Décision

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Gareau et Maison L'Échelon inc.

2007 QCCLP 640

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

29 janvier 2007

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

244683-71-0409      263677-71-0506

 

Dossier CSST :

124242314               125567339

 

Commissaire :

Gilles Robichaud, avocat

 

Membres :

Jacques Garon, associations d’employeurs

 

Luce Beaudry, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Johanne Gareau

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Maison L’Échelon inc.

 

Partie intéressée

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                La présente décision fait suite à trois contestations de madame Johanne Gareau, la travailleuse : dossiers 244093, 244683 et 263677.

[2]                L’audience devant la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) a eu lieu le 19 septembre 2006.

[3]                La travailleuse était présente et représentée. Pour sa part, l’employeur, Maison L’Échelon inc., était présent.

Présentation des contestations

Dossier 244093

[4]                Le 21 septembre 2004, la travailleuse conteste une décision rendue le 2 août 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) suite à une révision administrative.

[5]                Cette décision confirme la décision initiale du 29 mars 2004 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 22 février 2004. La travailleuse s’était blessée au poignet droit en faisant une chute sur le trottoir de la ville après avoir quitté son travail alors qu’elle se rendait chez-elle. La travailleuse demandait au tribunal de reconnaître qu’elle avait été victime d’une lésion professionnelle.

[6]                À l’audience, toutefois, la travailleuse s’est désistée de sa contestation. Le tribunal prend donc acte de ce désistement.

Dossier 244683

[7]                Le 30 septembre 2004, la travailleuse conteste une décision rendue le 9 août 2004 par la CSST suite à une révision administrative.

[8]                Cette décision confirme la décision rendue par la CSST le 12 janvier 2004 et « déclare que le calcul des montants qui pouvaient être remboursés à la travailleuse a été fait en conformité avec la loi et les règlements ».

[9]                La travailleuse conteste que la CSST lui ait refusé le remboursement de certains frais de déplacement et de séjour engagés pour suivre les traitements de physiothérapie reliés à son accident du travail du 4 juin 2003. Elle réclame les frais suivants qui ne lui ont pas été remboursés :

-          taxi, 10 $,

-          repas, 24,70 $,

-          autobus 116 $.

[10]           Les pièces justificatives sont au dossier.

Dossier 263677

[11]           Le 3 juin 2005, la travailleuse conteste une décision rendue le 15 avril 2005 par la CSST suite à une révision administrative.

[12]           Cette décision confirme la décision du 12 novembre 2004 et déclare « que la travailleuse n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation le 16 septembre 2004 » de la lésion professionnelle du 15 janvier 2004. En conséquence, elle devra rembourser la somme de 741,36 $ qui lui aurait été versée en trop.

[13]           La travailleuse demande au tribunal de déclarer qu’elle a effectivement été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le ou vers le 16 septembre 2004, la détérioration de sa condition psychologique étant en relation avec l’accident du travail du 15 janvier 2004.

LES FAITS

Dossier 244683

[14]           La première contestation de la travailleuse (dossier 244683) est relative à des frais de transport et de séjour occasionnés par une lésion professionnelle subie le 4 juin 2003 et consolidée avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles le 5 décembre 2003. La travailleuse s’était blessée à l’épaule et au genou droit suite à une chute dans un escalier survenue au travail.

[15]           La lésion à l’épaule droite s’est résorbée rapidement. Quant au genou droit, un diagnostic d’entorse a été prononcé et la travailleuse a dû subir des traitements de physiothérapie en plus de recevoir des infiltrations. Elle a également porté des béquilles pendant plusieurs semaines.

[16]           Elle sera remboursée pour la grande majorité des frais occasionnés par les traitements qu’elle a dû subir; cependant, certains frais de déplacements et de repas n’ont pas été remboursés par la CSST, tel qu’il appert de la décision du 12 janvier 2004. La travailleuse a demandé la révision de cette décision, mais la décision fut maintenue en Révision administrative le 9 août 2004.

[17]           Le 30 septembre 2004, la travailleuse porte sa contestation devant la Commission des lésions professionnelles. Elle réclame un remboursement de 150,70 $, à savoir 116 $ pour frais de transport en autobus, 10 $ pour frais de taxi et 24,70 $ pour frais de repas.

