Décision

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                             COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS
                             PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC                  MONTRÉAL, le 22 juin 1987

     DISTRICT D'APPEL        DEVANT LE COMMISSAIRE:   Réal Brassard
     DE MONTRÉAL

     RÉGION:ILE-DE-MONTRÉAL  AUDITION TENUE LE:       12 mars 1987
     DOSSIER: 60-00281-8609

     DOSSIER CSST: 9093 652  A:                       Montréal

                             LES ENTREPRENEURS BECKER INC.
     

4191, rue de Courtrai Montréal (Québec) H3S 1B8 PARTIE APPELANTE Représentée par: Mme Gabrielle Roireau et M. MARC SYLVESTRE 6513, rue Bordeaux Montréal (Québec) H2G 252 PARTIE INTÉRESSÉE Représentée par: Me Michel Cyr 60-00281-8609 2/ D É C I S I O N Le 23 septembre 1986, Les Entrepreneurs Becker Inc., l'appelante, dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (ci-après «la Commission d'appel»), une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision unanime du bureau de révision de la région de l'Ile-de-Montréal rendue le 12 août 1986.

Par cette décision, le bureau de révision infirme une décision de la Commission rendue le 19 mars 1986 et déclare que M. Marc Sylvestre, partie intéressée dans la présente cause, a droit au remboursement par la Commission du coût de supports orthopédiques qu'il s'est procurés à la suite d'une lésion professionnelle dont il a été victime le 30 septembre 1985.

OBJET DE L'APPEL L'appelante demande à la Commission d'appel d'infir- mer la décision rendue par le bureau de révision et de déclarer que M. Marc Sylvestre (ci-après «le travailleur») n'a pas droit au remboursement d'une 60-00281-8609 3/ orthèse en vertu de l'article 188 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies profession- nelles (L.R.Q., c. A-3.001).

EXPOSÉ DES FAITS Le 30 septembre 1985, le travailleur, employé de l'appelante, avec l'aide d'un compagnon de travail, est en train de descendre dans une pente conduisant à un sous-sol un chariot rempli de pièces lourdes.

Pour en ralentir la descente, le travailleur se place devant le chariot alors que son compagnon est derrière. Sous le poids du chariot, qu'il doit retenir, le travailleur fait un faux mouvement et se renverse les pieds. Il s'inflige alors une lésion professionnelle.

Le 1er octobre 1985, le travailleur voit le Dr Payne, qui pose le diagnostic de fasciite plantaire.

Le travailleur revoit par la suite plusieurs médecins qui en prennent charge et posent le diagnostic de contusion au pied droit.

60-00281-8609 4/ Le 20 décembre 1985, le Dr Lin, qui prend charge du travailleur fait le rapport suivant: «This patient had been referred by me to Dr. Fish. He has been treated and given an instep support for his shoe. One month after being off work, the patient still complains of the same type of pain. He is to continue with heat treatments and exercices. Return to clinic Jan. 3, 1986». (sic) Le 31 janvier 1986, le même médecin émet un nouveau rapport en ces termes: (Despite a11 the treatments, including physiotherapy, patient still complains of pain in the right foot and continued inabi- lity to walk without distress. In view of this marked pes planus we have ordered more adequate arch support for him. We would also like to refer the patient back to Dr. Fish in orthopedics fur further evaluation because of the fact that three months from now the patient is still complaining of the same pain and disability.

Le 21 février 1986, le Dr Fish fait un rapport à l'effet que l'orthèse a amélioré la condition du travailleur et il indique que c'est le Dr Lin qui, dorénavant, prendra charge du travailleur.

Entre-temps, le travailleur avait demandé à la Commission de lui rembourser le coût des semelles orthopédiques prescrites et la Commission a 60-00281-8609 5/ effectivement fait le paiement. Mais le 5 mars 1986, la Commission demande au médecin qui a charge du travailleur de remplir le rapport d'évaluation médicale sommaire dans lequel elle demande au médecin d'établir la relation entre le diagnostic et l'accident déclaré en rapport avec la condition personnelle du travailleur.

Entre-temps, la Commission continue de recevoir des rapports médicaux des médecins qui prennent charge du travailleur.

Le 11 mars 1986, le Dr Forse fait le rapport suivant: «This patient returns for follow-up of his foot. At this time he is getting arch supports but continues to complain of pain and swelling in his right foot. Apparently after two-and-a-half hours of work his foot swells and has excruciating pain and is unable to work. As best as I can assess this has gone on now since November with no or little change. This has included periods by Dr. Lin and by Dr. Fish, foot supports and physiotherapy. I have ordered x-rays of his feet today and I am asking Dr. Fish to assess him with regard to any further therapy. If Dr. Fish in reviewing the patient and the x-rays feels that there is nothing further to be done, the patient should be referred back to CSST withthe indication that this situa- tion is stable and should be reviewed by them». (sic) 60-00281-8609 6/ Le 12 mars 1986, le Dr Lin répond à la demande de la Commission faite le 5 mars 1986 dans les termes suivants: l. «Diagnostic: Contusion to RT foot (e- existing pes planies).

