Décision

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Chemins de fer Nationaux du Canada et Gaumond

2008 QCCLP 2326

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

16 avril 2008

 

Région :

Montérégie

 

Dossiers :

287413-62-0604      287415-62-0604

 

Dossier CSST :

126774199

 

Commissaire :

Lucie Couture

 

Membres :

Gaston Turner, associations d’employeurs

 

Sylvain Campeau, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Chemins de fer Nationaux du Canada

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

François Gaumond

 

Molson Canada (Québec)

 

Administration Portuaire de Montréal

Ministère des Travaux publics Canada

Ville de Montréal

 

Parties intéressées

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 287413-62-0604

[1]                Le 19 avril 2006, Chemins de fers Nationaux du Canada (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 12 avril 2006, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 8 décembre 2005 et déclare que le travailleur est atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire et qu’il a droit aux prestations prévues par la loi. Elle confirme également l’autre décision rendue le 8 décembre 2005 et déclare que le travailleur conserve une atteinte permanente de 45,50 % et qu’il a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 19 373,45 $.

Dossier 287415-62-0604

[3]                Le 19 avril 2006, l’employeur dépose une seconde requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 12 avril 2006, par la CSST, à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST indique qu’il n’y a pas lieu de traiter la demande de révision de l’employeur étant donné les dispositions des articles 326 et 329 de la loi. Elle précise également que si l’employeur invoque l’application de l’article 326 ou 329 de la loi, il doit soumettre une demande par écrit à la CSST, dans le délai prévu à ces articles.

[5]                Lors de l’audience tenue à Longueuil, le 15 avril 2008, la Commission des lésions professionnelles avait convoqué le travailleur ainsi que les autres employeurs chez qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie. Le travailleur était absent mais dûment représenté. Chemins de fer Nationaux du Canada était représenté. L’Administration Portuaire de Montréal a soumis une argumentation écrite tout en informant la Commission des lésions professionnelles de son absence. La Ville de Montréal a informé la Commission des lésions professionnelles de son absence et n’a soumis aucune argumentation écrite. Molson Canada et ministère des Travaux publics Canada étaient absents.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]                Concernant la première requête, l’employeur, Chemins de fer Nationaux du Canada, soumet n’avoir aucune représentation à faire relativement à la reconnaissance par la CSST, de la maladie professionnelle pulmonaire du travailleur. Il soumet par contre que le travailleur n’a pas été à son emploi n’ayant pu le retrouver dans les registres de l’employeur.

[7]                Concernant la seconde requête, Chemins de fer Nationaux du Canada soumet qu’en vertu de l’article 332 de la loi, il n’a pas à être imputé du coût des prestations versées au travailleur relativement à la maladie professionnelle reconnue étant donné que les registres de l’employeur ne permettent pas de conclure que le travailleur a travaillé pour lui. Il demande qu’en conséquence aucun coût ne lui soit imputé.

[8]                L’employeur Administration Portuaire de Montréal soumet n’avoir aucune représentation à faire relativement à la requête 287413-62-0604.

[9]                Concernant l’autre requête, cet employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’imputer 100 % du coût des prestations versées à monsieur François Gaumond (le travailleur) à l’employeur Chemins de fer Nationaux du Canada. Il soumet qu’aucun montant ne devrait être imputé à son dossier étant donné que le travailleur n’a jamais exercé, pour cet employeur, un travail de nature à engendrer la maladie.

L’AVIS DES MEMBRES

[10]           Le tribunal a requis l’avis des membres conformément à la loi, concernant la requête 287413-62-0604.

[11]           Le membre issu des associations d’employeurs, monsieur Gaston Turner, et le membre issu des associations syndicales, monsieur Sylvain Campeau, sont d’avis de rejeter la première requête de l’employeur. Ils sont d’avis que la preuve au dossier permet de confirmer que le travailleur est porteur d’une maladie professionnelle pulmonaire, laquelle lui a occasionné une atteinte permanente de 45,50 % lui donnant droit à l’indemnité pour préjudice corporel de 19 373,45 $.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[12]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur est porteur d’une maladie professionnelle pulmonaire, s’il conserve une atteinte permanente et s’il a droit à l’indemnité pour préjudice corporel attribué par la CSST.

