Décision

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Péloquin et Imperco CSM inc.

2011 QCCLP 5976

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

12 septembre 2011

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

426415-71-1012

 

Dossier CSST :

134923184

 

Commissaire :

Francine Juteau, juge administratif

 

Membres :

Guy Lemoyne, associations d’employeurs

 

Louise Larivée, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Robert Péloquin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Imperco CSM inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 9 décembre 2010, monsieur Robert Péloquin (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 24 novembre 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 23 juin 2010 et déclare que la CSST était justifiée de refuser de payer ou rembourser les sommes réclamées par le travailleur pour le service du professionnel de la santé, soit une chirurgie reconstructive ligamentaire de la cheville gauche en clinique privée, s’élevant à 4 050 $.

[3]           La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Montréal le 23 juin 2011 à laquelle assistait le travailleur, qui se représente seul. Imperco CSM inc. (l’employeur) ne s’est pas présenté à l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de lui accorder le remboursement du coût d’une chirurgie pour la cheville gauche en clinique privée afin de lui permettre d’éviter les délais d’attente dans le système public et favoriser son retour au travail plus rapidement.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           La membre issue des associations syndicales est d’avis que la CSST doit rembourser au travailleur le coût de la chirurgie en clinique privée. Le travailleur nécessite cette chirurgie en raison de sa lésion professionnelle du 12 mai 2009. Les délais d’attente dans le système public pour la chirurgie recommandée sont excessivement longs et empêchent le travailleur de bénéficier des soins appropriés à sa condition au moment nécessaire. Elle estime incohérent le fait que la CSST rembourse au travailleur le coût d’un dispendieux programme de maintien et de mise en forme pour éviter la dégradation de sa condition, alors que s’il obtenait la chirurgie dans un délai raisonnable, il n’aurait pas besoin de ce dispendieux programme.

[6]           Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis que la requête du travailleur doit être rejetée. Il estime que la CSST était bien fondée de refuser de rembourser des frais d’une chirurgie en clinique privée. En raison de l’entente entre les fédérations médicales et le ministère de la Santé et des Services sociaux découlant de l’application de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le coût des services posés par un médecin est remboursé suivant le tarif du régime public de la Régie de l’assurance maladie du Québec.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[7]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement du coût d’une chirurgie pour la cheville gauche dans une clinique privée.

[8]           Il appert du dossier que le travailleur exerce les fonctions de couvreur lorsqu’il subit une lésion professionnelle le 12 mai 2009. Il trébuche sur le chantier de construction et se tourne la cheville gauche.

[9]           Un diagnostic d’entorse de la cheville gauche est posé par le docteur A. Serban, de l’urgence de l’Hôpital Santa Cabrini. Une radiographie est pratiquée lors de cette consultation et démontre la présence d’un œdème diffus des tissus mous de la cheville gauche. Il n’y a pas de trait de fracture évident, mais le radiologiste mentionne que tout au plus une minime fracture non déplacée au niveau de l’extrémité distale du péroné n’est pas exclue.

[10]        À la consultation suivante, le 22 mai 2009, le docteur P. Dugas retient également le diagnostic d’entorse de la cheville gauche.

[11]        Le travailleur débute des traitements de physiothérapie le 15 juin 2009 à raison de quatre fois par semaine.

[12]        Il revoit le docteur Dugas le 26 juin 2009 qui maintient son diagnostic d’entorse de la cheville gauche et mentionne que la condition est stable, mais qu’il y a douleur à la marche.

[13]        Le 17 juillet 2009, le travailleur est pris en charge par le docteur Lalonde, qui retient le même diagnostic et prescrit les mêmes traitements. Le 31 juillet 2009, il note que le travailleur se plaint d’une douleur persistante avec œdème à la cheville.

[14]        Le 20 août 2009, le docteur Lalonde demande une résonance magnétique de la cheville gauche. Celle-ci est réalisée le 28 août 2009. Le docteur R. Dussault, radiologiste, mentionne que l’examen révèle un petit épanchement intra-articulaire tibio-astragalien et astragalo-naviculaire, une petite fracture ostéo-chondrale du dôme astragalien avec fragment de 3 mm par 1 mm apparaissant légèrement instable, de l’arthrose sous-astragalienne à la région de la facette interne, des séquelles de déchirure partielle importante du ligament péronéo-astragalien antérieur et une légère ténosynovite du tibial postérieur.

