Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Boutin et Acrylique Mascouche

2014 QCCLP 411

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

23 janvier 2014

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

479310-63-1208

 

Dossier CSST :

139253439

 

Commissaire :

Marie-Claude Lavoie, juge administratif

 

Membres :

Kathy Otis, associations d’employeurs

 

Régis Gagnon, associations syndicales

 

Assesseure :                        Huguette Dumais, médecin

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Gilbert Boutin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Acrylique Mascouche

 

Construction Delcar inc.

 

Construction Se Jo-K

 

Constructions Murarts inc. (Les)

 

Enduits Agres-Stuc (Les) (Fermée)

 

Entreprise Isolex inc. (Fermée)

 

Les Acryliques Olympic inc.

 

Les Revêtements Ispro Coatings

 

Raymond, Chabot & associés Syndic

 

Sealrez inc.

 

91445965 Québec inc.

 

Parties intéressées

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 10 août 2012, monsieur Gilbert Boutin (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 7 août 2012, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST conclut que la réclamation du travailleur a été produite dans le délai prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et confirme pour d’autres motifs la décision qu’elle a initialement rendue le 8 juin 2012. La CSST déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 26 mai 2011 et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la loi.

[3]           L’audience s’est tenue à Joliette le 11 octobre 2013, en présence du travailleur et de son procureur. Les employeurs sont tous absents. Le dossier a été mis en délibéré le 29 novembre 2013, à la suite de la réception des documents demandés à l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle le 26 mai 2011, soit une maladie professionnelle découlant des risques particuliers de son travail et qu’il a ainsi droit aux prestations prévues par la loi.

LES FAITS

[5]           Le travailleur témoigne à l’audience. Il occupe un emploi de plâtrier depuis 1999. Il a acquis son titre de compagnon en 2011. Depuis 1999, il travaille en moyenne 1 130 heures par année. Entre 1999 et 2008, il pose principalement des enduits acryliques. En 2009, il se consacre davantage au plâtre. Depuis 2010, il n’effectue que du plâtre.

[6]           À l’audience, le travailleur explique et mime les différentes tâches de son travail de plâtrier. Tout d’abord, au début de la journée, il arrive et dispose ses outils. Ensuite, il prépare le mélange de plâtre nécessaire pour son tirage de joints. Pour ce faire, il prend une boite de ciment à joint qu’il verse dans une chaudière de 5 gallons à laquelle il ajoute de l’eau. Il brasse le mélange pendant 5 à 6 minutes afin qu’il devienne homogène. Pour ce faire, il utilise une grosse perceuse qu’il tient à deux mains. La perceuse émet des vibrations. Le brassage du ciment à joint peut être effectué jusqu’à 4 fois au cours d’une journée.

[7]           Il explique qu’il utilise deux méthodes de travail. La première méthode consiste à utiliser un porte-mortier et une truelle ou un couteau. La deuxième méthode consiste à utiliser une truelle et un couteau, c’est la méthode dite américaine.

[8]           Pour débuter le tirage des joints, il prend son porte-mortier à plein main avec sa main gauche. Avec sa main droite, il prend du ciment dans la chaudière. Il place sur son porte-mortier l’équivalent d’une à deux livres de ciment à joint. Pour faire un joint horizontal, il place son poignet droit en extension afin de prendre une petite quantité de ciment sur son porte-mortier. Le travailleur se place face au mur et, avec son membre supérieur droit qu’il porte vers la gauche de son corps, il applique sa truelle sur le mur, le poignet en position d’extension. Il étend le ciment à joint d’un mouvement de gauche à droite. Le mouvement effectué avec le poignet débute par une extension du poignet, suivie d’une position neutre, à un léger mouvement de flexion, pour revenir à une position neutre et terminer dans un mouvement d’extension. Selon la hauteur à laquelle se fait le joint, il y a présence d’une déviation cubitale ou radiale. Lorsque le travailleur pose le ciment sur des joints verticaux, il effectue les mêmes mouvements en partant du bas vers le haut. Lors de l’application de la première couche, le travailleur dit ne pas avoir à mettre une grosse pression sur sa truelle.

[9]           Après avoir posé la première couche, le travailleur doit poser un ruban sur le joint. Il place le ruban au début de son joint en le tenant avec deux doigts de la main gauche, puis à l’aide de son couteau, il applique une pression sur le ruban en le déroulant afin qu’il adhère à la première couche de ciment. Il coupe le bout de son ruban avec son couteau. Pour l’application du ruban, le poignet est en position relativement neutre. Le travailleur doit laisser sécher le tout pour une période d’environ 24 heures. Ainsi, selon le chantier sur lequel il travaille, il peut avoir à répéter cette première étape tout au cours d’une journée étant donné le temps d’attente pour le séchage.

