Décision

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Lambert Somec inc. et Boulanger

2009 QCCLP 5543

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saguenay :

Le 6 août 2009

 

Région :

Saguenay-Lac-Saint-Jean

 

Dossiers :

353797-02-0807      360158-02-0810      362819-02-0811

 

Dossier CSST :

125442509

 

Commissaire :

Réjean Bernard, juge administratif

 

Membres :

André Beaulieu, associations d’employeurs

 

Guy Gingras, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Dr Yves Landry

______________________________________________________________________

 

353797-02-0807      362819-02-0811

360158-02-0810

 

 

Lambert Somec inc.

Karine Boulanger

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Karine Boulanger

Lambert Somec inc.

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 353797-02-0807

[1]                Le 18 juillet 2008, Lambert Somec inc. (l’employeur) dépose devant la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST, le 10 juillet 2008, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), d’une part, déclare irrecevable la demande de révision de l’employeur quant à l’évaluation médicale faite par le médecin de madame Karine Boulanger (la travailleuse) et, d’autre part, confirme la décision initiale qu’elle a rendue le 31 mars 2008. Conséquemment, elle déclare que la lésion professionnelle survenue le 27 septembre 2003[1] a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,0 %[2], à laquelle s’ajoutent des douleurs et perte de jouissance de la vie évaluées à 0,2 % et une indemnité pour préjudice corporel s’élevant à 1 583,56 $.

Dossiers 360158-02-0810 et 362819-02-0811

[3]                Le 10 octobre 2008 et le 12 novembre 2008, la travailleuse et l’employeur déposent respectivement, devant le tribunal, chacun une requête par laquelle ils contestent une décision rendue par la CSST, le 3 octobre 2008, à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme la décision initiale qu’elle a rendue le 25 juillet 2008 subséquemment à l’avis du Bureau d’évaluation médicale (BEM) émis le 19 juillet précédent. Elle déclare que la travailleuse n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel, sa lésion initiale, survenue le 27 septembre 2003, n’ayant pas entraîné d’atteinte permanente, et qu’elle est capable de reprendre son travail vu l’absence de limitation fonctionnelle.

[5]                Dans un second volet, la CSST déclare que la décision initiale, datée du 19  août 2008, constitue une nouvelle décision et non pas une décision en reconsidération rendue en vertu de l’article 365 la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi). Elle confirme ensuite cette décision pour d’autres motifs et déclare que la travailleuse n’a plus droit, en vertu de l’article 48 de la loi, à une indemnité de remplacement du revenu en lien avec sa lésion initiale.

[6]                Une audience est tenue le 8 juin 2009, à Saguenay. La travailleuse est présente et représentée par procureur, de même que l’employeur, lequel est accompagné de monsieur Stéphane Moisan, responsable des contrats. 

[7]                En début d’audience, l’employeur a déposé un tableau récapitulatif des rapports médicaux contenus dans le dossier administratif, lequel est coté comme pièce E-1 et un cahier de doctrine médicale, lequel est coté comme pièce E-2. 

 

 

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[8]                La travailleuse demande au tribunal de reconnaître l’atteinte permanente de même que les limitations fonctionnelles émises par le Dr Michel Giguère, le 15 février 2008. Son procureur confirme que la travailleuse ne conteste plus la conclusion de la CSST relativement à la terminaison de l’indemnité de remplacement du revenu versée en raison de la lésion professionnelle survenue le 27 septembre 2003 (article 48 de la loi).

[9]                L’employeur précise que son intention initiale était de contester spécifiquement la date de consolidation fixée au 7 septembre 2006, quant à la lésion survenue le 27 septembre 2003, telle que retenue par la CSST dans sa décision du 25 juillet 2008. Cependant, il reconnaît expressément ne plus contester cet élément du litige et qu’en conséquence le tribunal n’est pas saisi de cette question et n’a pas à déterminer une date de consolidation. En fait, l’employeur n’a plus de contestation à faire valoir.

LES FAITS

La lésion initiale

[10]           La travailleuse œuvrait pour l’employeur à titre de mécanicienne de chantier. Le 27 septembre 2003, elle marchait le corps penché dans un espace restreint. En se redressant, elle s’est heurté la tête contre un tuyau. Il appert de la preuve au dossier qu’elle portait un casque de sécurité à ce moment.

[11]           À l’audience, la travailleuse soutient ne pas avoir été affectée de problèmes cervicaux antérieurement à cet événement. Cependant, par la suite, elle aurait ressenti une sensation de chaleur à la base du cou du côté gauche. La CSST a reconnu cet accident du travail en lien avec un diagnostic d’entorse cervicale.

[12]           Dans la semaine qui a suivi, elle aurait ressenti des picotements et des brûlures qui auraient irradié dans la région de l’omoplate en plus d’un engourdissement du bras gauche. Ces sensations auraient perduré jusqu’à ce jour de même qu’une impression de torticolis.

[13]           La travailleuse explique qu’elle est retournée au travail au mois de février 2004. Son syndicat lui aurait déniché un travail d’aide-arpenteur, à Sept-Îles, qui aurait duré huit mois.

[14]           Les notes de monsieur Jean Blackburn, physiothérapeute, indiquent que la travailleuse a reçu 40 traitements entre le 7 novembre 2003 et le 24 février 2004. Les traitements auraient pris fin en raison de son départ pour Sept-Îles. À ce moment, la douleur cervicale aurait persisté, les amplitudes articulaires se seraient améliorées bien qu’elles seraient demeurées incomplètes. 

La récidive, rechute ou aggravation

[15]           Au mois d’octobre 2005, les douleurs cervicales se seraient accentuées. La travailleuse aurait, selon ses dires, paralysé  du côté gauche, depuis le cou jusqu’au bassin, en plus de ressentir des spasmes et des crampes.

