Désormeaux et Plomberie Chauffage Normand inc.

2009 QCCLP 8807

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

23 décembre 2009

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

373627-62C-0903   390574-62C-0910

 

Dossier CSST :

126690767

 

Commissaire :

Michel Denis, juge administratif

 

Membres :

Raymond Thériault, associations d’employeurs

 

Normand Aubin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Paul Patrice Désormeaux

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Plomberie Chauffage Normand inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail - Salaberry

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 373627-62C-0903

[1]                Le 25 mars 2009, monsieur Paul Patrice Désormeaux (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 3 mars 2009 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 18 novembre 2008 et déclare que la CSST est bien fondée de modifier le plan individualisé de réadaptation d’agent de sécurité sur les chantiers de construction afin d’identifier un nouvel emploi convenable.

Dossier 390574-62C-0910

[3]                Le 2 octobre 2009, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 18 septembre 2009 à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 4 mai 2009 et déclare que l’emploi de représentant des ventes constitue un emploi convenable et que le travailleur est capable de l’exercer à compter du 30 avril 2009.

[5]                À l’audience tenue le 14 décembre 2009, le travailleur est présent et se représente seul et la compagnie Plomberie Chauffage Normand inc. (l’employeur) n’est pas représentée; la CSST a produit un avis d’intervention conformément aux dispositions de l’article 429.16 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et est représentée par Me Sonia Sylvestre.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 373627-62C-0903

[6]                Le travailleur demande de reconnaître que la CSST n’était pas bien fondée de modifier le plan individualisé de réadaptation d’agent de sécurité sur les chantiers de construction afin d’identifier un nouvel emploi convenable.

Dossier 390574-62C-0910

[7]                Le travailleur demande de reconnaître que l’emploi de représentant des ventes ne constitue pas un emploi convenable au sens de la loi et qu’il était incapable de l’exercer à compter du 30 avril 2009.

LES FAITS

[8]                Le travailleur agit à titre de plombier-tuyauteur pour l’employeur depuis le mois de juin 2004 lorsqu’il subit un accident du travail le 16 août 2004, tel que reconnu par une décision de la CSST rendue le 30 septembre 2004, laquelle est devenue finale suite à l’irrecevabilité de la demande de révision de l’employeur devant la révision administrative et de sa requête devant la Commission des lésions professionnelles.

[9]                Faisant suite au rapport final du docteur Laferrière daté du 25 avril 2006, le diagnostic reconnu est une contusion au pouce gauche, laquelle s’avère consolidée à la date du rapport, sans nécessité de soins ou traitements après cette date; faisant suite  à une décision de la Commission des lésions professionnelles datée du 13 avril 2007, le travailleur conserve une atteinte permanente à son intégrité physique évaluée à 4,90 % et les limitations fonctionnelles suivantes :

           éviter le travail à dextérité fine, les mouvements de précision, avec la main gauche.

•              éviter la préhension complète entre la paume et le pouce gauche de petits objets ainsi que la préhension en pince de petits objets

•              ne peut utiliser sa main gauche pour tenir et diriger, manipuler, des outils, mais peut utiliser la main gauche pour immobiliser, appuyer des objets à réparer.   

 

 

[10]           Le 14 août 2007, la CSST confirme le droit du travailleur à la réadaptation et l’inscrit à la formation d’agent de sécurité sur les chantiers de construction; dans une lettre datée du 30 août 2007, la CSST offre le complément d’informations suivant :

Suite à votre questionnement sur la validité de votre formation, nous avons effectué quelques recherches. Après avoir discuté avec Richard Chapman de l’Association des entrepreneurs en construction du Québec (AECP), nous avons obtenu les renseignements suivants :

 

              C’est l’AECQ qui régit le métier d’agent de sécurité sur les chantiers de construction et non la CCQ.

 

•          La validité du métier d’agent de sécurité sur les chantiers de construction relève de l’obtention de la carte de compétence émise par la CSST.

 

•          Le lieu de la formation n’a aucune incidence sur la réputation ou les compétences de l’agent de sécurité sur les chantiers de construction.

 

•          La qualité de la formation se reflète sur les capacités du candidat à réussir l’examen de la CSST.

 

•          Mme France Houle de la Direction de la prévention-inspection de la CSST s’occupe d’inscrire les candidats à l’examen.

 

•          Nous avons obtenu la confirmation de Mme Houle que vous êtes bien inscrit à la prochaine séance d’examen qui aura lieu le 2 novembre prochain. La convocation vous parviendra par la poste sous peu.

