Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Valcourt et Alcoa ltée

2012 QCCLP 7572

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saguenay

21 novembre 2012

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord

 

Dossier :

478640-09-1207

 

Dossier CSST :

123496044

 

Commissaire :

Jean Grégoire, juge administratif

 

Membres :

Jeannot Minville, associations d’employeurs

 

Marc Paquet, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Lionel Valcourt

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Alcoa limitée

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 31 juillet 2012, monsieur Lionel Valcourt (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 25 juillet 2012 à la suite d'une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme une première décision qu’elle a rendue le 24 mai 2012 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais reliés au bois de chauffage, à des travaux de peinture et au déneigement.

[3]           Une audience s’est tenue le 6 novembre 2012 à Baie-Comeau en présence du travailleur et de son procureur. Pour sa part, tant la compagnie Alcoa limitée (l’employeur) que la CSST n’étaient pas représentés lors de cette audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement, pour la période hivernale 2011-2012, des frais de 1 500,00 $ reliés à l’achat de bois de chauffage ainsi que des frais de 569,62 $ reliés au déneigement.

[5]           D’autre part, le travailleur spécifie qu’il ne réclame plus le remboursement des frais reliés à des travaux de peinture.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]           Le membre issu des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont d’avis unanime que la requête du travailleur doit être accueillie.

[7]           Ils sont d’avis que la preuve prépondérante est à l’effet que la demande du travailleur satisfait à toutes les conditions prévues à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Ils ajoutent que cette disposition ne prévoit pas l’obligation, pour avoir droit à un remboursement de frais reliés à l’entretien courant du domicile, de fournir à la CSST une facture ou un reçu.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais reliés à l’achat de bois de chauffage et au déneigement des voies d’accès de son domicile.

[9]           L’article 145 de la loi prévoit qu’un travailleur victime d’une lésion professionnelle et qui demeure avec une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique a droit à la réadaptation que requiert son état :

 

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

[10]        De façon plus spécifique, c’est l’article 165 de la loi qui prévoit les conditions requises pour qu’un travailleur ait droit au remboursement des frais reliés à l’entretien courant de son domicile ainsi que le montant[2] maximal auquel il peut avoir droit :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[11]        Relativement à la présence d’une atteinte permanente grave à l’intégrité physique dont il est fait référence à l’article 165 de la loi, la jurisprudence du tribunal a déjà spécifié que cette notion devait s’analyser en fonction de la capacité résiduelle du travailleur à effectuer les travaux visés par cette disposition. Cette interprétation se retrouve notamment dans l’affaire Allard et Plomberie Lyonnais inc.[3], où le tribunal spécifiait que :

[16]  La jurisprudence a défini le caractère grave de l’atteinte permanente en regard de la finalité de l’article 165 de la loi qui est l’exécution des travaux d’entretien courant du domicile3.  Ainsi, il s’agit d’évaluer si les limitations fonctionnelles du travailleur découlant de sa perte d’intégrité physique l’empêchent d’exécuter lui-même les travaux d’entretien réclamé.

__________

            3                     Général Électrique du Canada Inc. et Nazir Mohammed Shaikh, 19395-62-9905, 23 octobre 1992,

                                               Francine Dion Drapeau, commissaire  [sic]

 

[12]        De plus, la jurisprudence a également établi que les frais reliés au déneigement des voies d’accès du domicile[4] ainsi que ceux reliés à l’acquisition de bois de chauffage, pouvaient être considérés comme des frais reliés à des travaux d’entretien courant du domicile au sens de l’article 165 de la loi. De façon plus spécifique, la jurisprudence a précisé, pour les frais reliés à l’achat de bois de chauffage, que la preuve devait démontrer que le chauffage au bois constitue le principal ou l’unique mode de chauffage de la résidence du travailleur. Ce principe a clairement été établi dans l’affaire Hamel et Mines Agnico Eagle ltée[5], où l’on peut lire que :

[30]      La Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’achat du bois de chauffage et ses activités afférentes, (coupe, cordage, transport) ne peuvent constituer des travaux exécutés pour garder en bon état le domicile du travailleur lorsque le chauffage au bois ne constitue pas le principal ou l’unique mode de chauffage du domicile du travailleur.