[16]           Le 15 octobre 2005, elle soumet à la CSST une réclamation concernant une récidive, rechute ou aggravation de la lésion initiale, qui serait survenue le 13 octobre précédent. Cette réclamation, en lien avec un diagnostic de hernie discale C6-C7, est d’abord acceptée par la CSST, puis finalement rejetée  par la Commission des lésions professionnelles[4].

[17]           Le 25 octobre, le Dr Ali Muslemani diagnostique une entorse cervicale et une hernie discale C6-C7.

[18]           Le 27 octobre, les notes de consultation du Dr Hans McLelland, neurochirurgien,  font référence à une importante cervicalgie avec brachialgie exquise et à une entorse cervicale qui s’est produite en 2003. Il note que « le tableau est nettement aggravé ».

[19]           Le 16 décembre 2005, le Dr McLelland procède à une discoïdectomie au niveau C6-C7 du côté gauche. Aux dires de la travailleuse, l’intervention aurait éliminé la paralysie, mais n’aurait pas atténué les symptômes qu’elle décrit comme étant antérieurs à la hernie, soit les picotements et le torticolis.

[20]           Le 15 août 2006, le Dr Marc Bilodeau diagnostique une entorse cervicale et recommande un retour au travail le 24 septembre suivant. Ce rapport est contesté par l’employeur.

[21]           L’employeur désigne le Dr Paul-O. Nadeau, orthopédiste, afin d’examiner la travailleuse. Dans son expertise, datée du 28 juin 2006, il consolide l’entorse cervicale, en lien avec l’événement initial (27 septembre 2003), en février 2004 et ne retient pas d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle.

[22]           Dans le cadre de la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation (octobre 2005), il diagnostique une hernie discale C7, qu’il attribue à une condition dégénérative. Il accorde à ce titre une atteinte permanente de 3 % sans limitation fonctionnelle.

[23]           Le 7 septembre 2006, le Dr Bilodeau complète un rapport final dont le diagnostic est :

séquelle d’entorse cervicale

postchirurgie

cicatrice de la chirurgie et douleur cervicale résiduelle.

 

Le médecin consolide la lésion le 7 septembre 2006 en retenant une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Ce rapport est également contesté par l’employeur, tel qu’en fait foi l’estampille qui y est apposée.

[24]           Le formulaire de transmission du dossier au BEM, daté du 19 septembre 2006, spécifie que la demande est reliée à une récidive, rechute ou aggravation en lien avec un événement, qui serait survenu le 24 octobre 2005. Les rapports contestés du Dr Bilodeau sont ceux du 15 août et du 7 septembre 2006.

[25]           Le 20 novembre 2006, le Dr Bilodeau indique dans son rapport que l’entorse cervicale a été opérée par le Dr McLelland et que persiste une douleur incommodante.

[26]           Le 24 novembre 2006, le Dr Jean-Pierre Lacoursière, orthopédiste, émet l’avis du BEM concernant la récidive, rechute ou aggravation. Le Dr Lacoursière consolide la lésion (hernie discale C6-C7) le 17 novembre 2006 et déclare que les traitements administrés à ce jour ne sont plus indiqués. D’autre part, il évalue l’atteinte permanente à l’intégrité physique à 13 %[5], dont 2 % est émis spécifiquement pour une entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées. Finalement, il émet des limitations fonctionnelles.

[27]           La reconnaissance de la récidive, rechute ou aggravation par la CSST ayant été contestée par l’employeur, la Commission des lésions professionnelles[6] conclut, le 14 septembre 2007, que :

le diagnostic de hernie discale C6-C7 n’est pas en relation avec l’accident du travail subi par la travailleuse le 27 septembre 2003, mais qu’il découle de l’évolution de sa condition personnelle préexistante de discopathie dégénérative.

 

[28]           En conséquence, elle déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 13 octobre 2005.

Atteinte permanente, limitations fonctionnelles et lien avec la lésion initiale

[29]           Le 25 janvier 2007, le Dr Bilodeau fait référence dans son rapport médical au rapport final qu’il avait complété antérieurement (7 septembre 2006) et diagnostique des séquelles d’entorse cervicale en plus de recommander une aide psychologique. Le 6 septembre 2007, le médecin réitère son diagnostic et suggère de compléter le suivi psychologique.

[30]           Le 15 février 2008, le Dr Giguère, orthopédiste, rédige un rapport d’évaluation médicale dans lequel il dresse le bilan des séquelles en regard de la lésion initiale (entorse cervicale). Il retient l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique qu’il évalue à 2 %[7]. D’autre part, compte tenu de la persistance des douleurs depuis l’événement d’origine, que relève le Dr Giguère, celui-ci émet les limitations suivantes:

Madame doit éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

- soulever, porter, pousser, tirer des charges supérieures à 5 kilos,

- effectuer des mouvements de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale, même de faible amplitude,

- ramper,

- subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale,

- rester assise de façon prolongée plus de 60 minutes,

- conduire une automobile pendant plus de 60 minutes,

- travailler dans des postures contraignantes.

 

[31]           L’employeur désigne le Dr Paul-O. Nadeau, orthopédiste, afin d’examiner la travailleuse. Dans son expertise datée du 17 avril 2008, il consolide, comme il l’avait fait auparavant, l’entorse cervicale au mois de février 2004 sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle compte tenu :

Ø        de l’examen contemporain de la lésion effectué le 20 novembre 2003 par le Dr Bilodeau, lequel notait des amplitudes complètes et un examen neurologique normal;

 

Ø        qu’en décembre 2003, la physiothérapeute considérait la travailleuse asymptomatique;

 

Ø        et qu’en février 2004 les traitements étaient terminés.

 

[32]           Il ajoute que la travailleuse était affligée d’une « dégénérescence discale et de hernie discale » qu’il consolide le jour de son examen, soit le 14 avril 2008 sans nécessité de traitement. Il lui attribue une atteinte permanente totale de 4 % pour la hernie discale (3 %) et la limitation de mobilité en flexion latérale gauche (1 %). Il identifie, en raison de la dégénérescence discale, les limitations fonctionnelles suivantes : éviter de soulever des charges de plus de 20 kilos et les mouvements extrêmes au niveau du rachis cervical.

