Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

Le 9 mars 2004

 

Région :

Québec

 

Dossier :

212380-31-0307                  221924-31-0312

 

Dossier CSST :

093273126

 

Commissaire :

Jean-Luc Rivard, avocat

 

Membres :

Céline Marcoux, associations d’employeurs

 

Guy Paquin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Yvon Cauchon

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Excavation Marcel Cauchon (Fermé)

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 212380-31-0307

 

[1]                Le 17 juillet 2003, monsieur Yvon Cauchon (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 13 juin 2003 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 25 mars 2003 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de travaux d’entretien courant de son domicile en vertu de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

 

Dossier 221924-31-0312

[3]                Le 1er décembre 2003, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 28 novembre 2003 à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 25 mars 2003 et déclare que le travailleur n’a pas droit au versement de l’aide personnelle à domicile en vertu de l’article 158 de la loi.

[5]                À l’audience tenue à Québec le 1er mars 2004, le travailleur était présent et représenté par Me Jean Bellemare. L'employeur a, par ailleurs, cessé ses activités commerciales.

 

OBJET DES CONTESTATIONS

[6]                Dans un premier temps, le travailleur demande de déclarer qu’il a droit, conformément à l’article 165 de la loi, au remboursement des frais pour les travaux d’entretien courant de son domicile en rapport avec les activités suivantes : peinture intérieure et extérieure, déneigement, tonte du gazon, grand ménage annuel et cordage du bois de chauffage.

[7]                Le travailleur demande par ailleurs de lui reconnaître un montant d’aide personnelle à domicile conformément à l’article 158 de la loi en lui reconnaissant 15 points sur une possibilité de 48 selon la grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile de la CSST.

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

[8]                Le membre issu des associations syndicales de même que la membre issue des associations d’employeurs sont d’avis que le travailleur remplit les conditions de l’article 165 de la loi et qu’il a droit au remboursement des frais de l’entretien courant de son domicile pour les travaux de peinture intérieure et extérieure, de déneigement, de tonte du gazon, de cordage de bois et le grand ménage annuel. En effet, la preuve entendue à l’audience permet d’établir que le travailleur est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile alors qu’il effectuait normalement lui-même l’ensemble de ces travaux avant la survenance de sa lésion professionnelle.

[9]                Quant à la demande d’aide personnelle à domicile, les membres sont d’avis de retenir, de façon générale, les conclusions du rapport de Frédéric Villeneuve, ergothérapeute, produit par le travailleur lui-même à son dossier. Cette évaluation effectuée le 13 novembre 2003, permet d’accorder au travailleur 9 points sur une possibilité de 48 en vue d’obtenir une aide personnelle à domicile.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[10]           Le tribunal doit trancher deux questions.

[11]           Dans un premier temps, le tribunal doit évaluer si le travailleur a droit, conformément à l’article 165 de la loi, aux frais relatifs aux travaux d’entretien courant de son domicile pour les travaux de peinture intérieure et extérieure, de déneigement, de tonte de pelouse, le cordage de bois et de grand ménage annuel.

[12]           Dans un deuxième temps, le tribunal doit évaluer si le travailleur a droit à une aide personnelle à domicile conformément à l’article 158 de la loi.

[13]           Le tribunal rappelle que le travailleur a subi le 1er mai 1986 un grave accident du travail alors qu’il était âgé de 22 ans. L’explosion du réservoir dans lequel il se trouvait a provoqué chez le travailleur de multiples traumatismes dont une rupture de la rate, des lésions au foie, des fractures au bassin, à la jambe droite, aux côtes, au pied droit, au péroné, au sacrum et à l’aileron sacré ainsi qu’une commotion cérébrale mineure.

[14]           Le travailleur s’est vu reconnaître une atteinte permanente de 68 % à la suite de cet accident du travail survenu le 1er mai 1986.

[15]           Le travailleur a subi une rechute, récidive ou aggravation le 7 février 1995 aggravant notablement sa condition puisqu’une atteinte permanente supplémentaire de 15 % lui fut reconnue. Le travailleur se voyait reconnaître de multiples pourcentages d’atteinte permanente en raison d’une hernie discale au niveau L4-L5 avec perte de mouvements importants au niveau lombaire.

