St-Cyr et Cascades Récupération (Sherbrooke) |
2010 QCCLP 8190 |
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[1] Le 29 janvier 2010, monsieur Denis St-Cyr (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 25 janvier 2010, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 14 octobre 2009 et déclare que le travailleur a droit à une allocation pour aide personnelle à domicile de 2 265,00 $, pour la période du 28 mars au 23 octobre 2009, et de 151,05 $ par deux semaines, du 24 octobre au 18 décembre 2009.
[3] À l’audience tenue le 25 octobre 2010 à Salaberry-de-Valleyfield, le travailleur est présent et représenté; la Commission des lésions professionnelles a été avisée du fait que Cascades Récupération (Sherbrooke) (l’employeur) ne serait pas représenté à l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit à une allocation pour aide personnelle à domicile selon un pointage de 19,5/48, et ce, depuis la date de consolidation de la lésion, soit depuis le 17 juin 2005.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales est d'avis que le travailleur a droit à une allocation pour aide personnelle à domicile selon un pointage de 19,5/48, et ce, depuis le 17 juin 2005. La requête du travailleur doit être accueillie.
[6] Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis d’accueillir en partie la requête du travailleur. Depuis la date de sa demande du 9 février 2009, le travailleur a droit à une allocation pour aide personnelle à domicile selon un pointage de 14,5/48.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer le montant de l’allocation pour aide personnelle à domicile que le travailleur a droit de recevoir et la date à partir de laquelle cette allocation devait lui être versée.
[8] Le travailleur exerce un emploi de camionneur. Il subit une lésion professionnelle le 17 juin 2004. Les lésions acceptées par la CSST sont une entorse lombaire et un syndrome sous-acromial de l’épaule droite avec tendinopathie de la coiffe des rotateurs.
[9] La lésion professionnelle est consolidée le 17 juin 2005 et a entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de 4,40 %, pour un déficit anatomo-physiologique évalué à 2 % pour l’entorse lombaire et un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour le problème à l’épaule droite.
[10] La Commission des lésions professionnelles, dans une décision du 3 janvier 2008[1], retient les limitations fonctionnelles suivantes :
Pour le membre supérieur droit :
- éviter le travail avec le bras au dessus de la hauteur des épaules;
- éviter de garder le bras en position statique d’élévation ou d’abduction même inférieure à 900;
- éviter d’effectuer des mouvements de rotations de l’épaule;
- éviter d’effectuer tout mouvement répétitif avec le membre supérieur droit lorsque le bras est en position de plus de 900 d’abduction.
Pour l’entorse lombaire :
- éviter de soulever, porter ou pousser de façon répétitive des charges de plus de 10 kilogrammes;
- éviter les mouvements répétitifs de flexion, extension et rotations de la colonne dorso-lombaire;
- éviter de ramper, grimper, travailler en position de déséquilibre sur des échafaudages, travailler en position accroupie;
- éviter le travail en position penchée ou à bout de bras;
- éviter les vibrations de basse fréquence ou les contrecoups sur la colonne dorso-lombaire;
[11] Dans cette même décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que l’emploi d’aiguilleur « shunter » n’est pas un emploi convenable pour le travailleur et retourne le dossier à la CSST pour que le processus de réadaptation soit repris.
[12] Le 9 février 2009, le représentant du travailleur adresse une demande pour des frais d’aide personnelle à domicile. Il demande de retenir un pointage de 19,5/48 et que cette aide lui soit versée rétroactivement au 17 juin 2005, date de consolidation de la lésion. Cette demande s’appuie, notamment, sur les commentaires de madame Hélène Lafond, ergothérapeute, qui écrit ce qui suit, à la suite d’une évaluation des capacités fonctionnelles du travailleur faite en mai 2006 :
Puisque monsieur St-Cyr n’a pas les capacités physiques requises pour être autonome dans la réalisation de la majorité de ses AVQ et AVD (il a besoin d’aide et compense beaucoup), il n’a pas les capacités physiques requises pour être autonome et productif dans un travail régulier lui demandant des efforts plus grands que ceux requis par les AVQ et AVD qu’il est capable d’effectuer (mouvements de plus grande amplitude et demandant plus de force, déplacements plus fréquents, maintien de positions statiques, etc.).
[13] La CSST décide de demander à madame Chantal Gendron, ergothérapeute, de procéder à une évaluation des besoins en aide personnelle du travailleur. Une première grille est remplie par madame Gendron qui en arrive alors à un pointage de 14,5/48.