[33]           Le 31 mars 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle accorde une atteinte permanente de 2,2 %, incluant un taux de 0,2 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie, en plus d’une indemnité pour préjudice corporel s’élevant à 1 583,56 $.

[34]           Le 15 mai 2008, le Dr Giguère complète un rapport complémentaire et réitère ses conclusions eu égard à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles.

[35]           Le 10 juillet 2008, la CSST, à la suite d’une révision administrative, déclare irrecevable la demande de révision de l’employeur, car la procédure de contestation médicale n’aurait pas été suivie. La CSST se reconnaît liée par le rapport d’évaluation médicale complété, le 15 février 2008, et déclare que le bilan des séquelles dressé par le Dr Giguère est conforme au Règlement sur le barème des dommages corporels[8].  Finalement, elle confirme la décision initiale rendue le 31 mars précédent.

[36]           Le 19 juillet 2008, le Dr Gaston R. Paradis, orthopédiste, signe un deuxième avis du BEM concernant, cette fois-ci, uniquement l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles liées à l’événement du 27 septembre 2003 (entorse cervicale). Dans ses commentaires, le membre du BEM souligne que « [l]’accident initial a été plutôt anodin » et que les premiers intervenants prévoyaient une courte assignation temporaire. Il relève de son examen la présence de « discrètes limitations d’amplitudes articulaires au niveau du rachis cervical ». Selon l’orthopédiste, cette discrète perte d’amplitude pourrait s’expliquer en raison de la discoïdectomie cervicale et de la condition dégénérative propre à la travailleuse. Finalement, le Dr Paradis partage l’opinion du Dr Nadeau et considère que l’événement d’origine n’a pas entraîné d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle. 

[37]           Le 25 juillet 2008, la CSST rend une décision suite à cet avis du BEM et déclare que la lésion initiale (27 septembre 2003) n’a pas entraîné d’atteinte permanente. D’autre part, elle déclare la travailleuse capable d’exercer son emploi à compter du 7 septembre 2006, compte tenu de la date de consolidation fixée au même jour et de l’absence de limitation fonctionnelle. Finalement, elle déclare que le droit de retour au travail est expiré depuis le 13 octobre 2007.

[38]           Le 19 août 2008, la CSST rend une seconde décision par laquelle elle reconsidère la décision du 25 juillet. Le droit de retour au travail étant expiré le 13 octobre 2007, elle déclare que le contrat de travail à durée déterminée, qui prévalait entre les parties, n’est plus en vigueur et que la travailleuse n’a plus droit à la prolongation du versement des indemnités, qui s’achève le 24 juillet 2008.

[39]           Le 3 octobre 2008, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative concernant les deux décisions précédentes. Dans un premier volet, elle se déclare liée par l’avis du BEM (15 juillet 2008), confirme la décision du 25 juillet et déclare que la travailleuse n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel, sa lésion n’ayant pas entraîné d’atteinte permanente. Dans un second volet, la travailleuse est reconnue capable de reprendre son travail habituel étant donné l’absence de limitation fonctionnelle.

[40]           D’autre part, la CSST déclare que la décision du 19 août constitue une nouvelle décision et non pas une décision qui reconsidère celle rendue le 25 juillet précédent. Ensuite, elle confirme, en raison d’autres motifs, la décision du 19 août et déclare que la travailleuse n’a pas droit à une indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 48 de la loi.

[41]           Depuis l’événement initial, la travailleuse soutient avoir eu des difficultés à effectuer les activités d’entretien intérieur et extérieur de sa résidence et elle a dû cesser le vélo. Ses relations avec son conjoint ou ses enfants en auraient été affectées.

[42]           La travailleuse explique que sa situation aurait été difficile pendant les deux années qui ont suivi l’apparition de la hernie, mais que les conséquences de cette pathologie se seraient résorbées depuis six mois. 

[43]           D’ailleurs elle a recommencé à occuper un emploi occasionnel de bureau. Elle ne croit pas, cependant, être en mesure physiquement d’effectuer ce travail sur une base régulière. Présentement, elle dit encore ressentir les sensations de chaleur, de picotement et d’engourdissement qui irradient jusque dans la main droite (pouce, index et majeur).

Témoignage de monsieur Stéphane Moisan

[44]           L’avocat de l’employeur a renoncé à interroger ce témoin, étant donné que le procureur de la travailleuse a réitéré son admission concernant la conclusion de la décision rendue par la CSST le 3 octobre 2008 énonçant que :

suite à sa lésion professionnelle du 27 septembre 2003, la travailleuse n’a pas droit à une indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 48 de la loi.

 

Témoignage du Dr Paul-O., Nadeau, orthopédiste

[45]           Le statut d’expert du Dr Nadeau est reconnu par le tribunal, celui-ci n’étant d’ailleurs pas contesté par la travailleuse.

[46]            L’orthopédiste rencontre la travailleuse le 14 avril 2008, tel qu’il appert de son expertise datée du 17 avril.  Il énonce que la travailleuse n’a pas d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle en relation avec l’événement d’origine (27 septembre 2003).

[47]           Le Dr Nadeau confirme d’abord l’adéquation entre les douleurs subjectives alléguées par la travailleuse, lors de son témoignage, et celles qu’elle lui avait confiées lors de son examen.

[48]           Il reprend, ensuite, les conclusions de son expertise dans laquelle il consolide  l’entorse cervicale au mois de février 2004 sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et sans nécessité de traitements additionnels.

[49]           D’autre part, il réitère, tel que mentionné dans son expertise, le diagnostic de hernie discale, qu’il attribue à  une condition dégénérative. Il consolide cette pathologie le jour de son examen, soit le 14 avril 2008, avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[50]           Le Dr Nadeau se référant aux définitions de dictionnaires usuels, pièce E-2 onglet 1, définit l’entorse cervicale comme étant une élongation capsulaire et ligamentaire, voire musculaire, autour d’une articulation provoquée par un mouvement effectué à la limite de son amplitude sans qu’il y ait eu toutefois une perte de contact des surfaces articulaires. Il s’agit donc d’une lésion des tissus mous et non pas d’une atteinte discale.

