Giroux et Défense Nationale |
2013 QCCLP 2751 |
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[1] Le 20 octobre 2012, M. Stéphane Giroux (le travailleur) conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 6 septembre 2012 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a rendue initialement le 20 juin 2012 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais d’entretien courant du domicile pour les travaux d’entretien liés à la taille de sa haie.
[3] Une audience s’est tenue le 21 mars 2013 devant la Commission des lésions professionnelles en présence du travailleur, lequel n’est pas représenté. Défense nationale (l’employeur), bien que dûment convoqué est absent et non représenté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue le 6 septembre 2012 par la CSST à la suite d’une révision administrative et de déclarer qu’il a droit au remboursement de la taille de sa haie.
LES FAITS
[5] À l’époque pertinente, le travailleur est technicien en système de surveillance pour l’employeur.
[6] Le 6 juillet 2009, après avoir manipulé plusieurs panneaux cibles et enfoncé des piquets d’acier d’une vingtaine de pouces dans le sol, afin de maintenir les panneaux au sol, le travailleur ressent des douleurs aux deux bras et des raideurs aux épaules. Le travailleur consulte le 7 juillet 2009 le Dr Martin Savard qui émet une attestation médicale. Il retient un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs bilatérale. Ce diagnostic est maintenu par la suite.
[7] Le 10 septembre 2009, le travailleur produit une réclamation à la CSST, laquelle est acceptée à titre de lésion professionnelle, dont le diagnostic est une tendinite de la coiffe des rotateurs bilatérale.
[8] Cette lésion est consolidée le 4 juin 2010 par le Dr Savard.
[9] Dans un rapport d’évaluation médicale du 3 mai 2010, le Dr Gérald Bergeron estime que la lésion entraîne une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 6,90 % pour une atteinte des tissus mous avec séquelles fonctionnelles aux épaules droite et gauche et pour bilatéralité. Les limitations fonctionnelles suivantes ont par ailleurs été émises en regard de la lésion :
- Ne pas travailler les bras au-dessus des épaules, si ce n’est de façon occasionnelle;
- Ne pas manipuler des charges de plus de 5 kilos, au-delà de 90°, si ce n’est de façon occasionnelle.
[10] En raison de la présence de limitations fonctionnelles, le travailleur est admis en réadaptation.
[11] Dans le cadre du programme de réadaptation, à la demande de la CSST, une évaluation du poste de travail du travailleur est effectuée le 19 octobre 2010 par M. Pierre-Alexandre Giguère, ergonome et consultant en gestion de la santé et de la sécurité du travail. Dans un rapport du 4 novembre 2010, après évaluation du poste de travail, M. Giguère conclut :
Notre mandat était d’effectuer une visite de poste afin de documenter les exigences physiques des tâches de travail de l’emploi pré lésionnel [sic] du travailleur. De surcroît, il nous avait été demandé de fournir notre opinion quant à l’adéquation des limitations fonctionnelles émises et les exigences physiques des tâches de travail de l’emploi analysé.
À la lumière des observations réalisées et des données recueillies lors de la visite en emploi du 19 octobre 2010, considérant l’analyse et l’identification des exigences physiques réalisées dans les points précédents et considérant les limitations fonctionnelles décrites au point 1, iI appert que les limitations fonctionnelles et les exigences physiques concordent uniquement sous certaines recommandations :
· Ne pas travailler les bras au-dessus des épaules. si ce n’est de façon occasionnelle : Dans le cadre de son travail, monsieur Giroux doit travailler avec les bras au-dessus des épaules. Ceci se présente principalement lors de la conception et de la préparation des expérimentations. En effet, les différents montages potentiellement effectués peuvent nécessiter de travailler en atteinte verticale. Tel que mentionné précédemment, considérant le haut degré de variabilité des tâches de travail, il est difficile de définir avec précision, la fréquence des tâches qui nécessitent de travailler en atteinte verticale et le temps de maintien de cette position. Cependant, il est réaliste de croire que durant un quart de travail, particulièrement lors de la préparation des essais sur le terrain, le travailleur pourrait avoir à travailler occasionnellement avec les membres supérieurs au-dessus des épaules. À titre préventif, cette limitation fonctionnelle n’est donc pas respectée.
