Décision

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     LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE
     DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le 17 janvier 1995

     DISTRICT D'APPEL  DEVANT LE COMMISSAIRE:    Bernard Lemay
     DE MONTRÉAL

     RÉGION:LAURENTIDES   AUDITION TENUE LE:        15 décembre 1994
     DOSSIER:
     51232-64-9305

     DOSSIER CSST:  À:                        Montréal
     1025 91120

     DOSSIER B.R.:
     6103 5566

     PLOMBERIE & CHAUFFAGE PLOMBEC INC.
     

920, rue Plessis Laval (Québec) H7E 4S9 PARTIE APPELANTE et MONSIEUR MICHEL DESLONGCHAMPS 803, rue Sigouin Sainte-Adèle (Québec) J0R 1L0 PARTIE INTÉRESSÉE D É C I S I O N Le 13 mai 1993, Plomberie & Chauffage Plombec Inc. (l'employeur) dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision rendue le 4 mai 1993 par le Bureau de révision de la région des Laurentides (le bureau de révision).

Par sa décision unanime, le bureau de révision confirme la décision rendue le 10 mars 1992 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) et déclare que monsieur Michel Deslongchamps (le travailleur) subit une lésion professionnelle le 11 février 1992.

Bien que dûment convoqué par courrier certifié reçu le 29 août 1994, le travailleur est absent à l'audition, ni représenté.

L'employeur est également absent, ni représenté. Suivant le dossier tel que constitué, l'employeur aurait apparemment cessé ses activités commerciales le 31 juillet 1993. Un avis d'enquête et d'audition a été transmis à la dernière adresse connue au dossier, soit celle du 920, rue Plessis, à Laval, à l'attention de monsieur Jean Beaulé. L'envoi certifié a été retourné à la Commission d'appel le 5 octobre 1994, avec la mention «non réclamé».

S'autorisant des dispositions de l'article 427 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c.A-3.001), la Commission d'appel estime que les circonstances sous étude l'habilitent à procéder à l'instruction de la cause et à rendre une décision sur dossier, en l'absence des parties.

OBJET DE L'APPEL L'employeur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du 4 mai 1993 du bureau de révision et de déclarer que le travailleur ne subit pas de lésion professionnelle le 11 février 1992.

LES FAITS Le 11 février 1992, alors qu'il est au service de l'employeur depuis environ quatre mois et y agit à titre de gérant de service, le travailleur, selon une déclaration qu'il consigne dans un avis de l'employeur et demande de remboursement du 14 février suivant, soumet avoir été victime à dix-neuf heures quarante-cinq d'un événement qui est décrit ainsi: «L'employé était en train de discuter avec un représentant de la cie "Dattson" lors d'une soirée d'information sur les produits à l'école Daniel Johnson, 1000 Tricentenaire, Montréal. Un individu appelé "Morel" est entré dans la classe et s'en est pris à M. Deslongchamps en le frappant à coup de poing et de coup de pied. Résultat bras gauche brisé et contusions internes multiples du nez.» À la suite d'une radiographie qui démontre le soir même de l'incident une «fracture diaphysaire transversale sans aucun déplacement à la jonction du tiers moyen et au tiers distal du cubitus gauche», le docteur A. Desjardins immobilise la lésion dans une attelle plâtrée et autorise un arrêt de travail jusqu'au 25 février suivant. Le 18 février, le docteur D. Allaire parle de contusions faciles qu'il déclare consolidées le jour même, sans atteinte permanente à l'intégrité physique, ni limitations fonctionnelles. Le 25 février, le docteur Desjardins reprend son diagnostic initial de fracture du cubitus gauche et prolonge l'incapacité au travail pour une période de moins de soixante jours.

Le 10 mars 1992, la Commission reconnaît le caractère professionnel de la lésion du travailleur.

Le 24 mars 1992, le docteur Desjardins retire le plâtre du travailleur et prescrit des traitements de physiothérapie.

Le 13 avril 1992, l'employeur conteste la décision du 10 mars précédent de la Commission, au motif que «suite à des vérifications internes, nous avons constaté que l'employé n'était pas sur les heures de travail régulières mais était allé de son propre chef rencontrer un conseiller à l'école Daniel-Johnson».

Saisi de la contestation de l'employeur, le bureau de révision rend le 4 mai 1993 la décision dont appel, résumant comme suit la preuve recueillie lors de l'audition du 6 avril précédent: «(...) À l'audition, M. Deslongchamps explique que l'employeur vend, installe et répare des fournaises. Dans le cadre de ses fonctions de gérant de service, il est appelé à embaucher de nouveaux employés pour procéder aux installations et aux réparations, lui-même procède à des installations et réparations, prépare des soumissions, autorise le paiement des heures réclamées par les employés...

M. Deslongchamps explique que le 11 février 1992, il a deux réparations à effectuer sur un nouveau modèle de fournaise et il doit préparer une soumission pour ce genre de fournaise qu'il ne connaît pas suffisamment.

M. Deslongchamps a besoin d'informations. Le 11 février 1992, le représentant de la compagnie qui fabrique ces fournaises donne une soirée d'informations à l'école Daniel Johnson à Montréal. M. Deslongchamps préfère rencontre le représentant plutôt que de simplement lui téléphoner, à cause du genre d'informations dont il a besoin et parce qu'il a besoin de ces informations rapidement.

M. Deslongchamps se rend donc à l'école Daniel Johnson le 11 février 1992, en compagnie de son épouse car cette séance d'information est donnée en soirée.

M. Deslongchamps se présente dans la classe et discute de ses problèmes avec le représentant. Il a des pièces dans les mains et des cartables.

Un ancien employé de l'employeur se trouve dans la classe et l'aperçoit. Il se dirige vers lui et lui demande de lui payer immédiatement les heures qu'il lui doit.

