Thibeault et Fédération des caisses Desjardins du Québec |
2013 QCCLP 3916 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 26 octobre 2012, madame Marie-Josée Thibeault (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 6 septembre 2012 (le Tribunal).
[2] Par cette décision, le Tribunal rejette la requête de la travailleuse et déclare qu’elle n’a pas subi une lésion professionnelle le 11 août 2011.
[3] La travailleuse est présente et représentée lors de l’audience tenue sur la présente requête le 8 avril 2013. Fédération des caisses Desjardins du Québec (l’employeur) n’est pas représenté. La cause est mise en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La travailleuse demande la révision de la décision rendue au motif qu’elle contient des erreurs de fond de nature à l’invalider.
LES FAITS ET L’ARGUMENTATION DE LA TRAVAILLEUSE
[5] Le Tribunal avait à déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 11 août 2011 sous la forme d’un accident du travail.
[6] La travailleuse, ayant admis que l’événement n’était pas survenu par « le fait du travail », la seule véritable question qui était soumise résidait dans la notion de « à l’occasion du travail ».
[7] Les faits non contestés démontrent que la travailleuse a chuté dans le hall d’entrée où loge l’employeur alors qu’elle revient de son heure de dîner pour retourner au travail :
[17] La travailleuse est agente spécialisée au service de l’employeur depuis 1996.
[18] Le 11 août 2011, en revenant de sa pause repas, elle entre dans l’immeuble où se trouvent les locaux de son employeur. Le plancher est mouillé à cause de la température pluvieuse, elle glisse et tombe sur le dos et le bras gauche.
[…]
[27] Le 16 septembre 2011, l’employeur précise à la CSST que la travailleuse dîne généralement de midi à 13 heures. Les employés peuvent dîner à la salle de repos/cafétéria ou sortir à l’extérieur. La travailleuse se trouvait toujours sur son heure de dîner au moment de l’accident. L’endroit où s’est blessée la travailleuse est un lieu d’accès permis par l’employeur, emprunté par tous. Il ne sait à qui appartient l’immeuble mais l’employeur occupe des locaux sur plusieurs étages et les employés utilisent une carte d’accès rendus sur l’étage où se trouve leur bureau.
[…]
[41] À l’audience, la travailleuse a témoigné.
[42] Son employeur loue de la société Polaris des locaux situés du cinquième au dixième étage de l’édifice situé 1253 avenue McGill Collège. Les quatre étages inférieurs sont occupés par des locataires.
[43] Elle travaille du lundi au vendredi, de 8h30 à 16h30. Elle bénéficie de deux pauses de 15 minutes chacune, le matin et l’après-midi. Son heure de dîner est de midi à 13 heures.
[44] Le jeudi 11 août 2011, il pleut. La travailleuse est sortie dîner à l’extérieur. À 12h 50 min, elle est de retour et franchit la porte d’entrée de l’édifice. Il s’agit de la seule porte d’entrée de l’extérieur, qu’elle utilise tous les jours. Cette porte donne sur la rue McGill Collège.
[45] Dans le hall, le plancher de marbre bien ciré est mouillé. Les gens entrent dans l’édifice avec les vêtements, les parapluies et les pieds mouillés. La travailleuse tombe devant le bureau d’information. Elle se relève et vérifie si elle a quelque chose.
[46] Questionnée sur la chute, la travailleuse explique que les deux pieds partent et qu’elle tombe sur le côté gauche et plus précisément sur la hanche et la main gauches. La paume de la main est tournée vers le sol et l’impact se produit au niveau de l’os à la base du pouce et de la hanche gauches. Elle glisse et la tête va en arrière.
[47] À l’enregistrement de la caméra de sécurité du 11 août 2011 visionné à l’audience, il est 12h 50 min 20s, la travailleuse pénètre dans le hall d’entrée, puis elle disparaît brièvement, alors qu’elle se tient près du bureau d’information, puis on la voit réapparaître, marcher, lever le bras gauche et gesticuler. Dans le hall d’entrée, se trouvent un bureau d’information près de la porte, des escaliers roulants et ascenseur donnant accès aux étages.
[8] Le Tribunal explique pourquoi il écarte l’application de la présomption prévue à l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi).
[9] Ensuite, il reconnaît qu’il y a eu un événement imprévu et soudain au sens de l’article 2 de la Loi qui définit la notion d’accident du travail.