Cependant, dans l’éventualité où l’employeur serait en mesure de jumeler avec monsieur Giroux un employé temporaire non qualifié pour l’assister lors de la conception et de la préparation des expérimentations, cette limitation fonctionnelle pourrait être considérée comme respectée.
· Ne pas manipuler des charges de plus de 5 kilos, au-delà de 90 degrés, si ce n’est de façon occasionnelle : Dans le cadre de son travail, monsieur Giroux doit inévitablement manipuler des charges de plus de 5 kg. Effectivement, le poids de
plusieurs équipements, comme par exemple, les panneaux utilisés pour confectionner des cibles, les toiles et les filets de camouflage excèdent largement 5 kg. En plus, à l’occasion, ces charges doivent être manipulées au-dessus des épaules du travailleur, soit parce que:
- les localisations de rangement sont en hauteur;
- les montages de l’expérimentation exigent de travailler en hauteur;
- la technique de manutention du matériel exige de placer un membre à plus de 90 degrés d’élévation (voir l’image ci-dessous).
[…]
Tel que mentionné précédemment, considérant le haut degré de variabilité des tâches de travail, il est difficile de définir avec précision la fréquence de manutention de chacune des charges. Cependant, il est réaliste de considérer que durant un quart de travail, le travailleur pourrait avoir à manutentionner (pousser, tirer, soulever et transporter) occasionnellement des charges de plus de 5 kg, soit l’équivalent de moins de 33 manutentions, au-delà des épaules. Considérant ceci, cette limitation fonctionnelle n’est pas respectée.
Cependant, dans l’éventualité où l’employeur serait en mesure de jumeler avec monsieur Giroux un employé temporaire non qualifié pour l’assister lors des tâches de manutention, cette limitation fonctionnelle pourrait être considérée comme respectée.
[12] Dans une lettre du 19 décembre 2011 adressée à la conseillère en réadaptation de la CSST, l’employeur à la suite du rapport en ergonomie du 4 novembre 2010 écrit :
RDDC Valcartier accorde une grande importance à son capital humain et c’est dans cette optique que nous avons évalué le dossier de M. Giroux. A notre avis, la proposition de tâches respecte les limitations fonctionnelles de l’employé et lui permet d’assumer des fonctions connexes à ses compétences tout en répondant à un besoin organisationnel. Avec votre accord, M. Giroux peut continuer d’exercer ses fonctions selon les modalités envisagées.
Dans le but de respecter les limites fonctionnelles inhérentes aux exigences physiques du poste, telles que spécifiées dans le rapport de l’ergothérapeute, nous voulons instaurer une nouvelle mesure d’intégration. Lors de la planification d’essais ou d’expérimentations, le personnel de la gestion s’engage à jumeler M. Giroux avec un employé non spécialisé, afin qu’il l’assiste lors de la conception et de la préparation des expérimentations. De cette façon, RDDC veut prévenir l‘aggravation de la condition de M. Giroux ou l’apparition d’une nouvelle blessure. Il s’agit donc d’une mesure perpétuelle, tant et aussi longtemps que M. Giroux occupe ce poste, étant donné ses limitations fonctionnelles permanentes. […]
[13] Le 3 février 2012, après élaboration d’un plan de réadaptation et sur la base des recommandations de l’ergonome Giguère et de la lettre de l'employeur du 19 décembre 2011, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine que le travailleur est capable d’exercer son emploi de technicien en système de surveillance avec l’aide d’un assistant non spécialisé lors d’essais ou d’expérimentations. Par cette même décision, la Commission informe le travailleur que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu a cessé le 7 février 2010 au motif qu’il a déjà repris le travail. Cette décision ne fait pas l’objet d’une demande de révision.
[14] Le 11 juin 2012, le travailleur demande à la CSST d’autoriser le remboursement des frais pour des travaux d’entretien courant du domicile, en l’occurrence la taille de sa haie.
[15] Le 20 juin 2012, la CSST informe le travailleur qu’elle refuse de lui rembourser les travaux d'entretien pour la taille de sa haie. Le motif de la CSST est le suivant : « En effet, ces travaux ne sont pas remboursables par la Commission. »
[16] Le 16 juillet 2012, le travailleur demande la révision de la décision du 20 juin 2012 pour les motifs suivants : « J’ai une haie de 180 pieds d’une hauteur de 10 pieds par 6 pieds de profond. Avant d’être blessé c’était déjà une tâche exténuante qui me prenait une bonne douzaine d’heures. Je suis incapable de soutenir le poids du taille-haie en hauteur et à 10 pieds de haut la taille de cette haie nécessite l’installation d’un échafaudage et le repositionnement constant de ce dernier, ce que je ne suis plus capable de manipuler. Plus de détails disponibles. » [sic]
[17] Le 6 septembre 2012, la CSST en révision administrative confirme la décision du 20 juin 2012, d’où le présent litige.