[14] La CSST, n’arrivant pas au même pointage, demande à madame Gendron de vérifier son pointage et de le corriger s’il y a lieu. Cette fois, le pointage est établi à 11,0/48 et c’est en retenant ce pointage que l’allocation pour aide personnelle à domicile du travailleur est calculée, la date retenue pour le début de l’allocation étant fixée au 28 mars 2009.
[15] Les articles pertinents de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) sont les suivants :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1° des services professionnels d'intervention psychosociale;
2° la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
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1985, c. 6, a. 152.
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
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1985, c. 6, a. 158.
159. L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.
Cette personne peut être le conjoint du travailleur.
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1985, c. 6, a. 159.
160. Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.
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1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.
162. Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur :
1° redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou
2° est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5).
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1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a. 79; 1994, c. 23, a. 23.
163. Le montant de l'aide personnelle à domicile est versé une fois par deux semaines au travailleur.
Ce montant est rajusté ou annulé, selon le cas, à compter de la première échéance suivant l'événement qui donne lieu au rajustement ou à l'annulation.
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1985, c. 6, a. 163.
[16] Les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile sont prévus par règlement[3], lequel comprend la grille d’évaluation des besoins d’assistance personnelle et domestique (annexe 1); le pointage obtenu après avoir rempli la grille sert à calculer le montant de l’allocation à verser. Reprenons les éléments de cette grille.
Le lever
[17] Dans sa première évaluation, madame Gendron retient que le travailleur a besoin d’une assistance partielle, puisqu’il possède maintenant un lit électrique. La CSST retient un pointage de 1,5 pour cette aide partielle et le travailleur ne conteste pas ce point de l’évaluation.
Le coucher
[18] La CSST retient que le travailleur n’a besoin d’aucune assistance à ce niveau. Le travailleur indique dans son témoignage qu’il a autant besoin d’aide pour se coucher que pour se lever. La Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur a besoin d’une assistance partielle et accorde un pointage de 1,5 à ce niveau.
Hygiène corporelle
[19] Un besoin d’assistance partielle est retenu par la CSST et le travailleur est d’accord avec cette évaluation (pointage de 2,5).
Habillage
[20] La CSST retient un besoin d’assistance partielle (pointage de 1,5) et le travailleur est d’accord avec cette évaluation.
Déshabillage
[21] Madame Gendron reconnait un besoin d’assistance partielle lors de sa première évaluation parce que l’aide technique s’avère insuffisante. La CSST ne retient aucun besoin d’assistance à ce niveau. Le travailleur explique qu’il a besoin d’aide autant pour s’habiller que pour se déshabiller. La Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur a un besoin d’assistance partielle et retient un pointage de 1,5.
Soins vésicaux
[22] Tous retiennent que le travailleur n’a aucun besoin d’assistance à ce niveau. Aucun pointage n’est donc accordé.
Soins intestinaux
[23] Tous retiennent que le travailleur n’a aucun besoin d’assistance à ce niveau. Aucun pointage n’est donc accordé.
Alimentation
[24] Tous retiennent que le travailleur n’a aucun besoin d’assistance à ce niveau. Aucun pointage n’est donc accordé.
Utilisation des commodités du logis
[25] Tous retiennent que le travailleur n’a aucun besoin d’assistance à ce niveau. Aucun pointage n’est donc accordé.
Préparation du déjeuner
[26] Aucun besoin d’assistance n’est reconnu par madame Gendron et la CSST. Le travailleur explique qu’il est incapable de se servir de la cuisinière pour se faire à manger. À part manger des céréales ou se faire cuire des rôties, il est incapable de se préparer à déjeuner. La Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur a un besoin d’assistance partielle à ce niveau (pointage de 1,0).
Préparation du dîner
[27] Dans sa première évaluation, madame Gendron retient que le travailleur peut se préparer un dîner à l’occasion et qu’il a donc un besoin d’assistance partielle. Aucun besoin n’est reconnu par la CSST. Comme le travailleur le demande, la Commission des lésions professionnelles retient un pointage de 2,0 pour un besoin d’assistance partielle.
Préparation du souper
[28] Tous retiennent que le travailleur a un besoin d’assistance partielle à ce niveau. Un pointage de 2,0 est donc accordé.
Ménage léger
[29] La CSST reconnaît un besoin d’assistance partielle. Le travailleur est d’avis qu’il a un besoin d’assistance complète. La Commission des lésions professionnelles reconnaît que le travailleur est incapable ou a beaucoup de difficultés à faire, seul, les activités d’entretien régulier de son domicile telles que épousseter, balayer, sortir les poubelles, faire son lit. Un pointage de 1,0 est donc retenu à ce niveau.