 

[31]      En contrepartie, cependant, lorsque le chauffage au bois est le principal ou l’unique moyen de chauffage du domicile du travailleur, il y a lieu d’assimiler l’achat du bois de chauffage et ses activités afférentes à des travaux d’entretien courant du domicile.  En effet, dans un tel cas, le chauffage au bois constitue pour le travailleur des travaux ordinaires et habituels qui empêchent la détérioration de son domicile par temps froid.  [sic]

 

[13]        Une fois ces balises juridiques établies, analysons maintenant la preuve dont dispose le tribunal dans le présent dossier.

[14]        Le 20 novembre 2002, le travailleur procède au déneigement des terrains de l’employeur avec un chargeur. En descendant du véhicule, il glisse sur un morceau de glace et se renverse le pied gauche. Les diagnostics retenus à la suite de cet accident du travail sont ceux de contusion au talon gauche et de fasciite plantaire gauche symptomatique. Ces lésions ont été consolidées le 26 août 2004 sans séquelle permanente mais avec les limitations fonctionnelles suivantes :

Monsieur Valcourt devra :

Ø  Éviter de marcher sur de longues distances;

Ø  Éviter de travailler en position accroupie;

Ø  Éviter de monter ou descendre fréquemment des escaliers;

Ø  Éviter de travailler dans des échelles, des échafaudages ou des escabeaux;

Ø  Éviter la marche en terrain accidenté ou glissant.  [sic]

 

[15]        Le 24 janvier 2005, la CSST admet le travailleur en réadaptation professionnelle.

[16]        Le 15 février 2005, le travailleur demande à la CSST qu’elle lui rembourse certains frais reliés à l’entretien de son domicile, dont ceux reliés à la tonte du gazon, au déneigement, au bois de chauffage et à de la peinture intérieure.

[17]        Le 21 mars 2005, la CSST détermine que le travailleur est maintenant capable d’occuper l’emploi convenable d’opérateur de machinerie légère et d’opérateur de balayeuse mobile chez l’employeur.

[18]        Le 22 mars 2005, la CSST refuse de défrayer les frais réclamés par le travailleur  pour l’entretien courant de son domicile, au motif qu’aucune séquelle permanente ne lui a été reconnue.

[19]        Le 4 octobre 2011, la Commission des lésions professionnelles rend une décision[6] par laquelle elle reconnaît que le travailleur a subi, le 23 août 2010, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 20 novembre 2002.

[20]        Le 1er décembre 2011, le travailleur fait parvenir à la CSST, des demandes de remboursement de frais reliés à des travaux de peinture, au déneigement et à l’achat de bois de chauffage. Le travailleur joint à sa demande une copie d’une facture et d’un contrat de déneigement pour l’hiver 2011-2012 de l’entreprise Déneigement Sylvain Poirier au montant de 569,62 $.

[21]        Le 1er février 2012, le docteur Jean-Paul Porlier (chirurgien orthopédiste) complète un rapport d’évaluation médicale relativement à la récidive, rechute ou aggravation survenue le 23 août 2010. Au sujet des problèmes vécus par le travailleur en raison de sa lésion professionnelle, le docteur Porlier écrit que celui-ci manque de force au niveau de la cheville et du pied gauches, qu’il a des douleurs chroniques qui sont augmentées par la marche prolongée ou en terrain accidenté, qu’il porte une chevillière rigide et qu’il présente une boiterie. Le docteur Porlier note également que le travailleur peut réaliser ses activités de la vie quotidienne, sauf qu’il évite de pousser de la neige avec un souffleur, une gratte ou une pelle.

[22]        À la suite de l’examen clinique du travailleur, le docteur Porlier accorde un déficit anatomophysiologique de 2 % (code 103499) en raison de la présence d’une atteinte des tissus mous du pied et de la fasciite plantaire qui entraînent une boiterie et nécessitent le port d’une orthèse plantaire. En ce qui concerne la présence de limitations fonctionnelles, le médecin émet les mêmes limitations que celles qui avaient été reconnues au travailleur en 2004.