Dossier 263677

[18]           La deuxième contestation, dossier 263677, fait suite à une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation survenue le ou vers 16 septembre 2004. La travailleuse aurait développé un trouble de l’adaptation consécutivement à l’accident du travail survenu le 15 janvier 2004 où elle s’est piquée avec une aiguille souillée alors qu’elle administrait un traitement à un résidant qu’elle croyait atteint de l’hépatite B ou C. La travailleuse a été investiguée, vaccinée contre l’hépatite B et sous surveillance à une clinique de prévention du mois de février jusqu’à la fin de juillet 2004. Elle a été consolidée pour « piqûre aiguille contaminée », sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.

[19]           Entre temps, toutefois, s’est développé peu à peu un trouble de l’anxiété qui l’a conduite en juillet 2004 chez la psychologue Amélie Dombec. Cette dernière rapportait que depuis que la travailleuse avait été piquée avec une aiguille souillée, le 15 janvier 2004, elle était devenue plus craintive et qu’elle avait développé un trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive. C’est le docteur V. Koniouchine qui, en septembre, recommandera l’arrêt de travail pour « trouble de l’adaptation ». L’attestation du médecin accompagnera la réclamation de la travailleuse pour récidive, rechute ou aggravation.

[20]           Le 12 novembre 2004, la CSST refuse la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation parce qu’ : « il n’y a pas de détérioration objective de votre état de santé en regard de l’événement du 15 janvier 2004. ». En plus, la CSST réclamera un montant de 741,36 $ versé par l’employeur pour les deux premières semaines de l’arrêt de travail.

[21]           Le 20 décembre 2004, la travailleuse demande la révision de cette décision.

[22]           Le 15 avril 2005, la Révision administrative maintient la décision initiale :

[…]

 

Après analyse du dossier, la Révision administrative rappelle que la travailleuse est consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles de sa lésion professionnelle du 15 janvier 2004, soit une exposition aux liquides biologiques. Actuellement, les motifs d’arrêt de travail de la travailleuse sont ses craintes de faire ses tâches, plus particulièrement d’administrer de l’insuline sous cutané. En somme, la travailleuse ne craint pas des séquelles de l’événement initial. D’ailleurs celui-ci ne l’a pas empêché de faire son travail jusqu’à sa consolidation. La Révision administrative ne constate aucune détérioration de l’état de la travailleuse reliée à l’événement du 15 janvier 2004. En conséquence, la Révision administrative ne peut reconnaître le diagnostic émis le 21 septembre 2004 comme étant en relation avec l’événement du 15 janvier 2004.

 

[…]

 

 

[23]           La travailleuse aurait reçu la décision le 22 avril 2005, décision qu’elle a contesté devant la Commission des lésions professionnelles le 3 juin 2005.

Audience

[24]           L’audience a été tenue le 19 septembre 2006. La travailleuse a dû changer de représentant entre temps. À l’audience, les dossiers 263677 et 244683 ont été réunis. Par ailleurs, nous l’avons dit, il y a eu désistement dans le troisième dossier portant le numéro 244093.

[25]           Le 23 mars 2006, en prévision de l’audience, le nouveau représentant de la travailleuse a fait parvenir au tribunal :

-          une expertise médicale du docteur Charles-Henri Massac, psychiatre, datée du 15 février 2006;

-          le dossier médical du docteur Koniouchine;

-          le dossier médical de l’Hôpital Saint-Luc;

-          le dossier de madame Lucie Dupont, psychologue.

[26]           À l’audience, la travailleuse a déposé le suivi médical pour la période de juin, juillet et août 2006. Quant à l’employeur, il a déposé :

-          un rapport médical du médecin traitant daté du 13 juillet 2006 autorisant un retour progressif au travail;

-          un extrait d’un projet de loi, plus particulièrement, l’article 37 autorisant des actes délégués. La loi aurait été adoptée en 2004.

Témoignages

[27]           Le tribunal a entendu la travailleuse et le coordonnateur des ressources d’hébergement chez l’employeur. La travailleuse a témoigné hors la présence du coordonnateur.

La travailleuse

1)     Dossier 244683, concernant les frais de transport et les repas relatifs à l’accident du 4 juin 2003

[28]           En juillet et août 2003, elle prenait l’autobus pour les traitements de psychothérapie à son genou droit. Elle n’a pas pris de carte mensuel tout simplement parce que les traitements étaient prévus une semaine à la fois. Elle ne savait pas si son genou allait être rétabli d’une semaine à l’autre, c’est pourquoi, elle prenait des billets d’autobus au jour le jour.