[51]           La période de guérison de l’entorse varierait selon l’importance du traumatisme qui l’a provoquée. L’orthopédiste réfère à l’ouvrage de Griffin[9] et identifie trois phases dans ce processus de guérison : la phase inflammatoire, la phase de réparation où l’organisme entame un processus de régénération cellulaire et la phase de maturation où s’effectuent la réorganisation et le « réenlignement » des fibres.

[52]           Le Dr Nadeau réfère également par analogie aux constations du Dr Thomas J. Noonan[10] relativement aux atteintes musculaires, dont le processus de guérison est complété après une semaine dans le cas d’une blessure mineure, mais peut prendre de quatre à huit semaines dans les autres cas.

[53]           En résumé, le processus de guérison devrait prendre de deux à trois semaines dans le cas d’un traumatisme léger.[11] En l’espèce, la travailleuse a rencontré son médecin traitant, le Dr Bilodeau, en novembre 2003. Ses notes de consultation[12] révèlent que les mouvements au niveau du rachis cervical sont complets de même que  l’examen neurologique. L’examen clinique objectif s’avérerait donc normal. Dans ce contexte de normalisation survenu après cinq ou six semaines du trauma, le Dr Nadeau affirme que l’entorse est guérie, bien que des traitements physiothérapiques puissent être utiles.

[54]           Le Dr Nadeau aborde ensuite la question du traitement. Il précise d’abord qu’il est médicalement reconnu[13] que la prise d’anti-inflammatoires est inutile dans le processus de guérison d’une lésion musculosquelettique. Sa consommation, après la  phase inflammatoire, d’une durée de deux à trois jours, n’a qu’un effet analgésique et ne peut donc être un signe de non-consolidation de la lésion. 

[55]           L’orthopédiste explique que l’objectif de la physiothérapie est alors de recouvrer souplesse, mobilité et force dans la région en processus de réparation. La physiothérapie devrait donc débuter quelques jours après la phase inflammatoire et se poursuivre pendant deux à quatre semaines selon la sévérité de la lésion. Ces traitements devraient prendre fin lorsque les mouvements sont complets et que la force est adéquate.

[56]           En l’espèce, le Dr Nadeau réfère aux notes de consultation du Dr Bilodeau[14] prises les 10 et 20 novembre 2003 et aux rapports de physiothérapie[15] pour conclure que l’évolution de la travailleuse s’avère très favorable.

[57]           Selon le Dr Nadeau, l’évolution constatée tant par le médecin traitant que le physiothérapeute révèle des amplitudes articulaires complètes, des améliorations tant subjectives qu’objectives, des examens clinique et neurologique normaux, lesquels justifient l’absence d’atteinte permanente et une consolidation de la lésion à cette époque.

[58]           Le Dr Nadeau soutient qu’une entorse consolidée ne peut récidiver. En effet, lorsque les ligaments et les fibres ont repris leurs places et leur formes, ils ne pourraient se briser de nouveau ni se contracter, ni restreindre la mobilité à moyen ou long terme. L’organisme cesse de produire des fibres de collagène et le processus de guérison prend fin. Dès lors, l’amplitude articulaire retrouvée l’est définitivement et il ne peut y avoir de détérioration subséquente. Sur le plan physiologique, l’état deviendrait stationnaire et le demeure, à moins que survienne un nouveau traumatisme, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[59]           Le Dr Nadeau fixe la consolidation de l’entorse cervicale au plus tard en février 2004 et il rappelle que le temps de guérison ne varie pas selon la condition de chacun, mais uniquement selon l’importance du traumatisme, qui en l’espèce était mineur.

[60]           Dans la présente affaire, l’orthopédiste constate une détérioration postérieure de la travailleuse eu égard à la hernie discale.

[61]           En regard de cette pathologie, le Dr Nadeau réfère à la synthèse des connaissances  médicales  réalisée  par  le  Dr Alexander G. Hadjipavlou  relativement à la dégénérescence et la lésion discales, pièce E-2 onglet 6.[16] Le mécanisme de production de la lésion traumatique d’un disque[17] s’effectuerait suite à un mouvement de rotation ou de torsion au niveau ligamentaire ou capsulaire qui excède la capacité maximale d’élasticité ligamentaire pour finalement briser le disque. Toutefois, si une personne subit un mouvement de compression axiale important (haut vers le bas), comme par exemple un coup sur la tête, un tel traumatisme engendrera un bris de la plaque osseuse du corps vertébral.[18] En l’absence d’un événement traumatique, la hernie discale est provoquée par une condition dégénérative.

[62]           En l’espèce, la travailleuse a subi une discoïdectomie, soit une résection du noyau discal. L’enlèvement du noyau entraîne une diminution de la capacité d’absorption lors d’un choc et une accélération du processus de dégénérescence due au glissement d’un corps vertébral l’un sur l’autre.

[63]           Le Dr Nadeau soutient que la travailleuse s’est plainte, pendant son témoignage, de douleurs irradiant dans le bras et d’engourdissements au même endroit. Les symptômes d’une hernie discale au niveau C6-C7 sont, d’après la doctrine[19], une irradiation à la face antérolatérale du bras, de l’avant-bras, de l’index et du médius, soit une symptomatologie décrite par la travailleuse lors de son témoignage et qui, selon lui, est liée directement à la hernie discale de la travailleuse. Il soutient que cette symptomatologie toujours présente découle de la discoïdectomie.

[64]           Le Dr Nadeau précise que si la symptomatologie était reliée à une entorse, elle se serait traduite par des limitations de mouvements accompagnées d’une sensation douloureuse lors de la fin de course de ces mouvements. La preuve médicale ne révèle pas, selon lui, de telles limitations de mouvements et celles-ci ne peuvent apparaître subséquemment.

