Arbour |
2010 QCCLP 1997 |
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[1] Après examen et audition et après avoir reçu l'avis des membres, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.
[2] ATTENDU que, le 21 avril 2009, le travailleur, monsieur Fernand Arbour, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 6 avril 2009 à la suite d’une révision administrative;
[3] ATTENDU que, par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 7 janvier 2009 et déclare que monsieur Arbour n’a pas droit au remboursement des frais reliés à l’acquisition d’aides à l’audition, soit un réveil matin adapté et un avertisseur de signaux sonores d’alarme d’incendie;
[4] ATTENDU que monsieur Arbour est présent et non représenté à l’audience tenue à Laval le 9 décembre 2009;
[5] ATTENDU que monsieur Arbour demande de déclarer que, compte tenu de sa surdité d’origine professionnelle, il a droit, en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), au remboursement des frais qu’il doit engager pour se procurer un réveil matin adapté et un avertisseur de signaux sonores d’alarme d’incendie;
[6] ATTENDU que, le 10 février 2006, la CSST reconnaît que la surdité bilatérale diagnostiquée chez monsieur Arbour est reliée au travail d’inspecteur de chantier qu’il a exercé durant plusieurs années et qu’elle constitue donc une maladie professionnelle contractée le 12 septembre 2005;
[7] ATTENDU que, également le 10 février 2006, la CSST reconnaît que cette maladie professionnelle a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique de 11,50 %;
[8] ATTENDU que ce pourcentage d’atteinte permanente est déterminé par le médecin traitant de monsieur Arbour sur la base d’un audiogramme effectué le 14 septembre 2005 qui montre, au niveau de l’oreille droite, des pertes en conduction aérienne de 15, 20, 65 et 75 dB aux fréquences de 500, 1000, 2000 et 4000 Hz, respectivement, et, au niveau de l’oreille gauche, des pertes de 15, 20, 60 et 70 dB aux mêmes fréquences;
[9] ATTENDU que, le 1er mars 2006, la CSST accepte, à titre de mesure de réadaptation, de rembourser à monsieur Arbour les frais encourus pour l’acquisition d’un amplificateur téléphonique et d’un système infrarouge pour téléviseur, mais quelle refuse de lui rembourser les frais reliés à l’acquisition d’un réveil matin adapté et d’un avertisseur de signaux sonores d’alarme d’incendie;
[10] ATTENDU que cette décision n’est pas contestée par monsieur Arbour;
[11] ATTENDU que la conseillère en réadaptation de la CSST qui rend cette décision note au dossier que monsieur Arbour a droit au remboursement des frais reliés à l’achat d’un amplificateur téléphonique et d’un système infrarouge parce que le niveau de son atteinte auditive (moyenne de 41,25 dB à gauche et de 43,75 dB à droite) est supérieur à celui minimal qu’elle exige pour reconnaître le droit à ces aides à l’audition, soit 35 dB et plus dans le premier cas et 41 dB et plus dans le second cas;
[12] ATTENDU qu’elle note aussi que son niveau d’atteinte auditive est cependant inférieur à celui qu’elle exige dans le cas d’un réveil matin adapté (55 dB et plus) et d’un avertisseur de signaux sonores (55 dB et plus), de sorte qu’il n’a pas droit au remboursement des frais reliés à l’acquisition de ces deux aides à l’audition;
[13] ATTENDU que monsieur Arbour soumet à la CSST un nouvel audiogramme effectué le 2 décembre 2008 qui montre, au niveau de l’oreille droite, des pertes en conduction aérienne de 10, 15, 60 et 85 dB aux fréquences de 500, 1000, 2000 et 4000 Hz, respectivement, et, au niveau de l’oreille gauche, des pertes de 10, 20, 60 et 85 dB aux mêmes fréquences;
[14] ATTENDU que la moyenne des seuils prélevés à ces fréquences est donc de 42,25 dB à droite et de 43,75 à gauche;