[29]           Relativement aux frais de repas, la travailleuse s’est vue refuser deux dîners, soit celui du 4 juin 2003 et celui du 6 août 2003. La travailleuse a des reçus au montant de 14 $ pour chacun des deux dîners. Conformément au Règlement sur les frais de déplacement et de séjour[1] et à son annexe I, la travailleuse a droit à un montant de 12,35 $ par dîner. Dans le cas du 4 juin 2003, jour de l’accident où elle a été blessée à l’épaule et au genou, la travailleuse a été obligée, selon son témoignage, d’attendre six heures à l’urgence de l’hôpital. Elle a donc mangé en attendant d’être examinée. Dans le cas du 6 août 2003, la travailleuse devait aller voir un spécialiste après avoir reçu ses traitements de physiothérapie. Elle n’avait pas le temps de retourner chez elle en autobus entre les deux pour aller manger, c’est pourquoi, elle a mangé au restaurant. Enfin, dernière réclamation refusée par la CSST, les frais de taxi de 10 $ pour se rendre à l’hôpital à partir du lieu de travail, lors de l’accident du 4 juin 2003.

2)     Dossier 263677, la récidive, rechute ou aggravation

[30]           La travailleuse rappelle s’être piquée au travail le 15 janvier 2004 avec une aiguille souillée alors qu’elle administrait une injection d’insuline à un résidant diabétique dont elle prenait soin. Elle a dû être suivie pendant six mois et passer différents tests au Centre de prévention contre les infections par liquide biologique. Elle est intervenante de nuit depuis quelques années chez l’employeur. L’employeur héberge une clientèle psychiatrisée provenant du milieu hospitalier où plusieurs ont déjà été hospitalisés depuis 10 à 15 ans en psychiatrie avant de se retrouver au centre d’hébergement de l’employeur. Il s’agit d’une clientèle très lourde sur le plan psychiatrique, plusieurs des bénéficiaires voisinent le délire. L’employeur a plusieurs résidences. Alors qu’elle était en investigation, au Centre de prévention suite à la piqûre du 15 janvier 2004, elle a appris d’une infirmière que son coordonnateur aurait nié qu’elle ait pu se piquer en affirmant : « c’est une farce, elle ne donne pas de piqûre ». Elle s’est sentie comme trahie par son employeur. Elle ne voulait pas passer pour une menteuse. Comme elle n’a pas cessé de travailler durant l’investigation au Centre de prévention, elle a rencontré son coordonnateur, monsieur Rivest, à qui elle a demandé si elle devait continuer à donner des injections. Ce dernier lui aurait répondu : « si vous n’êtes pas contente, vous pouvez ne plus travailler ». Depuis l’incident de la mi-janvier, elle devenait de plus en plus inquiète quant au risque d’infection qu’elle pouvait développer depuis qu’elle s’était piquée, et de moins en moins à l’aise de continuer les piqûres d’insuline auprès du résidant dont elle s’occupait particulièrement depuis quelques années. Non seulement avait-elle des craintes pour sa propre santé, mais elle craignait également les conséquences sur le patient au cas où elle ne donnerait pas la bonne dose et qu’il se retrouve dans le comas.  Et s’il arrivait que son patient soit en état de crise, que se produirait-il si son manque de formation avait des conséquences?

[31]           Les traitements et les tests au Centre de prévention ont pris fin le 23 juillet 2004. Ses inquiétudes demeuraient même si le résultat avait démontré qu’elle n’était pas porteuse de VIH ou d’hépatite. Elle avait pu bénéficier des services d’une psychologue, madame Dembec, par l’entremise du Centre de prévention. Elle a eu cinq semaines de vacances en juillet et août. Durant cette période, l’anxiété a diminué. Elle était en campagne et loin du travail. Avec la reprise du travail, toutefois, l’anxiété est revenue. Elle a demandé de pouvoir continuer les traitements avec la psychologue. Elle dormait peu, entre quatre et six heures par nuit. Elle pleurait souvent, avait des migraines et des nausées ce qu’elle n’avait jamais eu auparavant. Elle avait de la difficulté avec certains bénéficiaires, surtout quand ils étaient en état de crise. Quelques cas l’ont même fait paniquer. Elle allait se cacher et pleurait.

