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[1] Le 8 avril 2004, le travailleur, monsieur Robert Sirois, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 23 mars 2004, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST infirme la décision initiale rendue le 12 novembre 2003. En conséquence, elle refuse de rembourser au travailleur le coût de l’adaptation de son véhicule automobile.
[3] À l’audience tenue le 17 juin 2004, le travailleur est présent et représenté. Bien que dûment convoqué, l’employeur, Entreprises de lavage Ritcher inc., est absent et n’a pas justifié cette absence auprès de la Commission des lésions professionnelles.
[4] L’affaire est prise en délibéré le 17 juin 2004 et le tribunal rend la présente décision conformément à l’article 429.15 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître son droit à l’adaptation de son véhicule et au remboursement d’un montant de 1200 $ pour ce faire.
LES FAITS
[6] Du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles et de la preuve présentée à l’audience, le tribunal retient les éléments pertinents suivants.
[7] En 1997, monsieur Sirois est victime d’un accident du travail qui lui cause une lésion à l’épaule droite nécessitant une chirurgie. Cette lésion est consolidée le 10 novembre 1999 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[8] Le 14 mars 2002, alors qu’il est maintenant à l’emploi de l’employeur, monsieur Sirois subit un autre accident du travail, aussi accepté par la CSST. La lésion se situe encore au niveau de l’épaule droite et nécessite une nouvelle chirurgie afin de procéder à la réparation de la coiffe des rotateurs.
[9] Le 4 mars 2003, la CSST accepte la réclamation du travailleur reliée au nouveau diagnostic de capsulite à l’épaule gauche.
[10] Le docteur Martin Dorion, orthopédiste, procède au Rapport d’évaluation médicale. Il évalue les séquelles de la lésion professionnelle :
« SÉQUELLES ACTUELLES
DAP
102383 Atteinte des tissus mous avec séquelles fonctionnelles pour
l’épaule droite (rupture coiffe) 2%
104817 Ankylose incomplète en abduction (-30°) épaule droite 2%
104906 Ankylose incomplète en élévation antérieure épaule droite 1%
100134 Luxation acromio-claviculaire épaule droite ayant nécessité
une résection 3%
102383 Atteinte des tissus mous mous avec séquelles fonctionnelles épaule gauche (capsulite) 2%
104817 Ankylose incomplète en abduction épaule gauche 2%
PE
224233 Atteinte cicatricielle vicieuse épaule droite 3%
SÉQUELLES ANTÉRIEURES
DAP
100134 Luxation acromio-claviculaire épaule droite ayant nécessité
une résection 3%
PE
224233 Atteinte cicatricielle vicieuse épaule droite 1,8%
BILATÉRALITÉ :
Oui. »
[11] Le docteur Dorion reconnaît également des limitations fonctionnelles au travailleur :
« Le patient ne peut :
- Effectuer un travail nécessitant des mouvements répétitifs des épaules droite et gauche;
- Effectuer un travail nécessitant de soulever ou porter des charges dépassant environ 10 kilogrammes;
- Effectuer un travail nécessitant des positions statiques d’élévation antérieure ou d’abduction des épaules droite et gauche même inférieures à 90 degrés;
- Effectuer un travail nécessitant d’élever les bras droit et gauche plus haut que la hauteur des épaules. »
[12] Le 24 juillet 2003, le travailleur rencontre l’agente de la CSST responsable de son dossier et débute un nouveau processus de réadaptation. C’est à ce moment qu’il demande si la CSST peut faire quelque chose pour lui concernant son automobile.
[13] Le travailleur explique qu’il est à ce moment propriétaire d’une voiture de marque Suzuki Swift 1992 à transmission manuelle. À la suite de la chirurgie à l’épaule droite, il a beaucoup de difficultés à conduire cette voiture. On lui répond alors que la CSST ne peut rien faire.
[14] Le 25 juillet 2003, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît au travailleur le droit à la réadaptation professionnelle.
[15] Le 15 août 2003, la CSST rend une autre décision par laquelle elle reconnaît que la lésion professionnelle a entraîné pour le travailleur une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique de 17,30 %. Le 25 août 2003, elle rend une décision déclarant le droit du travailleur à la réadaptation compte tenu de cette atteinte permanente.
[16] Monsieur Sirois tente de conduire sa voiture manuelle, mais à cause de la condition de son épaule droite, il est incapable de changer les vitesses. Il fait part de cette difficulté à son médecin, le docteur Dorion qui lui recommande de conduire maintenant une voiture à transmission automatique.