[18] À la demande du travailleur, le 19 mars 2013, Mme Lyne Martel, physiothérapeute, a écrit la note suivante :
M. Giroux est suivi à notre clinique depuis septembre 2009. M. Giroux m’a demandé si selon moi, il serait raisonnablement apte à tailler une haie de cèdre de 180 pieds de long x 10 pieds de haut et 6 pieds de large. M. Giroux a fait une série de 14 traitements avec Vincent Fortin physiothérapeute se terminant le 28-06-2011. À ce stade, il présentait des amplitudes restreintes surtout au niveau de l’épaule droite à 123° actif en flexion et 82° en abduction
Les tests d’abuttement étaient positifs.
La force au niveau de l’épaule droite est diminuée de moitié par rapport à l’épaule gauche, soit:
flexion 10,5kg g 17.8kg
abduction 8,5kg g 17.3kg
re 27kg g 65kg
Les traitements ont été cessés en attendant l’opinion d’un orthopédiste puisque la condition n’évoluait pas. À cette époque, puisque les amplitudes actives sans charge étaient limitées à 123° à l’épaule droite, il m’apparaît évident qu’il ne pouvait raisonnablement tailler une haie de cèdre considérant également qu’il présentait déjà des séquelles au niveau de l’épaule gauche.
M. Giroux a par la suite été opéré en août 2012 pour une ténotomie du biceps gauche avec débridement g/h gauche, acromioplastie et bursectomie.
Jusqu’à la fin décembre 2012, il présentait une bonne amélioration puis sans raison apparente la condition a régressé. J’ai demandé à ce qu’il revoit l’orthopédiste pour évaluer la possibilité d’une infiltration ce qui a été fait; depuis, la condition s’est légèrement améliorée. M. Giroux ne peut actuellement tolérer aucune charge à plus de 90° de flexion, son amplitude active en flexion est 180° avec douleur et en abduction de 90° limitée par la douleur; la force et l’endurance des rotateurs sont actuellement très limitées; nous rééduquons présentement ce groupe musculaire en actif libre sans aucune charge.
Il est donc évident selon moi que Monsieur Giroux. ne pourrait tailler une haie de cèdre actuellement.
Espérant le tout conforme à vos attentes. [sic]
[19] Le travailleur a témoigné à l'audience. Il explique qu’il possède une haie de cèdres de 180 pieds de long de 10 pieds de haut et de 6 pieds de profond sur le terrain de sa résidence.
[20] Depuis 2008 - 2009, ses voisins venaient tailler le dessus de sa haie, mais pas les côtés. En 2012, le travailleur a retenu les services d’un spécialiste dans la taille de sa haie (côtés et dessus). Il a retenu les services les moins chers et a fait effectuer la taille en juin ou juillet 2012, pour la somme d’environ 400 $ plus les taxes.
[21] Le travailleur soumet à la Commission en révision que la taille de haies implique pour lui des gestes qui contreviennent à ses limitations fonctionnelles de façon plus importante que les exigences physiques de certaines de ses tâches liées à son travail pour lesquelles, dit-il, son employeur lui fournit de l’aide.
[22] Il explique que pour effectuer la taille de la haie, vu sa hauteur, il doit utiliser des échafaudages qui pèsent plus de 200 livres et qu’il doit déplacer à tous les huit pieds. Pour tailler la haie, il doit utiliser un taille-haie pesant 12 livres (5,4 kg). Le travailleur mentionne que même s’il est capable de tailler les côtés de la haie jusqu’à la hauteur du « corps », après quelques répétitions du geste de tailler, il devient incapable de continuer son travail. Il ajoute que même quand il était en bonne santé ce travail était exténuant; alors avec ses limitations fonctionnelles il est incapable de le faire.
