Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

23 février 2005

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

244190-71-0409

 

Dossier CSST :

123623878

 

Commissaire :

Me Jean-Claude Danis

 

Membres :

Raynald Asselin, associations d’employeurs

 

Normand Deslauriers, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Marc-André Dumont

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Métro Richelieu inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 23 septembre 2004, monsieur Marc-André Dumont (le travailleur) conteste devant la Commission des lésions professionnelles une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 16 août 2004, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Cette décision confirme celle rendue le 15 mars 2004 et déclare que le travailleur n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation de la lésion initiale, à compter du 20 décembre 2003.

[3]                Le travailleur est présent et représenté à l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 16 février 2005. Métro Richelieu inc. (l’employeur) est représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (LATMP), que coût du médicament Synvisc doit être défrayé par la CSST.

LES FAITS

[5]                La Commission des lésions professionnelles retient, entre autres, ce qui suit de l’analyse du dossier et de la preuve reçue à l’audience.

[6]                Le travailleur occupe un poste d’assembleur chez l’employeur.

[7]                Le 19 décembre 2002, il subit une lésion professionnelle en se frappant le genou gauche. Le diagnostic retenu est « syndrome fémoro-rotulien gauche post-contusion ».

[8]                Le 3 avril 2003, le médecin traitant Michel Boileau recommande un traitement avec Synvisc, soit trois infiltrations pour commencer.

[9]                Les infiltrations de Synvisc débutent le 15 mai 2003; la deuxième infiltration est faite le 21 mai 2003 et la dernière le 29 mai 2003.

[10]           Le 3 juillet 2003, l’orthopédiste Georges-Henri Laflamme, membre du Bureau d’évaluation médicale (BEM), donne l’avis motivé suivant après avoir examiné le travailleur le 26 juin 2003. Ce dernier l’a alors informé que depuis le dernier traitement de Synvisc, il y a eu une amélioration importante des symptômes au genou. Les symptômes qui se sont alors le plus améliorés sont le fait qu’il peut s’accroupir et qu’il peut descendre les escaliers de façon normale, ce qu’il ne pouvait faire auparavant.

« AVIS MOTIVÉ :

 

DISCUSSION :

 

Homme de 23 ans en bonne santé sans antécédent de symptomatologie rotulienne avant l’événement du 19 décembre 2002.

 

Ce jeune homme se frappe à la région antéro-interne de la rotule lors de cet événement et par la suite développe une symptomatologie typique de syndrome patello-fémoral avec douleur rétro-patellaire aggravée par le déflexion, la descente d’escalier et des crépitements.

 

Le traitement est médical. Les dernières manœuvres thérapeutiques soit Synvisc et orthèse plantaire semblent avoir changé l’évolution de son genou. Actuellement, il se dit asymptomatique dans la descente d’escalier, lorsqu’il s’accroupit et se relève et il n’y a pas d’appréhension.

 

[...]

 

1-         DIAGNOSTIC :

 

Considérant le traumatisme de type contusion à la région antéro-interne du genou gauche le 19 décembre 2002;

 

Considérant l’examen objectif d’aujourd’hui;

 

Le diagnostic à retenir est : syndrome fémoro-patellaire gauche post-contusion. Il n’y a plus de tendinite patte d’oie.

 

2-         DATE OU PÉRIODE PRÉVISIBLE DE CONSOLIDATION DE LA LÉSION :

 

Considérant le diagnostic de syndrome patello-fémoral;

 

Considérant que la symptomatologie s’est améliorée de façon significative après le 28 avril 2003 et avec le traitement de Synvisc;

 

Considérant que le traitement de visco-suppléance s’est fait au mois de mai 2003;

 

Je considère que la date du 28 juin 2003 ne représente pas une date de consolidation. Je suggère le 26 juin 2003 date de l’examen d’aujourd’hui comme état de consolidation et plateau thérapeutique.

 

3-         NATURE, NÉCESSITÉ, SUFFISANCE OU DURÉE DES SOINS OU TRAITEMENTS ADMINISTRÉS OU PRESCRITS :

 

La nature et la suffisance des soins m’apparaissent adéquates actuellement. La durée des soins est suffisante, je n’ai pas d’autre recommandation de traitement et il n’y a plus d’indication de traitement actuellement.