[17] Le 3 octobre 2003, monsieur Sirois achète donc la voiture Toyota Camry 1988 à transmission automatique d’un de ses amis au coût de 1200 $[2]. Il donne à son fils sa voiture manuelle de marque Suzuki Swift.
[18] Le 14 octobre 2003, le docteur Dorion émet une prescription qui recommande au travailleur de conduire un véhicule à transmission automatique et à direction assistée[3]. Monsieur Sirois transmet copie de cette prescription à la CSST et l’informe de l’achat de sa voiture automatique.
[19] L’agente de la CSST indique au travailleur qu’elle examinera sa demande quant au remboursement du 1200 $, mais qu’une évaluation par un ergothérapeute doit d’abord être faite.
[20] Un mandat est donc confié à madame Annie Archambault, ergothérapeute, afin qu’elle évalue les aptitudes de monsieur Sirois à conduire une voiture à transmission manuelle. Son rapport est déposé au dossier. Afin de procéder à cette évaluation, madame Archambault dispose du Rapport d’évaluation médicale du docteur Dorion.
[21] Elle procède à un bilan articulaire et de force musculaire des épaules droite et gauche du travailleur. Pour évaluer la tolérance à l’effort, elle procède par simulation. Pour ce qui est de l’évaluation de la conduite automobile, madame Archambault procède à l’observation du travailleur dans son véhicule Toyota, en position stationnée. Elle a aussi procédé à des essais routiers, en l’absence du travailleur, et ce, dans le but d’évaluer la fréquence des changements de vitesse en milieu urbain.
[22] Madame Archambault écrit à son rapport :
« Actuellement, M. Sirois a une très faible endurance à l’effort et les mouvements répétitifs soutenus même sans résistance sont irritants pour son épaule droite et s’accompagne (sic) de fatigue importante. Bien que nous n’ayons pas procédé à un test sur route, l’évaluation nous permet de conclure que la conduite automobile avec transmission manuelle est peu sécuritaire; et aucune compensation avec le MSG n’est possible. Le nombre de changement de vitesse requis en milieu urbain, la fatigue engendrée par les mouvements répétitifs et la diminution du contrôle moteur au MSD pourrait (sic) entraîner une incapacité à réagir rapidement et efficacement dans le cas d’une situation dangereuse et urgente, par exemple, manœuvre d’évitement d’un obstacle. »
[23] L’ergothérapeute Archambault recommande en conséquence à monsieur Sirois la conduite automobile avec un véhicule muni d’une transmission automatique et d’une servodirection. Elle complète également une déclaration à être acheminée à la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ). Un volant pouvant être ajusté et un appui-bras droit sont aussi souhaitables dans le cas de monsieur Sirois sans être toutefois obligatoires.
[24] Il appert des notes évolutives du 10 novembre 2003 que l’agente de la CSST fait des appels téléphoniques dans quatre garages de la région de Drummondville. On peut lire à ses notes que « n’étant plus listée, la différence de coût pour une voiture à transmission manuelle versus automatique dépend que de la qualité de la voiture, qu’il n’y a pas nécessairement de différence. » Elle écrit également qu’un des garagistes consultés évalue cette différence à environ 500 $ ou 600 $.
[25] Monsieur Sirois témoigne que l’agente ne lui a jamais demandé la production d’estimés de coûts.
[26] Compte tenu du rapport de l’ergothérapeute, l’agente accepte donc de verser au travailleur la somme de 500 $. Une décision en ce sens est rendue le 12 novembre 2003.
[27] Insatisfait du montant accordé par la CSST, le travailleur demande la révision de cette décision. Dans ce contexte, il s’adresse à la réviseure et lui fait part de ses commentaires. À ce moment, il a lui aussi communiqué avec quatre garagistes afin d’obtenir une évaluation des coûts du changement de transmission sur une voiture de marque Suzuki Swift.
[28] Ces démarches ont été faites auprès des garages St-Charles Bétamek, Gilles Cusson, Transmission Centre du Québec et Hyundai. Un de ces garages a dit refuser de procéder à ce genre de travaux, vu les coûts trop élevés. Les autres garagistes estiment les coûts de cette transformation entre 2000 $ et 2800 $.