[23] Le travailleur dit qu’avant la survenance de sa lésion professionnelle, il faisait lui-même la taille de sa haie de cèdres, mais précise qu’il est incapable de le faire maintenant vu sa condition. D’autant, qu’il vient de subir une chirurgie pour l’épaule gauche. Il demande en conséquence à ce que le tribunal autorise le remboursement des frais liés à ces travaux.
L’AVIS DES MEMBRES
[24] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont d'avis d’accueillir la requête du travailleur.
[25] Ils sont d’opinion, vu la preuve prépondérante que le travailleur a droit au remboursement des travaux de tonte de sa haie, sur présentation de pièces justificatives attestant que les travaux ont été effectués et qu’ils ont été payés par le travailleur.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[26] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au paiement des frais relatifs à la taille de sa haie.
[27] À la suite de sa lésion professionnelle, le travailleur s’est vu attribuer une atteinte permanente de 6,90 % et il a été établi qu’il a conservé des limitations fonctionnelles telles que déterminées par le Dr Bergeron.
[28] Dans sa décision, la CSST en révision administrative refuse la réclamation du travailleur au motif principal que la taille de la haie ne contrevient pas « nécessairement » aux limitations fonctionnelles du travailleur « puisqu’il s’agit de travaux occasionnels qui ne sont caractérisés par aucune urgence et que le travailleur peut exécuter selon son propre rythme en adaptant sa façon de faire ».
[29] Avec égard, la Commission des lésions professionnelles ne retient pas cette appréciation du réviseur.
[30] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) édicte ceci :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année[2].
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1985, c. 6, a. 165.
(les soulignements sont du tribunal)
[31] La jurisprudence enseigne que des travaux de taille de haies sont des travaux « d’entretien courant du domicile »[3].
[32] Par ailleurs, pour avoir droit au remboursement des frais qu’il engage pour ce type de travaux, un travailleur, selon les termes de l’article 165 de la loi, doit d’une part, conserver de sa lésion une atteinte permanente grave à son intégrité physique et, d’autre part, doit être incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile, travaux qu’il effectuerait normalement lui-même, n’eût été sa lésion.
[33] En l’espèce, le travailleur s’est vu reconnaître une atteinte permanente à son intégrité physique et psychique de 6,90 %, ce qui en soi est peu élevé. Toutefois, la jurisprudence enseigne que l’article 165 de la loi doit cependant être lu dans le contexte de l'objet et du but recherché par la réadaptation sociale. Il y a donc lieu d'analyser le caractère grave d'une atteinte permanente en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les différentes activités d’entretien courant de son domicile[4].
[34] À cette fin, le seul pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique ne suffit pas à établir la gravité de l’atteinte, mais l’on doit également prendre en considération la nature des limitations fonctionnelles établies en fonction des tâches d’entretien courant du domicile[5].
[35] Ainsi, comme le rappelait le tribunal dans l’affaire Lalonde et Mavic Construction[6] :
[46] La jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelles et de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a établi que l’analyse du caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique doit s’effectuer en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi. Dès lors, le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique n’est pas le critère unique et déterminant à tenir compte. Il faut s’interroger sur la capacité du travailleur à effectuer lui-même les travaux en question compte tenu de ses limitations fonctionnelles. Soulignons que les limitations fonctionnelles mesurent l’étendue de l’incapacité résultant de la lésion professionnelle.
(les soulignements sont du soussigné)
[36] De même, le tribunal mentionnait ceci dans l’affaire Barrette et C.H. Ste-Jeanne-D’Arc[7] :
[14] […] l’analyse du caractère « grave » d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ne doit pas se faire en regard du pourcentage de cette atteinte permanente, mais plutôt en regard de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les travaux visés par l’article 165 compte tenu des limitations fonctionnelles qui lui ont été reconnues.
[37] Le travailleur conserve des limitations fonctionnelles suffisamment importantes des suites de sa lésion, car tant qu’il occupe son emploi prélésionnel, il doit avoir l’aide d’un assistant non spécialisé lors d’essais ou d’expérimentations, pour l’assister lors des tâches de manutention. Cette assistance, comme l'employeur l’écrit dans sa lettre du 19 décembre 2011, est perpétuelle et vise à prévenir une aggravation de la condition du travailleur ou l’apparition d’une nouvelle blessure.
[38] De l’avis du tribunal, les limitations fonctionnelles du travailleur analysées dans le contexte de travaux d’entretien courant du domicile que sont des tâches de taille de la haie permettent de qualifier l’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique du travailleur de « grave » au sens de l’article 165 de la loi.