[32]           Le 5 septembre 2004, sentant qu’elle perdait le contrôle sur elle-même, elle est allée consulter le docteur Koniouchine qui lui a prescrit des antidépresseurs. Comme elle devait continuer de donner l’injection au résidant diabétique, elle avait toujours cette crainte de dépasser la dose et se demandait qui la défendrait, le cas échéant. Elle n’avait plus d’énergie. Elle reconnaît avoir déjà eu une « supposée » formation le 5 septembre 2002 à l’occasion d’une réunion d’équipe. Une infirmière avait donné de l’information générale sur le diabète. Il n’avait été question d’injections que dans les dix dernières minutes d’une réunion qui avait duré environ trois heures.

Contre-interrogatoire

[33]           En contre-interrogatoire, elle explique comment ses craintes sont devenues plus importantes. Elle a appris d’un endocrinologue qu’elle a rencontré au Centre de prévention que l’administration d’insuline pouvait être faite à différentes doses et qu’un mauvais dosage pouvait entraîner des problèmes. Or, l’infirmière présente à la réunion d’équipe du 5 septembre 2002 n’a jamais parlé du protocole pour l’administration d’insuline : quoi faire et comment faire?

[34]           Même si elle avait accès au dossier des bénéficiaires en tant qu’intervenante, il ne s’agissait que du dossier physique, elle ne savait pas si un bénéficiaire était porteur de l’hépatite B ou C ou autres. Il n’y avait pas de dossier médical.

[35]           De toute façon, comme on lui avait dit au Centre de prévention, compte tenu du type de clientèle lourde et fortement psychiatrisée auprès de qui elle travaillait, il n’y avait aucune chance à prendre et on devait lui faire passer les tests et prendre les mesures préventives nécessaires. Il est vrai que cela faisait déjà quelques années qu’elle administrait de l’insuline au même résidant. Dès qu’il a été déclaré diabétique, l’employeur lui a laissé savoir qu’elle devait lui injecter son insuline. Elle n’a jamais été assistée par une infirmière. Elle n’a pas été informée du taux de glycémie. Au début, elle a harcelé son coordonnateur, monsieur Rivest, pour savoir qui était le médecin qui autorisait la délégation de l’acte puisqu’elle n’était pas infirmière. Pour toute réponse, on lui a donné « une charte » pour savoir où piquer. Elle a demandé de l’information, voir l’aide d’une infirmière pour lui montrer précisément quoi et comment faire. Monsieur Rivest lui disait qu’il fallait injecter même si elle n’avait pas de formation parce que c’était un acte de bon samaritain envers le patient. Elle a même soulevé la question en équipe et personne de ses collègues n’a réagi. Elle a senti qu’elle « mettait les bâtons dans les roues ». Elle s’est donc tue et a cessé les questionnements. Elle a procédé aux injections parce qu’elle n’avait pas le choix.

Monsieur René Rivest

[36]           Il est coordonnateur des ressources à l’hébergement depuis 25 ans auprès d’une clientèle psychiatrisée et lourde. L’employeur opère plusieurs résidences. Il est coordonnateur de la résidence Hochelaga depuis 1997. Le patient dont il a été question est un monsieur Plante. Il est arrivé la même année où lui-même a débuté comme coordonnateur. Il a été déclaré diabétique quelque temps plus tard.

[37]           La formation de septembre 2002 a été donnée justement à cause du cas de monsieur Plante. L’administration d’insuline est une chose simple. C’est comme si on avait un crayon; on pique avec le bout du crayon qui lance une petite aiguille. Il est arrivé déjà que d’autres travailleurs ou travailleuses se soient piqués. Une infirmière du CLSC voisin, en septembre 2002, lors d’une réunion d’équipe, est venue donner une formation sur le diabète et les injections. Bien qu’il ne se rappelle pas très précisément, puisque cette formation date, il croit qu’il a été question du diabète, de son origine, des mesures de calibrage et d’alimentation du crayon. Il croit même que l’on a utilisé une orange pour faire la démonstration d’injection. Il y aurait également eu de la documentation fournie aux participants, du moins il le pense. La réunion d’équipe aurait duré environ trois heures et la séance d’information sur le diabète aurait duré environ une heure. Lors des réunions d’équipe, on passait en revue les dossiers des différents résidants. Il était surtout question de l’aspect psychiatrique puisque les soins ou traitements médicaux n’étaient pas donnés par le personnel de la résidence : le suivi médical était fait en clinique externe. Aussi, les intervenants reconduisent et accompagnent les patients au CLSC ou à l’hôpital, selon le cas. La clientèle est en transition, en réinsertion et en réadaptation. Dans le cas de monsieur Plante dont la travailleuse s’occupait, comme d’autres il était là depuis plusieurs années.