[29] Monsieur Sirois transmet cette information à la Révision administrative de la CSST. On lui aurait alors mentionné que la CSST ne pouvait pas lui accorder de montant pour l’achat de sa Toyota Camry, puisqu’il aurait dû, avant de procéder à cet achat, obtenir l’autorisation de la CSST.
[30] Monsieur Sirois témoigne également que l’achat d’une transmission automatique coûte 800 $. Ce prix ne tient pas compte cependant des frais d’installation et d’adaptation du véhicule. Quant au montant de 500 $ alloué par la CSST, il prétend qu’il ne représente que la différence entre le coût d’achat d’une voiture Swift 1992 manuelle et une Swift automatique.
[31] Le 23 mars 2004, la Révision administrative rend sa décision. Elle écrit :
« Pour rendre sa décision, la Révision administrative se réfère à la Politique d’adaptation de véhicule.
L’adaptation du véhicule fait partie du plan individualisé de réadaptation et fait l’objet d’une décision écrite et motivée et le travailleur doit obtenir l’autorisation de la Commission avant que les frais ne soient engagés. Les notes évolutives mentionnent, le 17 octobre 2003, que le travailleur informe la CSST qu’il a acquis un véhicule, car il trouvait difficile le changement de vitesse.
Il n’est pas prévu à la politique que la CSST compense ou contribue par l’allocation d’une somme pour l’achat d’un véhicule. Ce qui est prévu, c’est la possibilité d’adapter un véhicule qui a fait préalablement l’objet d’une vérification mécanique. Lors de l’achat d’un véhicule, l’acheteur doit acquérir un véhicule qui présente les caractéristiques répondant aux limitations fonctionnelles connues et adopter la solution la plus économique.
Considérant ce qui précède, la Révision administrative infirme cette décision rendue le 12 novembre 2003 et déclare que la décision de la CSST de rembourser 500$ n’est pas fondée. »
[32] C’est cette décision que le travailleur conteste devant nous.
[33] Le 16 mars 2004, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que l’emploi de livreur de mets préparés constitue un emploi convenable que le travailleur est capable d’exercer à compter du 15 mars 2004 (T-1).
[34] Le 24 mars 2004, le docteur Dorion signe un document par lequel il réitère la nécessité pour monsieur Sirois de conduire une voiture à transmission automatique compte tenu de la condition de son épaule droite.
[35] Le 16 avril 2004, l’ergothérapeute Archambault signe un document qui confirme que le véhicule Toyota Camry 1988 acheté par monsieur Sirois répond aux exigences imposées au travailleur à la suite de la reconnaissance de limitations fonctionnelles.
[36] Depuis le mois de janvier 2004, le permis de conduire de monsieur Sirois comporte certaines restrictions. Il explique qu’il s’agit de l’obligation pour lui de conduire seulement des voitures équipées de servodirection, de servofreins et de transmission automatique.
L’AVIS DES MEMBRES
[37] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs partagent le même avis à savoir que la requête du travailleur devrait être accueillie. En effet, ils estiment que la preuve démontre la nécessité pour le travailleur de conduire une automobile à transmission automatique, et ce, compte tenu de l’atteinte permanente grave qu’a entraînée sa lésion professionnelle.
[38] En conséquence, le travailleur a droit à l’adaptation de son véhicule à transmission manuelle laquelle est devenue nécessaire au sens de l’article 155 de la loi. Selon la preuve, le coût de cette adaptation est estimé en l’espèce à 1200$, ce qui représente la solution la plus économique.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[39] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord décider si le travailleur a droit au remboursement des coûts de l’adaptation de son véhicule, et si oui, quel est le montant qui doit lui être alloué.
[40] À la suite de sa lésion professionnelle et compte tenu de l’atteinte permanente qui en a résulté, la CSST a reconnu au travailleur le droit à la réadaptation. Dans le cadre du programme de réadaptation, la loi prévoit la possibilité pour un travailleur de faire adapter son véhicule principal dans la mesure où il a subi une atteinte permanente grave et si cette adaptation est nécessaire pour le rendre capable de conduire lui-même ce véhicule :
155. L'adaptation du véhicule principal du travailleur peut être faite si ce travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et si cette adaptation est nécessaire, du fait de sa lésion professionnelle, pour le rendre capable de conduire lui-même ce véhicule ou pour lui permettre d'y avoir accès.
__________
1985, c. 6, a. 155.