[15]        À la suite des résultats de la résonance magnétique, le docteur Lalonde dirige le travailleur en orthopédie, pour opinion.

[16]        Le 1er septembre 2009, les traitements d’ergothérapie débutent à raison de quatre fois par semaine.

[17]        Le 9 octobre 2009, le travailleur est examiné par le docteur J. Dionne, chirurgien orthopédiste, à la demande de l’employeur. Ce médecin, après examen et analyse du bilan radiologique, conclut que le travailleur présente, à la suite de l’événement du 12 mai 2009, une fracture du dôme astragalien par inversion forcée et que cette lésion n’est pas consolidée. Il retient que le travailleur aurait avantage à être vu en orthopédie pour compléter l’investigation et possiblement pour exérèse du fragment du dôme astragalien.

[18]        Le 22 octobre 2009, le docteur Lalonde prescrit au travailleur une orthèse de la cheville, après avoir conclu à la présence d’une entorse de la cheville avec déchirure du ligament péronéo-astragalien et fracture ostéo-chondrale.

[19]        Le 28 octobre 2009, le travailleur est examiné par le docteur Vendittoli qui retient la présence d’une entorse de la cheville avec fracture ostéo-chondrale au niveau de l’astragale et dirige le travailleur auprès d’un spécialiste du pied, le docteur Blanchette.

[20]        Le travailleur rencontre le docteur Blanchette le 4 décembre 2009 qui fait état de séquelles d’entorse de la cheville gauche et suggère une infiltration de même qu’une consultation auprès d’un autre spécialiste du pied, le docteur Berry, pour une possible reconstruction ligamentaire.

[21]        Le 15 décembre 2009, le travailleur reçoit une infiltration tibio-astragalienne gauche par le docteur A. Roy.

[22]        Avant que le travailleur n’obtienne son rendez-vous auprès du docteur Berry pour le 26 avril 2010, des discussions ont lieu entre la Clinique chirurgicale de Laval et la CSST aux fins d’effectuer les démarches nécessaires dans le but d’obtenir un rendez-vous le plus rapidement possible avec le spécialiste. Il est également question, à cette période, de la possibilité que le docteur Berry offre au travailleur une chirurgie au privé.

[23]        La CSST mentionne dans les notes évolutives avoir reçu, le 2 février 2010, une soumission de la Clinique chirurgicale de Laval pour une chirurgie avec le docteur Berry au montant estimé de 4 050 $. Après analyse de la soumission, la direction des services médicaux de la CSST détermine qu’elle n’autorise pas le remboursement du coût des frais d’une chirurgie en clinique privée pour une reconstruction ligamentaire de la cheville effectuée par le docteur Berry.

[24]        La CSST autorise toutefois des traitements en kinésiologie pour le travailleur afin qu’il puisse maintenir sa condition physique en attendant son rendez-vous avec le docteur Berry.

[25]        Le travailleur rencontre le docteur Berry le 26 avril 2010 et celui-ci retient un diagnostic de lésion ostéo-chondrale de l’astragale gauche. Il mentionne que le travailleur est cédulé pour une intervention chirurgicale.

[26]        Il appert des notes évolutives du 27 avril 2010 que le travailleur informe la CSST que le docteur Berry lui a mentionné que le délai d’attente pour une telle chirurgie était de deux à trois ans dans le système public et qu’il serait de quelques mois au privé. L’agent de la CSST obtient confirmation de cette information le 21 mai 2010.

[27]        Le 21 mai 2010, la CSST autorise des mesures de réadaptation pour le travailleur, soit un programme de conditionnement physique avec kinésiologue pour la période d’attente de la chirurgie.

[28]        Après la demande répétée du travailleur pour obtention d’une chirurgie en clinique privée, la CSST rend la décision du 23 juin 2010 qui refuse la chirurgie demandée. Le travailleur exprime alors à l’agent de la CSST qu’il ne comprend pas sa décision et qu’il ne se voit pas demeurer de deux à trois ans sans travailler, d’autant plus que pendant cette période, sa santé se détériore et qu’il perd de nombreux avantages reliés à son travail, dont certains liés à son fonds de pension.