Ménage lourd
[30] Tous retiennent que le travailleur a un besoin d’assistance complète à ce niveau. Un pointage de 1,0 est donc retenu.
Lavage du linge
[31] La CSST retient un besoin d’assistance partielle et le travailleur demande de reconnaître un besoin d’assistance complète. En raison des limitations fonctionnelles, la Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur n’est pas capable d’utiliser, seul, les appareils nécessaires au lavage et au séchage du linge, y compris les activités qui y sont reliées telles que plier, repasser, ranger le linge. Un pointage de 1,0 est donc retenu.
Approvisionnement
[32] La CSST reconnaît un besoin d’assistance partielle à ce niveau. Le travailleur demande de reconnaître un besoin d’assistance complète. À ce niveau, il faut évaluer la capacité d’utiliser, seul, les commodités de l’environnement requises pour effectuer les achats d’utilité courante tels que l’épicerie, la quincaillerie, la pharmacie, ou pour utiliser les services d’utilité courante tels que les services bancaires et postaux, en considérant, s’il y a lieu, l’utilisation d’une aide technique ou l’adaptation du domicile. Le travailleur, à l’audience, explique qu’il est incapable de faire l’épicerie mais reconnaît qu’il peut faire de petites commissions.
[33] La Commission des lésions professionnelles reconnaît que le travailleur est incapable de faire l’épicerie mais qu’il peut, seul, se rendre à la pharmacie ou utiliser les services d’utilité courante tels que les services bancaires et postaux. Un pointage de 1,5 est donc retenu pour un besoin d’assistance partielle.
[34] Au total, les besoins d’assistance personnelle et domestique du travailleur sont évalués à un pointage de 18,0/48 et c’est en tenant compte de ce pointage que le montant de l’allocation du travailleur devra être calculée.
[35] Le travailleur demande de faire rétroagir au 17 juin 2005 le versement d’une allocation pour aide personnelle à domicile. À l’audience, il explique que, même s’il se plaignait de difficultés dans la vie de tous les jours, la CSST ne lui a jamais dit qu’il avait droit à une aide personnelle à domicile. Sa conjointe a quitté son emploi pour s’occuper de lui, ce que cette dernière confirme avoir fait il y a environ trois ans.
[36] La CSST a fait rétroagir au 28 mars 2009 le versement de l’allocation pour aide personnelle à domicile.
[37] Dans une décision du 14 juillet 2010[4], déposée à l’audience, la Commission des lésions professionnelles fait un survol de la jurisprudence portant sur le délai pour réclamer une allocation pour aide personnelle à domicile et sur le versement d’une telle allocation :
[37] Les articles 158 et 163 de la loi font partie du chapitre sur la réadaptation dans lequel il n’est question d’aucun délai pour réclamer quoi que ce soit. Dans l’affaire Montminy4, le juge Daniel mentionne d’ailleurs ce qui suit :
[101] Il n’est aucunement spécifié un délai pour produire une demande particulière dans les sections touchant autant la réadaptation physique que sociale.
[38] Le tribunal est d’accord avec cette interprétation.
[39] Tout comme la réadaptation physique, la réadaptation sociale est subordonnée au droit à la réadaptation. En principe, un travailleur n’y a droit qu’une fois sa lésion consolidée puisque ce n’est qu’à ce moment que les conséquences permanentes de sa lésion professionnelle peuvent être réellement déterminées. Cependant, dans certaines circonstances, il est possible de prévoir que le travailleur conservera une atteinte permanente. Ainsi, il a été décidé que le droit d’un travailleur s’ouvre à la date où il est médicalement possible de préciser, en tout ou en partie, l’atteinte permanente résultant de la lésion professionnelle, et ce, indépendamment de la consolidation de la lésion, tel que le mentionne la juge Nadeau dans l’affaire Gagné et Provigo distribution inc.5 :
[38] Dès qu’il est médicalement possible de déterminer des séquelles permanentes de la lésion, la condition d’ouverture au droit à la réadaptation est rencontrée. La travailleuse a dès lors droit à l’aide personnelle à domicile si les autres conditions de l’article 158 sont rencontrées.
[40] Le tribunal souscrit à cette approche.
[41] Par ailleurs, le travailleur n’a pas fait de demande formelle quant aux besoins d’assistance à domicile avant le 3 juillet 2008. Cela empêche-t-il l’octroi d’une allocation relative à ces besoins à partir du 3 juin 2004?
