Décision

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Munger et Abitibi Bowater inc.

2009 QCCLP 8729

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saguenay :

Le 17 décembre 2009

 

Région :

Saguenay-Lac-Saint-Jean

 

Dossier :

379919-02-0906

 

Dossier CSST :

133687764

 

Commissaire :

Jean Grégoire, juge administratif

 

Membres :

Jean-Eudes Lajoie, associations d’employeurs

 

Alain Hunter, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

François Munger

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Abitibi Bowater inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

[1]                Le 4 juin 2009, monsieur François Munger (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 mai 2009 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 24 avril 2009 et déclare que le travailleur n’est pas porteur d’une surdité professionnelle.

[3]                L’audience s’est tenue le 24 novembre 2009 à Roberval en présence du représentant du travailleur.  Préalablement à cette audience, la représentante de la compagnie Abitibi Bowater inc. (l’employeur) a avisé le tribunal de son absence à celle-ci. La cause a été mise en délibéré le 1er décembre 2009, soit à la date où le tribunal a reçu les derniers documents que le représentant du travailleur s’était engagé à produire.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il est atteint d’une surdité d’origine professionnelle et que par conséquent, il a droit aux bénéfices de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

LES FAITS

[5]                De la preuve documentaire, le tribunal retient principalement ce qui suit.

[6]                Actuellement âgé de 76 ans, le travailleur a occupé, pendant une trentaine d’années, des emplois d’abatteur et d’opérateur de machinerie forestière.  Il a pris sa retraite en 1987.

[7]                Le 14 novembre 2008, l’audiologiste Raoul Simard passe au travailleur un audiogramme qui démontre une aggravation de la surdité de ce dernier,  comparativement à l’audiogramme effectué le 7 décembre 2000.  Les résultats de ce test  révèlent, au niveau de l’oreille droite, des pertes de conduction de 40, 45, 45, 45, 55, 65 et 60 décibels (dB) aux fréquences respectives de 250, 500, 1000, 2000, 4000, 6000 et 8000 hertz (Hz). À l’oreille gauche, les déficits sont de 40, 45, 50, 55, 65, 65 et 70 dB aux mêmes fréquences respectives. De plus, l’audiologiste écrit que cette surdité est d’origines multiples et fait référence à des causes occupationnelle, de presbyacousie et métabolique.

[8]                Le 28 janvier 2009, le docteur Pascal Morin (oto-rhino-laryngologiste) (ORL) pose, sur un formulaire de la Régie de l’assurance maladie du Québec, le diagnostic de surdité mixte.  Il recommande alors que le travailleur bénéficie d’aide auditive.

[9]                Le 3 avril 2009, l’agente de la CSST note au dossier du travailleur qu’elle a reçu une réclamation pour une surdité et que celle-ci est refusée, puisque, aucun rapport médical sur un formulaire de la CSST confirmant l’existence d’une surdité professionnelle, n’accompagne cette réclamation.

[10]           Le 24 avril 2009, la CSST envoie au travailleur une décision qui confirme que sa réclamation pour surdité est refusée.  Le 7 mai 2009, le travailleur demande la révision de cette décision de la CSST.

[11]           Le 22 mai 2009, à la suite d’une révision administrative, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue le 24 avril 2009.  Le 4 juin 2009, le travailleur conteste devant la Commission des lésions professionnelles la décision rendue par la CSST le 22 mai 2009, d’où le présent litige.

[12]           Par ailleurs, le dossier du travailleur contient plusieurs audiogrammes qu’il a passés depuis 1996, ainsi qu’un rapport en audiologie, daté du 7 décembre 2000.  Dans ce dernier rapport, l’audiologiste écrit notamment que le travailleur porte, depuis un an, une prothèse auditive à son oreille gauche et qu’il est suivi pour des problèmes angineux et d’hypertension artérielle.

[13]           Relativement à l’audiogramme passé en 1996, il est indiqué que le travailleur présente une surdité neurosensorielle bilatérale qui est qualifiée de légère à modérée.