[23]        Le 5 mars 2012, la CSST rend une décision par laquelle elle établit que le travailleur conserve, à la suite de sa récidive, rechute ou aggravation du 23 août 2010, une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychologique de 2,20 %, ce qui lui donne droit à une indemnité pour dommage corporel de 1 266,65 $.

[24]        Le 14 mars 2012, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur est à nouveau capable d’exercer son emploi depuis le 2 mars 2012.

[25]        Les 24 mai et 12 juin 2012, la CSST rend des décisions par lesquelles elle refuse de rembourser au travailleur les frais reliés aux travaux de peinture, au déneigement et à l’achat de bois de chauffage.

[26]        Le 25 juillet 2012, à la suite d'une révision administrative, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue le 24 mai 2012 et déclare nulle la seconde décision rendue le 12 juin 2012.

[27]        Le 31 juillet 2012, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue par la CSST le 25 juillet 2012, d’où le présent litige.

[28]        Lors de l’audience, le tribunal a entendu le témoignage du travailleur. Ce dernier confirme qu’il est propriétaire, depuis plusieurs années, d’une maison située à Baie-Comeau. Pour accéder à sa résidence, il explique qu’il a une entrée pavée de 65 pieds de long par environ 30 pieds de large.

[29]        Le travailleur ajoute qu’avant l’accident du travail qu’il a subi en 2002, il s’occupait lui-même du déneigement des voies d’accès et du stationnement des véhicules de son domicile. Pour effectuer cette tâche, il utilisait une petite souffleuse ainsi que des pelles à neige.

[30]        Le travailleur poursuit son témoignage en déclarant qu’à la suite de son accident du travail de 2002, il n’avait plus la capacité de faire lui-même le déneigement de sa propriété. Il souligne que le fait de pousser de la neige avec une pelle ou de manœuvrer sa souffleuse provoquait des douleurs à sa cheville et à son pied gauches. Le travailleur déclare avoir donc dû utiliser les services d’une entreprise de déneigement pour effectuer ce travail.

[31]        En ce qui concerne les frais reliés à l’achat de bois de chauffage, le travailleur explique qu’il paye 1 500,00 $ par année pour obtenir le bois de chauffage nécessaire pour son domicile. Il précise qu’il utilise entre 12 et 15 cordes de bois par année et que le chauffage au bois est le chauffage principal de sa résidence. Il ajoute que cette dernière information est d’ailleurs inscrite sur son contrat d’assurance habitation.

[32]        Le travailleur poursuit son témoignage en déclarant qu’il n’a pas de facture ou de reçu pour les frais reliés à l’acquisition du bois de chauffage, puisque c’est son fils ainsi qu’un ami de ce dernier qui bûchent le bois et transportent celui-ci à sa résidence. Le travailleur confirme néanmoins avoir versé une somme totale de 1 500,00 $ à ces personnes pour le travail réalisé à l’automne 2011. Il ajoute qu’avant son accident du travail survenu en 2002, il effectuait lui-même son bois de chauffage. Depuis cet événement, il affirme ne plus être en mesure de le faire, car le fait de marcher sur des terrains accidentés en forêt lui cause des douleurs au pied gauche.

[33]        De ces éléments de preuve, le tribunal retient qu’avant l’accident du travail survenu en 2002, le travailleur effectuait lui-même le déneigement des voies d’accès à sa résidence ainsi que les travaux reliés au bois de chauffage nécessaires pour chauffer celle-ci.

[34]        Il y a aussi lieu de constater qu’à la suite de sa lésion professionnelle de 2002, le travailleur a conservé des limitations fonctionnelles qui ont notamment nécessité la détermination d’un emploi convenable chez l’employeur. De plus, une récidive, rechute ou aggravation, survenue le 23 août 2010, fut reconnue au travailleur. Cette dernière lésion n’a pas entraîné de nouvelles limitations fonctionnelles, mais néanmoins, un déficit anatomophysiologique de 2 % fut reconnu au travailleur.

