des tâches reliées aux routes d’analyse des vibrations, à la codification et aux routes d’inspections mécaniques n’est pas un emploi convenable.
[104] Malgré que le travailleur ait pris sa retraite en avril 2007, il a droit à un processus de réadaptation, dans la mesure où se sont les conséquences de sa lésion professionnelle qui l’empêchent d’occuper son emploi habituel, comme c’est le cas en l’espèce[3]. En conséquence, le dossier doit être retourné à la CSST afin qu’elle détermine un emploi convenable, ailleurs sur le marché du travail.
[105] Le tribunal ajoute que, malgré sa prise de retraite, le travailleur a témoigné qu’il s’était informé des conséquences économiques d’un retour au travail et qu’il aurait souhaité occuper l’emploi, dans la mesure où celui-ci aurait été sans danger pour sa condition physique. C’est également ce qui ressort des notes évolutives du dossier.
[106] De façon subsidiaire, le représentant du travailleur soumet que la CSST aurait dû modifier le plan de réadaptation du travailleur, considérant l’annonce de la fermeture de l’usine en novembre 2007, ce qui constitue une circonstance nouvelle, au sens de l’article 146 de la loi :
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
[107] Dans sa décision rendue en révision administrative, la CSST n’a pas retenu cet argument soumis par le représentant du travailleur dans sa lettre du 13 janvier 2008.
[108] Le tribunal comprend de l’article 146 de la loi que le plan de réadaptation vise à assurer au travailleur l’exercice de son droit à la réadaptation. La réadaptation professionnelle fait partie de ce plan. La loi parle de plus d’un plan individualisé, c’est-à-dire propre à un individu.
[109] En l’espèce, la réadaptation professionnelle se traduit par la détermination d’un emploi convenable, puisque le travailleur n’est plus en mesure, à cause des conséquences de sa lésion professionnelle, d’occuper son emploi habituel.
[110] La CSST a retenu un emploi convenable chez l’employeur. Cet emploi doit répondre à tous et chacun des critères d’un emploi convenable, au sens de la loi. La possibilité raisonnable d’embauche est l’un de ces critères.
[111] Or, avant même que le travailleur ait pu débuter cet emploi, la date de capacité ayant été fixée au 1er décembre 2007, l’employeur annonce, le 29 novembre 2007, la fermeture de l’usine et le licenciement des employés le ou vers le 22 mars 2008. La CSST est avisée par le travailleur de cette fermeture le 3 décembre 2007.
[112] De l’avis du tribunal, l’annonce de la fermeture de l’usine, dans ce contexte particulier, est une circonstance nouvelle. En effet, le plan est mis en œuvre en ce sens que l’emploi convenable est déterminé. Toutefois, l’employeur se dit prêt à réintégrer le travailleur le 1er décembre 2007 et le 29 novembre 2007, l’annonce de la fermeture de l’usine est faite. De plus, à ce moment, le travailleur a contesté l’emploi convenable et la révision administrative n’a toujours pas rendu sa décision.
[113] C’est donc en toute connaissance de cause que la CSST confirme l’emploi convenable et la capacité du travailleur à l’occuper à compter du 1er décembre 2007. C’est donc dire qu’en rendant sa décision le 8 février 2008, à la suite d’une révision administrative, et en refusant de modifier le plan de réadaptation, la CSST savait que l’emploi convenable serait disponible seulement jusqu’au 22 mars 2008, au plus tard.
[114] Il apparaît au tribunal que cette façon d’agir n’assure pas au travailleur l’exercice de son droit à la réadaptation. L’objectif étant de réintégrer le travailleur au travail de façon durable.
[115] Il se dégage de certaines décisions de ce tribunal concernant l’article 146 de la loi, que le plan de réadaptation peut être modifié seulement lorsqu’il est en cours, c’est-à-dire avant que les décisions déterminant un emploi convenable et la capacité du travailleur à l’exercer soient devenues finales[4]. Par contre, dans l’affaire Carrière et Béton de la 344 inc[5]., le commissaire est d’avis que l’article 146 de la loi est suffisamment explicite en ce qui concerne les conditions de modification d’un plan pour tenir compte de circonstances nouvelles, sans que soit nécessairement et obligatoirement remise en cause la détermination même de l’emploi convenable. Il ajoute que cet article ne prévoit aucun délai dans la formulation d’une telle modification, des circonstances nouvelles pouvant survenir à tout moment. Le commissaire partage cet avis dans l’affaire Papin et Ferme Francel enr. (Snc[6]).
[116] Le tribunal est d’avis que pour être modifié un plan doit d’abord exister. Il apparaît donc qu’il peut être modifié même après que les décisions soient devenues finales, dans la mesure où, dans le contexte particulier de chaque affaire, il y a lieu de tenir compte de circonstances nouvelles.