[13]           La Commission des lésions professionnelles devra également déterminer si Chemins de fer Nationaux du Canada doit être imputé du coût des prestations versées au travailleur conformément aux dispositions de l’article 332 de la loi.

[14]           Le tribunal retient les éléments suivants :

[15]           Le 25 novembre 2004, le travailleur soumet une réclamation à la CSST dans laquelle il allègue avoir déchargé vers les années 1953, des sacs d’amiante pour le Canadien National et le Canadien Pacifique.

[16]           Il joint à cette réclamation une attestation médicale du docteur Beaupré dans laquelle ce dernier demande une évaluation par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires.

[17]           Le 15 septembre 2005, le Comité des maladies professionnelles pulmonaires examine le travailleur. Le comité relate que le travailleur a travaillé au Port de Montréal. Il a durant trois ans déchargé des wagons contenant des sacs d’amiante. Le reste de sa vie professionnelle, il a déchargé des céréales.

[18]           Le comité mentionne que le travailleur n’a jamais beaucoup fumé, environ une à trois cigarettes par jour de 15 à 25 ans.

[19]           Le comité retient un diagnostic de maladie assimilable à de l’amiantose. Il détermine un déficit anatomophysiologique de 35 %. Il indique que les anomalies étaient déjà présentes en 2000. Il demande que le déficit soit rétroactif à cette date. Il recommande que le travailleur soit réévalué dans trois ans.

[20]           Le 6 octobre 2005, le comité spécial des présidents examine le dossier du travailleur. Ce comité reconnaît le diagnostic de maladie assimilable à l’amiantose. Le travailleur est porteur d’importances atélectasies rondes dans la gouttière para-vertébrale droite et en antéro-latéral gauche. Il est également porteur de nombreuses bandes fibreuses et de plaques pleurales. Il maintient le déficit anatomophysiologique de 35 %.  Le comité mentionne que le travailleur est également porteur d’un myélome indolent et d’une maladie cardiaque artériosclérotique avec angioplastie coronarienne.

[21]           Le 4 novembre 2005, la CSST rend une décision par laquelle elle retient le diagnostic d’amiantose et qu’il s’agit d’une maladie professionnelle pulmonaire. Elle précise que cette maladie a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique. Elle indique que le travailleur a droit aux indemnités prévues par la loi.

[22]           Cette décision est acheminée également à l’employeur Chemins de fer Nationaux, le 8 décembre 2005. On informe également cet employeur de l’admissibilité de la réclamation du travailleur.

[23]           Le même jour, la CSST rend une décision déterminant une atteinte permanente de 45,50 % donnant droit au travailleur à une indemnité pour préjudice corporel de 19 373,45 $.

[24]           Le 8 décembre 2005, la CSST impute 100 % du coût des prestations à l’employeur Chemins de fer Nationaux du Canada.

[25]           Le 16 décembre 2005, cet employeur conteste les décisions du 8 décembre 2005.

[26]           Le 12 avril 2006, la CSST, à la suite de la révision administrative, confirme les décisions du 8 décembre 2005 d’où les requêtes logées par Chemins de fer Nationaux du Canada.

[27]           Lors de l’audience, les parties ont admis les faits suivants :

[28]           Le travailleur a effectivement transporté des sacs d’amiante dans le cadre de son travail. Il a effectué ce transfert de wagons de trains.

[29]           Les parties admettent cependant que le travailleur n’a pas travaillé pour la compagnie Chemins de fer Nationaux du Canada, mais pour des sous-contractants, lesquels, étant donné la longue période de temps écoulé, ne peuvent être retracés.

[30]           Ils demandent au tribunal de rendre la présente décision en application des dispositions du second alinéa de l’article 332 de la loi.

[31]           Avec respect pour l’opinion contraire, le tribunal est d’avis de rejeter la première requête de l’employeur Chemins de fer Nationaux du Canada et d’accueillir la seconde requête.