[16]           Les limitations fonctionnelles retenues par le Dr Jean-François Roy, chirurgien orthopédiste, dans un rapport d’évaluation médicale du 31 août 1995, sont similaires à celles déjà retenues le 13 avril 1988 par le Dr Jean-Marc Lépine, chirurgien orthopédiste, et se lisant comme suit :

«Séquelles gênant le travailleur à son travail 

 

Patient actuellement incapable d’effectuer son travail antérieur ou tout travail nécessitant une station debout prolongée ou la marche prolongée, ou tout travail nécessitant la position accroupie vu les séquelles douloureuses résiduelles à la région lombaire incluant la malunion de la fracture du sacrum. Ce patient doit être réorienté vers un travail beaucoup plus léger pour le dos, travail où le patient pourrait aisément passer de la position assise à la position debout et où il n’aurait à marcher que sur de courtes distances. Eviter aussi la manipulation régulière d’objets de plus de 20 livres.»

 

 

[17]           Suite à la présentation par le travailleur d’une demande d’aide personnelle à domicile et une demande de remboursement pour les travaux d’entretien courant du domicile, la CSST procédait à une évaluation de sa condition le 21 mars 2003. Une conseillère en réadaptation de la CSST avait recueilli les informations de la part du travailleur lors d’une visite à domicile. La conseillère en réadaptation de la CSST a rempli une grille d’évaluation des besoins pour les remboursements des frais d’entretien courant du domicile. Cette grille comporte une évaluation des besoins d’assistance personnelle et domestiques permettant d’accorder un pointage maximum de 48 points selon les différents éléments à évaluer. La conseillère accordait au travailleur 1.5 point, seulement en raison des besoins d’assistance partielle pour l’activité d’approvisionnement seulement.

[18]           La conseillère en réadaptation refuse de façon générale l’aide personnelle au travailleur pour les activités de la vie quotidienne et déclare que le travailleur ne réalisait pas ces activités avant l’accident survenu en 1986. La conseillère déclare que les activités étaient réalisées plutôt par sa conjointe.

[19]           Le dossier contient en outre une évaluation très détaillée produite à la demande du travailleur et rédigée par monsieur Frédéric Villeneuve, ergothérapeute, en date du 13 novembre 2003.

[20]           À l’audience, le travailleur a tenté d’atténuer le contenu du rapport d’évaluation de l’ergothérapeute qu’il avait lui-même produit au dossier. Le travailleur n’est pas d’accord avec l’évaluation de son ergothérapeute en rapport avec les activités de la vie quotidienne prétextant qu’il est beaucoup moins autonome que ce qui est indiqué dans ce rapport.

[21]           Le tribunal est plutôt d’avis que ce rapport détaillé, effectué à la suite d’une visite au domicile du travailleur, comporte une analyse complète de l’ensemble du dossier du travailleur avec de multitudes informations au niveau de l’amplitude des mouvements, de la force et du contrôle des mouvements de même que de la sensibilité au niveau de toutes les structures touchées par les lésions professionnelles antérieures subies par le travailleur. Le tribunal préfère le rapport détaillé et objectif de l’ergothérapeute Villeneuve au témoignage subjectif et rendu dans des termes généraux par le travailleur à l’audience.

[22]           En ce qui concerne les frais d’entretien courant du domicile, le tribunal est d’avis, dans un premier temps, que le travailleur remplit les conditions prévues à l’article 165 de la loi qui se lit comme suit :

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[23]           Le tribunal constate que le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique puisque celle-ci s’élève à 83 %. La preuve révèle que le travailleur est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile selon les conclusions claires et détaillées de l'ergothérapeute Villeneuve rédigées le 13 novembre 2003. Le témoignage du travailleur, de sa belle-fille Mélanie Gosselin et d’un ami Daniel Baribeau, permettent d’établir que le travailleur effectuait normalement avant la survenance de sa lésion professionnelle les activités de tonte du gazon, de peinture intérieure et extérieure, de déneigement, de cordage du bois de chauffage et le grand ménage annuel.

[24]           Le tribunal conclut donc, dans un premier temps, que le travailleur peut être remboursé des frais qu’il engage pour faire exécuter les travaux ci-haut mentionnés sur présentation des pièces justificatives à la CSST selon les tarifs établis par la loi et les règlements.

