DÉCISION
[1] Le 1er août 2001, monsieur Normand Babeu (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 23 juillet 2001 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 19 juillet 2000 à l’effet de rembourser au travailleur que la somme de 266 $ pour l’ensemble des frais qu’il a engagés dans le cadre des travaux d’entretien courant de son domicile. De plus, la CSST note que le travailleur n’a présenté aucune explication raisonnable lui permettant de justifier sa démarche unilatérale de faire procéder aux travaux d’entretien de son domicile sans avoir obtenu au préalable son aval.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[3] Le travailleur demande de reconnaître qu’il a droit au remboursement total de tous les frais engagés pour des travaux d’entretien courants de son domicile soit un somme de 1 360 $ et non pas seulement 266 $ .
LES FAITS
[4] En avril 2000, le travailleur soumet à la CSST deux estimations pour des travaux à être effectués à son domicile. La première totalise 1476 $ alors que la seconde est de 1360 $.
[5] Suite à cette demande, le 13 juin 2000, l’agente d’indemnisation saisie du dossier, se rend à la résidence du travailleur. À ses notes personnelles, elle écrit que le travailleur y vit avec sa conjointe et sa fille, que suite à son accident du travail en 1986, il n’est pas retourné sur le marché du travail et qu’un DAP de 56 % lui a été reconnu. Il est aussi noté que la femme du travailleur s’est récemment fait opérer et qu’un infarctus en a résulté.
[6] L’agente a dessiné le plan de la maison du travailleur et a écrit au dossier à quand remonte les derniers travaux de peinture pour chacune des pièces. Le travailleur ne lui ayant remis qu’une estimation globale des coûts, sans pour autant que chaque tâche ne soit évaluée séparément, elle demande au travailleur de lui faire parvenir une estimation détaillée de chacun des entrepreneurs, et ce, afin qu’elle puisse évaluer plus facilement les coûts pour chacune des tâches et ainsi payer les frais d’entretien admissibles.
[7] Le 27 juin 2000, la CSST accuse réception de l’évaluation des coûts détaillée faite par les deux entrepreneurs soumissionnaires.
[8] Le 17 juillet 2000, sur l’ensemble des travaux demandés par le travailleur, l’agente ne considère admissible que la peinture du sous-sol (130 $) et le nettoyage du terrain (136 $); ces coûts totalisant ainsi la somme de 266 $. Le 18 juillet 2000, elle rencontre le travailleur afin de lui expliquer sa définition de la notion d’entretien courant du domicile soit des travaux habituels de maintenance devant être faits périodiquement ou selon les saisons et qui assurent le maintien du travailleur à son domicile, et ce, en opposition à des travaux de défectuosité, de rénovation ou de construction. Elle donne à titre d’exemple de travaux d’entretien courant : le déneigement, la tonte de la pelouse et la peinture. Elle précise que le remboursement des coûts d’entretien ne comprend pas le coût des matériaux et que, par ailleurs, ils doivent être autorisés avant d’être engagés.
[9] Faisant la révision des demandes du travailleur pour les travaux qu’il aurait déjà fait faire, elle rappelle au travailleur qu’à compter de maintenant, la CSST ne lui paiera les travaux de peinture qu’aux 5 ans. Pour ce qui est du nettoyage du terrain, elle l’évalue à 8 heures à 17 $ de l’heure soit 136 $. Si elle considère admissible les autres frais suivants : le lavage intérieur de la maison, le lavage de tapis et de vitres, elle refuse toutefois d’en rembourser les coûts au travailleur, puisque, écrit-elle, ces frais ne sont admissibles qu’une seule fois par année. Ayant déjà été fait à l’automne 1999, ils ne seront donc admissibles à nouveau qu’à l’automne 2000. En ce qui concerne la taille de la haie de cèdres, elle considère aussi ce frais admissible, mais qu’aux 2 ans. La taille ayant déjà été faite au printemps 1999, elle écrit que ce frais ne sera admissible qu’au printemps 2001. En ce qui concerne la peinture des cadres de fenêtres, elle considère ce frais admissible qu’aux 5 ans et il devra être fait en même temps que les pièces de la maison. Pour le lavage extérieur de la maison, elle considère ce frais inadmissible, le considérant un travail exceptionnel qui se fait généralement à plusieurs années d’intervalles. La pose de moustiquaires, la réparation de gouttières, la taille de branches d’arbres, sortir et installer le patio, la balançoire, le BBQ et les accessoires d’été, le ménage de la remise, l’entreposage d’accessoires d’hiver, la teinte de la clôture et du patio sont considérés non admissibles.
