Décision

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Lavigueur et Québécor World (Graphique Couleur)

2010 QCCLP 2031

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Sherbrooke

Le 15 mars 2010

 

Région :

Estrie

 

Dossier :

383810-05-0907

 

Dossier CSST :

118249366

 

Commissaire :

Micheline Allard, juge administratif

 

Membres :

Bertrand Delisle, associations d’employeurs

 

Patrick Gauthier, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Robert Lavigueur

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Québécor World (Graphique Couleur)

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 14 juillet 2009, monsieur Robert Lavigueur (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 9 juillet 2009 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme, pour d’autres motifs, celle qu’elle a initialement rendue le 24 mars 2009. Elle déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement de frais reliés à des travaux de peinture à son domicile pour l’année 2009.

[3]                Le travailleur et son procureur étaient présents à l’audience tenue le 10 mars 2010 à Sherbrooke. Québécor World (Graphique Couleur) (l’employeur) avait avisé la Commission des lésions professionnelles de son absence.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais engagés pour les travaux de peinture effectués à son domicile en 2009.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont d’avis que la requête du travailleur doit être accueillie. Ils estiment que le travailleur a droit au remboursement de frais pour les travaux de peinture de son domicile en 2009 puisqu’il aurait effectué lui-même ces travaux d’entretien courant n’eut été de ses limitations fonctionnelles et que les frais ont réellement été engagés suivant la preuve offerte à l’audience. Le remboursement, pour l’ensemble des travaux d’entretien courant du domicile du travailleur, est cependant limité au montant maximum fixé à 2 836 $ pour l’année 2009.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]                L’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) s’applique à la décision que doit rendre la Commission des lésions professionnelles relativement aux travaux de peinture pour le domicile du travailleur en 2009. Cette disposition se lit ainsi :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[7]                Il ressort de cet article qu’un travailleur a droit au remboursement des frais d’entretien de son domicile, s’il répond aux conditions suivantes :

-         Sa lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente grave, cette notion signifiant, selon la jurisprudence, que les limitations fonctionnelles du travailleur le rendent incapable d’effectuer les travaux pour lesquels il réclame un remboursement;

-         Le travailleur effectuait lui-même les travaux avant sa lésion professionnelle;

-         Les frais reliés aux travaux ont réellement été engagés par le travailleur;

-          Les travaux font partie de l’entretien courant du domicile[2].

 

[8]                En l’espèce, le travailleur a subi une lésion professionnelle à l’épaule droite le 7 mars 2000, suivie d’une récidive, rechute ou aggravation en avril 2002. Il en a conservé un déficit anatomo-physiologique de 13 % et des limitations fonctionnelles consistant à éviter de travailler avec le membre supérieur droit à plus de 70 degrés de flexion et/ou d’abduction, d’effectuer des mouvements répétitifs avec le membre supérieur droit et de soulever plus de 10 livres avec le membre supérieur droit.

[9]                En 2002, la CSST évalue les besoins du travailleur au niveau des travaux d’entretien courant de son domicile. Elle conclut qu’en raison de ses limitations fonctionnelles, le travailleur a droit notamment au remboursement des frais engagés pour des travaux de peinture intérieure et extérieure puisqu’il les aurait effectués lui-même n’eut été de sa lésion professionnelle.

[10]           C’est ainsi que la CSST défraie les travaux de peinture effectués annuellement de 2002 à 2007 inclusivement. Les travaux visent, à chaque année, des pièces distinctes à l’intérieur et des parties distinctes à l’extérieur pour le même domicile.

[11]           Le 10 mars 2009, le travailleur présente à la CSST une soumission au montant de 2 359,08 $ pour des travaux de peinture des pièces du deuxième étage et des galeries extérieures du même domicile.

[12]           Le 24 mars 2009, la CSST avise le travailleur que les frais reliés à des travaux de peinture ne seront pas remboursés puisqu’ils sont payables une seule fois aux cinq ans.