[25]           Dans un deuxième temps, le tribunal est d’avis que le travailleur a droit non pas à un pointage de 15, mais bien à un pointage de 9.5 points sur une possibilité de 48 sur la base des conclusions de l’ergothérapeute Villeneuve, consignées dans son rapport du 13 novembre 2003. Il y a lieu de noter par ailleurs que la CSST n’accordait qu’un pointage de 1.5 point pour une perte partielle au chapitre des activités d’approvisionnement.

[26]           Le tribunal, en retenant les conclusions de l’ergothérapeute Villeneuve, est d’avis qu’il y a lieu d’accorder un pointage selon la grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile de la CSST pour les raisons qui suivent :

[27]           Le lever 1.5 point : en effet, l’ergothérapeute Villeneuve précise que le travailleur est autonome pour cette activité mais qu’il doit prendre sa médication environ 60 minutes avant d’effectuer un transfert au lit. Le tribunal est d’avis que la prise de cette médication permet de retenir que le travailleur a besoin d’une assistance partielle et non complète.

[28]           Habillage 1.5 point : l’ergothérapeute Villeneuve précise que le travailleur est autonome pour effectuer cette tâche en position assise suite à la prise de médication, environ 60 minutes avant cette activité. Le tribunal est d'avis que la prise de cette médication permet d’établir que le travailleur a besoin d’une assistance partielle et non complète.

[29]           Utilisation des commodités du domicile 2 points : Le tribunal est d’avis que le travailleur présente manifestement des difficultés à utiliser les escaliers de son domicile suite à la chute effectuée lors de la rechute de février 1995 menant à l’établissement d’une atteinte permanente supplémentaire de 15 %. Cette restriction implique une assistance partielle seulement.

[30]           Préparation du souper 2 points : le tribunal retient les conclusions de l’ergothérapeute Villeneuve à l’effet que le travailleur requiert une assistance partielle pour cette tâche en raison de la faible tolérance en position debout et la diminution de l’équilibre dynamique à cette occasion.

[31]           Ménage lourd 1 point : le tribunal retient les conclusions de l’ergothérapeute Villeneuve à l’effet que le travailleur est très dépendant pour effectuer des tâches difficiles, telles que passer l’aspirateur, effectuer le nettoyage de la salle de bain et le lavage des planchers en raison des postures contraignantes occasionnées par ces activités. L’assistance doit être complète.

[32]           Approvisionnement 1.5 point : cette évaluation correspond au pointage accordé par la CSST alors que le travailleur se dit en accord avec ce pointage.

[33]           Quant aux autres activités, soit le coucher, l’hygiène corporelle, le déshabillage, l’alimentation, la préparation des repas légers et l’entretien quotidien léger, le tribunal retient les conclusions de l’ergothérapeute Villeneuve à l’effet que le travailleur est autonome.

[34]           Le pointage total est donc de 9.5 points sur une possibilité de 48 points. La CSST devra donc accorder une aide personnelle à domicile au travailleur selon les normes et barèmes en vigueur en fonction d’un pointage de 9.5 points.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 212380-31-0307

ACCUEILLE la requête du travailleur, Yvon Cauchon, déposée le 17 juillet 2003;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 13 juin 2003 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais pour les travaux d’entretien courant de son domicile selon les prescriptions de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en rapport avec les travaux suivants : peinture intérieure et extérieure, déneigement, tonte de pelouse et cordage du bois et le grand ménage annuel selon les barèmes prévus par la loi et les règlements.

 

Dossier 221924-31-0312 :

ACCUEILLE la contestation du travailleur déposée le 1er décembre 2003;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 28 novembre 2003 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit à une aide personnelle à domicile sur la base d’un pointage de 9.5 points selon la grille d’évaluation de l’aide personnelle à domicile;

 

 

 

 

DÉCLARE que la CSST devra évaluer le montant de l’aide personnelle à domicile auquel le travailleur a droit sur la base d’un pointage de 9.5 points conformément à la grille d’évaluation de l’aide personnelle à domicile et la réglementation applicable.

 

 

 

 

__________________________________

 

Me JEAN-LUC RIVARD

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Jean Bellemare

BELLEMARE ASSOCIÉS

Représentant de la partie requérante

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

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