[117] À tout événement, dans la présente affaire, le travailleur a demandé la révision de la décision qui détermine l’emploi convenable et sa capacité à l’occuper et il a de plus soulevé la question de la modification du plan de réadaptation avant que la révision administrative ne se prononce avant que la décision sur l’emploi convenable devienne finale.
[118] Il se dégage également de la jurisprudence que la situation économique d’une entreprise, son niveau d’activité, la mise à pied ou encore la fermeture de l’entreprise ne constituent pas des circonstances nouvelles au sens de l’article 146 de la loi[7]. Or, dans ces affaires, le travailleur occupait déjà depuis un certain temps l’emploi convenable au moment de la fermeture de l’usine ou de la mise à pied, ce qui n’est pas le cas ici.
[119] Enfin, le tribunal retient de la jurisprudence que la circonstance nouvelle prévue à l’article 146 de la loi doit se rapporter directement au plan individualisé de réadaptation, soit que le travailleur ne puisse pas accomplir le travail, soit que l’emploi convenable ne réponde plus aux critères énoncés à la définition d’emploi convenable[8]. Dans la présente affaire, la fermeture de l’usine en mars 2008 annoncée le 29 novembre 2007 est une circonstance nouvelle qui fait en sorte que l’emploi retenu ne répond plus aux critères, à savoir qu’il ne présente pas de possibilité raisonnable d’embauche.
[120] Ainsi, dans les circonstances bien particulières du présent dossier, la CSST pouvait, de l’avis du tribunal, modifier le plan de réadaptation, comme le lui permet l’article 146 de la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Bernard Fugère;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 8 février 2008, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’emploi de tâches reliées aux routes d’analyse de vibrations, à la codification et aux routes d’inspections mécaniques n’est pas un emploi convenable;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu’elle détermine un emploi convenable au travailleur.
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Diane Lajoie |
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Dominique Le Sage |
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S.A.T.A. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Marie Pedneault |
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ABITIBI-CONSOLIDATED AFFAIRES JURIDIQUES |
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Représentant de la partie intéressée |
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Me Annie Veillette |
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PANNETON LESSARD |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] C.L.P., 157910-64-0103, 29 novembre 2002, J.-F. Martel
[3] Boisvert et Ville de Montréal, C.L.P., 243242-04B-0409, 28 février 2005, D. Lajoie (04LP-315); Emballages Smurfit - Stone Canada inc. et Lavoie, C.L.P., 319435-01A-0706, 20 février 2009, N. Michaud
[4] Dubé et Service de béton Universel ltée, 67006-60-9502, 96-07-29, J. L'Heureux; Vallée et Services Matrec inc., 189418-62-0208, 03-01-07, L. Vallières
[5] C.L.P., 185806-64-0206, 22 août 2002, R. Daniel
[6] C.L.P., 318223-63-0705, 18 avril 2008, J.-P. Arsenault, requête en révision rejetée, 12 février 2009, S. Moreau, révision judiciaire pendante, 705-17-002942-090.
[7] Lavoie et Transforce Acquisition No 2 inc., 304879-02-0611, 07-08-01, J. Grégoire, (07LP-115), Villeneuve et Ressources Aunore inc., [1992] C.A.L.P. 06; Lelièvre et Multifood inc., 49644-63-9302, 95-07-27, M. Cuddihy; Boucher et Produits forestiers Canadien Pacific (Avenor), 58051-04-9404, 95-10-26, P. Brazeau, (J7-10-06), Bouchard et Minnova inc., 44768-02-9210, 93-12-02, J.-M. Dubois, (J6-02-04); Bazinet et Onyx Sanivan inc., 110099-03B-9902, 01-12-03, M. Cusson; Carrière et Béton de la 344 inc., 185806-64-0206, 02-08-22, R. Daniel, Béland et Barrette-Chapais ltée, [2004] C.L.P. 865 , Abbes et Industries de plastique Transco ltée, 317165-62-0705, 08-02-18, R. L. Beaudoin, (07LP-308).
[8] Villeneuve et Ressources Aunore inc., [1992] C.A.L.P. 06; Chassé et Jules Fournier inc., 29829-03-9106, 93-10-08, R. Jolicoeur; Foisy et Clarke Transport Canada inc., 44094-62-9208, 94-03-14, A. Suicco, (J6-12-02); Rocca et J.A. Hubert ltée, 35236-08-9112, 96-02-26, B. Lemay; Brodeur et Coopers & Lybrand inc. Syndic, 106594-61-9811, 99-02-25, M. Cuddihy; Bolduc et Restaurant Trois cent trente-trois inc., 109871-72-9902, 01-06-05, J.-D. Kushner; McRae et Industries C.P.S. inc., 172570-72-0111, 02-07-11, D. Lévesque, (02LP-65).
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