 

 

[11]           Cette formation comprend un stage théorique et un stage pratique de 12 semaines dans le but d’obtenir une attestation par équivalence au cours de formation; si les deux stages sont réussis, une carte de compétence est alors émise par la CSST renouvelable aux cinq ans (C-1).

[12]           Le 28 novembre 2007, la direction de la prévention inspection de la CSST confirme que le travailleur a réussi la première partie de l’examen d’équivalence en obtenant la note de passage de 70 %; le 20 décembre 2007, la CSST accorde au travailleur, à sa demande, jusqu’au 31 janvier 2008 pour trouver une entreprise qui acceptera de l’accueillir en stage pour une durée de 12 semaines.

[13]           Devant l’insuccès du travailleur à se trouver un stage, le 15 février 2008, la CSST le réfère à une firme spécialisée pour l’assister dans sa démarche; la possibilité d’un stage à la compagnie Preseco sera alors écartée par la CSST à cause d’un coût prohibitif de 25 000 $ pour compléter ledit stage, lequel se réalisera finalement à la compagnie Magil, supervisé par monsieur Claude Lemire, inspecteur à la Direction régionale de Valleyfield, et se terminera le 19 septembre 2008.

[14]           Le 6 octobre 2008, la Direction de la prévention-inspection de la CSST informe le travailleur qu’il a échoué le stage pratique de 12 semaines car il n’a pas les compétences requises pour appliquer les notes théoriques comprises dans la première partie de l’examen d’équivalence; le 18 novembre 2008, la CSST informe le travailleur qu’il doit tenir compte de cette circonstance nouvelle et identifier une autre solution d’emploi, conformément aux dispositions de l’article 146 de la loi, d’où le premier litige.

[15]           Par la suite, six rencontres ont lieu entre le travailleur et l’agent de réadaptation dans le but d’identifier un emploi convenable, mais sans succès; la CSST détermine donc l’emploi convenable de représentant des ventes et fixe la capacité du travailleur à l’exercer en date du 30 avril 2009, d’où le second litige.

[16]           À l’audience, le travailleur soutient que le stage pratique chez Magil n’était pas conforme et réfère à des documents déposés en liasse faisant état de rapports hebdomadaires qu’il a signés; celui-ci ajoute qu’il aurait dû faire son stage chez Preseco. Le travailleur soutient qu’il n’était pas intéressé à l’emploi convenable de représentant des ventes car il s’agit d’un emploi à commissions et conclut qu’il n’a fait aucune démarche pour rechercher un emploi dans ce domaine.

[17]           Madame Dassylva, agente en réadaptation depuis le mois de mai 2006, témoigne pour la CSST; celle-ci s’occupe du dossier du travailleur et commente la formation d’équivalence offerte par la Direction de la prévention-inspection de la CSST afin de lui permettre d’obtenir sa carte de compétence. Comme le travailleur ne suggère aucune compagnie pour faire son stage, elle le réfère à des conseillers et engage des discussions avec la compagnie Preseco qu’elle devra discarter à cause du coût de 25 000 $ pour la formation pratique du travailleur; un stage sera alors confirmé chez Magil à Valleyfield, mais se révèlera un échec.

[18]           Celle-ci doit alors modifier son plan original d’emploi convenable et rencontre le travailleur à six reprises afin de déterminer ses intérêts pour un nouvel emploi convenable, mais n’obtient aucune collaboration de celui-ci. Madame Dassylva précise qu’elle a déterminé l’emploi convenable de représentant des ventes après étude de ses composantes et tenté d’expliquer au travailleur que l’indemnité de remplacement du revenu qui lui est versée compense pour la différence du salaire de base proposé.

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier 373627-62C-0903

[19]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que la CSST était bien fondée de modifier le plan original de réadaptation car elle devait se conformer aux dispositions de l’article 146 de la loi, suite à des circonstances nouvelles, soit l’échec du stage de formation pratique du travailleur chez Magil.

Dossier 390574-62C-0910

[20]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que le travailleur est capable d’effectuer l’emploi convenable de représentant des ventes à compter du 30 avril 2009 car l’ensemble des critères relatifs à l’emploi convenable se révèle nettement respecté.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[21]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST était bien fondée de modifier son plan de réadaptation, suite à l’accident du travail subi par le travailleur en date du 16 août 2004, et dans un deuxième temps, évaluer si le travailleur est capable d’effectuer l’emploi convenable de représentant des ventes à compter du 30 avril 2009.

[22]           Les articles de loi pertinents au présent litige sont les suivants :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

146.  Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

 

Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

__________

1985, c. 6, a. 146.