[35]        D’autre part, le tribunal retient que selon le rapport d’évaluation médicale complété par le docteur Porlier daté du 1er février 2012, le travailleur présente plusieurs problèmes reliés à sa lésion professionnelle, dont une perte de force au niveau de la cheville du pied gauche, une boiterie, des douleurs lors de la marche prolongée ou en terrain accidenté, qu’il doit porter une chevillière rigide et qu’il n’est plus capable de faire certaines activités d’entretien de son domicile ou de loisirs, dont le déneigement des voies d’accès de sa résidence. Le témoignage du travailleur est également à l’effet qu’il ne peut plus, en raison des séquelles qu’il présente au membre inférieur gauche, s’occuper lui-même du déneigement de son domicile ni de faire son bois de chauffage. D’ailleurs, toujours selon son témoignage, ces travaux augmentent les douleurs à son pied gauche.

[36]        Le tribunal retient aussi que le chauffage au bois constitue le moyen de chauffage principal de la résidence du travailleur. D’ailleurs, le fait qu’il utilise entre 12 et 15 cordes de bois par année démontre que ce type de chauffage n’est pas un moyen de chauffage accessoire ou secondaire de sa résidence.

[37]        De l’avis du tribunal, l’ensemble de ces éléments permet de conclure que le travailleur conserve une atteinte permanente à son intégrité physique pouvant être qualifiée de grave au sens de l’article 165 de la loi, puisque c’est en raison de celle-ci qu’il ne peut plus effectuer certains travaux d’entretien courant de son domicile, dont ceux reliés au déneigement et au bois de chauffage.

[38]        D’autre part, le témoignage non contredit et crédible du travailleur est à l’effet qu’il effectuait lui-même, avant son accident du travail de 2002, les travaux reliés au bois de chauffage et au déneigement de son domicile. Même si au moment de la récidive, rechute ou aggravation survenue en 2010, le travailleur n’effectuait plus lui-même ce genre de travaux, le tribunal estime que le témoignage du travailleur démontre clairement que n’eût été sa lésion professionnelle, ce dernier « effectuerait » lui-même les travaux de déneigement de sa résidence et ceux reliés au bois de chauffage. D’ailleurs, la jurisprudence du tribunal a déjà souligné qu’en vertu de l’article 165 de la loi, le travailleur n’a pas à démontrer qu’il effectuait lui-même les travaux d’entretien avant sa lésion professionnelle, mais plutôt qu’il « effectuerait » lui-même ses travaux n’eût été sa lésion professionnelle. Ce raisonnement se retrouve notamment dans l’affaire Bacon et General Motors du Canada et CSST[7]  où l’on peut lire que :

[77]      La prochaine condition à remplir est que les travaux d’entretien réclamés soient des travaux que le travailleur « effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion ». D’entrée de jeu, le tribunal remarque que la CSST et certaines décisions du présent tribunal semblent remplacer le verbe « effectuerait » par « effectuait » en référant systématiquement au vécu prélésionnel du travailleur au niveau des travaux d’entretien courant du domicile. Le tribunal note que le législateur a plutôt utilisé le verbe « effectuer » au conditionnel et non pas à l’imparfait. Le tribunal estime donc qu’il doit plutôt rechercher dans la preuve les éléments démontrant ce qui se serait passé dans l’éventualité où le travailleur ne s’était pas blessé et non pas systématiquement et uniquement ce qu’il faisait auparavant. Bien entendu, le vécu passé du travailleur pourra être garant de l’avenir et constituer une preuve très importante pour démontrer qu’il n’aurait pas effectué lui-même certains travaux. Cependant, si un travailleur peut démontrer par une preuve prépondérante que, bien qu’il n’effectuait pas lui-même les travaux d’entretien courant avant sa lésion il les aurait effectués après cette lésion, ceci lui permettra d’obtenir les bénéfices prévus par la Loi.