[38]           En janvier 2004, lorsque le Centre de prévention l’a appelé concernant la travailleuse, il a bien spécifié qu’aucun bénéficiaire n’était porteur de VIH ou d’hépatite. Il admet, toutefois, qu’il n’y a aucun suivi concernant le VIH ou l’hépatite après l’entrée d’un bénéficiaire à la résidence, compte tenu que l’aspect médical est traité ailleurs. La résidence n’a pas de médecin ni d’infirmière.

[39]           Revenant sur la séance d’information de septembre 2002, il a déposé le compte rendu de la réunion d’équipe et le procès-verbal. Tout ce que l’on peut retenir de ce document, c’est qu’il y avait sept points à l’ordre du jour de la rencontre d’équipe et que la question concernant le diabète apparaissait au point quatre. Au procès-verbal, on retrouve cette mention concernant l’information donnée par l’infirmière : « information donnée. Ce fut très intéressant. ». Jamais par ailleurs une infirmière n’a assisté un travailleur ou une travailleuse pour lui montrer sur place comment administrer l’insuline. Il se rappelle qu’il y avait eu des réactions de certains travailleurs à l’injection d’insuline; c’est pourquoi, il s’était renseigné sur la légalité de faire faire les injections par du personnel non médical.

[40]           Concernant le dossier de la clientèle, il ne s’agit pas de dossiers médicaux comme tels, mais plutôt d’un plan de séjour puisque la résidence est un centre de transition. Par ailleurs, lors de l’admission des clients, le centre hospitalier d’origine l’informe si l’un ou l’autre est porteur du VIH ou hépatite. Dans le cas de monsieur Plante, c’était négatif.

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier 244683

[41]           La membre issue des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis, compte tenu des circonstances relatives à l’accident du travail du 4 juin 2003 et la preuve présentée par la travailleuse, que la CSST aurait dû rembourser entièrement les frais de transport encourus pour les traitements de physiothérapie de même que pour les deux dîners du 4 juin et du 6 août 2003, soit 12,35 $ pour chacun tel que prévu à l’annexe I du Règlement sur les frais de déplacement et de séjour.

[42]           Par contre, la CSST avait raison de refuser de rembourser le 10 $ de taxi pour se rendre à l’urgence du lieu de travail lors de l’accident du 4 juin 2003. En effet, la loi prévoit que ce remboursement incombe à l’employeur.

Dossier 263677

[43]           Les membres sont d’avis que le trouble d’adaptation qui a entraîné l’arrêt de travail à partir du 30 septembre 2004, est relié à l’événement du 15 janvier 2004 où la travailleuse s’est piquée avec une aiguille souillée alors qu’elle administrait une dose d’insuline à un résidant. Le trouble de l’adaptation et l’anxiété que la travailleuse a développés sont consécutifs à l’absence de formation qui aurait pu permettre de répondre à ses inquiétudes.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Dossier 244093

[44]           Le tribunal prend acte du désistement de la travailleuse et confirme en conséquence la décision rendue par la Révision administrative le 2 août 2004.

Dossier 244683

[45]           Le tribunal doit déterminer si la travailleuse, suite à la lésion professionnelle du 4 juin 2003 entraînant principalement une entorse au genou droit, avait droit au montant supplémentaire réclamé de 150,70 $ en frais de déplacement et de repas. Les frais ventilés sont les suivants :

-                      116 $ non remboursé, pour les déplacements en autobus aux mois de juin, juillet et août 2003;

-                      24,70 $ pour deux dîners, soit celui du 4 juin et celui du 6 août 2003;

-                      10 $ pour le taxi, du lieu de travail à l’urgence, le jour de l’accident soit le 4 juin 2003.

[46]           Chacune des réclamations de la travailleuse est accompagnée des pièces justificatives nécessaires et avaient été fournies à la CSST au moment opportun.

Le taxi

[47]           Concernant le 10 $ de taxi, pour le 4 juin 2003, la Révision administrative a raison de dire que cette réclamation aurait dû être faite à l’employeur puisqu’en vertu de la loi, c’est lui qui doit payer, lors d’un accident du travail, le transport du lieu de travail à un établissement de santé ou encore chez un professionnel de la santé.

