Décision

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Gendreau et H & R Block Canada inc.

2009 QCCLP 4033

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

16 juin 2009

 

Région :

Laval

 

Dossier :

360789-61-0810

 

Dossier CSST :

118124809

 

Commissaire :

Daniel Martin, juge administratif

 

Membres :

Paul Duchesne, associations d’employeurs

 

Michelle Desfonds, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Louise Gendreau

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

H & R Block Canada inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 20 octobre 2008, madame Louise Gendreau (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 3 octobre 2008, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 14 juillet 2008 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais occasionnés pour son déménagement.

[3]                Une audience est tenue à Laval le 10 juin 2009 en présence de la travailleuse et de son procureur. Pour sa part, H & R Block Canada inc. (l’employeur) n’est pas représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a droit au remboursement des frais occasionnés pour son déménagement effectué le 8 août 2008.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la requête de la travailleuse devrait être accueillie. Ils estiment que la travailleuse a soumis une preuve prépondérante quant aux conditions d’application prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) relatives aux frais de déménagement. Plus particulièrement, ils estiment que le déménagement qu’elle a effectué le 8 août 2008 constituait la solution la plus appropriée puisque l’adaptation de son domicile aurait été trop onéreuse.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]                La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a droit au remboursement de ses frais de déménagement effectué le 8 août 2008.

[7]                Les articles 152, 153 et 154 de la loi prévoient ce qui suit :

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

 

1° des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4° le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

153.  L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si :

 

1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;

 

2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et

 

3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.

 

Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.

__________

1985, c. 6, a. 153.

 

 

154.  Lorsque le domicile d'un travailleur visé dans l'article 153 ne peut être adapté à sa capacité résiduelle, ce travailleur peut être remboursé des frais qu'il engage, jusqu'à concurrence de 3 000 $, pour déménager dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle ou qui peut l'être.

 

À cette fin, le travailleur doit fournir à la Commission au moins deux estimations détaillées dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige.

__________

1985, c. 6, a. 154.

 

 

[8]                Il ressort de ces dispositions que la CSST peut rembourser les frais de déménagement occasionnés par un travailleur dans le contexte d’un plan de réadaptation sociale.

[9]                Dans le présent dossier, la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle le 9 février 2000 pour laquelle a été retenu un diagnostic d’entorse grave de la cheville gauche avec rupture complète du ligament péronéo-astragalien, une déchirure de la capsule articulaire, une synovite chronique à l’articulation tibio-tarsienne et une instabilité ainsi qu’un phénomène douloureux régional complexe.

[10]           Le 21 janvier 2003, la travailleuse a subi une chirurgie au niveau de la cheville gauche, soit une arthroscopie de sa cheville avec débridement et reconstruction ligamentaire de l’appareil ligamentaire externe de la cheville.

[11]           À la suite de la consolidation de la lésion professionnelle, un membre du Bureau d’évaluation médicale a évalué le déficit anatomo-physiologique à 2 %.

[12]           Le 30 septembre 2004, la CSST à la suite d’une révision administrative reconnaît l’existence d’une relation entre le diagnostic de tendinite de la cheville droite et la lésion professionnelle. Elle maintient également les conclusions émises par le Bureau d’évaluation médicale dont celui portant sur le déficit anatomo-physiologique de 2 %. Elle conclut que la décision portant sur la capacité de la travailleuse à exercer son emploi est prématurée.

[13]           Par la suite, il ressort du dossier que la travailleuse était en attente d’une chirurgie au niveau de sa cheville droite. En septembre 2006, la travailleuse a également déposé une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation survenue le 5 juillet 2006 alors qu’elle marchait sur son pied gauche et qu’elle a fait une chute.

[14]           La lésion professionnelle est consolidée par le médecin qui a charge au 24 octobre 2007. Ce médecin prévoit alors une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Toutefois, cette évaluation des séquelles permanentes a été retardée en raison d’une chute que la travailleuse a subie le 7 mai 2008.

[15]           Le 29 janvier 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle avise la travailleuse qu’elle n’est plus capable d’exercer son emploi de secrétaire réceptionniste ni de retourner chez son employeur. Elle l’avise qu’elle va continuer de lui verser une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle ait atteint l’âge de 68 ans.

[16]           Le 24 février 2009, le docteur Yves Bergeron, physiatre, complète un rapport d’évaluation médicale. À cette occasion, il prend connaissance de l’ensemble du dossier médical. Il note que la travailleuse accuse des douleurs aux deux chevilles, qu’au repos la douleur peut être présente ou absente. À la marche, la douleur est régulièrement exacerbée. La position debout après une dizaine de minutes lui est délétère.

[17]           Le docteur Bergeron émet les limitations fonctionnelles suivantes :

LIMITATIONS FONCTIONNELLES

 

La patiente mentionne actuellement qu’elle doit gérer son horaire pour tenter d’être assise le plus longtemps possible. La marche dans de bonnes conditions est limitée à 10-15 minutes alors que dans de mauvaises conditions ou essentiellement sur le gazon, elle est limitée de façon encore plus importante compte tenu d’un problème d’équilibre et que la patiente a peur de chuter. À cet égard, elle mentionne qu’elle a décidé de déménager d’une maison où il y avait 4 paliers d’escaliers à une nouvelle maison limitée à 2 paliers.

 

Les limitations fonctionnelles octroyées au Bureau d’évaluation médicale le 23 juillet 2004 vont de la classe I à la classe 4 selon l’échelle de l’IRSST (annexe).

 

Le docteur Duchesne mentionne en effet :

 

-           «La patiente ne devrait pas travailler en position debout sur une période consécutive de plus de 20 minutes».