[14]           D’autre part, sur un certificat médical, daté du mois de février 2008, il est indiqué que le travailleur présente une hypoacousie neurosensorielle bilatérale qui est maintenant qualifiée de modérée à modérément sévère.

[15]           Finalement, le représentant du travailleur dépose au dossier du tribunal une lettre qu’adressait le travailleur au Collège des médecins du Québec, le 6 mars 2009. Dans cette lettre, le travailleur se plaint que le docteur Morin ne veut pas compléter de rapport médical pour la CSST concernant sa surdité. En réponse à cette lettre, le représentant du travailleur dépose aussi, au dossier du tribunal, une lettre de la docteure Suzanne Richer, syndique adjointe au Collège des médecins du Québec.  Cette dernière écrivait, le 17 juin 2009, ce qui suit au travailleur :

Le docteur Pascal Morin nous a fait parvenir des précisions sur votre cas après avoir pris connaissance d’une copie de la lettre que nous vous adressions le 3 juin dernier.

 

Vous ayant évalué à quelques reprises au cours des dernières années pour une surdité présente depuis de nombreuses années, le docteur Morin a conclu à une surdité probablement multifactorielle, en partie reliée à l’âge, et non admissible à un diagnostic de surdité professionnelle, bien que vous ayez été exposé à un environnement bruyant par votre travail comme bûcheron et opérateur de machineries lourdes avant votre retraite en 1987.

 

Cette conclusion du médecin s’appuie sur les éléments suivants :

 

·         Un audiogramme de 1985, soit deux ans avant votre retraite, et alors que vous travailliez dans le bruit depuis plus de 30 ans, qui démontrait une audition normale à votre oreille droite, sauf la présence d’une légère encoche à 4000 hz (nettement infra-barème CSST) et une surdité asymétrique de type mixte à configuration «plate» à l’oreille gauche, dont l’origine n’est très certainement pas reliée au bruit. Vous n’étiez donc pas admissible à un diagnostic de surdité professionnelle à ce moment.

 

·         Un audiogramme de 1988, soit un an après votre retraite, qui démontrait une audition normale à votre oreille droite, sauf une encoche modérée à 4000 hz (toujours nettement infra-barème CSST) et une surdité mixte ayant progressé à votre oreille gauche, avec une atteinte des basses et moyenne fréquences, ne pouvant être associée au bruit.

 

·         Vos audiogrammes subséquents effectués après votre retraite, qui démontrent une dégradation progressive de votre audition des deux côtés, avec atteinte des basses et moyennes fréquences, ce qui n’est pas caractéristique d’une surdité professionnelle. De plus, il est connu que la progression de la perte auditive après la retraite ne peut être attribuable au bruit, à moins que la personne ait continué d’être exposée au bruit dans le cadre d’activités extra-professionnelles après la retraite, ce qui n’est évidemment pas admissible à la CSST.

 

C’est pourquoi le docteur Morin a refusé de procéder à une déclaration de surdité professionnelle auprès de la CSST et il nous a assurés vous l’avoir longuement expliqué, de même qu’à monsieur Maheux qui vous accompagnait, particulièrement lors de votre consultation du 28 janvier 2009.

 

Ces précisions fournies par le docteur Morin nous apparaissaient des plus pertinentes et elles complètent notre lettre du 3 juin 2009.  (sic)

 

L’AVIS DES MEMBRES

[16]           Le membre issu des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont d’avis unanime que la requête du travailleur doit être rejetée. Ils sont d’avis que le travailleur n’a pas démontré, de manière prépondérante, qu’il était atteint d’une surdité d’origine professionnelle.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[17]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la surdité, dont est atteint le travailleur, constitue une lésion professionnelle.

[18]           L’article 2 de la loi définit comme suit la notion de lésion professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

[19]           En l’espèce, compte tenu que le travailleur est atteint d’une surdité, il faut analyser sa réclamation en fonction de la notion de maladie professionnelle.