2. Patient claims that there has been a marked period of pain following his accident. The contusion has aggravated a pre-existing pes planies.

3. Dr. Fish had ordered arch supports to fit the special orthopedic shoes the patient had bought (on his own).

4. On February 21, 1986, the patient has new arch supports ordered for him as the others have worn out.» (sic) Le 19 mars 1986, à la suite de la réception de ce rapport, la Commission fait une réclamation au travailleur en ces termes: «A la suite de l'étude de votre dossier, nous constatons que nous vous avons versé en trop un montant de 250.00. En Effet, suite à l'évaluation médicale de votre médecin, il n'y a pas de relation entre votre accident et les supports orthopédiques». (sic) Par la suite, la Commission reçoit deux autres rapports médicaux du Dr Fish. Le premier, daté du 21 mars 1986 se lit comme suit: «He is much better, still is symptomatic with respect to the right plantar arch but this is 60-00281-8609 7/ improving. He will have an additional two weeks of therapy and he will be able to return to work (April 7 (1986.)». (sic) Le second rapport, daté du 11 avril 1986, est rédigé comme suit: «This man is still complaining of pain in the arch of right foot. He was unable to work this week. I told him that there is nothimg else that I can offer. His date of consoli- dation is April l4, 1986». (sic) La demande de remboursement de la Commission, le 19 mars 1986, est contestée par le travailleur le 4 avril 1986. La Commission saisit le bureau de révision de la contestation du travailleur.

Après audition le 4 juin 1986, le bureau de révi- sion rend sa décision le 12 août 1986, décision qui fait l'objet du présent appel.

A l'audition devant le bureau de révision, le travailleur fait une objection préliminaire à l'effet que le bureau de révision n'avait pas compétence pour entendre la demande de révision parce que le litige aurait dû être soumis à l'arbi- trage médical, ce qui n'a pas été le cas. Le travailleur prétend que la Commission n'ayant pas contesté l'avis du médecin qui a charge suivant 60-00281-8609 8/ l'article 214 de la loi était alors liée par l'avis du médecin qui a charge et ne pouvait rendre la décision qu'elle a rendue. Comme il s'agit d'une décision en relation avec un arbitrage médical, le travailleur a soumis au bureau de révision qu'il n'avait pas compétence pour statuer sur ce litige.

Le bureau de révision a rejeté l'objection prélimi- naire en statuant que, compte tenu que la prescrip- tion de semelles orthopédiques n'a pas été infirmée par un médecin désigné par l'employeur ou par la Commission, celle-ci ne pouvait soumettre le dossier à l'arbitrage médical et ne pouvait rendre la décision qu'elle a rendue, que la Commission demeurait liée par l'avis du médecin qui a pris charge du travailleur. Le bureau de révision a alors considéré être validement saisi d'une contestation de la décision initiale de la Commission.

Après avoir vérifié si la prescription de semelles orthopédiques rencontrait les dispositions de l'article 189 de la loi, le bureau de révision a infirmé la décision de la Commission à l'effet de demander au travailleur de rembourser les sommes versées pour l'achat de semelles orthopediques.

60-00281-8609 9/ LES ARGUMENTATIONS L'appelante n'a fait aucune argumentation se limitant à reformuler les motifs à l'origine de son appel.

Le travailleur souligne qu'avant le 30 septembre 1985, il n'a jamais eu d'accident qui pourrait être relié à sa condition personnelle ou qui aurait pu aggraver sa condition personnelle préexistante.

Jamais, avant le 30 septembre 1985, selon le travailleur, il n'a été absent du travail en raison de cette condition personnelle préexistante et jamais il n'a été empêché d'exercer des activités sportives.

Le travailleur soumet que l'objet de l'appel ne porte pas sur un des éléments prévus à l'article 212 de la loi et sur lesquels la Commission est liée par l'avis du médecin qui a charge, faute d'une contestation par l'employeur ou par la Commission.

Le travailleur soumet que la présente cause con- cerne uniquement le droit à l'assistance médicale prévu à l'article 188 de la loi.

60-00281-8609 10/ Le travailleur soumet que, dans la présente cause, l'existence de la lésion professionnelle n'est pas contestée, qu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle a le droit, en vertu de l'article 188 de la loi, à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

Le travailleur souligne que l'orthèse en cause rencontre les dispositions de l'article 189 de la loi. Il soumet que, compte tenu de l'existence non contestée d'une lésion professionnelle, qui est une aggravation d'une condition personnelle préexis- tante, il n'y a pas lieu de considérer que l'orthèse en question est justifiée en partie par la condition personnelle préexistante et en partie par l'accident du travail.