[10] Enfin, aux paragraphes 88 à 95 de la décision, il traite de la question de la notion de « à l’occasion du travail » :
[88] Cet accident est-il survenu à l’occasion du travail, comme le soutient la travailleuse?
[89] Dans l’affaire Lajoie8, la Cour d’appel rappelle les critères généralement utilisés pour déterminer si un accident est survenu « à l’occasion du travail ». Ces critères sont : le lieu de l’évènement, le moment de l’évènement, la rémunération de l’activité exercée, l’existence et le degré d’autorité ou de subordination, la finalité de l’activité exercée au moment de l’évènement et enfin, le caractère de connexité ou d’utilité relative de l’activité du travailleur en regard des conditions de travail.
[90] Dans le présent cas, le tribunal retient que l’incident est survenu durant le trajet en route vers le travail. Le tribunal estime que les critères du lieu et du moment de l’évènement, de l’existence et du degré d’autorité ou de subordination, de la finalité ou de l’utilité relative de l’activité exercée au moment de l’évènement et enfin de la rémunération sont tous absents.
[91] Plutôt que de se prévaloir de la cafétéria mise à sa disposition par son employeur, la travailleuse choisit de sortir de son lieu de travail pour prendre sa pause repas. Son employeur ne lui a pas demandé de sortir.
[92] Contrairement à la déclaration à l’employeur qui situe l’incident à 13h, ce dernier survient à 12 h 50min 20s en dehors du temps de travail et à l’extérieur des lieux du travail. La travailleuse dispose de son temps à sa guise et n’est pas tenue de demeurer à son poste ou sur les lieux du travail. Elle n’est donc pas sous l’autorité de l’employeur ou en lien de subordination.
[93] De plus, il n’y a pas d’utilité relative de cette activité avec le travail ou pour l’employeur. La travailleuse a choisi d’exercer une activité personnelle qui ne relève pas de son employeur ou dont la finalité ne vise pas l’intérêt de ce dernier.
[94] La chute se produit dans le hall d’entrée qui est commun à l’ensemble des locataires et accessible au public en général et donc qui n’est pas sous le contrôle ou la responsabilité de l’employeur. Le hall d’entrée donne accès aux magasins souterrains.
[95] Le tribunal en déduit que lors de l’évènement, le 11 août 2011, la travailleuse se trouvait dans la sphère d’activité personnelle et pour laquelle il n’existait aucun lien de subordination avec l’employeur. L’accident du 11 août 2011 n’est donc pas survenu à l’occasion du travail.
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8 Lajoie c. Commission des lésions professionnelles, [2002] C.L.P. 476 (C.A.).
[11] Le procureur de la travailleuse allègue, comme première erreur, que « l’interprétation des faits en cause est si erronée qu’elle constitue nécessairement une erreur manifeste et déterminante ».
[12] À titre de deuxième erreur, il allègue que le Tribunal « s’écarte de façon marquée de la jurisprudence en ce qui a trait à la notion d’accident survenu à « l’occasion du travail ».
[13] La troisième erreur alléguée constitue en quelque sorte une corrélation de la deuxième erreur en ce que le procureur allègue qu’en s’étant « écarté de façon marquée de la jurisprudence majoritaire » la travailleuse est privée des prestations auxquelles elle avait droit et qu’elle « n’a pu bénéficier du niveau élevé de qualité et de cohérence des décisions auxquelles elle était en droit de s’attendre ».
[14] À l’audience, le procureur de la travailleuse allègue que le Tribunal, au paragraphe 90, indique que tous les critères généralement utilisés pour déterminer si un accident est survenu « à l’occasion du travail » sont absents. Or, il opine qu’ils ont tous été mis en preuve mais que le Tribunal ne les a pas analysés.
[15] Il réfère la Commission des lésions professionnelles en révision à la jurisprudence qui a été déposée devant le Tribunal, jurisprudence dans laquelle on y indique de façon constante que lorsqu’un travailleur arrive ou repart des lieux de travail par un moyen d’accès fourni, autorisé ou toléré par l’employeur, et ce, dans un délai rapproché du début du travail, il s’agit d’un accident « à l’occasion du travail ».
[16] Selon lui, il a été prouvé qu’il s’agit d’un accident survenu lors du trajet en route vers le travail, que le critère de lieu est présent puisque l’accident est survenu à l’intérieur de l’édifice et qu’il s’agit du seul trajet possible pour se rendre au travail. La preuve a aussi démontré que l’accident est survenu dans un délai raisonnable, soit quelques minutes avant le début de son travail constituant ainsi une utilité pour l’employeur et le fait qu’il n’y a alors pas de rémunération n’est pas significatif en soi puisqu’il y a le critère de la finalité.