 

[20]           L’article 2 de la loi définit comme suit la notion de maladie professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

[21]           Il y a aussi lieu de reproduire les articles 29 et 30 de la loi qui prévoient ce qui suit :

29.  Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION IV

 

MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

1.       Atteinte auditive causée par le bruit:

un travail impliquant une exposition à un bruit excessif;

__________

1985, c. 6, annexe I.

 

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[22]           Afin de bénéficier de l’application de la présomption de l’article 29 de la loi, le travailleur doit démontrer :

-          qu’il a une atteinte auditive causée par le bruit;

-          qu’il a exécuté un travail impliquant une exposition à un bruit excessif.

[23]            Lorsque la présomption de l’article 29 ne peut trouver application, le travailleur doit démontrer, en fonction de l’article 30 de la loi, que son atteinte auditive est caractéristique d’un travail qu’il a exercé ou qu’elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

[24]           D’autre part, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a déjà établi les caractéristiques d’une surdité causée par le bruit.  Dans l’affaire Legault et Genfoot inc.[2], le tribunal écrivait :

[21] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a établi certains critères de nature médicale pour apprécier si l'atteinte auditive est causée par le bruit. On doit notamment être en présence d'un audiogramme démontrant une atteinte neuro-sensorielle, bilatérale et symétrique, affectant les basses fréquences. De plus, les antécédents otologiques doivent être analysés.

 

[22] Par ailleurs, l'aspect classique d'une courbe audiométrique reflétant l'atteinte des basses fréquences présente une encoche à 4000 Hz avec une remontée dans les hautes fréquences.  (sic)

 

[25]           Par ailleurs, la notion de bruit excessif, retrouvée à l’annexe I de l’article 29 de la loi, n’a pas été définie par le législateur. Toutefois, la jurisprudence[3] de la Commission des lésions professionnelles qualifie un bruit d’excessif lorsque l’exposition à un bruit « dépasse la mesure souhaitable ou permise, qui est trop grand, trop important ».

[26]           Finalement, dans l’affaire Industries Méta-For inc. et Rotondo[4], le tribunal décidait que la notion de bruit excessif ne correspondait pas nécessairement aux normes prévues au Règlement sur la santé et la sécurité du travail[5] et qu’un niveau de bruit inférieur aux normes prévues à ce règlement peut être jugé excessif :

[28] À maintes reprises, il a été décidé que la notion de « bruit excessif » retrouvée à l’annexe I ne correspond pas aux normes prévues par le Règlement sur la santé et la sécurité du travail3 (le règlement), dont celle d’un niveau de bruit continu de 90 dBA pendant une durée d’exposition de huit heures par jour, parce que ces normes sont édictées dans un cadre réglementaire ayant un tout autre objet que celui visé par la loi. L’objet de la loi étant la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent, la notion de « bruit excessif » prévue par celle-ci réfère plutôt à un niveau de bruit qui peut causer une atteinte neurosensorielle, de sorte qu’un niveau inférieur à la norme réglementaire peut, selon le cas, être jugé excessif4.

 

[29] Comme l’a précisé la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Thuot et Multi-Marques Distribution inc.5, il faut cependant s'en remettre à des critères objectifs d'intensité et de durée, de sorte que le travailleur doit démontrer qu’il a été exposé à un bruit que l’on peut qualifier d’« excessif » en faisant la preuve des endroits où il a travaillé, des sources de bruit environnantes, du temps d’exposition et surtout, du niveau de bruit auquel il a été soumis

______________

            3 (2001) 133 G.O. II, 5020; ce règlement remplace le Règlement sur la qualité du milieu de travail (R.R.Q., 1981, c. S-2.1, r. 15) en ce qui concerne les normes régissant l’exposition au bruit.