[29]        Dans sa décision rendue le 24 novembre 2010, après analyse en révision administrative, la CSST réitère son refus de rembourser au travailleur les frais pour une chirurgie au montant de 4 050 $ pratiquée en clinique privée. La CSST motive son refus en ces termes :

La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la Loi) reconnaît au travailleur victime d’une lésion professionnelle le droit aux soins du professionnel de la santé de son choix et à l’assistance médicale qu’exige son état en raison de sa lésion. Elle prévoit que l’assistance médicale est à la charge de la Commission et que personne ne peut réclamer des honoraires au travailleur ou intenter contre lui un recours en Cour de justice.

 

Les notes évolutives au dossier montrent que la Commission a procédé à l’analyse de la demande du travailleur en considérant que le Dr. G. Berry est un médecin participant en vertu de la Loi sur l’assurance-maladie, soit un médecin qui exerce sa profession dans le cadre du régime institué par cette Loi et qui est rémunéré suivant le tarif prévu aux ententes conclues entre le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et les fédérations médicales.

 

En matière de services médicaux dispensés par les médecins, la Commission, à titre d’assureur public, offre une couverture d’assurance en conformité avec la Loi et dans le respect de la Loi sur l’assurance-maladie du Québec et des ententes conclues entre les fédérations médicales et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Cette orientation reflète la position prise par le Gouvernement du Québec relativement à l’accessibilité aux soins de santé.

 

C’est donc dire que les services rendus par les professionnels de la santé sont payés par la Régie de l’assurance-maladie du Québec conformément aux ententes. Enfin, la Commission rembourse à la Régie de l’assurance-maladie le coût des services visés.

 

Compte tenu que le Dr. G. Berry est un professionnel de la santé participant au régime public, aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d’assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la Loi. Même si ce médecin pratique en clinique privée, celui-ci devra réclamer ses honoraires à la régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ) selon les ententes et tarifs prévus.

 

En conséquence, la Révision administrative est d’avis que la Commission est justifiée de ne pas payer ou rembourser les frais réclamés par le travailleur.

 

 

[30]        Le travailleur conteste de nouveau cette décision de la CSST, indiquant dans sa contestation que le temps d’attente pour la chirurgie est trop long puisqu’il est de deux à trois ans. Il soumet que le fait de retarder l’opération amène un risque élevé d’aggravation et de séquelles irréversibles. Quant aux coûts, il estime que l’attente de la chirurgie entraînera des coûts supérieurs à ceux d’une chirurgie dans une clinique privée. Il s’agit essentiellement des motifs soumis par le travailleur lors de l’audience.

[31]        Lors de son témoignage, le travailleur exprime son mécontentement envers la situation découlant de la décision de la CSST de refuser le remboursement des frais pour une chirurgie en clinique privée. Le travailleur indique être encore sur la liste d’attente de l’Hôpital général de Montréal depuis plus d’un an déjà. Il poursuit le programme spécial accordé par la CSST chez Énergie Cardio pour lui permettre de maintenir sa condition physique en attente de la chirurgie. Le travailleur mentionne ne plus voir de médecin depuis un an et être simplement en attente de la chirurgie.

[32]        Également, le travailleur fait part de son insatisfaction et du fait qu’il ne comprend pas la décision de la CSST. Il estime que la situation actuelle est plus onéreuse que l’autorisation d’une chirurgie en clinique privée. À ce sujet, il mentionne le coût du programme autorisé par la CSST chez Énergie Cardio et l’indemnité de remplacement du revenu qui lui est versée durant la période d’attente. Il soumet également ses inquiétudes sur les conséquences physiques de l’attente de la chirurgie, soit la chronicisation de sa condition physique et la diminution de sa capacité à récupérer, le risque de séquelles plus importantes, les difficultés qu’il a dans plusieurs activités de la vie quotidienne, l’incapacité de pratiquer des sports et la prise de poids qui en découle. À cela, s’ajoute la perte des avantages de son fonds de pension pour les années où il n’est pas au travail, le risque de détérioration de sa santé mentale en raison de la présence de douleurs chroniques et les difficultés dans la vie quotidienne de même que ses inquiétudes face à son retour au travail.