[42] Plusieurs décisions de la Commission des lésions professionnelles sont à l’effet qu’il n’est pas besoin d’avoir une demande formelle du travailleur à l’époque où les besoins se sont manifestés. Ainsi, dans l’affaire Grégoire6 la juge Besse s’exprime ainsi :
[17] Toutefois, dans d’autres décisions, la Commission des lésions professionnelles a reconnu qu’une allocation pour de l’aide personnelle à domicile peut être accordée rétroactivement, même en l’absence de demande formelle du travailleur à l’époque où les besoins se sont manifestés […].
[43] De même, dans l’affaire Turgeon et C.S.S.T.7, la juge Cusson indique ce qui suit :
[11] La Commission des lésions professionnelles tient à préciser qu’aucune évaluation des besoins d’assistance et de surveillance n’a été faite avant que le représentant du travailleur en fasse la demande en 2004, ce qui cause une difficulté majeure d’appréciation. Elle tient également à préciser que l’absence de demande du travailleur, pour une évaluation des besoins d’assistance et de surveillance avant 2004, ne peut avoir pour effet de conclure que le besoin était inexistant. Rien dans la loi n’indique qu’une telle évaluation doit être faite uniquement s’il y a une demande officielle de formulée.
[44] La juge Lévesque mentionne le même principe dans la cause Tzimopoulos8 :
[44] Un certain courant jurisprudentiel a également reconnu que, bien que le travailleur n’ait pas déposé de demande formelle au moment où ses besoins d’aide personnelle à domicile se sont manifestés que, néanmoins dans certains cas, ce droit peut être rétroactif avant même la date de consolidation de sa lésion professionnelle, de l’évaluation de son atteinte permanente, de son admission à la réadaptation ou même de l’évaluation de ses besoins d’aide personnelle à domicile.
[45] Le tribunal souscrit à ce courant jurisprudentiel. Dans le présent dossier, il n’y a pas de demande relative aux besoins d’assistance personnelle à domicile avant le 3 juillet 2008. Il n’y a pas non plus d’évaluation formelle de ces besoins avant le 12 août 2008. Cependant, le dossier contient suffisamment d’informations sur la condition physique du travailleur pour permettre une évaluation des besoins aux différentes époques.
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4 Montminy et St-Jérôme Bandag inc. et C.S.S.T., C.L.P. 319308-64-0706, 27 juin 2008, R. Daniel.
5 C.L.P. 136575-61-0004, 21 septembre 2000, L. Nadeau.
6 Grégoire et Construction Rénovatech AP inc. et C.S.S.T., C.L.P. 305789-63-0612, 24 janvier 2008, D. Besse.
7 Turgeon et C.S.S.T., C.L.P. 295205-03B-0607, 14 décembre 2006, M. Cusson.
8 Tzimopoulos et Provigo Distribution (div. Loblaws Qc) et C.S.S.T., C.L.P. 322442-71-0707, 11 février 2008, D. Lévesque.
[38] Dans une autre affaire[5], la Commission des lésions professionnelles décide qu’une allocation pour aide personnelle à domicile peut être versée rétroactivement, sans toutefois dépasser un délai de trois ans. Citons ces extraits pertinents de la décision :
[207] Une fois ces deux arguments d’importance traités, il n’en demeure pas moins que la question essentielle demeure. Les dispositions portant sur le droit à l’aide personnelle sont-elles complètes en soi en ce qui a trait à la question du délai ou bien s’il existe une lacune législative en cette matière ou encore un vide juridique qui permet de faire appel au droit commun général qui se trouve exprimé dans le Code civil du Québec.
[…]
[212] À l’évidence, la lecture de ces articles impose une conclusion. Le législateur visait par l’adoption de ces dispositions une annihilation, ou à tout le moins une réduction la plus immédiate possible de l’impact négatif pouvant découler d’une lésion professionnelle.
[213] Le versement rétroactif de montants d’argent visant à compenser pour des services qui auraient pu avoir leur raison d’être dans le passé, mais qui dans les faits n’ont pas été octroyés, ni assumés par le travailleur au moment opportun, remplit fort peu ce rôle.
[214] Par ailleurs, pour d’autres motifs, c’est le chemin qu’a choisi d’emprunter la majorité des décideurs du présent tribunal.
[215] Dans ce contexte, il en résulte une modification des règles du jeu d’origine par l’arrivée de ce courant jurisprudentiel et le tribunal est d’avis qu’il existe maintenant une lacune juridique qui concerne spécifiquement la question du délai pour réclamer de telles prestations. En effet, dans la mesure où les besoins se devaient d’être comblés au fur et à mesure de leur apparition, la question du délai n’était point d’actualité. Ceci est fort différent toutefois à compter du moment où il est possible de demander l’octroi de prestations à retardement, et ce, sans que le législateur ne l’ait ainsi prévu.