[65]           À la demande spécifique du procureur de la travailleuse, le Dr Nadeau a présenté une ventilation des signes et symptômes propres à la hernie discale, à la lésion dégénérative et à l’entorse cervicale.

 

Hernie discale

► douleur radiculaire;

► déficit sensitif précis selon le dermatome;

► faiblesse musculaire précise selon le myotome;

► atrophie musculaire précise selon le myotome;

► toux, éternuements, valsalva et douleurs selon le dermatome;

►changement de réflexe précis selon la racine.

 

Lésion dégénérative

► douleur en positions  statiques soulagée par le changement de la position;

► douleurs à la palpations des facettes;

► douleurs nocturnes.

 

Entorse cervicale

► aucun si l’examen est normal à la consolidation;

► douleurs en fins de course des mouvements si l’examen est anormal.

 

[66]           Le Dr Nadeau précise qu’il existe d’autres signes ou symptômes qui sont communs à ces pathologies et qui peuvent se retrouver indistinctement dans l’une ou l’autre, telles que les céphalées, les douleurs cervicales, les spasmes musculaires, les contractures et la sensibilité à la palpation.

[67]           Finalement, l’orthopédiste commente le tableau récapitulatif des rapports médicaux contenus dans le dossier administratif, pièce E-1. Il relève des variations appréciables dans les mesures de flexions et d’extensions prises par les médecins qui sont intervenus dans le dossier entre le 28 juin 2006 et le 15 juillet 2008.

Médecins  et  date d’examen

flexion

extension

flexion latérale droite

flexion latérale gauche

28-06-06

44º

68º

44º

42º

18-12-06 Dr Giguère

40º

30º

30º

30º

17-11-06 Dr Lacoursière

40º

20º

30º

40º

15-02-08 Dr Giguère

40º

30º

40º

30º

14-04-08

44º

48º

34º à 48º

20º à 34º

15-07-08 Dr Paradis

30º

30º

30º

30º

 

[68]           Dans le cas d’une entorse, ces mesures auraient dû être, selon lui, quasi uniformes sans excéder un écart de 5 % imputable aux examinateurs eux-mêmes. En l’espèce,  les variations notées sont importantes et s’expliquent, selon le Dr Nadeau, en raison de la condition variable de la travailleuse, qui serait un tableau typique d’une condition discale dégénérative.

[69]           Il conclut que l’ensemble du tableau clinique objectif et subjectif est cohérent avec une pathologie discale dégénérative avec statut postdiscoïdectomie et non d’une problématique d’entorse cervicale.

 

Réinterrogatoire de la travailleuse

[70]           La travailleuse soutient que depuis la survenance de l’événement initial, elle a ressenti des difficultés en fin d’exécution de ses mouvements dans les cas de rotations « à gauche à droite, en haut en bas, » en soulevant le bras et dans les positions statiques (assise, debout et accroupie) maintenues de façon prolongée.  

Argumentaire des parties

[71]           Le procureur de la travailleuse fait valoir que le dossier révèle l’existence de deux diagnostics distincts, soit celui d’entorse cervicale, lequel a été reconnu, et celui de hernie discale, qui ne l’a pas été. Il s’agirait de deux problématiques distinctes avec leur propre symptomatologie. La preuve ne révèlerait pas d’antécédent dans la région cervicale et la travailleuse aurait été asymptomatique malgré les changements dégénératifs déjà constatés.

[72]            Entre la survenance de l’événement initial (27 septembre 2003) et la manifestation de la hernie discale (13 octobre 2005), la travailleuse aurait manifesté des symptômes clairs et précis, tels que des douleurs, de la difficulté à se coucher sur le dos, des limitations en fin de mouvements et des difficultés à exécuter certains mouvements ou à maintenir certaines positions.

[73]           À l’hiver 2004, la travailleuse aurait effectué un retour au travail comportant des travaux légers. La travailleuse aurait poursuivi ses traitements de physiothérapie quelques temps seulement et aurait continué à prendre la médication prescrite par son médecin traitant.

[74]           En octobre 2005, des symptômes différents se seraient manifestés, soit une sensation de paralysie du côté gauche liée à la hernie discale. Une discoïdectomie est pratiquée, puis, une année ou deux plus tard, la condition de la travailleuse se serait rétablie, eu égard à cette pathologie. Cependant, la condition antérieure liée à l’entorse cervicale (27 septembre 2003) aurait persisté, se manifestant par des difficultés à maintenir des positions statiques, des douleurs et des picotements.

[75]           En dépit de l’apparition d’une hernie discale, le 13 octobre 2005, la preuve médicale révélerait la continuité d’une symptomatologie distincte liée à l’entorse cervicale. 

[76]           Le procureur de la travailleuse soutient que l’entorse cervicale a été consolidée, le 7 septembre 2006, par le médecin traitant et les conclusions de ce rapport final lient le tribunal, car il n’a pas été contesté conformément à la procédure d’évaluation médicale. Conséquemment, il demande au tribunal de confirmer l’atteinte permanente de 2,2 % de même que les limitations fonctionnelles émises par le Dr Giguère.

[77]           L’avocat de l’employeur soumet que l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, chez la travailleuse, n’est pas en lien avec l’entorse cervicale, mais découlent de sa hernie discale. Il s’appuie sur les opinions émises par son expert et le membre du BEM, le 19 juillet 2008, pour soutenir son point de vue.

L’AVIS DES MEMBRES

[78]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que  le rapport d’évaluation médicale complété par le Dr Giguère, le 15 février 2008, constitue le véritable rapport final et qu’il a été contesté conformément à la procédure d’évaluation médicale.

[79]           D’autre part, ils croient que la travailleuse ne présente pas d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle en relation avec l’événement initial survenu le 27 septembre 2003 (entorse cervicale).