M. Deslongchamps explique que cette personne est un ex- employé de l'employeur qu'il avait embauché à temps partiel et qu'il n'a pas gardé à son emploi. Il a de plus refusé d'autoriser le paiement de certaines heures de travail réclamée. Ce sont ces heures dont cette personne lui réclame le paiement.

Cette personne commence à frapper M. Deslongchamps sans que celui-ci n'ait le temps de bouger ou de se débarrasser les bras. M. Deslongchamps subit une fracture du cubitus gauche et en-dessous de l'oeil.

Le lendemain, M. Deslongchamps se présente chez l'employeur. Le formulaire d'Avis de l'employeur et demande de remboursement est rempli et signé L'agresseur de m. Deslongchamps téléphone au moment où M. Deslongchamps est présent. Il réclame le paiement des heures que M. Deslongchamps n'a pas autorisées et profère d'autres menaces. Il demande également d'atténuer l'incident survenu la veille et qu'aucune accusation ne soit portée contre lui.

M. Deslongchamps déclare que son médecin autorise son retour au travail le 15 janvier 1993. Il suit encore une thérapie.

(...)» (sic) C'est essentiellement la preuve dont dispose la Commission d'appel en l'espèce.

MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit décider en l'instance si le travailleur subit une lésion professionnelle le 11 février 1992.

L'article 2 de la loi définit comme suite la notion de lésion professionnelle: «lésion professionnelle»: une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation; Il n'est nullement prétendu, ni soutenu en preuve, que les lésions diagnostiquées chez le travailleur à compter du 11 février 1992 puissent résulter d'une maladie professionnelle ou d'une récidive, rechute ou aggravation. Reste donc pour la Commission d'appel à déterminer si l'arrêt de travail du travailleur découle d'un accident du travail, notion que le même article 2 de la loi définit dans les termes suivants: «accident du travail»: un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle; Afin de faciliter la preuve de l'existence d'une lésion professionnelle, le législateur prévoit la présomption suivante à l'article 28 de la loi: 28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

Ces paramètres étant établis, qu'en est-il vraiment dans le cas sous étude? En l'instance, il s'agit pour la Commission d'appel de déterminer si l'événement imprévu et soudain non contesté du 11 février 1992 dont le travailleur, suivant la preuve offerte, n'aurait pas été l'instigateur, et qui est la cause immédiate de la fracture du cubitus gauche et des contusions faciales, est survenu par le fait ou à l'occasion du travail.

Au-delà des interrogations que la Commission d'appel peut entretenir à savoir si l'agression du 11 février 1992 constitue un accident directement survenu par le fait du travail, l'on peut se demander si l'incident dont est victime le travailleur est survenu à l'occasion du travail.

L'expression «à l'occasion du travail» n'est pas définie dans la loi. Par son mutisme, le législateur a manifestement voulu s'en remettre à l'appréciation de l'instance décisionnelle en regard de chaque cas d'espèce qui peut lui être soumis. C'est ainsi que la Commission d'appel a souvent été appelée à interpréter cette notion. Le présent tribunal ne juge toutefois pas nécessaire de faire ici une revue exhaustive de l'abondante jurisprudence qui existe sur cette question, d'autant qu'elle témoigne du fait indéniable que chaque cas en est un d'espèce qui doit être apprécié à la lumière de la preuve offerte et de la règle de droit.

La Commission d'appel tient cependant à souligner les principaux éléments susceptibles de permettre de qualifier un événement d'«accident survenu à l'occasion du travail»: a) le lieu de l'événement accidentel; b) le moment de l'événement accidentel; c) la rémunération de l'activité exercée par le travailleur au moment de l'événement accidentel; d) l'existence et le degré d'autorité ou de subordination de l'employeur lorsque l'événement accidentel ne survient, ni sur les lieux, ni durant les heures du travail; e) la finalité de l'activité exercée par le travailleur au moment de l'événement accidentel, qu'elle soit incidente, accessoire ou facultative à ses conditions de travail; f) le caractère de connexité et d'utilité relative de l'activité du travailleur au regard de l'accomplissement du travail.

Après avoir analysé la preuve versée au dossier et considéré les principes établis par la jurisprudence, la Commission d'appel est finalement d'avis que l'agression dont a été victime le travailleur le 11 février 1992 correspond manifestement à un accident survenu à l'occasion du travail.

S'il est vrai en l'espèce que le travailleur, le soir du 11 février 1992, donc après ses heures régulières de travail, n'est apparemment pas soumis à l'autorité de son employeur et n'est pas rémunéré pour et au moment d'assister à la séance d'informations qui se donne à un endroit autre que son lieu habituel de travail, il n'en demeure pas moins le fait indéniable que n'eut été de son emploi de gérant de service pour l'employeur et de son refus, à ce titre, de verser à un ex-salarié de l'employeur le paiement de certaines heures de travail, le travailleur n'aurait probablement jamais été victime d'une agression par cet ex-employé.

La preuve prépondérante établit que le fait accidentel du 11 février 1992 présente donc un lien de connexité suffisamment intrinsèque ou, à tout le moins, réellement accessoire avec l'emploi du travailleur et ne relève aucunement pas d'une discussion ou d'une animosité d'ordre strictement personnel avec l'agresseur, auquel cas la Commission d'appel aurait conclu différemment.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE l'appel de l'employeur, Plomberie & Chauffage Plombec Inc.; CONFIRME la décision rendue le 4 mai 1993 par le Bureau de révision de la région des Laurentides; DÉCLARE que le travailleur, monsieur Michel Deslongchamps, subit une lésion professionnelle le 11 février 1992.

_________________________________ Bernard Lemay,commissaire

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.