[32]           L’article 29 de la loi prévoit ce qui suit :

29.  Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

 

 

[33]           L’étude du dossier démontre que le travailleur est atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire listée à l’annexe I de la loi, soit l’amiantose.

[34]           La preuve démontre également que le travailleur a exercé un travail de nature à causer cette maladie puisqu’il a manipulé des sacs d’amiante dans le cadre de son travail durant les années 1950.

[35]           Par conséquent, la présomption de l’article 29 de la loi s’applique. Il est donc présumé porteur d’une maladie professionnelle pulmonaire.

[36]           La preuve présentée par l’employeur est insuffisante pour renverser cette présomption. L’employeur, Chemins de fer Nationaux, ne contredit d’ailleurs pas le travailleur lorsqu’il mentionne dans sa réclamation, avoir manipulé des sacs d’amiante, dans le cours de son travail.

[37]           Le tribunal ne peut donc renverser cette présomption.

[38]           Il y a donc lieu de confirmer la première décision rendue le 12 avril 2006 et de déclarer que le travailleur est porteur d’une maladie professionnelle pulmonaire, soit l’amiantose. Le tribunal confirme le fait que le travailleur conserve une atteinte permanente de 45,50% lui donnant droit à une indemnité pour préjudice corporel de 19 373,45 $.

[39]           Le tribunal est d’avis de faire droit à la seconde requête de l’employeur Chemins de fer Nationaux du Canada.

[40]           L’article 332 de la loi se lit comme suit :

332.  L'employeur qui exploite une entreprise de transport ferroviaire ou maritime, interprovincial ou international, est tenu personnellement au paiement des prestations que la Commission accorde pour :

 

1° un accident du travail subi par un travailleur à son emploi;

 

2° une maladie professionnelle contractée par un travailleur qui a exercé dans cette entreprise un travail de nature à engendrer cette maladie.

 

Le chapitre IX ne s'applique pas à l'employeur tenu personnellement au paiement des prestations, sauf dans la mesure indiquée à l'article 345, et les autres dispositions de la présente loi qui sont compatibles avec le présent chapitre s'appliquent à cet employeur et à ses travailleurs, compte tenu des adaptations nécessaires.

 

 

[41]           Le tribunal retient qu’en vertu du second alinéa de l’article 332 de la loi, la CSST doit imputer à l’employeur tenu personnellement aux prestations que la CSST accorde pour une maladie professionnelle contractée par un travailleur qui a exercé dans cette entreprise, un travail de nature à engendrer cette maladie.

[42]           Le tribunal retient des admissions de faits du travailleur et des Chemins de fer Nationaux du Canada, que bien que le travailleur ait fait un travail de nature à engendrer cette maladie, ce travail n’a pas été exercé chez l’employeur en cause. Ce dernier n’a donc pas à être imputé du coût des prestations versées au travailleur.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 287413-62-0604,

REJETTE la requête de l’employeur Chemins de fer Nationaux du Canada;

CONFIRME la décision rendue le 12 avril 2006, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur François Gaumond, le travailleur, est porteur d’une maladie professionnelle pulmonaire, soit une amiantose, que cette maladie l’a laissé porteur d’une atteinte permanente de 45,50 % lui donnant droit à une indemnité pour préjudice corporel de 19 373,45 $.

Dossier 287415-62-0604

ACCUEILLE la requête de Chemins de fer Nationaux du Canada;

INFIRME la décision rendue le 12 avril 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que Chemins de fer Nationaux du Canada n’a pas à être imputé du coût des prestations versées à monsieur François Gaumond en relation avec sa maladie professionnelle pulmonaire.

 

 

__________________________________

 

Lucie Couture, avocate

 

Commissaire

 

 

 

M. Paul Côté

Santragest inc.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Denis Mailloux

CSN

Représentant de monsieur François Gaumond

 

 

Mme Émilie Savard

Médial Conseil Santé Sécurité inc.

Représentante de Administration Portuaire de Montréal

 

 

Me Monique Martin

Représentante de Ville de Montréal

 

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