[33]        Le travailleur soumet que tout cela pourrait être évité si la CSST acceptait de payer pour une chirurgie en clinique privée qui lui permettrait d’être opéré rapidement plutôt que d’attendre encore de nombreux mois. Le travailleur se dit pris dans une situation où il tente de s’en sortir, mais le refus de la CSST ne fait que compliquer sa situation.

[34]        C’est à la suite de sa lésion professionnelle que le travailleur a nécessité un suivi médical et des traitements, dont une chirurgie recommandée par le docteur Berry. Il n’est pas contesté au dossier que cette chirurgie est en relation avec la lésion professionnelle.

[35]        Pour déterminer si le travailleur a droit au remboursement du coût de la chirurgie en clinique privée, le tribunal doit se reporter au chapitre V de la loi qui prévoit les dispositions relatives à l’assistance médicale.

[36]        L’article 188 de la loi établit le principe du droit à l’assistance médicale :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

[37]        L’article 189 de la loi définit les composantes de l’assistance médicale en ces termes :

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.

 

 

[38]        L’article 192 de la loi prévoit, par ailleurs, que le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix :

192.  Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.

__________

1985, c. 6, a. 192.

 

 

[39]        L’article 194 précise que c’est la CSST qui doit assumer le coût de l’assistance médicale :

194.  Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.

 

Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.

__________

1985, c. 6, a. 194.

 

 

[40]        Les articles 195, 196 et 197 concernent les ententes sur les soins et les traitements de même que les modes de paiement effectué par la Régie de l’assurance maladie :

195.  La Commission et le ministre de la Santé et des Services sociaux concluent une entente type au sujet de tout ou partie des soins et des traitements fournis par les établissements visés au paragraphe 2° de l'article 189; cette entente a pour objet la dispensation de ces soins et de ces traitements et précise notamment les montants payables par la Commission pour ceux-ci, les délais applicables à leur prestation par les établissements et les rapports qui doivent être produits à la Commission.

 

La Commission conclut avec chaque agence visée par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) et avec chaque conseil régional institué par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5) une entente spécifique qui vise à assurer la mise en application de l'entente type sur leur territoire. Cette entente spécifique doit être conforme aux termes et conditions de l'entente type.

 

Un établissement est réputé accepter de se conformer à l'entente spécifique, à moins de signifier son refus à la Commission et à l'agence ou au conseil régional, selon le cas, dans le délai imparti par cette entente, au moyen d'une résolution de son conseil d'administration; dans ce dernier cas, cet établissement est rémunéré selon ce qui est prévu par l'entente type.

 

Pour le territoire auquel s'applique la partie IV.2 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, l'entente spécifique est conclue par l'établissement ayant son siège sur ce territoire.

__________

1985, c. 6, a. 195; 1992, c. 11, a. 9; 1994, c. 23, a. 23; 1998, c. 39, a. 174; 1999, c. 40, a. 4; 2005, c. 32, a. 308.

 

 

196.  Les services rendus par les professionnels de la santé dans le cadre de la présente loi et visés dans le quatorzième alinéa de l'article 3 de la Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-29), édicté par l'article 488, y compris ceux d'un membre du Bureau d'évaluation médicale, d'un comité des maladies professionnelles pulmonaires ou d'un comité spécial agissant en vertu du chapitre VI, à l'exception des services rendus par un professionnel de la santé à la demande de l'employeur, sont payés à ces professionnels par la Régie de l'assurance maladie du Québec conformément aux ententes intervenues dans le cadre de l'article 19 de la Loi sur l'assurance maladie.

__________

1985, c. 6, a. 196; 1992, c. 11, a. 10; 1999, c. 89, a. 43, a. 53.

 

 

 

197.  La Commission rembourse à la Régie de l'assurance maladie du Québec le coût des services visés dans l'article 196 et les frais d'administration qui s'y rapportent.

__________

1985, c. 6, a. 197; 1996, c. 70, a. 6; 1999, c. 89, a. 53.

 

 

[41]        Le tribunal a déjà statué sur le droit au remboursement des frais pour des consultations médicales et des chirurgies pratiquées en cabinet privé. Dans la jurisprudence, il est généralement mentionné qu’il est admis que le travailleur a droit de recevoir les soins du professionnel de la santé de son choix. Le travailleur peut donc choisir son médecin, que celui-ci soit participant ou non au régime de la Régie de l’assurance maladie du Québec.