            Il s’agit d’une restriction plus sévère que la classe 3, impliquant donc la classe 4.

 

-           « La patiente ne devrait pas monter ou descendre fréquemment des escaliers au travail».

            Il s’agit d’une restriction considérée modérée, classe 2.

 

-           «La patiente ne devrait pas monter dans des escaliers ou des escabeaux».

            Il s’agit d’une restriction considérée modérée, classe 2.

 

-           «La patiente ne devrait pas travailler de façon régulière en position accroupie».

            Il s’agit d’une restriction considérée légère, classe 1.

 

Compte tenu des rechutes subséquentes en juillet 2006 à la cheville gauche et en mai 2008 à la cheville droite, nous considérons actuellement que la patiente a des restrictions très sévères au niveau des membres inférieurs, classe 4 selon l’échelle de l’IRSST.

 

 

[18]           Dans sa conclusion, le docteur Bergeron précise que ces restrictions fonctionnelles importantes doivent être prescrites afin d’éviter une détérioration au niveau des deux chevilles et une éventuelle réapparition d’un syndrome douloureux régional complexe. Il établit à 2 % les séquelles antérieures et à 8 % les séquelles actuelles.

[19]           Le 17 avril 2009, la CSST rend une décision où elle détermine une atteinte permanente de 6 % auquel s’ajoute 1 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie.

[20]           À l’audience, la travailleuse déclare qu’à la suite de sa lésion professionnelle, elle a pris la décision avec son conjoint de vendre sa maison laquelle comportait quatre paliers. Cette situation lui engendrait des difficultés dans les déplacements effectués à l’intérieur de la maison. Ainsi, elle avait cinq marches à gravir pour se rendre à la chambre ainsi qu’à la salle de bain. Il y avait huit marches à monter pour se rendre au premier sous-sol et deux autres marches pour se rendre au deuxième sous-sol. Il y avait une salle de bain également au deuxième sous-sol. La laveuse et la sécheuse étaient au premier sous-sol. Tous ces déplacements engendraient des douleurs ainsi que de l’enflure à sa cheville. Elle craignait de chuter lors de ses déplacements dans les escaliers. C’est dans ce contexte, qu’elle a tenté à quatre reprises de vendre sa maison jusqu’au moment où finalement elle a été en mesure de déménager le 8 août 2008.

[21]           Avant d’effectuer ce déménagement, elle a fait parvenir à la CSST deux estimations concernant les frais de ce dernier. Ainsi, il ressort du dossier qu’une première estimation a été effectuée par la firme Jean-Guy Brault Déménagement pour un coût total de 1 693,13 $. Une deuxième estimation a été transmise à la CSST provenant du Clan Panneton et datée du 23 juin 2008. Cette estimation prévoyait un taux horaire de 130 $ de l’heure. Dans une lettre adressée à la CSST en date du 7 juillet 2008, la travailleuse mentionne qu’elle va retenir les services du Clan Panneton. Elle ajoute que sa résidence n’est plus adéquate en raison de son état de santé puisqu’il existe des marches d’escalier pour se rendre aux chambres et à la salle de bain. Le déménagement a eu lieu le 8 août 2008 et a coûté 1 378,66 $.

[22]           Lors de l’audience, le conjoint de la travailleuse mentionne avoir obtenu des estimations quant à une éventuelle adaptation du domicile, et ce, avant de prendre la décision de déménager. Or, les coups de cette adaptation se sont avérés très élevés puisqu’ils étaient de l’ordre de 40 000 $. Il précise que pour installer une salle de bain au premier étage, de façon à éviter à sa conjointe des déplacements, cela impliquait de faire un nouveau solage puisqu’il n’y en avait pas à l’endroit où aurait pu être localisée ladite salle de bain. C’est dans ce contexte, que lui et sa conjointe ont choisi de déménager dans une maison ne comportant qu’un seul palier pour l’ensemble des pièces utilisées telles que les chambres et la salle de bain.

[23]           La Commission des lésions professionnelles constate que la travailleuse a soumis une preuve prépondérante permettant de conclure à son droit au remboursement des frais de déménagement occasionnés le 8 août 2008. En effet, il ressort de la preuve que l’adaptation du domicile se serait avérée très coûteuse étant donné l’existence de quatre paliers à l’intérieur du domicile. Or, l’article 154 de la loi prévoit que dans une telle situation, un travailleur peut se voir rembourser les frais de déménagement afin de s’installer dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle.

[24]           De plus, tel que le prévoit l’article 153 de la loi, la travailleuse a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique au niveau des deux chevilles. Ces lésions aux chevilles ont eu des conséquences importantes pour la travailleuse qui ont rendu ses déplacements beaucoup plus difficiles et ont nécessité des limitations fonctionnelles de classe IV selon l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (l’IRSST). La condition physique de la travailleuse nécessitait donc une adaptation du domicile de façon à lui permettre d’entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d’avoir accès, de façon autonome, aux biens ainsi qu’aux commodités de son domicile. De plus, la travailleuse a soumis deux estimations tel que l’exigeait l’article 154 de la loi.

[25]           La travailleuse a donc établi que sa condition physique nécessitait une modification de son lieu de résidence et que la solution la plus appropriée était de déménager. Dans ce contexte, elle a droit au remboursement des frais de déménagement engendrés le 8 août 2008 dont le coût s’élève à 1 378,66 $.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée par madame Louise Gendreau, la travailleuse;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 3 octobre 2008, à la suite d’une révision administrative;

 

 

DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des frais de déménagement au montant de 1 378,66 $.

 

 

__________________________________

 

Daniel Martin

 

 

 

 

Me Claude Bovet

Représentant de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

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