[39] Par ailleurs, le témoignage du travailleur n’a nullement été contredit quant au fait qu’il effectuait lui-même la taille de la haie avant sa lésion professionnelle et que, depuis, il n’a pas pu procéder lui-même à de tels travaux.
[40] La CSST en révision a rejeté la demande du travailleur au motif que la taille de la haie ne contrevenait pas aux limitations fonctionnelles du travailleur. Le tribunal est d’un avis contraire.
[41] Manifestement, la dimension de la haie décrite par le travailleur, que ce soit dans sa longueur, sa largeur ou sa hauteur, requiert qu’il grimpe et descende à répétition dans un échafaudage et qu’il taille la haie, à bout de bras, dans une position que le tribunal imagine forcément peu stable.
[42] De l’avis du tribunal, de tels gestes contreviennent à la limitation fonctionnelle « de ne pas travailler les bras au-dessus des épaules ». De même, ce type de travail contrevient également à la limitation fonctionnelle consistant à ne pas manipuler des « charges de plus de 5 kg », la preuve au dossier révélant en effet que le taille-haie du travailleur pèse 5,4 kilos. Enfin, il est manifeste, de l’avis du tribunal, que l’exécution de cette tâche aura pour effet, à tout le moins, de requérir de la part du travailleur des mouvements contraires aux limitations fonctionnelles établies.
[43] Qui plus est, le tribunal retient l’avis de la physiothérapeute Martel qui est d’opinion que le travailleur ne pourrait tailler une haie de cèdres « actuellement ».
[44] Pour l’ensemble de ces motifs, la Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la requête du travailleur doit être accueillie.
[45] Comme l’article 165 de la loi précise qu’un travailleur « qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux », ce dernier devra pour être remboursé faire la preuve à la CSST qu’il a fait effectuer les travaux de taille de sa haie.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du travailleur, M. Stéphane Giroux;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 6 septembre 2012 lors d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des travaux de la taille de sa haie, sur présentation de pièces justificatives attestant que les travaux ont été effectués, qu’ils ont été payés par le travailleur et sous réserve du montant maximum remboursable annuellement pour les travaux d'entretien.
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J. André Tremblay |
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[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] Ce montant est revalorisé annuellement.
[3] Voir par exemple : Lebel et CLSC Rivières et Marées, C.L.P. 407552-01A-1004, 23 août 2010, Martin Racine; Domagala et Collège Lionel-Groulx, C.L.P. 316576-71-0705, 13 décembre 2007, M. Cuddihy (révision pour cause rejetée, 30 mars 2009, M. Langlois) ; Dubé et D.R.H.C. Direction travail et Service Correctionnel du Canada, C.L.P. 178136-61-0202, 3 mai 2002, F. Poupart; Brousseau et Protection d'incendie Viking ltée, C.A.L.P.18374-61-9004, 15 septembre 1992, L. Boucher; Chevrier et Westburne ltée, C.A.L.P. 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy; Lévesque et Mines Northgate inc., [1990] C.A.L.P. 683 ; Lagassé et Construction Atlas inc., C.A.L.P.58540-64-9404, 31 octobre 1995, F. Poupart; Pinard et Russel Drummond, C.L.P.145317-02-0008, 29 novembre 2000, R. Deraiche; Paquet et Pavillon de l'Hospitalité inc., 142213-03B-0007, 12 décembre 2000, R. Savard; Marcotte et Olymel St-Hyacinthe 2011 QCCLP 5521 .
[4] Chevrier et Westburne ltée, supra note 6; Boileau et Les Centres jeunesse de Montréal, C.L.P. 103621-71-9807, 1er février 1999, Anne Vaillancourt; Filion et P.E. Boisvert auto ltée, C.L.P. 110531-63-9902,15 novembre 2000, M. Gauthier; Thibault et Forages Groleau (1981), CLP 130531-08-0001, 26 mars 2001, P. Simard; Cyr et Thibault et Brunelle, C.L.P. 165507-71-0107, 25 février 2002, L. Couture.
[5] Bouthillier et Pratt & Whitney Canada inc., [1992] C.A.L.P. 605 .
[6] C.L.P. 146710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois.
[7] C.L.P. 227586-61-0402, 28 juin 2004, G. Morin.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.