[42]        En l’espèce, le docteur Berry pratique des chirurgies en clinique privée et également à l’Hôpital général de Montréal, dans le cadre du système public.

[43]        Dans l’affaire Leguerrier et (P. P.) Denis Leguerrier[2], où il était question du remboursement des frais d’une intervention chirurgicale dans une clinique privée, le juge administratif a analysé la jurisprudence relative aux frais encourus pour des soins reçus en clinique privée. Il ressort de cette analyse que lorsque le tribunal accorde le remboursement des frais demandés, il s’agit de situations antérieures à l’entente intervenue suivant les dispositions de l’article 198 de la loi.

198.  La Commission et la Régie de l'assurance maladie du Québec concluent une entente qui a pour objet les règles régissant le remboursement des sommes que la Régie débourse pour l'application de la présente loi et la détermination des frais d'administration qu'entraîne le paiement des services visés à l'article 196 .

__________

1985, c. 6, a. 198; 1996, c. 70, a. 7; 1999, c. 89, a. 53.

 

 

[44]        En effet, en l’absence d’une telle entente, le remboursement intégral des frais des soins reçus en clinique privée est accordé suivant les dispositions de l’article 586 de la loi. Ces dispositions prévoient ce qui suit :

586.  Malgré le quatorzième alinéa de l'article 3 de la Loi sur l'assurance-maladie (chapitre A-29), édicté par l'article 488, la Commission assume le coût d'un service visé dans cet alinéa tant qu'une entente visée dans le deuxième alinéa de l'article 19 de cette loi, édicté par l'article 489, n'est pas en vigueur relativement à ce service.

 

La Commission fixe ce coût d'après ce qu'il serait convenable et raisonnable de réclamer du travailleur pour un service semblable s'il devait le payer lui-même.

__________

1985, c. 6, a. 586; 1999, c. 89, a. 44.

 

 

[45]        Avant mars 2006, il n’y avait pas de telle entente et le remboursement des frais visés par l’article 586 de la loi pouvait être accordé, mais depuis cette entente décrite à l’article 198 de la loi, les conclusions du tribunal sont différentes et le remboursement est autorisé jusqu’à concurrence des tarifs prévus à la Régie de l’assurance maladie du Québec afin de respecter les dispositions législatives.

[46]        Ainsi, il appert de la jurisprudence et particulièrement des décisions rendues dans les affaires Pearson et Amusements spectaculaires inc. et CSST[3], Nadeau et C & R Développement inc.[4], Gagnon et Service correctionnel du Canada[5], et dans l’affaire Leguerrier[6] précitée, que le remboursement des frais pour des soins reçus en clinique privé est autorisé jusqu’à concurrence des tarifs prévus à la Régie de l’assurance maladie du Québec.

[47]        Dans l’affaire Pearson[7], il est mentionné que le remboursement du coût des soins reçus d’un médecin non participant au régime de la Régie de l’assurance maladie du Québec n’est pas expressément prévu à la loi et que l’on doit s’en remettre à l’intention du législateur :

[77]      La Commission des lésions professionnelles en infère donc que la volonté du législateur est que les services posés par un médecin dans le cadre de la L.a.t.m.p. qui font l’objet d’une entente entre les fédérations médicales et le MSSS en vertu des articles 196 de cette loi et 19 de la L.a.m. soient remboursés selon le tarif du régime public de la RAMQ puisque ce n’est qu’à défaut d’entente que la L.a.t.m.p. prévoit que la CSST rembourse un coût convenable et raisonnable pour ce service.

 

 

[48]        Suivant l’approche développée par la jurisprudence, en raison des articles 196 et 197 de la loi qui prévoient un mécanisme de paiement des honoraires des médecins et du fait que les soins reçus font l’objet d’une entente visée par l’article 198 de la loi, la CSST doit rembourser le coût des services selon les tarifs prévus par la Régie de l’assurance maladie du Québec.