 

J’aimerais utiliser mon pouvoir discrétionnaire et compléter cette évaluation, items 4 et 5;

 

4-         EXISTENCE OU POURCENTAGE D’ATTEINTE PERMANENTE À L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE OU PSYCHIQUE :

 

Considérant qu’il existe un syndrome patello-fémoral même qualifié de léger chez ce travailleur, je crois qu’il y a atteinte permanente à l’intégrité physique;

 

SÉQUELLES ACTUELLES :

 

Code              Description                                                             DAP

 

103 131           Syndrome patello-fémoral post-contusion genou gauche       2 %

 

 

5-         EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES :

 

Considérant le niveau fonctionnel objectivé lors de l’examen clinique d’aujourd’hui;

 

Considérant que la symptomatologie actuellement est minimale;

 

Je crois qu’il n’y a pas lieu d’accorder de limitation fonctionnelle ré-événement 19 décembre 2002. » [sic]

 

 

[11]           Les 26 novembre et 20 décembre 2003, le docteur Boileau prescrit le médicament Synvisc.

[12]           Le 9 janvier 2004, le travailleur présente une réclamation à la CSST. Il déclare alors que sa douleur au genou gauche est réapparue et que son médecin traitant lui a prescrit de nouvelles infiltrations au genou.

[13]           En février 2004, le travailleur appelle l’agente d’indemnisation de la CSST. Il lui explique qu’il réclame la continuation des injections pour son genou droit accidenté, et non pour son genou droit qui est douloureux.

[14]           Le 15 mars 2004, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation survenue le 20 décembre 2002. Il n’y a pas de détérioration objective de l’état de santé. Les notes évolutives au dossier indiquent que la CSST considérait rendre une décision relative à la présence du syndrome fémoro-rotulien sur le genou droit. Le Bureau médical de la CSST avait affirmé à l’agente d’indemnisation qu’il s’agissait là d’une condition personnelle.

[15]           Le 16 août 2004, la révision administrative de la CSST confirme la décision rendue le 15 mars 2004, et déclare que le travailleur n’est pas victime d’une récidive, rechute ou aggravation à compter du 20 décembre 2003.

[16]           Le 25 janvier 2005, le médecin traitant écrit la lettre suivante :

« [...]

 

L’arthrose est une maladie dégénérative du cartilage. La chondromalacie, ou syndrome fémoro-rotulien est une maladie inflammatoire et dégénérative à ses débuts du genou à cause d’un phénomène de frottement excessif des cartilages dû à un malalignement ou malformation du genou (donc il provoque les mêmes douleurs au genou que dans la gonarthrose lors de surutilisation). La viscosuppléance (Synvisc) permet alors une réduction de la friction des surfaces cartilagineuses tout en redonnant le message aux cellules synoviales de fabriquer d’elle même une synovie de plus haute densité tant dans la chondromalacie que dans l’arthrose.

 

Le protocole du Synvisc est de trois infiltrations la première fois et par la suite c’est une infiltration aux 6 mois pour conserver le bienfait de la viscosuppléance.

 

[...] » [sic]

 

 

[17]           Le travailleur dépose en preuve le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques[2] qui donne la description suivante du produit Synvisc :

« SYNVISC

Biomatrix_______________________

Hylane G-F 20__________________

Viscosuppléance________________

Description : Synvisc (hylane G-F 20) est un fluide élastovisqueux, stérile et non pyrogène qui contient dse hylanes. Les hylanes sont des dérivés de l’hyaluronate de sodium), et ils sont composés d’unités disaccharidiques récurrentes de N-acétyl glucosamine et de glucoronate de sodium. Synvisc contient des hylanes sous forme de fluide et de gel en suspension épaisse (8 mg± mg/ml) dans une solution physiologique tamponnée (pH 7,2±0,3).

               Synvisc est biologiquement semblable à l’hyalyronane. L’hyaluronane est un constituant du liquide synovial qui lui confère son élastoviscosité. Les propriétés mécaniques élastovisqueuses du Synvisc sont toutefois supérieures à celles du liquide synovial et des solutions d’hyaluronane de concentration semblable. Les hylanes sont métabolisés par la même voie que l’hyluronane, et leurs produits de dégradation ne sont pas toxiques.

Indications : Un agent de remplacement et un supplément temporaire du liquide synovial. Synvisc ne doit être administré que par voie intra-articulaire pour soulager la douleur causée par l’arthrose du genou. Synvisc se révèle le plus efficace lorsqu’il et administré à des patients dont l’activité physique régulière mobilise l’articulation atteinte. Synvisc se révèle le plus efficace lorsqu’il est administré au stade précoce de l’affection articulaire.