[15] ATTENDU que monsieur Arbour soumet également un document produit à cette même date par l’audiologiste ayant effectué cet audiogramme dans lequel ce dernier indique qu’il bénéficie déjà d’un amplificateur téléphonique et d’un système infrarouge pour téléviseur, mais qu’il doit aussi bénéficier d’un avertisseur de signaux sonores pour alarme d’incendie puisque son atteinte auditive dans les hautes fréquences l’empêche d’entendre ces signaux;
[16] ATTENDU que cet audiologiste indique aussi à ce document que monsieur Arbour doit bénéficier d’un réveil matin adapté puisqu’il travaille encore;
[17] ATTENDU que, le 7 janvier 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse de rembourser à monsieur Arbour le coût d’achat de ces aides à l’audition au motif qu’elles « ne sont pas requises dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation »;
[18] ATTENDU que, aux notes évolutives du dossier datées du 6 janvier 2009, il est indiqué que monsieur Arbour n’a pas droit au remboursement de ces coûts parce que le niveau de son atteinte auditive en 2008 demeure inférieur à celui de 55 dB et plus qu’elle exige pour reconnaître le droit à ces deux aides à l’audition;
[19] ATTENDU que, dans la décision qu’elle rend le 6 avril 2009 à la suite d’une révision administrative, la CSST confirme sa décision du 7 janvier 2009, mais pour d’autres motifs;
[20] ATTENDU que la CSST retient plutôt que le remboursement de ces aides à l’audition a déjà été refusé le 1er mars 2006 et que, parce que monsieur Arbour n’a pas contesté cette décision, celle-ci est devenue finale et sans appel;
[21] ATTENDU que la CSST retient aussi que, parce que l’audiogramme du 2 décembre 2008 ne montre pas l’existence d’une détérioration de l’atteinte auditive de monsieur Arbour, ce dernier ne peut donc pas de nouveau réclamer le droit au remboursement de ces aides à l’audition;
[22] ATTENDU que monsieur Arbour est âgé de 61 ans et qu’il ne travaille plus comme inspecteur de chantier, mais plutôt comme consultant en santé et en sécurité du travail;
[23] ATTENDU que monsieur Arbour indique lors de son témoignage qu’il exerce encore cette dernière profession;
[24] ATTENDU que monsieur Arbour explique qu’il ne doit pas dormir avec ses prothèses auditives et que cela fait en sorte qu’il ne peut pas entendre la sonnerie du réveil matin ni celle de l’alarme d’incendie qui est située dans le corridor du quatrième étage de l’édifice de 225 logements où il habite;
[25] ATTENDU que monsieur Arbour explique aussi que, à la suite du refus de la CSST en 2006 de lui rembourser le coût d’achat de ces deux aides techniques, il a pu durant un certain temps se fier sur son épouse pour être averti de ces signaux sonores, mais que cela n’est plus possible depuis qu’elle est décédée;
[26] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que monsieur Arbour a droit au remboursement des frais qu’il doit engager pour se procurer un réveil matin adapté et un avertisseur de signaux sonores pour alarme d’incendie et ce, en vertu des dispositions relatives au droit à des mesures de réadaptation sociales;
[27] CONSIDÉRANT que les dispositions des articles 145 et 146 de la loi prévoient ce qui suit :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
[28] CONSIDÉRANT que les aides à l’audition réclamées par monsieur Arbour ne répondent pas à un besoin de réadaptation physique ou professionnelle, mais plutôt à un besoin de réadaptation sociale au sens de l’article 151 de la loi, lequel se lit comme suit :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
[29] CONSIDÉRANT que l’article 152 prévoit qu’un programme de réadaptation sociale peut notamment comprendre les mesures suivantes :
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1° des services professionnels d'intervention psychosociale;
2° la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
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1985, c. 6, a. 152.