[17] Selon le procureur, le Tribunal n’offre pas les motifs pouvant permettre de comprendre son analyse quant à tous ces critères. Son analyse est déficiente constituant ainsi une erreur manifeste et déterminante.
[18] Enfin, le Tribunal a manqué à son devoir de favoriser une cohérence décisionnelle.
L’AVIS DES MEMBRES
[19] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que le présent recours constitue une demande de réappréciations de la preuve. Ils recommandent de rejeter la requête.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[20] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de réviser ou de révoquer la décision rendue par le Tribunal.
[21] L’article 429.56 de la Loi permet à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.
[22] Cette disposition définit les critères donnant ouverture à la révision ou la révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[23] Elle doit être lue en conjugaison avec le troisième alinéa de l’article 429.49 de la Loi qui édicte le caractère final et sans appel des décisions de la Commission des lésions professionnelles :
429.49. […]
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[24] Le législateur a voulu ainsi assurer la stabilité juridique des décisions rendues par le Tribunal. Il y a donc lieu d’interpréter ces deux dispositions de façon à respecter les objectifs législatifs.
[25] Comme l’a rappelé la Cour supérieure, dans le cadre des anciens articles 405 et 406 de la Loi mais dont le principe s’applique intégralement aux articles 429.56 et 429.49, les décisions sont finales et sans appel et la Commission des lésions professionnelles ne peut agir comme un tribunal d’appel[2].
[26] En ce qui concerne le « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision », motif qui est soulevé en l’instance, la Commission des lésions professionnelles, s’inspirant des interprétations données par les tribunaux supérieurs et d’autres tribunaux chargés d’appliquer des dispositions similaires, s’est prononcée à plusieurs occasions sur la portée de ce terme peu de temps après son adoption[3].
[27] Il ressort de ces décisions qu’une erreur de fait ou de droit peut constituer un « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision » si le requérant démontre que cette erreur est manifeste et qu’elle a un effet déterminant sur la décision rendue. Une erreur manifeste est une erreur flagrante[4].
[28] Le pouvoir de révision ne peut servir de prétexte à la demande d’une nouvelle appréciation de la preuve soumise au premier Tribunal ou à un appel déguisé[5]. Il ne peut également être l’occasion de compléter ou bonifier la preuve ou l’argumentation soumise au Tribunal[6].
[29] Aussi, plus récemment, la Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur l’interprétation de la notion de vice de fond.
[30] En 2003, dans l’affaire Bourassa[7], elle rappelle la règle applicable en ces termes :
[21] La notion [de vice de fond] est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.
[22] Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments(4).
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(4) Yves Ouellette. Les tribunaux administratifs au Canada : procédure et preuve. Montréal : Éd. Thémis, 1997. P. 506-508 ; Jean-Pierre Villaggi. « La justice administrative », dans École du Barreau du Québec. Droit public et administratif. Volume. 7 (2002-2003). Cowansville : Y. Blais, 2002. P. 113, 127-129.
[31] La Cour d’appel a de nouveau analysé cette notion dans l’affaire CSST c. Fontaine[8] alors qu’elle devait se prononcer sur la norme de contrôle judiciaire applicable à une décision en révision.
[32] Le juge Morissette, après une analyse approfondie, rappelle les propos du juge Fish dans l’arrêt Godin[9] et réitère qu’une décision attaquée pour le motif d’un vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.
[33] La Cour d’appel réitère cette position quelques semaines plus tard dans l’affaire Touloumi[10].
[34] Ainsi, les principes retenus dès 1998 ont été analysés par la Cour d’appel et ils demeurent. Elle invite la Commission des lésions professionnelles en révision à continuer de faire preuve d’une très grande retenue et de ne pas utiliser la notion de vice de fond à la légère. Elle insiste sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative. En d’autres termes, la première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n'est qu'exceptionnellement que cette décision pourra être révisée.
[35] Ces paramètres étant établis, examinons le présent dossier.
[36] Au départ, il faut reconnaître qu’il est vrai que certains critères ont été établis pour déterminer si un accident est survenu à « l’occasion du travail ». Toutefois, il ne s’agit pas d’une obligation légale. Tout comme en matière de récidive, rechute ou aggravation, la jurisprudence en matière de révision reconnaît que le Tribunal n’est pas tenu d’appliquer dans tous les dossiers chacun ou même un seul des critères habituellement utilisés en cette matière. Les critères ont été établis par la jurisprudence pour aider le décideur à faire son analyse, mais ils ne font pas partie de la Loi[11].