 

 

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

 « emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

[23]           La Commission des lésions professionnelles statue d’entrée qu’elle n’est pas habilitée à se prononcer sur les tenants et aboutissants de la formation pratique offerte à un travailleur dans le cadre du code de sécurité pour les travaux de construction; l’échec du travailleur à cette formation pratique supervisée par l’inspecteur Lemire et confirmée par la Direction de la prévention-inspection de la CSST demeure une information à l’effet que celui-ci ne pourra obtenir sa carte de compétence pour devenir agent de sécurité sur les chantiers de construction; or, cette information ne peut avoir pour effet de conférer une compétence au tribunal. Ce qui est attributif de compétence dans le présent dossier demeure la décision de la CSST de modifier son plan individualisé de réadaptation.

[24]           À cet effet, il appert manifeste que la CSST était bien fondée de modifier son plan individualisé de réadaptation et devait se conformer aux dispositions de l’article 146 de la loi. L’échec du travailleur dans sa formation pratique l’empêche tout simplement d’obtenir sa carte de compétence afin d’exercer l’emploi d’agent de sécurité sur les chantiers de construction; or, en vertu de ces circonstances nouvelles, considérant que l’emploi convenable désigné devient irréalisable, la CSST n’a d’autre choix que de modifier son plan de réadaptation et identifier un nouvel emploi convenable.

[25]           À la lecture des notes d’évolution au dossier faisant état des six rencontres entre le travailleur et madame Dassylva, le tribunal constate que l’agente en réadaptation a fait tout ce qui est humainement possible pour intéresser le travailleur dans l’identification d’un nouvel emploi mais que ses initiatives sont accueillies avec indifférence et faux fuyants; or, en l’absence de toute collaboration du travailleur, c’est donc à bon droit que l’agente détermine unilatéralement l’emploi de représentant des ventes.

[26]           L’emploi de représentant des ventes est-il un emploi convenable au sens de la loi?

[27]           Dans un premier temps, cet emploi est approprié car il respecte les goûts et les préférences du travailleur, pouvant s’effectuer dans le milieu de la construction; à cet effet, dans la cause Jalbert et La Boîte à coupe[2], on y retrouve ceci :

[37]      Suivant la définition de l’emploi convenable, l’emploi doit être approprié.  Pour apprécier si un emploi donné est ou non approprié, il paraît raisonnable de mesurer l’écart qui existe objectivement entre les goûts, les aptitudes et les préférences d’un travailleur et les qualités requises pour exercer l’emploi dit convenable.  S’il existe un important hiatus entre les deux, on peut conclure que l’emploi n’est pas approprié.  Lorsque l’emploi ne colle pas parfaitement aux goûts, aux préférences et aux aptitudes d’un travailleur, on peut, selon les cas, conclure qu’il est tout de même approprié.  Il faut adopter une attitude réaliste.  Il est utopique d’exiger qu’un emploi colle parfaitement à la personnalité de celui qui pourra l’exercer.  Certaines concordances sont plus importantes que d’autres.

 

 

[28]           Le travailleur a aussi les qualifications professionnelles, ayant complété le programme de technicien de vente du Centre de formation professionnelle de la vente du Collège Marie-Victorin en 1988; de plus, celui-ci s’exprime bien et pourra utiliser ses connaissances techniques et sa vaste expérience dans le domaine de la construction.

[29]           Relativement à la possibilité raisonnable d’embauche, ce critère s’avère respecté car selon l’IMT d’Emploi Québec, ce travail se révèle fort en demande et particulièrement dans le domaine de la construction.

[30]           Quant aux limitations fonctionnelles, elles s’avèrent manifestement respectées car elles traitent uniquement de la main gauche alors que le travailleur est droitier et que la tâche de représentant des ventes ne nécessite pas de manipulation d’outils ou de préhension en pince de petits objets de la main gauche.

[31]           À la lumière de l’ensemble de ces considérations, le travailleur est donc capable d’effectuer l’emploi convenable de représentant des ventes à compter du 30 avril 2009.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 373627-62C-0903

REJETTE la requête de monsieur Paul Patrice Désormeaux, le travailleur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 3 mars 2009 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était bien fondée de modifier le plan individualisé de réadaptation de monsieur Paul Patrice Désormeaux.

Dossier 390574-62C-0910

REJETTE la requête de monsieur Paul Patrice Désormeaux, le travailleur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 18 septembre 2009 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Paul Patrice Désormeaux est capable d’effectuer l’emploi convenable de représentant des ventes à compter du 30 avril 2009.

 

 

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Michel Denis

 

 

 

 

Me Sonia Sylvestre

PANNETON LESSARD

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           C.L.P. 151993-32-0011, 25 mars 2002, G. Tardif

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