                4Rondeau et Bow Plastiques ltée, C.A.L.P. 29574-62-9106, 16 décembre 1992, J. L’Heureux; J. Sirois Électrique inc. et Blackburn, C.A.L.P. 73829-02-9510, 15 octobre 1996, M. Carignan; Bond et BG Checo inc., [1999] C.L.P. 270 ; Nguyen et Bombardier inc., C.L.P. 109185-72-9801, 20 décembre 1999, D. Lévesque; Lechasseur et General Motors du Canada ltée, C.L.P. 130674-64-0001, 4 avril 2002, T. Demers; Lemieux et René G. Paré inc., [2007] C.L.P. 717 .

5C.L.P. 144647-61-0008, 17 janvier 2001, B. Lemay; voir au même effet : Commission scolaire des Navigateurs et Thibault, [2003] C.L.P. 623 ; Genfoot inc. et Gosselin, [2006] C.L.P. 574 , révision rejetée, 245725-62-0410, 23 janvier 2008, L. Nadeau.  (sic)

 

(notre soulignement)

 

[27]           Avant d’analyser le bien-fondé ou non de la réclamation déposée par le travailleur, la Commission des lésions professionnelles tient à préciser que même si aucun médecin n’a complété d’attestation médicale sur un formulaire de la CSST, comme le prévoit l’article 199 de la loi, cela ne constitue pas, en soi, une fin de non- recevoir de la réclamation présentée par le travailleur.

[28]           Le tribunal est en effet d’avis que l’exigence de remplir une attestation médicale prévue à l’article 199 de la loi doit être appliquée avec souplesse, en particulier dans les cas de surdité, puisque ce type de maladie n’entraîne habituellement aucune période de consolidation, d’arrêt de travail ou d’indemnité de remplacement du revenu[6].

[29]           Dans la mesure où un travailleur dépose à la CSST une réclamation demandant la reconnaissance d’un droit et que cette réclamation est accompagnée d’un document médical faisant état d’un diagnostic posé par un médecin, la CSST se doit d’analyser le bien-fondé ou non de cette réclamation du travailleur. D’ailleurs, le tribunal souligne que l’article 353 de la loi précise qu’aucune procédure faite en vertu de la loi ne peut être rejetée pour vice de forme.

[30]           Sur le fond du litige, le tribunal est d’avis que tant la présomption de l’article 29 de la loi que les dispositions de l’article 30 de celle-ci, ne peuvent trouver application.

[31]           En effet, le tribunal constate tout d’abord que le docteur Morin, dans sa note du 28 janvier 2009, ne qualifie pas la surdité du travailleur de neurosensorielle, mais plutôt de « mixte ».

[32]           Par ailleurs, le tribunal remarque que l’examen des courbes audiométriques découlant du test passé par le travailleur le 14 novembre 2008, démontre que l’atteinte auditive de ce dernier n’est pas symétrique, puisque l’oreille gauche est plus atteinte que celle de droite. De plus, le tribunal constate que du côté gauche, aucune remontée de la courbe audiométrique n’est constatée dans les hautes fréquences, ce qui n’est pas caractéristique d’une surdité d’origine professionnelle.

[33]           D’ailleurs, cette asymétrie de l’atteinte auditive du travailleur était déjà présente en 1998, puisque selon la lettre de la docteure Richer, le travailleur présentait une audition normale à l’oreille droite (sauf pour une légère encoche à 4 000 hertz infra-barème CSST), mais qu’il présentait une surdité à « configuration plate » à l’oreille gauche, dont l’origine ne pouvait être reliée à une exposition au bruit.  Cette surdité à l’oreille gauche a d’ailleurs continué de progresser après la retraite du travailleur, selon l’audiogramme passé en 1988, alors que l’oreille droite continuait à être normale (sauf pour une encoche à 4 000 hertz infra-barème CSST).