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Dossier 353797-02-0807

[80]           La décision de la CSST rendue le 10 juillet 2008 à la suite d’une révision administrative s’avère sans effet et la contestation de l’employeur reçue par le tribunal, le 18 juillet 2008, sans objet.

[81]           D’une part, cette décision déclare irrecevable la demande de révision de l’employeur quant à l’évaluation médicale faite par le médecin de la travailleuse et, d’autre part, confirme la décision initiale qu’elle a rendue le 31 mars 2008. Conséquemment, elle déclare que la lésion professionnelle, survenue le 27 septembre 2003[20], a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,0 %[21], auquel s’ajoute un taux de 0,2 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie, lequel entraîne une indemnité pour préjudice corporel de 1 583,56 $.

[82]           D’autre part, le formulaire de contestation de la procédure médicale devant le BEM[22] indique que la CSST a reçu la demande de l’employeur le 25 avril 2008.  Cette demande a donné lieu à un avis du BEM, signé le 19 juillet 2008 par le Dr Paradis. En raison de cet avis, la CSST a rendu une seconde décision le 25 juillet 2008 (dossier 360158-02-0810) et a déclaré que la lésion initiale (27 septembre 2003) n’avait pas entraîné d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle.

[83]           Cette décision du 25 juillet 2008, rendue après l’émission de l’avis du BEM, rend conséquemment caduques et remplace[23] les décisions du 31 mars 2008 de même que celle du 10 juillet 2008, rendue après une révision administrative, laquelle octroyait une atteinte permanente consécutivement à la lésion initiale et déclarait irrecevable la demande de révision de l’employeur quant à l’évaluation médicale de la travailleuse.

Dossiers 360158-02-0810 et 362819-02-0811

[84]           La décision de la CSST relative à la cessation du versement de l’indemnité de remplacement du revenu, conformément à l’article 48 de la loi, n’est plus contestée, tel que confirmé, à l’audience, par l’avocat de la travailleuse.

[85]           Le tribunal doit maintenant décider si la lésion initiale, survenue le 27 septembre 2003 (entorse cervicale), a entraîné une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[86]           D’entrée de jeu, le tribunal doit décider s’il est lié par le rapport final émis, le 7 septembre 2006, par le médecin traitant (Dr Bilodeau). En effet, le procureur de la travailleuse soutient que ce rapport n’aurait pas été contesté, tel que le prévoit la procédure de contestation médicale. 

[87]           Le tribunal retient que l’intention manifeste de l’employeur était de contester l’existence de séquelles de la lésion initiale.

[88]           D’abord, l’employeur a contesté le rapport final dans le cadre de la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation, ce qui a conduit à l’émission du premier avis du BEM, le 24 novembre 2006, par le Dr Lacoursière.

[89]           Ensuite, la Commission des lésions professionnelles a clos cette affaire, le 14 septembre 2007, en n’établissant pas de relation entre la hernie discale et l’événement initial.

[90]           Cinq mois plus tard, la travailleuse obtient un rapport d’évaluation médicale rédigé par le Dr Giguère, lequel identifie une atteinte permanente de 2 % et des limitations fonctionnelles en lien avec l’événement initial (27 septembre 2003).

[91]           Ce rapport d’évaluation médicale est contesté par l’employeur selon la procédure d’évaluation médicale, mais non pas le rapport final daté du 7 septembre 2006, tel qu’en fait foi le formulaire de transmission du dossier devant le BEM, daté du 20 juin 2008.

[92]           Le Dr Giguère, en évaluant l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, complète la portion du rapport final que le Dr Bilodeau avait laissé inachevé. En effet, ce dernier avait coché « oui » aux questions relatives à l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles en lien avec l’événement d’origine (entorse cervicale). Cependant, il signalait qu’il ne produirait pas le rapport d’évaluation de ces séquelles.

[93]           L’employeur a contesté le rapport final dans le cadre d’une réclamation connexe. De surcroît, il a contesté le rapport d’évaluation médicale (Dr Giguère), lequel a complété le rapport final du Dr Bilodeau demeuré incomplet. En effet, ce dernier avait précisé qu’il ne compléterait pas le rapport d’évaluation en question.

[94]           En ce sens, la jurisprudence[24] de ce tribunal reconnaît que le rapport final doit comporter tous les éléments prévus par l’article 203 de la loi, notamment le pourcentage d’atteinte permanente et la description des limitations fonctionnelles, pour lier le tribunal. Le simple formulaire de la CSST intitulé « rapport final » qui ne comporte pas ces mentions ne respecte pas les conditions imposées par l’article 203 de la loi.

203.  Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :

 

1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;

 

2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

 

3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

__________

1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.

 

[95]           Compte tenu des circonstances particulières de cette affaire, l’employeur devait contester le rapport d’évaluation médicale, qui, en l’espèce, constitue le véritable rapport final quant à la détermination de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. La procédure de contestation médicale ne souffre, en sorte, d’aucune irrégularité qui justifie d’invalider le processus.

[96]            En conséquence, le tribunal n’est pas lié par le rapport incomplet du 7 septembre 2006.

[97]           Ensuite, le tribunal doit départager les conclusions médicales nettement contradictoires, qui lui sont présentées relativement à l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles en relation avec la lésion initiale survenue le 27 septembre 2003.

[98]           D’une part, le Dr Lacoursière émet, le 24 novembre 2006, un premier avis du BEM dans le cadre d’une récidive, rechute ou aggravation, dans lequel il retient une attente permanente de 2 % eu égard à l’entorse cervicale et des limitations fonctionnelles non différenciées entre l’entorse cervicale et la hernie discale. Le 15 février 2008, le Dr Giguère retient dans son rapport d’évaluation médicale une atteinte permanente de 2 % et des limitations fonctionnelles en lien avec l’entorse cervicale.

[99]           D’autre part, le Dr Nadeau (expert de l’employeur) et le Dr Paradis, dans un second avis du BEM (19 juillet 2008), s’entendent pour conclure que la lésion initiale n’a pas entraîné d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle et que les séquelles observées sont dues à la dégénérescence discale et à la discoïdectomie pratiquée sur la travailleuse.