[…]
[219] Ainsi, en vertu de ces principes généraux, le tribunal estime qu’il y a lieu dans le présent dossier de pallier de manière supplétive au défaut créé par l’effet de la rétroactivité en référant aux dispositions de droit commun portant sur la prescription extinctive prévue aux articles 2921 et suivants du Code civil du Québec.
[220] Il est intéressant de noter au passage que le recours au droit commun, bien que peu habituel en raison de la spécificité de loi n’est toutefois pas sans précédent.
[…]
[236] Indubitablement, sur la foi de ces définitions, la possibilité pour un travailleur de réclamer une allocation d’aide personnelle à domicile se classe dans la catégorie des droits personnels.
[237] Conséquemment, le délai de prescription à retenir est celui retrouvé à l’article 2925 C.c.Q, soit trois ans.
[39] Des notes évolutives contenues au dossier de la CSST, la Commission des lésions professionnelles retient notamment ce qui suit :
· le 16 mars 2005, une première rencontre en réadaptation a lieu; une lecture des droits du travailleur est faite, dont le droit à la réadaptation, mais aucune mention n’est faite concernant le droit à une aide personnelle à domicile;
· après que l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ait été évaluée, une entrevue d’admissibilité en réadaptation est faite; le travailleur mentionne qu’il est plus sédentaire et qu’il ne fait plus grand-chose; il n’est pas question d’une aide personnelle à domicile;
· le 15 avril 2008, le travailleur mentionne que sa conjointe a quitté son emploi pour s’occuper de lui, qu’il a de la difficulté à se pencher et est incapable de mettre ses bas, sa conjointe devant l’aider pour s’habiller; aucune mention n’est faite pour une aide personnelle à domicile;
· le travailleur, le 21 août 2008, parle de ses difficultés dans les activités de la vie quotidienne; il n’est pas question de la possibilité qu’il puisse bénéficier d’une aide personnelle à domicile.
[40] La Commission des lésions professionnelles constate que le travailleur, bien avant le 9 février 2009, a fait part de certaines difficultés dans ses activités de la vie quotidienne. Bien qu’il ne s’agisse pas de demandes formelles pour bénéficier d’une aide personnelle à domicile, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une expression de besoins en la matière et la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le droit de recevoir une telle aide aurait dû être expliqué par la CSST, du moins qu’une évaluation de ses besoins en aide personnelle soit faite.
[41] La Commission des lésions professionnelles reconnaît le droit du travailleur de recevoir, rétroactivement, une allocation pour aide personnelle à domicile, comme elle l’a décidé dans les affaires Trad[6] et Charron[7].
[42] Il n’y a cependant pas lieu de faire droit à la demande du travailleur de faire rétroagir le versement de l’allocation au 17 juin 2005, date de consolidation de la lésion, le soussigné étant tout à fait en accord avec ce qui a été décidé dans l’affaire Charron[8], en ce qui concerne le délai de prescription de trois ans.
[43] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur a fait une demande formelle pour recevoir une allocation pour aide personnelle à domicile le 9 février 2009, qu’il a droit de recevoir une telle allocation compte tenu de ses besoins et que cette allocation doit être versée rétroactivement au 9 février 2006.
[44] Les besoins du travailleur, selon les informations au dossier, étant sensiblement les mêmes en 2006 que ceux évalués en 2009, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur, depuis le 9 février 2006, a droit de recevoir une allocation pour aide personnelle à domicile, laquelle allocation devra être calculée sur la base d’un pointage de 18,0/48.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête déposée par monsieur Denis St-Cyr, le 29 janvier 2010;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 25 janvier 2010, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur St-Cyr a droit à une allocation pour aide personnelle à domicile depuis le 9 février 2006, selon un pointage de 18,0/48.
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Richard Hudon |
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Madame Iona-Béatrice Tudor, stagiaire Me Bruno Bégin |
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Bruno Bégin, avocat |
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Représentants de la partie requérante |
[1] St-Cyr et Récupération Cascades inc., C.L.P. 283492-62C-0603, 3 janvier 2008, R. Hudon, révision rejetée, 18 février 2009, A. Vaillancourt.
[2] L.R.Q., c. A-3.001.
[3] Règlement sur les normes et barèmes de l'aide personnelle à domicile, (1997) 129 G.O. II, 7365.
[4] Trad et Tabac Dynasty inc., C.L.P. 399587-71-0912, 14 juillet 2010, S. Lévesque.
[5] Charron et Marché André Martel inc., [2010] C.L.P. 219 .
[6] Précitée, note 4.
[7] Précitée, note 5.
[8] Précitée, note 5.