190. L'employeur doit immédiatement donner les premiers secours à un travailleur victime d'une lésion professionnelle dans son établissement et, s'il y a lieu, le faire transporter dans un établissement de santé, chez un professionnel de la santé ou à la résidence du travailleur, selon que le requiert son état.

 

Les frais de transport de ce travailleur sont assumés par son employeur qui les rembourse, le cas échéant, à la personne qui les a défrayés.

 

Sur un chantier de construction, l'obligation prévue par le premier alinéa s'applique au maître d'œuvre au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).

__________

1985, c. 6, a. 190.

 

(Notre soulignement)

 

 

Les frais de transport

[48]           Concernant les frais de transport pour se rendre aux traitements de physiothérapie qui ont commencé vers la troisième semaine du mois de juin 2003 pour se terminer quelque part au milieu du mois d’août, la CSST avait déjà remboursé les montants de 13,50 $ pour le mois de juin, de 54 $ pour les mois de juillet et août. Rappelons que, selon les pièces au dossier, la travailleuse avait un long trajet à faire en autobus et qu’elle avait le genou droit suffisamment amoché pour entraîner une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles quelques mois plus tard. Elle a quand même pris l’autobus, ce qui constitue, au sens du Règlement sur les frais de déplacement et de séjour auxquels fait référence la Révision administrative, à tout le moins une solution économique par rapport aux taxis. Comme le soulignait la Révision administrative : « la commission rembourse les frais de déplacements et de séjour en tenant compte de la solution appropriée la plus économique ». Selon la Révision administrative la travailleuse aurait dû prendre « un laissez-passer mensuel pour le transport en commun plutôt que de payer au jour le jour ».

[49]           Le droit, pour la travailleuse de se voir rembourser, sur production de pièces justificatives, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins est prévu à l’article 115 de loi :

115. La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.

__________

1985, c. 6, a. 115.

 

 

[50]           Le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour auquel fait référence la Révision administrative, confirme à l’article 4 qu’il faut, pour le travailleur ou la travailleuse, tenter de trouver la solution la plus économique. Or, dans les circonstances, le tribunal est d’avis que la travailleuse ne peut être pénalisée parce qu’elle ne savait pas combien de temps les traitements de physiothérapie étaient pour durer avant que la condition de son genou ne s’améliore. Dans son témoignage, elle affirme que le physiothérapeute lui aurait dit que l’évaluation de la durée des traitements se ferait de semaine en semaine.

[51]           Pour le mois de juin, les traitements n’ayant débuté que la troisième semaine, comment, de toute façon, la travailleuse aurait-elle pu penser qu’une carte mensuelle aurait été plus économique? Quant au mois de juillet, bien que le médecin ait prévu, à partir du 2 juillet, cinq semaines de traitements de physiothérapie, la travailleuse pouvait à juste titre, comme elle en a témoigné, penser que les traitements de physiothérapie ne dureraient pas tout le mois à cinq jours par semaine. D’ailleurs, il peut se produire, comme il s’est produit au mois d’août, une exacerbation de la douleur qui entraîne l’arrêt des traitements de physiothérapie. Le médecin peut également changer les modalités de traitements. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit au milieu d’août, suite aux recommandations de l’orthopédiste : la physiothérapie a été remplacée par des infiltrations. Or, les infiltrations ne se font pas cinq jours par semaine, comme la physiothérapie.

[52]           De tout cela, le tribunal retient qu’en choisissant le transport par autobus, la travailleuse avait choisi, dans les circonstances, la solution appropriée la plus économique. La travailleuse ne s’est sûrement pas enrichie du paiement quotidien de ses billets d’autobus par rapport à une carte mensuelle. D’autre part, c’est seulement à postériori qu’on peut affirmer que la carte mensuelle est plus économique, tant sont nombreuses les raisons qui peuvent entraîner la fin des traitements que ce soit pour de bon ou pour quelque temps. Peut-être serait-il plus sage de demander à la travailleuse de prendre des billets en série plutôt qu’une carte ou un laissez-passer mensuel : les billets n’ont pas de date de péremption. Mais, il ne faut pas exagérer « la solution la plus économique » et tenir compte des différentes éventualités.