[30] CONSIDÉRANT que, selon la jurisprudence du tribunal[2], l’emploi des termes « peut notamment comprendre » à l’article 152 implique que les mesures de réadaptation sociale auxquelles un travailleur peut avoir droit ne se limitent pas à celles qui sont énumérées à cette disposition;
[31] CONSIDÉRANT que, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, la demande de remboursement du coût d’achat d’un réveil matin adapté et d’un avertisseur de signaux sonores d’alarme d’incendie en est une qui s’inscrit bien dans l’objectif visé par la réadaptation sociale tel qu’énoncé à l’article 151 et ce, d’autant plus qu’il s’agit d’une mesure du même genre que celles qui sont énoncées à l’article 152;
[32] CONSIDÉRANT que la CSST a d’ailleurs déjà reconnu en 2006 que monsieur Arbour avait droit, à titre de mesure de réadaptation, au remboursement des frais reliés à l’acquisition d’aides à l’audition, soit un amplificateur téléphonique et un système infrarouge pour téléviseur;
[33] CONSIDÉRANT que son refus, en 2006 et en 2008, de rembourser à monsieur Arbour le coût d’achat d’un réveil matin adapté et d’un avertisseur de signaux sonores pour alarme d’incendie n’est pas motivé par le fait qu’il ne peut pas s’agir d’une mesure de réadaptation sociale, mais plutôt par le fait que le niveau d’atteinte auditive de ce travailleur est inférieur à celui qu’elle exige pour faire droit à une telle demande;
[34] CONSIDÉRANT que, bien que cela ne soit pas précisé au dossier, il appert que ce critère relatif au niveau d’atteinte auditive requis pour reconnaître le droit à une aide à l’audition donnée est établi par une politique administrative interne;
[35] CONSIDÉRANT que le tribunal n’est cependant pas lié par une politique interne de la CSST qui ne trouve pas assise dans une disposition législative ou réglementaire;
[36] CONSIDÉRANT que, par ailleurs, cette politique n’est pas au dossier et que le tribunal ne peut donc y référer dans le but de connaître les motifs sur lesquels la CSST se fonde pour retenir que c’est une atteinte auditive moyenne de 55 dB et plus qui rend nécessaire les deux aides à l’audition réclamées par monsieur Arbour;
[37] CONSIDÉRANT que l’audiologiste qui a procédé à l’évaluation de la fonction auditive de monsieur Arbour le 2 décembre 2008 conclut que ce dernier doit bénéficier d’un réveil matin adapté et d’un avertisseur de signaux sonores d’alarme d’incendie et ce, dans le cas de cette dernière aide technique, parce que son atteinte auditive dans les hautes fréquences l’empêche d’entendre les signaux sonores d’une telle alarme;
[38] CONSIDÉRANT que ce radiologiste conclut aussi qu’un réveil matin adapté est indiqué dans le cas de monsieur Arbour puisque ce dernier continue à travailler;
[39] CONSIDÉRANT que monsieur Arbour ne porte pas ses prothèses auditives pour dormir la nuit et que, en raison du décès de son épouse, il ne peut plus se fier sur cette dernière pour lui signaler les signaux sonores émis par l’alarme d’incendie et le réveil matin;
[40] CONSIDÉRANT que la décision du 1er mars 2006 par laquelle la CSST refuse la réclamation de monsieur Arbour visant le remboursement du coût d’achat de ces deux aides à l’audition est devenue finale et sans appel;
[41] CONSIDÉRANT que cette décision n’empêche cependant pas ce dernier de réclamer de nouveau le remboursement de ces mêmes frais puisque la preuve démontre que cette seconde réclamation se fonde sur des faits nouveaux postérieurs à ceux visés par sa première réclamation, soit une détérioration de son atteinte auditive en décembre 2008 comparativement à ce qu’elle était en 2005;
[42] CONSIDÉRANT que, contrairement à ce qu’a retenu la CSST en révision administrative, l’audiogramme du 2 décembre 2008 montre bien l’existence d’une telle détérioration puisque les seuils prélevés aux fréquences de 4000 Hz sont de 85 dB, bilatéralement, alors qu’en 2005, ils étaient de 75 dB à droite et de 70 dB à gauche;
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Fernand Arbour;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 6 avril 2009 à la suite d’une révision administrative; et
DÉCLARE que monsieur Fernand Arbour a droit au remboursement des frais encourus pour l’acquisition d’aides à l’audition, soit un réveil matin adapté et un avertisseur de signaux sonores d’alarme d’incendie.
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Ginette Morin |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.