[37] Ensuite, la Commission des lésions professionnelles en révision ne peut adhérer à la position du procureur de la travailleuse quant à son allégation d’une analyse de la preuve « tellement erronée qu’elle constitue une erreur manifeste et déterminante » ni à son allégation d’un défaut de motivation de la décision rendue par le Tribunal.
[38] Rappelons qu’une erreur manifeste et déterminante dans l’analyse d’une preuve se traduit par l’omission de tenir compte de faits prouvés, à l’inverse de tenir compte de faits non prouvés ou enfin, de tenir compte des faits correctement, mais d’en arriver à une décision que l’on qualifie d’irrationnelle, d’insensée.
[39] L’absence ou l’insuffisance de motivation d’une décision peut aussi constituer une erreur manifeste, car elle contrevient à l’obligation de motiver les décisions prévue à l’article 429.50 de la Loi et peut également être considérée comme étant une erreur de droit dans l’exercice de la compétence du Tribunal qui n’aurait pas vidé une question[12]. L’obligation de motiver est également une composante des règles de justice naturelle et elle permet à un justiciable d’exercer pleinement les recours mis à sa disposition, soit l’appel ou un recours en révision[13].
[40] Toutefois, pour conclure à l’absence ou l’insuffisance de motivation, la décision doit être incompréhensible ou inintelligible[14]. Une motivation succincte ou abrégée ne constitue pas une absence de motivation[15]. Aussi, le Tribunal n’a pas à reproduire tous les éléments de preuve présentée ni à répondre à tous les arguments[16].
[41] La travailleuse n’a pas démontré que le Tribunal a omis de tenir compte d’un élément de preuve ou qu’il a tenu compte d’un élément non prouvé. Elle allègue en somme que la décision est irrationnelle, insensée. Elle allègue aussi que les critères d’analyse ont été prouvés. Ils ne sont pas « absents » comme l’indique le Tribunal.
[42] À la lecture de la décision rendue, on comprend que le Tribunal a accordé une grande importance au fait que la travailleuse ait choisi d’aller manger à l’extérieur plutôt que de se prévaloir de la cafétéria mise à sa disposition par l’employeur faisant en sorte qu’elle n’est plus sous son autorité ou en lien de subordination avec lui et il n’y a pas d’utilité relative de sortir manger à l’extérieur avec le travail ou pour l’employeur. Son choix personnel de sortir manger à l’extérieur fait en sorte qu’elle entre dans sa sphère d’activité personnelle.
[43] La Commission des lésions professionnelles ne peut conclure de ce raisonnement qu’il est irrationnel ou insensé. Peut-être qu’un autre décideur en serait arrivé à un raisonnement différent, mais pour reprendre l’expression consacrée par les tribunaux supérieurs depuis l’arrêt Dunsmuir[17], il s’agit d’une « issue possible ».
[44] On ne peut par ailleurs pas prétendre que les critères d’analyse ont été prouvés et que le Tribunal devait les tenir pour acquis. Les critères d’analyse se doivent d’être analysés par le Tribunal. En somme, les faits mis en preuve peuvent être analysés à la lumière des critères mis de l’avant, mais ils ne deviennent pas pour autant des éléments de preuve. Il s’agit ici d’une façon détournée de demander une nouvelle appréciation de la preuve, ce que la Commission des lésions professionnelles en révision ne peut faire. Par surcroît, tel que déjà mentionné, ces critères constituent un guide d’analyse pour le décideur, mais ne constituent pas des éléments faisant partie de la Loi. La discrétion d’y avoir recours ou non demeure.
[45] Quant à la motivation de la décision, la Commission des lésions professionnelles retient que celle-ci, quoique succincte sur la notion de « à l’occasion », est clairement compréhensible ou intelligible. On comprend exactement le raisonnement suivi tel qu’expliqué antérieurement au paragraphe 42. On ne peut conclure que la décision est déficiente à cet égard.
[46] Enfin, en ce qui concerne la cohérence décisionnelle, celle-ci est importante et souhaitable. De rendre une décision contraire à la majorité et même à l’unanimité ne peut toutefois constituer une erreur manifeste et déterminante[18]. La cohérence décisionnelle ne constitue pas une obligation de rendre tous les mêmes décisions. Un juge administratif n’a pas pour fonction d’estampiller des décisions. Il a pour fonction d’analyser une preuve et de rendre une décision conforme à la Loi. Il est maître des faits et est le mieux placé pour les analyser.