[53]           L’application du règlement ne doit pas avoir pour effet de rendre plus compliquée l’application de l’article de la loi qui reconnaît le droit pour la travailleuse d’être remboursée sur production de pièces justificatives pour les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins.

[54]           La CSST, en vertu de l’article 351 de la loi, a le devoir de rendre ses décisions « suivant l’équité d’après le mérite réel et la justice du cas… ». Dans la présente affaire, elle aurait pu faire preuve d’un peu plus de souplesse dans son interprétation du règlement. Aussi, le tribunal est d’avis que la travailleuse doit se faire rembourser la différence de 116 $ pour les frais de transport occasionnés pour se rendre à ses traitements de physiothérapie de juin à août 2003.

Les dîners

[55]           Relativement aux deux dîners pour lesquels la travailleuse a dû débourser dans des circonstances particulières le 4 juin et le 6 août 2003, ils devraient également être remboursés au taux de 12,35 $ chacun pour un total de 24,70 $, et ce, conformément aux barèmes que l’on retrouve à l’annexe I du règlement alors en vigueur. Il est vrai, comme le mentionne la Révision administrative, qu’en principe les frais de repas ne sont payables que lorsque les soins ou traitements sont donnés à plus de 16 kilomètres ou 32 kilomètres aller-retour du domicile. Cependant, la CSST a oublié le 2e paragraphe de l’article 11 qui nuance la rigueur du 1er paragraphe :

[…]

 

Toutefois, sont aussi remboursables les frais de déjeuner ou de dîner, lorsque le travailleur doit se déplacer à 16 kilomètres ou moins de sa résidence afin de recevoir des soins ou de subir des examens médicaux et qu’il est tenu de demeurer sur place entre 8 h 30 et 11 h 30 ou entre 11 h 30 et 13 h 30.

 

Décision, 93-06-07, a. 11.

 

 

[56]           Dans la présente affaire, la travailleuse, le 4 juin 2003, après son accident du travail, a dû attendre plus de six heures à l’urgence avant de voir un médecin. La période de dîner se situait dans ces six heures. Il était donc nullement exagéré que dans de telles circonstances la travailleuse prenne son repas et soit remboursée tel que l’autorise le 2e alinéa de l’article 11. Le dîner du 6 août devrait être traité de la même façon puisque la travailleuse s’était rendue en avant-midi pour ses traitements de physiothérapie et qu’elle avait rendez-vous en après-midi avec le spécialiste. Entre les deux, elle n’avait pas le temps de retourner à la maison pour aller dîner. Au surplus, il n’aurait pas été approprié au moment où l’on parlait d’exacerbation de la condition de son genou suite aux traitements, que la travailleuse se tape un aller-retour chez-elle en autobus pour aller dîner avant d’entreprendre un autre aller-retour pour aller rencontrer le spécialiste.

[57]           Le tribunal donne donc droit à la travailleuse à un remboursement de 140,70 $ pour les frais de transport et de séjour supplémentaires, remboursement que devra effectuer la CSST.

Dossier 263677

[58]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a été victime le ou vers le 16 septembre 2004 d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 15 janvier 2004.

[59]           La récidive, rechute ou aggravation est une composante de la définition de lésion professionnelle que l’on retrouve à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

[…]

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

[…]

 

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[60]           Comme l’indique le docteur Tessier sur son attestation médicale du 15 janvier 2004 : la travailleuse a fait l’objet d’une « exposition accidentelle à un liquide biologique ». Il ajoutait : « travail exigeant injections à donner sans formation préalable ». La travailleuse a dû subir plusieurs tests, a été sous investigation et vaccinée, le tout sous la responsabilité du Centre de prévention, jusqu’au rapport final du 23 juillet 2004. Elle était alors consolidée sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle. Le diagnostic retenu par le docteur Bruneau du Centre de prévention est celui de « piqûre aiguille contaminée ».

[61]           Durant la période d’observation et de traitements, la travailleuse est demeurée au travail; mais elle a développé, à partir du mois de mai, un sentiment d’anxiété, comme l’indique le docteur Bruneau, en relation avec son travail. Dans ce contexte, elle a été amenée à rencontrer, à plusieurs reprises, la psychologue Dombec du Centre de prévention. Comme le rapporte la psychologue dans son rapport du 27 juillet 2004 : suite à l’événement du 15 janvier, la travailleuse était demeurée craintive, allant même jusqu’à développer, en mai, juin et juillet, des symptômes d’un « trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive suite à un stress non négligeable ». Le traitement s’est terminé avec le rapport final du Centre de prévention.