[41] Ce droit s’inscrit dans le cadre de la réadaptation sociale :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
__________
1985, c. 6, a. 151.
[42] En l’espèce, la lésion professionnelle a entraîné pour le travailleur une atteinte permanente évaluée à 17,30 % de même que des limitations fonctionnelles touchant l’épaule droite et l’épaule gauche. Le tribunal est d’avis que cette atteinte permanente peut être qualifiée de grave. En effet, le pourcentage d’atteinte permanente n’est pas négligeable et touche au surplus les deux épaules. Il en est de même des limitations fonctionnelles reconnues. Aussi, les séquelles de la lésion empêchent le travailleur de reprendre son emploi et ont mené à l’application de restrictions à sa conduite automobile.
[43] La première condition d’application du droit à l’adaptation du véhicule est donc remplie.
[44] La deuxième condition à remplir est que cette adaptation du véhicule doit être nécessaire, du fait de la lésion professionnelle, pour rendre le travailleur capable de conduire lui-même son véhicule. La preuve prépondérante démontre que l’adaptation du véhicule de monsieur Sirois, soit le changement de la transmission manuelle pour une transmission automatique, est nécessaire, du fait de sa lésion professionnelle, afin qu’il soit capable lui-même de conduire son véhicule.
[45] C’est ce qui ressort d’abord du témoignage de monsieur Sirois qui, après la chirurgie subie à l’épaule droite a constaté son incapacité de conduire sa voiture manuelle. De plus, le docteur Dorion, médecin qui a charge du travailleur, lui a prescrit l’utilisation d’une voiture à transmission automatique. Dans le document daté du 24 mars 2004, il réitère cette prescription et précise que vu la condition de l’épaule droite du travailleur, les nombreuses chirurgies antérieures et les nombreux symptômes reliés à cette épaule, soit la douleur, l’accrochage sous acromial, la faiblesse en abduction et en élévation, une transmission automatique est nécessaire pour diminuer les séquelles présentes et les risques de rechute.
[46] D’ailleurs, la conduite automobile manuelle n’apparaît pas compatible avec les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur par le docteur Dorion, particulièrement lorsque ce dernier reconnaît que le travailleur doit éviter d’effectuer un travail nécessitant des positions statiques d’élévation antérieure ou d’abduction des épaules droite et gauche même inférieures à 90° ou des mouvements répétitifs des épaules droite et gauche.
[47] S’ajoutent à l’opinion du docteur Dorion l’analyse et les recommandations de l’ergothérapeute Archambault qui est d’avis que la conduite automobile avec transmission manuelle est peu sécuritaire dans le cas de monsieur Sirois, et ce, étant donné la condition de ses épaules.
[48] Et, finalement, les restrictions de conduite imposées au travailleur par la SAAQ rendent nécessaire l’adaptation de son véhicule.
[49] Ainsi, sans cette adaptation, le travailleur ne peut conduire lui-même son véhicule manuel. Au surplus, l’adaptation du véhicule devient ici importante compte tenu aussi que la CSST a déterminé pour le travailleur un emploi convenable de livreur de mets préparés.
[50] De l’ensemble de cette preuve, le tribunal conclut donc que le travailleur remplit les conditions prévues à l’article 155 de la loi et reconnaît son droit à l’adaptation de son véhicule automobile.
[51] Il s’agit maintenant de déterminer le coût de cette adaptation qui consiste en l’obtention d’une transmission automatique et d’une servodirection, tel que le recommandent le docteur Dorion et l’ergothérapeute Archambault.
[52] L’article 156 de la loi prévoit :
156. La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci lui fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.
__________
1985, c. 6, a. 156.
[53] De cet article, le tribunal comprend que pour assumer le coût des travaux d’adaptation du véhicule, la CSST doit disposer de deux estimations des travaux à exécuter. Ces estimations doivent être faites par des entrepreneurs spécialisés et être conformes à ce que la CSST exige.
[54] En l’espèce, la CSST a, avant de rendre sa décision initiale, fait elle-même les démarches afin de fixer le coût de l’adaptation du véhicule du travailleur. Elle n’a jamais requis de telles estimations de la part de monsieur Sirois.
[55] Par la suite cependant, le travailleur a fourni des estimations du coût des travaux à la Révision administrative qui réfère d’ailleurs au montant de 2400 $ dans sa décision. La CSST n’a pas signifié au travailleur que la teneur des estimations fournies n’était pas conforme à ses exigences.