[47] Dans un cas comme celui qui nous occupe, en présence d’une décision motivée, qui tient compte des faits prouvés, qui n’est pas irrationnelle ou insensée, et dont la conclusion constitue une issue possible on ne peut conclure qu’elle contient une erreur dont « la gravité, l’évidence et le caractère déterminant » ont été démontrés.
[48] Pour terminer, pour les mêmes motifs, on ne peut considérer que le fait de ne pas avoir discuté de la jurisprudence déposée constitue une erreur manifeste et déterminante.
[49] Il y a donc lieu de rejeter la requête.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de madame Marie-Josée Thibeault, la travailleuse.
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Pauline Perron |
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Me Alexandre Grenier |
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Gingras Cadieux, avocats |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Marie-Noëlle Hamel |
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Cholette Houles, avocats |
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Représentante de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, C.S. Montréal 550-05-008239-991, 15 novembre 1999, j. Dagenais.
[3] Produits forestiers Donahue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 ;
[4] Lamarre et Day & Ross inc., [1991] C.A.L.P. 729 .
[5] Franchellini et Sousa, précitée, note 3.
[6] Moschin et Communauté Urbaine de Montréal, [1998] C.L.P. 860 ; Lamarre et Day & Ross précitée, note 3; Sivaco et C.A.L.P., [1998] C.L.P.180; Charrette et Jeno Neuman & fils inc., C.L.P. 87190-71-9703, 26 mars 1999, N. Lacroix, Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, précitée, note 2.
[7] Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] C.L.P. 601 (C.A.).
[8] [2005] C.L.P. 626 (C.A.).
[9] Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).
[10] CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A) .
[11] Olymel Flamingo et Morier, C.L.P. 152565-62B-0012, 25 mars 2003, M.-D. Lampron; Mosca et Groupe Transcontinental Sodema inc (fermé), C.L.P. 224640-71-0313, 29 janvier 2007, P. Perron; Dubois et C.H.S.L.D. Biermans-Triest, C.L.P. 234432-62-0405,19 mars 2007, B. Roy (décision sur requête en révision); Doré et Rollerball, C.L.P. 355595-71-0807, 15 septembre 2010, Monique Lamarre (décision sur requête en révision).
[12] Cité de la santé et Heynemand, C.L.P. 69547-64-9505, 26 octobre 1999, Anne Vaillancourt; Forestier SMS et Charrette, [2009] C.L.P. 583 ; Mine Jeffrey inc. et Succession Victor Marchand, [2004] C.L.P. 1352 ; Hamel et Emco ltée, C.L.P. 202914-63-0303, 15 décembre 2004, L. Boudreault; Lavoie et Agropur (Natrel St-Laurent), [2005] C.L.P. 901 .
[13] Société des services Ozanam inc. c. Commission municipale du Québec, [1994] R.J.Q. 364 .
[14] Boulanger c. Commission des affaires sociales, C.S. Québec, 200-05-002317-902, 11 octobre 1990, j. Moisan; Durand et Couvoir Scott ltée, C.L.P. 94101-03-9802, 9 mars 1999, M. Beaudoin.
[15] Mitchell inc. c. CLP, C.S. Montréal, 500-05-046143-986, 21 juin 1999, j. Courville, D.T.E. 99T-711 ; Beaudin et Automobile J.P.L. Fortier inc., [1999] C.L.P. 1065 , requête en révision judiciaire rejetée, [2000] C.L.P. 700 (C.S.); Cité de la santé de Laval et Heynemand, C.L.P. 69547-64-9505, 26 octobre 1999, Anne Vaillancourt, (99LP-160); Beaudin et Automobile J.P.L. Fortier inc., [1999] C.L.P. 1065 , requête en révision judiciaire rejetée, [2000] C.L.P. 700 (C.S.); Manufacture Lingerie Château inc. c. CLP, C.S. Montréal, 500-05-065039-016, 1er octobre 2001, j. Poulin, (01LP-92).
[16] Thiboutot et Produits métalliques Roy inc., C.L.P. 92008-01A-9710, 9 décembre 1998, J.-L. Rivard.
[17] 2008 CSC 190.
[18] Daraîche et Les Entreprises Mont Sterling inc. et CSST, 2012 QCCLP 7823 .