[13]           Le 9 juillet 2009, la CSST, en révision administrative, rend la décision faisant l’objet du présent litige. Elle reconnaît que le travailleur remplit les conditions prévues à l’article 165 de la loi pour les travaux de peinture visés par la soumission du 10 mars 2009 sauf celle exigeant que les frais aient réellement été engagés par le travailleur pour des travaux effectivement exécutés à son domicile. La CSST confirme la décision initiale du 24 mars 2009 pour d’autres motifs et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement de frais de peinture pour l’année 2009 puisqu’il n’a pas présenté un reçu pour de tels frais.

[14]           Cette décision de la CSST en révision administrative est conforme à la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles selon laquelle ce n’est pas une soumission qui donne droit au remboursement de frais pour des travaux d’entretien courant du domicile mais bien un reçu démontrant qu’ils ont été réellement payés par le travailleur[3]. En outre, la Commission des lésions professionnelles a jugé que la loi ne prévoyait pas une fréquence pour les travaux de peinture ou un intervalle pour leur exécution[4]. Par ailleurs, la soussignée considère que le maintien en bon état du domicile ne requiert pas, de manière générale, des travaux de peinture à chaque année pour les mêmes pièces à l’intérieur et les mêmes parties extérieures du bâtiment. En d’autres termes, le fait de repeindre annuellement est plus que de l’entretien courant, régulier, habituel et ordinaire sauf s’il est démontré que cette fréquence est indispensable en raison de circonstances particulières. Il a d’ailleurs été décidé que la CSST était justifiée de refuser de défrayer les travaux de peinture d’un perron effectués en 2009 alors que ceux-ci avaient déjà été faits en 2008[5].

[15]           Les travaux de peinture mentionnés à la soumission du 10 mars 2009 ont été effectués par monsieur Jean Plante, entrepreneur peintre, en juillet 2009. Le travailleur a produit un reçu du 3 août 2009 attestant qu’il a versé à monsieur Plante la somme de 2 359,09 $ pour l’exécution de ces travaux.

[16]           Le travailleur a témoigné que la CSST, en première instance, n’a pas voulu donner suite à la production de ce reçu malgré la décision du 19 juillet 2009 rendue en révision administrative.

[17]           Le témoignage du travailleur et les documents au dossier révèlent que les travaux de peinture intérieure effectués en 2009 à son domicile n’avaient pas été refaits depuis 2004. Quant aux travaux de peinture des galeries, ils n’avaient pas été exécutés depuis au moins 2002. La Commission des lésions professionnelles estime que les travaux de peinture faits en 2009 correspondent à de l’entretien courant du domicile du travailleur.

[18]           Le travailleur a donc droit au remboursement des frais engagés en 2009 pour des travaux de peinture à son domicile jusqu’à concurrence du montant annuel maximum de 2 836 $ alloués pour les frais d’entretien courant du domicile pour l’année 2009.

[19]           La CSST devra pendre en compte dans le calcul du montant à rembourser, les sommes déjà payées au travailleur pour d’autres travaux d’entretien courant effectués à son domicile en 2009.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Robert Lavigueur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 9 juillet 2009 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais engagés pour des travaux de peinture à son domicile en 2009 jusqu’à concurrence du maximum annuel alloué pour les travaux d’entretien courant du domicile.

 

 

 

__________________________________

 

 

 

Micheline Allard

 

 

 

 

Me François Fisette

GÉRIN, LEBLANC ASS.

Représentant de la partie requérante

 

 

Madame Charlyse Roy

LES CONSULTANTS C. ROY INC.

Représentante de la partie intéressée

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Voir l’affaire Roland Geoffroy et Fernand Gilbert ltée, C.L.P. 196984-04-0301, 2003-05-20, J.-F. Clément, dans laquelle la Commission des lésions professionnelles fait une revue de la jurisprudence sur les conditions d’ouverture au remboursement prévu à l’article 165 de la loi.

[3]           Geoffroy et Fernand Gilbert ltée, précitée note 2.

[4]           Babeu et Boulangeries Weston Québec ltée, C.L.P. 166478-62B-0108, 16 janvier 2003, N. Blanchard.

[5]           Thomas et Dépanneur Quali-T #92 (St-Roch), C.L.P. 382110-04B-0906, 27 novembre 2009, F. Daigneault.

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