Le travailleur dépose une décision de la Commission d'appel dans l'affaire Société d'aménagement de l'Outaouais et M. André Lavigne (C.A.L.P.

07-00012-8606, 22 octobre 1986). Dans cette cause, la Commission d'appel a décidé que les traitements de prolothérapie que 1e travailleur a reçus dans le cadre des soins requis pour la consolidation d'une lésion professionnelle subie par un travailleur, 60-00281-8609 11/ étaient des soins auxquels le travailleur avait droit en vertu de l'article 188 et que la Commis- sion était liée, pour de tels soins, par l'avis du médecin qui a charge du travailleur ou par l'avis de l'arbitre.

MOTIFS DE LA DÉCISION Dans la présente cause, la Commission d'appel doit décider si le travailleur a droit au remboursement par la Commission du coût des semelles orthopédi- ques prescrites par le médecin qui en a pris charge.

Le bureau de révision a infirmé la décision de la Commission au motif que celle-ci était liée par l'avis du médecin qui a charge en vertu du premier alinéa de l'article 224 de la loi. En vertu de cet article de la loi, la Commission est en effet liée par l'avis du médecin qui a charge quant à la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits.

60-00281-8609 12/ La Commission, après avoir d'abord accepté de payer l'orthèse du travailleur a fait une réclamation au travailleur en indiquant comme motif que, selon elle, il n'y avait pas de relation entre l'accident survenu au travailleur et les supports orthopédi- ques.

C'est en relation avec l'article 188 de la loi que la Commission a rendu une telle décision. Cet article se lit comme suit: 188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

Selon cet article de la loi, le droit du travail- leur à l'assistance médicale est assujetti à deux conditions: 1- le travailleur doit avoir été victime d'une lésion professionnelle; 2- l'assistance médicale prescrite doit être requis par son état de santé en relation avec cette lésion professionnelle.

60-00281-8609 13/ Le premier point relève de la compétence de la Commission, c'est-à-dire qu'à cet égard la Commission n'est pas liée par l'avis du médecin qui a charge. Comme il a été décidé par la Commission d'appel dans l'affaire Communauté urbaine de Montréal et Gérard Blouin et Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.A.L.P.

60-00043-8604, 9 février 1987, p. 25), «... con- clure à l'existence ou à l'inexistence d'une lésion professionnelle relève de la compétence de la Commission aux termes de l'article 349 de la loi . . . » .

Dans la présente cause, l'existence de la lésion professionnelle n'est pas contestée.

Déterminer si les soins prescrits sont en relation avec son état de santé en raison de sa lésion professionnelle (deuxième condition ci-haut indiquée pour établir le droit du travailleur à l'assistance médicale), c'est décider de la nature et de la nécessité de tels soins en regard de la lésion professionnelle. Une telle conclusion correspond à la compétence que la loi accorde au médecin qui a charge en vertu du paragraphe 30 du 60-00281-8609 14/ premier alinéa de l'article 212. Il s'agit bien d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 de la loi, qui édicte: 224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mention- nés aux paragraphes 10 à 50 du premier alinéa de l'article 212.

(...) Par conséquent, si la Commission voulait contester l'attestation médicale du Dr Lin, datée du 12 mars 1986, elle devait le faire suivant les dispositions de l'article 214 de la loi, qui édicte: 214. La Commission peut contester l'attesta- tion ou le rapport du médecin qui a charge d'un travailleur victime d'une lésion profes- sionnelle si elle obtient un rapport d'un médecin qui, après avoir examiné le travail- leur, infirme les conclusions du médecin qui en a charge quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 10 à 50 du premier alinéa de l'article 212 et si l'employeur n'a pas déjà contesté l'attesta- tion ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur quant à ce sujet.

La Commission doit obtenir ce rapport dans les 30 jours de la date de l'attestation ou du rapport qu'elle désire contester.

60-00281-8609 15/ Dans la présente cause, la Commission n'a pas contesté, suivant les dispositions de l'article 214 de la loi, la nature ou la nécessité de l'assis- tance médicale que constitue la prescription de semelles orthopédiques en rapport avec la lésion professionnelle subie par le travailleur. Elle ne pouvait pas en conséquence rendre la décision qu'elle a rendue le 19 mars 1986, au motif qu'il n'y avait pas de relation entre l'accident du travail et les soins prescrits, puisqu'elle était liée sur ce point par l'avis du médecin qui avait charge du travailleur, le Dr Lin.

L'appelante pouvait par ailleurs contester l'exis- tence d'une relation entre la pathologie du tra- vailleur (les pieds plats) et l'accident du travail mais elle ne l'a pas fait.

60-00281-8609 16/ POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE l'appel; CONFIRME la décision du bureau de révision de la région de l'Ile-de-Montréal rendue le 12 août 1986.

Réal Brassard Commissaire

AVIS :
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