[56] S’appuyant sur sa Politique d’adaptation de véhicule, la CSST reproche cependant au travailleur d’avoir acheté son véhicule Toyota avant de fournir ces estimations et avant d’avoir obtenu l’autorisation de la CSST. Or, la loi n’impose pas au travailleur d’obtenir l’autorisation préalable de la CSST avant de s’acheter un véhicule ou de faire adapter son véhicule afin qu’il corresponde à ses limitations fonctionnelles. Et la politique de la CSST ne peut modifier la loi.
[57] Ce qu’impose la loi au travailleur qui veut voir la CSST assumer le coût de l’adaptation de son véhicule c’est de lui fournir deux estimations de ce coût. La loi ne précise pas par ailleurs que ces estimations doivent être faites par écrit.
[58] Le tribunal est d’avis que le travailleur a rempli cette obligation que lui impose la loi en transmettant à la CSST le résultat de ses recherches.
[59] Le tribunal est également d’avis qu’on ne peut priver le travailleur de son droit reconnu à l’article 155 de la loi parce qu’il a pris l’initiative de s’acheter un véhicule à transmission automatique, alors que son médecin le lui a recommandé et qu’il a constaté son incapacité à conduire une voiture manuelle compte tenu des conséquences de sa lésion professionnelle.
[60] Il est clair toutefois que la mesure de réadaptation ne prévoit pas le remboursement de l’achat d’un véhicule. La loi permet seulement le remboursement du coût de l’adaptation du véhicule. En l’espèce, quel est ce coût?
[61] Dans sa décision initiale, la CSST le fixe à 500 $. Or, il appert du dossier que ce montant de 500 $ correspond plutôt à la différence pouvant exister entre le coût d’achat d’une voiture de marque Suzuki Swift 1992 manuelle et le coût d’achat de cette même voiture, mais automatique. De l’avis du tribunal, cela ne tient pas compte des coûts de l’adaptation de la voiture.
[62] Les estimations obtenues par le travailleur pour l’adaptation d’une voiture manuelle en voiture automatique varient de 2000 $ à 2800 $. La Révision administrative réfère à un montant de 2400 $. Ces chiffres apparaissent plus réalistes si l’on considère que seul l’achat de la transmission vaut au moins 800 $. Des frais sont donc aussi à prévoir pour l’installation de cette transmission et l’adaptation du véhicule pour recevoir cette nouvelle transmission.
[63] Au surplus, ces montants ne visent que l’adaptation du véhicule quant à la transmission et ne tiennent pas compte de l’adaptation du véhicule pour le munir d’une servodirection.
[64] Un montant de 2400 $ pour procéder à l’adaptation d’un véhicule manuel en véhicule automatique apparaît plus près de la réalité et raisonnable.
[65] Toutefois, le travailleur n’a pas déboursé un tel montant. Il a plutôt choisi d’acheter un véhicule usagé automatique qu’il a payé 1200 $. L’objectif de la loi étant de réparer les conséquences qu’entraîne une lésion professionnelle pour un travailleur[4], entre autres, par le processus de réadaptation, le tribunal doit tenir compte du montant effectivement payé par monsieur Sirois afin de ne pas créer pour lui une situation lui procurant un avantage financier ou un enrichissement.
[66] Il faut également tenir compte du fait que les mesures de réadaptation sociales ne sont pas soumises à des limites monétaires comme c’est le cas, par exemple, pour les mesures d’assistance médicale.
[67] Ainsi, le montant de 1200 $ déboursé par monsieur Sirois pour se procurer un véhicule qui répond à toutes les recommandations de son médecin et de l’ergothérapeute apparaît, en l’espèce, être la solution appropriée la plus économique et ce coût, qui fait partie intégrante de la réadaptation du travailleur, doit être assumé par la CSST :
181. Le coût de la réadaptation est assumé par la Commission.
Dans la mise en oeuvre d'un plan individualisé de réadaptation, la Commission assume le coût de la solution appropriée la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif recherché.
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1985, c. 6, a. 181.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Robert Sirois;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 mars 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur monsieur Robert Sirois a droit au remboursement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail d’un montant de 1200 $ pour l’adaptation de son véhicule automobile.
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Diane Lajoie |
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Commissaire |
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JACQUES FLEURENT |
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R.A.T.T.A.C.Q. |
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Représentant de la partie requérante |
AVIS :
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