[34]           D’autre part, les tests en audiologie effectués entre les années 2000 et 2008, démontrent que la surdité du travailleur a continué à se détériorer. Or, en tenant compte que le travailleur est retraité depuis 1987 et que par conséquent, il n’est plus exposé à des bruits importants dans le cadre de ses activités professionnelles, le tribunal ne peut reconnaître que cette dégradation de la capacité auditive du travailleur est d’origine professionnelle. D’ailleurs, selon la jurisprudence[7] majoritaire du tribunal, il est médicalement reconnu qu’une surdité neurosensorielle se manifeste principalement dans les premières années d’exposition à un bruit élevé et qu’elle ne se dégrade plus lorsque l’exposition cesse.

[35]           Par ailleurs, le tribunal constate que selon le rapport de l’audiologiste Larouche du 7 décembre 2000, le travailleur porte, depuis 1999, une prothèse auditive à l’oreille gauche, alors qu’il est à la retraite depuis 1987.

[36]           En prenant en considération l’ensemble de ces éléments et en l’absence de preuve médicale expliquant ces écarts, le tribunal est forcé de conclure que le travailleur n’a pas démontré, de manière prépondérante, qu’il présente une atteinte auditive causée par le bruit au sens de l’article 29 de la loi.

[37]           De plus, en l’absence du témoignage du travailleur lors de l’audience, le tribunal conclut que la preuve d’un travail impliquant une exposition à un bruit excessif n’a pas été faite, de manière prépondérante, dans le présent dossier.

[38]           En effet, bien que le tribunal reconnaisse que le travailleur a exercé, pendant une trentaine d’années le métier d’abatteur forestier, le tribunal ignore totalement les durées d’utilisation quotidienne et annuelle de l’équipement utilisé par le travailleur, ni d’ailleurs la nature précise de cet équipement.

[39]           Par conséquent, le tribunal est d’avis que la présomption de l’article 29 de la loi ne peut trouver application dans le présent dossier.

[40]           D’autre part, la notion de risques particuliers prévue à l’article 30 de la loi ne peut également trouver application, et ce, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés plus haut.

[41]           Au surplus, le tribunal retient que selon l’audiologiste Simard, la surdité du travailleur est d’origines multiples, soit professionnelle, de presbyacousie et métabolique. Or, aucune preuve médicale n’a été présentée au tribunal démontrant que le facteur professionnel a joué un rôle significatif ou prépondérant relativement à l’atteinte auditive du travailleur. Au contraire, l’avis du docteur Morin, dont fait état la docteure Richer, dans sa lettre du 17 juin 2009, est à l’effet que la surdité du travailleur n’est pas d’origine professionnelle.

[42]           Finalement, le tribunal constate qu’aucune preuve, dans le présent dossier, ne démontre que la surdité du travailleur est caractéristique du travail d’abatteur forestier ou d’opérateur de machinerie forestière.

[43]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles se doit de conclure que le travailleur n’est pas atteint d’une surdité d’origine professionnelle.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur François Munger, le travailleur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 22 mai 2009 à la suite d’une révision administrative;

 

 

DÉCLARE que la surdité dont est atteint le travailleur n’est pas d’origine professionnelle et que par conséquent, il n’a pas droit aux bénéfices prévus à la loi.

 

 

__________________________________

 

Jean Grégoire

 

M. Rosaire Maheux

Représentant de la partie requérante

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001

[2]           C.L.P. 149024-62C-0010, 29 mars 2001, V. Bergeron

[3]           Lemieux et René G. Paré inc., [2007] C.L.P. 717

[4]           C.L.P. 313132-61-0703, 20 novembre 2008, G. Morin

[5]           (2001) 133 G.O. II, 5020

[6]           Voir à titre d’illustration la décision dans Compagnie de Québec et Ontario ltée et Fortin [1990] CALP 1153

[7]           Viventi et Tricots Liesse (1983) inc., C.L.P. 87786-60-9704, 19 mai 1998, T. Giroux; Messier et Alstom Canada inc., C.L.P. 296346-62B-0608, 1er août 2008. R. Napert.

 

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