               Syvisc exerce ses effets thérapeutiques en agissant comme viscosupplément et en rétablissant les propriétés physiologiques et rhéologiques des tissus de l’articulation touchée par l’arthrose. Le traitement par viscosupplément au moyen de Synvisc vise à réduire la douleur et la gêne causées par la mobilisation de l’articulation et à accroître ainsi l’ampleur du mouvement. Des résultats d’études in vitro montrent que Synvisc protège les cellules du cartilage contre certaines lésions physiques et chimiques. »

 

 

[18]           L’institution « Genzyme Biosurgery » qui fabrique le produit Synvisc décrit le produit comme suit dans sa brochure d’information :

« Pourquoi l’arthrose entraîne-t-elle de la douleur dans mon genou?

Dans un genou sain, un liquide visqueux et élastique appelé “liquide synovial” (ou synovie) agit comme un coussin dans l’articulation. Lorsque vous souffrez d’arthrose, ce liquide perd de son élasticité (amortissement) et de sa viscosité (lubrification). Il n’est donc plus assez élastique ni suffisamment visqueux, ce qui l’empêche de bien amortir les chocs lorsque votre genou doit supporter votre poids. C’est ce qui explique la douleur que vous ressentez.

 

Qu’est-ce que Synvisc?

Synvisc est une substance naturelle, élastovisqueuse, non un médicament. Injecté dans le genou, Synvisc améliore l’élasticité et la viscosité du liquide synovial pour qu’il amortisse mieux les chocs. Cette stratégie thérapeutique est appelée “viscosuppléance”, c’est-à-dire un apport complémentaire de liquide synovial. »

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[19]           Le travailleur soumet que le médicament Synvisc lui est nécessaire et qu’il a déjà été prescrit lors de la lésion professionnelle initiale. Or, depuis, ce médicament continue d’être nécessaire comme en fait foi le rapport du docteur Boileau. La CSST doit donc défrayer les coûts de ce médicament, puisque ce dernier est relié à son accident du travail initial.

[20]           L’employeur argumente qu’il ne s’agit pas, en l’instance, d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle initiale. Il est très clair que le BEM a établi qu’il n’y avait plus de soins nécessaires et que la décision de la CSST qui s’est ensuivie n’a pas été contestée. La requête du travailleur doit donc être rejetée.

L’AVIS DES MEMBRES

[21]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis, compte tenu de la preuve soumise, qu’il y a lieu d’accueillir la contestation. Le médicament est nécessaire et il est normal que la CSST doive en payer le coût. Ce médicament avait été prescrit lors de la lésion professionnelle initiale et n’a jamais été éliminé par le BEM.

[22]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la preuve ne permet pas de conclure à une récidive, rechute ou aggravation de quelque nature que ce soit.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[23]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST doit acquitter le coût du médicament Synvisc.

[24]           Les articles 188 et 189 de la LATMP disent ceci :

188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:

 

1°   les services de professionnels de la santé;

 

2°   les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3°   les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4°   les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5°   les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

[25]           Il a été reconnu par la CSST que le diagnostic de la lésion professionnelle subie par le travailleur le 19 décembre 2002 est « syndrome fémoro-rotulien gauche post - contusion ».

[26]           Cette lésion professionnelle a nécessité des infiltrations de Synvisc, ce qui a été reconnu et payé par la CSST en relation avec la lésion professionnelle du travailleur au genou gauche.

[27]           La preuve au dossier indique que le protocole de Synvisc est de trois infiltrations la première fois et par la suite c’est une infiltration aux six mois pour conserver le bienfait de la viscosuppléance.

[28]           Il s’ensuit que la CSST doit assumer le coût relié à l’infiltration du Synvisc, soit une produit pharmaceutique, aux six mois pour conserver le bienfait de la viscosuppléance. Il ne s’agit pas d’un nouveau traitement, mais plutôt de la continuation d’infiltrations initialement reconnues et acquittées par la CSST pour la lésion professionnelle au genou gauche.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en contestation de monsieur Marc-André Dumont, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 16 août 2004, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit acquitter le coût du médicament Synvisc pour le genou gauche du travailleur.

 

 

__________________________________

 

Me Jean-Claude Danis

 

Commissaire

 

 

 

 

Monsieur Claude Gagné

T.U.A.C.

Représentant de la partie requérante

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          CPS, Trente-cinquième édition, 2000, Association des pharmaciens du Canada.

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