 

[78]      Cette interprétation a d’ailleurs été adoptée par le commissaire Pierre Simard dans l’affaire Huard et Huard3. Dans cette affaire, un travailleur avait acquis une résidence après la survenance de sa lésion professionnelle de sorte qu’avant cette lésion, il n’effectuait pas lui-même la tonte du gazon. En se procurant cette résidence, le travailleur constate qu’il est incapable de procéder lui-même à la tonte du gazon et il demande à la CSST le remboursement des frais encourus à cet effet, ce que la CSST refuse prétextant qu’il n’effectuait pas lui-même cette tâche auparavant n’ayant pas de gazon à couper. La Commission des lésions professionnelles décide dans cette affaire que lorsqu’elle interprète le terme « effectuerait normalement lui-même », la CSST en révision administrative ajoute à cette condition qui emploie le conditionnel, une seconde condition à savoir que le travailleur devait lui-même accomplir les travaux antérieurement à sa lésion professionnelle. Selon la Commission des lésions professionnelles, donner un tel sens à l’article 165 en réduit considérablement la portée, ce qui est inacceptable. Le test constitue donc plutôt de vérifier si le travailleur, dans l’hypothèse où il n’aurait pas subi de lésion professionnelle, effectuerait lui-même les travaux. Le présent tribunal se rallie totalement à cette position qui est conforme à l’objectif ultime de la Loi tel qu’énoncé à son article 1, soit la réparation des lésions professionnelles ainsi que des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires.

­­­­­­­­­­­­_______________

3             Déjà citée.               [sic]

 

[39]        Le soussigné partage entièrement le raisonnement contenu dans cette affaire et conclut que n’eût été les conséquences de sa lésion professionnelle, le travailleur « effectuerait » lui-même le déneigement des voies d’accès de sa résidence ainsi que les travaux reliés à l’acquisition de bois de chauffage.

[40]        La Commission des lésions professionnelles estime donc que le travailleur a droit au remboursement des frais de 569,62 $ reliés au déneigement de son domicile ainsi qu’à un montant de 1 500,00 $ relié à l’achat de bois de chauffage. Le tribunal tient à préciser que même si le travailleur n’a pas de facture ou de reçu pour les frais reliés à l’acquisition de bois de chauffage, la Commission des lésions professionnelles est satisfaite du témoignage sous serment, crédible et non contredit du travailleur à l’effet qu’il a réellement engagé, en 2011, la somme de 1 500,00 $ pour l’acquisition de bois de chauffage. D’ailleurs, il y a lieu de constater que l’article 165 de la loi ne prévoit pas formellement que le remboursement de frais d’entretien courant du domicile soit conditionnel à la fourniture, par le travailleur, d’une facture ou d’un reçu démontrant les paiements effectués. Le tribunal tient néanmoins à souligner qu’il est préférable[8] de fournir à la CSST une preuve des paiements effectués, preuve qui a été faite, dans le présent dossier, à la satisfaction du tribunal.

[41]        La requête du travailleur est donc accueillie.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Lionel Valcourt, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 25 juillet 2012 à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement, pour l’année 2011, des frais de 569,62$ reliés au déneigement de son domicile ainsi que des frais de 1 500,00 $ reliés à l’achat de bois de chauffage.

 

 

__________________________________

 

Jean Grégoire

 

 

 

 

Me Denis Mailloux

CSN

Représentant de la partie requérante

 

 

 

 

Me René Fréchette

VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q., c.A-3.001.

[2]           Pour l’année 2011, le montant maximal pouvant être réclamé pour des travaux d’entretien courant du domicile était de 2 895,00 $.

[3]           C.L.P. 141253-04B-0006, 11 décembre 2000, H. Thériault.

[4]           Gauthier et Services Yott ltée (F), 2011 QCCLP 2859 .

[5]           C.L.P. 134627-08-0002, 10 juillet 2001, M. Lamarre.

[6]           C.L.P. 430904-09-1102, 4 octobre 2011, M. Larouche.

[7]           C.L.P. 226939-04-0402, 17 novembre 2004, J.-F. Clément.

[8]           Boisvert et Centre Vérification Mecan Montréal, 2012 QCCLP 6357 .

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