[49]        Dans l’affaire Morin et L.A. Hébert ltée et CSST[8], la Commission des lésions professionnelles a bien résumé l’orientation de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles. Ainsi, le travailleur a le droit de choisir le médecin qui lui dispensera des soins, mais le remboursement des frais pour les soins reçus se fera seulement jusqu’à concurrence des sommes prévues à l’entente en vertu de l’article 198 de la loi :

[45]      La soussignée constate donc, à l’instar de la procureure de la CSST, que la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles s’est orientée récemment vers une même conclusion, soit que le travailleur a droit de recevoir les soins du professionnel de la santé de son choix ou de l’établissement de son choix. La jurisprudence dans ces cas vise l’assistance médicale prévue aux paragraphes 1 et 2 de l’article 189 de la loi. Tout en reconnaissant que le professionnel de la santé ne peut réclamer au travailleur, en vertu de l’article 194 de la loi, le coût de l’assistance médicale, la CSST est néanmoins bien fondée de ne rembourser au travailleur que les sommes que la RAMQ rembourse dans un tel cas selon l’entente conclue en vertu de l’article 198 de la loi.

 

 

[50]        Tel que la jurisprudence l’a retenu à de nombreuses reprises, l’entente prévue à l’article 198 de la loi existe entre la CSST et le ministère de la Santé et des Services sociaux et les fédérations médicales et, de la sorte, en l’espèce, le travailleur a droit au remboursement des frais engagés pour une chirurgie à la cheville suivant les tarifs prévus par la Régie de l’assurance maladie du Québec pour une telle chirurgie, comme si elle avait lieu dans un établissement public de santé.

[51]        En l’instance, la Commission des lésions professionnelles estime que l’approche développée par la jurisprudence est équitable puisqu’elle permet d’offrir les mêmes services à tous les travailleurs, tel que la CSST le souligne dans la décision rendue le 24 novembre 2010 à la suite de la révision administrative, indiquant que la CSST, à titre d’assureur public, offre une couverture d’assurance en conformité avec la loi et dans le respect de la Loi sur l’assurance maladie du Québec[9] et des ententes conclues avec les fédérations médicales et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Cette approche permet d’accorder la même accessibilité aux soins de santé à tous les travailleurs.

[52]        La notion d’équité entre tous les travailleurs est retenue par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Leguerrier[10] lorsque le tribunal dispose de l’argument du travailleur voulant que la chirurgie en clinique privée permet de sauver des coûts à la CSST et est plus profitable au travailleur qui peut être fonctionnel plus rapidement :

[35]      Certes, l’argumentation du travailleur présente une logique financière et économique que l'on pourrait qualifier de valable, mais que le tribunal ne peut toutefois retenir aux fins de rendre la présente décision.  D'abord, la preuve ne permet pas de conclure que la CSST sauverait nécessairement des coûts, aucune donnée précise au dossier ne permettant d'en établir les fondements.  Par ailleurs, là n'est pas la question puisque la CSST refuse un tel remboursement sur la base d'une équité entre tous à titre d'assureur publique.

 

 

[53]        Considérant l’ensemble de ces éléments, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a droit au remboursement partiel des dépenses prévues pour la chirurgie que doit réaliser le docteur Berry pour la cheville gauche, soit l’équivalent du montant que le médecin recevrait de la Régie de l’assurance maladie du Québec pour une telle chirurgie.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête du 9 décembre 2010 de monsieur Robert Péloquin, le travailleur;

MODIFIE la décision rendue le 24 novembre 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais pour une chirurgie à la cheville gauche suivant les tarifs de la Régie de l’assurance maladie du Québec.

 

 

__________________________________

 

Francine Juteau

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           [2008] C.L.P. 1264 .

[3]           C.L.P. 306256-07-0612, 25 octobre 2007, S. Séguin.

[4]           C.L.P. 329784-07-0710, 15 août 2008, P. Sincennes.

[5]           C.L.P. 327377-63-0709, 16 juillet 2009, L. Morissette.

[6]           Précitée, note 2.

[7]           Précitée, note 3.

[8]           C.L.P. 390766-64-0910, 5 mai 2011, A. Vaillancourt.

[9]           L.R.Q., c. A-29.

[10]         Précitée, note 2. Voir également : Gagnon et Service correctionnel du Canada, précitée, note 5 Brousseau et Isolation confort ltée, C.L.P. 217221-64-0310, 4 février 2005, G. Godin (décision accueillant une requête en révision).

AVIS :
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