[100]       Le tribunal retient que la preuve de l’employeur est prépondérante pour établir que la lésion initiale (l’entorse cervicale) n’a pas entraîné d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle.

[101]       En premier lieu, l’événement initial, qui a généré l’entorse cervicale, apparaît mineur, comme le révèle la preuve.

[102]       Ensuite, le témoignage de l’expert de l’employeur, étayé par la doctrine médicale pertinente, est prépondérant pour établir que la période de guérison d’une entorse cervicale provoquée par un faible trauma oscille entre deux et trois semaines. Or, près de deux mois plus tard (20 novembre 2003), le médecin traitant brosse un tableau clinique normal avec des amplitudes complètes de mouvements au niveau du rachis cervical et un examen neurologique normal.

[103]       Ce contexte de normalisation de l’entorse cervicale se vérifie également par le biais des rapports de physiothérapie. Entre le 22 décembre 2003 et le 5 février 2004, le physiothérapeute note une amélioration rapportée par la travailleuse et observe des amplitudes de mouvements grandement améliorées. D’autre part, le Dr Paradis identifiait dans son avis du BEM (le 19 juillet 2008) que la travailleuse présentait de « discrètes limitations d’amplitudes articulaires au niveau du rachis cervical », qu’il relie à la discoïdectomie et à la condition dégénérative de la travailleuse.

[104]       Dans ce contexte d’une entorse cervicale engendrée par un trauma mineur, le tribunal retient que la normalisation de la situation de la travailleuse, révélée par des amplitudes articulaires complètes, des améliorations tant subjectives qu’objectives, des examens clinique et neurologique normaux, permet d’établir de façon prépondérante que la lésion initiale n’a pas entraîné d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle.

[105]       Du même souffle, le tribunal établit que la preuve n’est pas prépondérante pour soutenir que la travailleuse a éprouvé, depuis l’événement initial, une symptomatologie persistante et distincte liée à l’entorse cervicale.

[106]       En effet, la travailleuse soutient, en ce sens, qu’elle n’a jamais cessé d’éprouver des douleurs cervicales, des sensations de picotements, de chaleur irradiant dans la région de l’omoplate et d’engourdissements dans le bras gauche jusqu’au bout des doigts, de même que des difficultés à maintenir des positions statiques.

[107]        Le tribunal retient l’opinion du Dr Nadeau comme étant prépondérante pour établir que la symptomatologie de la travailleuse est liée à la pathologie discale dégénérative avec statut postdiscoïdectomie et non pas à l’entorse cervicale. En ce sens, l’expert de l’employeur a fait la distinction entre les signes et symptômes propres à la hernie discale, à la condition dégénérative et à l’entorse cervicale.

[108]       Il appert de cette preuve non contredite que la douleur irradiant dans le bras et la sensation d’engourdissement découlent de la hernie discale et de la discoïdectomie. Les douleurs provenant du maintien des positions statiques et les douleurs nocturnes sont dues à sa condition dégénérative.

[109]       D’autre part, les allégations de douleurs cervicales et de picotements ne sont pas suffisantes pour établir des séquelles propres à l’entorse cervicale.

[110]       Le Dr Nadeau avait identifié comme signe propre à l’entorse cervicale la présence de douleurs en fin de course des mouvements. La preuve médicale n’établit pas de façon prépondérante la présence de ce signe. Bien que la travailleuse ait allégué de telles difficultés lors de son réinterrogatoire, le tribunal n’accorde pas de force probante à ces allégations. D’une part, la travailleuse avait été muette à cet égard lors de son interrogatoire et cette portion de son témoignage est apparue récitée. De plus, le réinterrogatoire de la travailleuse est survenu après le témoignage du Dr Nadeau et que soit survenue une interruption de l’audience.

[111]       Finalement, le Dr Nadeau a commenté le tableau récapitulatif des rapports médicaux, pièce E-1. Son témoignage non contredit démontre que les variations notées dans les mesures prises par les examinateurs,  entre le 28 juin 2006 et le 15 juillet 2008, sont trop importantes pour témoigner d’une entorse et sont plutôt caractéristiques de la condition discale dégénérative de la travailleuse.

[112]       La travailleuse présente une symptomatologie bien réelle. En effet, les orthopédistes, qui se sont penchés sur son dossier, s’entendent du moins pour identifier l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. La preuve est toutefois prépondérante pour établir que ces séquelles ne découlent pas de la lésion initiale, mais de la hernie discale développée en raison d’une condition dégénérative et de la discoïdectomie pratiquée sur la travailleuse.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 353797-02-0807

DÉCLARE sans objet la requête de Lambert Somec inc. (l’employeur) reçue par le tribunal, le 18 juillet 2008.

DÉCLARE caduques et sans effet les décisions de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) rendues le 31 mars 2008 et le 10 juillet 2008 à la suite d’une révision administrative.

Dossiers 360158-02-0810 et 362819-02-0811

REJETTE la requête de madame Karine Boulanger (la travailleuse) déposée le 10 octobre 2008;

DÉCLARE sans objet la requête de Lambert Somec inc. (l’employeur) produite le 12 novembre 2008;

CONFIRME la décision rendue le 3 octobre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse ne présente pas d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle qui découlent de la lésion initiale survenue le 27 septembre 2003.

 

 

__________________________________

 

Réjean Bernard

 

 

 

 

Me Jean-Sébastien Cloutier

A.C.R.G.T.Q.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Jean Bellemare

BELLEMARE, AVOCATS

Représentant de la partie intéressée

 

 

 



[1]           La CSST indique erronément dans sa décision la date du 27 septembre 2007.

[2]           Tel qu’établi dans le rapport d’évaluation médicale de la travailleuse signé par le Dr Michel Giguère, orthopédiste, le 15 février 2008.