[10] En résumé, l’agente explique au travailleur que les seuls frais payables seront la peinture aux 5 ans, le nettoyage du terrain au printemps et à l’automne, le grand ménage une fois par année et la tonte de la haie aux 2 ans. Le 19 juillet 2000, elle rend une décision à cette effet. Le 14 août 2000, le travailleur demande la révision de cette décision.
[11] Le 23 juillet 2001, la CSST en révision administrative rend la décision qui est l’objet du présent litige devant la Commission des lésions professionnelles.
[12] Le travailleur déclare qu’en raison des séquelles de sa lésion professionnelle, il ne peut faire les travaux d’entretien courant dont il réclame les coûts à la CSST. Il précise qu’avant son accident du travail, il faisait lui-même tous ces travaux.
L'AVIS DES MEMBRES
[13] Conformément aux dispositions de l'article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1], la commissaire soussignée a demandé aux membres qui ont siégé auprès d'elle leurs avis sur la question faisant l'objet de la présente contestation, de même que les motifs de cet avis.
[14] De façon unanime, les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis d’accueillir la contestation du travailleur. Ils considèrent que les frais d’entretien courant du domicile réclamés par le travailleur sont remboursables, et ce, en vertu de l’article 165 de la loi.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[15] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais engagés pour certains travaux.
[16] C’est en vertu de l’article 165 de la loi que doivent être analysées les demandes d’aide concernant les travaux d’entretien courant du domicile d’un travailleur. Cet article se lit comme suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui - même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[17] Ici, il n’est nullement mis en doute que le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et qu’il soit incapable d’effecteur les travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuait normalement lui-même et qu’il réclame. Ici, le litige porte plutôt sur la notion même de travaux d’entretien courant du domicile.
[18] La jurisprudence a déterminé que les travaux d’entretien courant du domicile couvrent les travaux habituels de maintenance ordinaire du domicile, par opposition aux travaux inhabituels et extraordinaires.
[19] Dans la présente affaire, contrairement à la CSST, la Commission des lésions professionnelles n’a aucune difficulté à inclure dans la notion d’entretien courant du domicile tous les frais engagés par le travailleur dont il réclame le remboursement à la CSST, et ce, sans aucune exception puisqu’ils sont des travaux de maintenance et non pas des travaux extraordinaires.
[20] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles note que si certains coûts ont été jugés admissibles par la CSST, mais dont le remboursement a été refusé, c’est que l’agent a considéré que certains travaux ayant déjà été faits à une certaine époque de l’année, ne pourront être admissibles qu’à la même époque un an plus tard.
[21] Or, ce n’est pas ce que l’article 165 énonce. Il n’est aucunement prévu à cet article l’époque ou la date à laquelle un travailleur peut faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile, et encore moins le nombre de fois et l’intervalle à laquelle il doit les faire exécuter. La seule exigence prévue par cet article est que le travailleur démontre que ces frais ont été engagés. La production de pièce justificative par un travailleur répond alors à cette exigence.
[22] Ici, en plus d’avoir produit deux estimations des coûts généraux et détaillés, le travailleur a fourni la facture démontrant qu’il a engagé les frais qu’il réclame. La CSST ne peut rien demander de plus au travailleur. Même que la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur est allé au-delà des conditions prévues à l’article 165 en fournissant des estimations, puisque cet article ne l’exige même pas. Si le législateur avait prévu que, dans le cas des travaux d’entretien courant du domicile, un travailleur doit fournir des estimations au préalable, il l’aurait mentionné spécifiquement, et ce, tel qu’il l’a fait, entre autres, aux articles 154 et 156. Or, tel n’est pas le cas de l’article 165.
[23] Par ailleurs, la CSST reproche au travailleur d’avoir engagé unilatéralement les travaux, sans avoir obtenu au préalable son approbation. La Commission des lésions professionnelles considère que la CSST interprète mal le libellé de l’article 165 en demandant au travailleur cette exigence d’autorisation additionnelle. Un travailleur n’a pas à obtenir l’autorisation au préalable de la CSST pour engager des frais concernant les travaux d’entretien courant de son domicile. Tout ce qu’il a à faire, c’est de lui fournir des factures démontrant que les travaux ont été engagés. Certes, il pourrait être préférable, avant d’engager des frais, qu’un travailleur demande à la CSST, si tel ou tel autre travail est un travail d’entretien courant du domicile, surtout s’il n’est pas certain de cette définition, mais là n’est pas une exigence de la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Normand Babeu, le travailleur ;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 juillet 2001 à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement total des frais encourus pour les travaux d’entretien courant qu’il réclame en avril 2000, soit la somme de 1360 $ et non pas seulement 266 $.
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Nicole Blanchard |
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Commissaire |
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AVIS :
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