[62]           En vacances pendant cinq semaines, l’anxiété a diminué. Cependant, avec la reprise du travail l’anxiété est revenue. La travailleuse a consulté le docteur Koniouchine qui a confirmé l’existence d’un trouble de l’adaptation. Il a recommandé l’arrêt de travail et un nouveau suivi par un psychologue.

[63]           Le rapport du 8 novembre 2004 de la psychologue Lucie Dupont est assez détaillé. En conclusion, compte tenue des « ressources financières limitées » de la travailleuse qui s’était vue refuser par la CSST la reconnaissance de son trouble de l’adaptation comme lésion professionnelle, la psychologue recommande « fortement » à la travailleuse « de faire une demande en clinique externe de psychiatrie dans son hôpital de secteur ».

[64]           Finalement, un rapport d’expertise du psychiatre Charles-Henrie Massac daté du 15 février 2006 reprend l’ensemble du dossier depuis la piqûre à l’aiguille contaminée du 15 janvier 2004 en passant par l’évolution psychologique de la travailleuse et le dossier médical qui accompagne le tout. Le psychiatre fait état de deux stresseurs importants. Le premier étant « l’accident du travail en se piquant avec une aiguille souillée… il s’agit d’un stresseur extrême qui s’étend sur une durée de six mois puisque la requérante a dû se soumettre à un protocole par l’équipe médical du Centre de prévention des expositions aux liquides biologiques de l’Hôpital Saint-Luc… ». Le deuxième stresseur venait, selon le psychiatre, de « la partie patronale qui est supposée la sécuriser et la soutenir dans cette épreuve; [la partie patronale] aurait au contraire nié vigoureusement le fait qu’elle a été autorisée à donner des injections lui donnant l’impression qu’elle passait pour folle ou fabulatrice ». En somme, comme l’écrit le docteur Massac, le deuxième stresseur occasionne les interrogations éthiques et morales suivantes à la travailleuse :

[…]

-     Est-ce qu’elle pose un geste illégal en donnant des injections?

-     Peut-elle faire du mal à ses bénéficiaires?

-     Si elle se trompe de dosage, que va-t-il arriver?

-     Qui va être responsable?

 

 

[65]           Et le psychiatre d’opiner :

Il est évident qu’il s’agit de stresseurs extrêmes qui justifient le développement d’une symptomatologie anxio-dépressive connue sous le terme nosologique de « trouble d’adaptation avec humeur mixte, anxieuse et dépressive ».

[…]

 

 

[66]           Le docteur Massac termine sont expertise en concluant que le trouble de l’adaptation diagnostiqué le 16 septembre 2004 par le docteur Koniouchine constitue une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 15 janvier 2004.

[67]           Compte tenu du témoignage de la travailleuse, compte tenu également de la preuve médicale au dossier, qu’il s’agisse du docteur Bruneau, des psychologues Dombec et Dupont, de l’expertise et des conclusions du psychiatre Massac; compte tenu également de l’absence de preuve médicale contraire, le tribunal se doit d’infirmer la décision rendue par la CSST le 15 avril 2005 suite à une révision administrative et de déclarer que la travailleuse a été victime, le ou vers le 16 septembre 2004, d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 15 janvier 2004 lui donnant droit en conséquence aux prestations prévues par la loi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 244683

ACCUEILLE partiellement la contestation de la travailleuse du 30 septembre 2004;

MODIFIE en partie la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail suite à une révision administrative le 9 août 2004;

DÉCLARE que la travailleuse avait droit à un montant supplémentaire de 140,70 $ pour le remboursement des frais de transport et de repas reliés à la lésion professionnelle du 4 juin 2003, à savoir 116 $ pour frais de transport et 24,70 $ pour remboursement de deux dîners.

Dossier 263677

ACCUEILLE la contestation de la travailleuse du 3 juin 2005;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail suite à une révision administrative le 15 avril 2005;

DÉCLARE que la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle, le ou vers le 16 septembre 2004 à savoir une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 15 janvier 2004 lui donnant droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

 

__________________________________

 

Gilles Robichaud

 

Commissaire

 

Me Jean-Sébastien Brady

F.A.T.A. - MONTRÉAL

Représentant de la partie requérante

 



[1]           c. A-3.001, r. 0.4.1.

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