[3]           L.R.Q., c. A-3.001.

[4]           Lambert Somec inc. et Boulanger, 293405-02-0607, 14 septembre 2007, J. Grégoire,

[5]           Entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées : 2 %;

discoïdectomie cervicale avec ou sans greffe avec limitations fonctionnelles : 3 %;

diminution de l’extension à 20º : 1,5 %;

diminution de la flexion latérale droite à 30º : 1,5 %;

diminution de la rotation droite à 35º : 3 %;

diminution de la rotation gauche à 55º : 1 %;

atteinte sensitive classe II de la racine C7 gauche : 1 %;

cicatrice chirurgicale non vicieuse de 4,2 cm au niveau du cou : 0 %.

[6]           Précitée, note 4.

[7]           Code 203513, entorse de la colonne cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées avec ou sans changement radiologique.

[8]           A-3.001, r. 0.01.

[9]           L. Y. Griffin, Orthopaedic Knowledge Update Sports Medicine, p. 17, pièce E-2 onglet 9.

[10]         Noonan et Garrett, ‘’Muscle Strain Injury : Diagnosis and Treatment’’, Journal of the American Academy of Orthopaedic Surgeons, pp. 265, pièce E-2 onglet 10.

[11]         Une entorse de grade I devrait guérir en moins de deux semaines, celle de grade II en plus de deux semaines, celle de grade III en plus de six semaines et celle de grade IV conserve une douleur constante. Griffin, précitée note 9, p. 21.

[12]         Page 67 du dossier administratif.

[13]         Noonan, précitée note 7, p. 266.

[14]         En relation avec la réclamation initiale, le Dr Bilodeau note : une radiographie de la colonne cervicale qui révèle un pincement au niveau de C5-C6;  une douleur au niveau C6 avec pression;  des flexions, extensions et rotations normales, de même qu’un examen neurologique normal et recommande de poursuivre la physiothérapie pendant trois à quatre semaines. Page 67 du dossier administratif.

[15]         En ce sens, le rapport de physiothérapie du 22 décembre 2003 mentionne une nette amélioration rapportée par la travailleuse depuis le dernier rapport (2 décembre 2003), l’absence de sensation d’engourdissement et de résonance depuis une semaine et la poursuite du traitement. Le rapport du 5 février 2004 indique une amplitude des mouvements (ROM) améliorée «  +  +  +  » et une bonne évolution.

[16]         Hadjipavlou et autres, ‘’Pathomechanics and Clinical Relevance of Disc Degeneration and Annular Tear : a Point-of-View Review’’, The American Journal of Orthopedics, octobre 1999, pp. 561-571.

[17]         Idem pp. 561-562.

[18]         Idem pp. 563-564.

[19]         R. Leclaire, ‘’chapitre 8 : Rachis cervical’’, pièce E-2 onglet 2, p. 180.

[20]         La CSST indique erronément dans sa décision la date du 27 septembre 2007.

[21]         Tel qu’établi dans le rapport d’évaluation médicale de la travailleuse signé par le Dr Michel Giguère, orthopédiste, le 15 février 2008.

[22]         Page 188 du dossier administratif.

[23]         Laurin et École de conduite du Pontiac, 60102-07-9406, 94-09-26, A. Leydet;

Forest et Rexfor (Somoco), 66102-60-9501, 96-06-10, B. Roy, révision pour cause rejetée, 97-01-28, C. Demers;

Salim et Doubletex inc., 87961-60E-9704, 98-07-28, B. Roy;

Dupuis et Fondation Roy-Larouche inc., 113720-62B-9904, 99-11-30, N. Blanchard, révision rejetée, 00-02-23, M. Carignan;

Larocque et Création Visu inc., 194963-64-0211, 04-03-29, J.-F. Martel; Lamontagne et Auto classique de Laval inc., 237248-61-0406, 04-11-19, S. Di Pasquale; Lévesque et Construction F. Bouchard inc., 259717-32-0504, 05-09-28, G. Tardif;

Centre de santé et de services sociaux Deux-Montagnes/Sud de Mirabel et Martineau, 263278-64-0505, 06-06-14, M. Montplaisir;

Matrec Environnement inc. et Haché, 320707-31-0706, 08-04-30, H. Thériault. 

[24]         Benoît et Ayerst, McKenna et Harrison inc., 08827-60-8808, 93-03-31, M. Cuddihy;

Ouellet et Entr. forestières F.G.O. inc., 26176-01-9101, 93-07-21, M. Carignan;

Dubreuil et Monsanto Canada inc., 37266-60-9202, 94-02-11, S. Di Pasquale;

Larivière et Hôpital du Haut-Richelieu, 38310-62-9203, 94-03-09, M. Lamarre;

Gagné et Chaussures Henri-Pierre inc. (Les), 41250-03-9206, 94-05-02, C. Bérubé;

Leboeuf et Centre d'hébergement (S.L.D.) Biermans-Triest, 15868-60-8912, 95-02-27, J.-G. Béliveau, révision rejetée, 95-10-31, S. Moreau, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-05-013246-952, 96-01-26, j. Viau;Thibodeau et J. H. Ryder Machinerie ltée, 43929-62-9206, 95-06-28, L. Thibault; Colgan et C.A. Champlain Marie-Victorin, [1995] C.A.L.P. 1201 ;

Gagné et Pyrotex ltée, [1996] C.A.L.P. 323 ; Bellemare et Fonderie Grand-Mère ltée, 38632-04-9204, 97-09-22, M. Carignan (décision sur requête en révision);

Morneau et Maison du soleil levant, 140756-08-0006, 01-03-20, R. Savard; Leclair et Ressources Breakwater-Mine Langlois, 138655-08-0004, 01-07-23, P. Prégent; Côté et Gestion Rémy Ferland inc., 175597-03B-0201, 02-06-20, J.-F. Clément; Bussières et Abitibi Consolidated (Division La Tuque), [20 04] C.L.P. 648.

 

 

 

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