[10]        Par la suite, le travailleur applique une deuxième couche de ciment. Il effectue les mêmes mouvements. Cependant, pour égaliser le produit, il applique une force plus importante puisqu’il doit essuyer l’excédent de ciment qui se retrouve au mur. Encore une fois, la seconde couche doit sécher pendant une période de 24 heures.

[11]        Après la période de séchage, le travailleur doit sabler la deuxième couche à l’aide d’un bloc de sablage fixé à un manche. Il tient le manche avec ses deux mains en pleine prise. Le travailleur indique que cette étape est difficile pour ses épaules. Il ajoute qu’à certaines occasions, il tient le bloc de sablage directement avec sa main et dit n’appliquer qu’une faible force. Le mouvement effectué comporte un peu de déviation radiale.

[12]        Lors de la troisième couche, qu’il appelle la couche de finition, le travailleur applique à nouveau du ciment à joint. Il dit en appliquer un peu plus large que le joint comme tel pour obtenir une meilleure finition. Pour ce faire, il applique une force un peu moins importante, mais il doit encore une fois enlever l’excédent de produit. Son poignet est alors extension avec une déviation cubitale.

[13]        Lorsque le travailleur doit tirer les joints au plafond ou dans le coin des murs, son membre supérieur droit est en supination et son poignet en extension. Lorsque les réparations sont situées dans le bas d’un mur, il effectue des mouvements d’extension et de pronation.

[14]        De 1999 à 2009, avant de travailler pour son dernier employeur, le travailleur explique qu’il posait principalement des enduits acryliques. Il explique que la méthode d’application est la même que celle du ciment à joint, mais que la force nécessaire pour l’application du produit est plus importante. De plus, la préparation du mélange est également un peu plus longue. Il doit mélanger du ciment Portland avec de la colle et un peu d’eau. Compte tenu de la résistance de l’enduit, il doit tenir fermement sa perceuse lors du mélange. Dans le cas de l’acrylique, il applique un treillis en fibre de verre après la première couche, puis coupe le treillis avec son couteau ou sa truelle. Il ajoute que le produit est plus liquide, plus crémeux. Il doit donc porter une attention particulière afin qu’il ne tombe pas de son porte-mortier. Lors de la finition, il doit effectuer des mouvements circulaires pour appliquer le produit. Dans les dernières années où il a posé des enduits acryliques, il s’occupait principalement de la première couche, alors qu’un autre travailleur venait poser la couche de finition.

[15]        Finalement, le travailleur explique la pose de coins de métal, qu’il effectue avec de la colle. Il plie légèrement le coin et vient l’appliquer sur le coin externe, par exemple d’un cadre de fenêtre, et il frappe le coin à pleine main, au niveau de l’éminence thénar. Une fois le coin de métal en place, il applique un ruban autocollant. Pour ce faire, il effectue des mouvements d’extension ainsi que de déviation cubitale et avec une légère déviation radiale.

[16]        Dans un objectif de productivité, le travailleur explique qu’il doit exécuter rapidement les différentes tâches décrites.

[17]        Le travailleur a commencé à ressentir des engourdissements aux deux mains il y a plusieurs années. En effet, le dossier médical déposé à la suite de l’audience rapporte une consultation en date du 26 mars 2001. Le travailleur avait alors subi un électromyogramme démontrant un canal carpien léger à droite. Dans son rapport, le neurologue Jean Boileau indique que le travailleur présente des paresthésies aux deux mains, et ce, depuis quelques années.

[18]        Au début de l’année 2011, le travailleur consulte pour ses problèmes parce que ses symptômes sont devenus plus fréquents et plus intenses principalement à droite. Il dit avoir commencé à échapper ses outils au travail et il trouvait cela dangereux.

[19]        Il explique avoir été en mesure de continuer à travailler entre le moment où le diagnostic a été posé et sa chirurgie. En effet, son employeur l’a affecté à un travail de réparation où il avait de nombreuses pièces à réparer. Il ajoute qu’entre les différentes réparations, il avait un temps de repos lui permettant de récupérer.

[20]        Le travailleur précise qu’il est ambidextre. En effet, au début de sa carrière, on lui avait conseillé d’utiliser ses deux mains pour faire son travail, compte tenu des exigences physiques de celui-ci.

[21]        Le 7 avril 2011, la docteure Nicole Khairallah, neurologue, examine le travailleur. Elle rapporte que le travailleur présente des paresthésies intermittentes depuis environ six mois au niveau des trois premiers doigts de la main droite, et qu’il aurait commencé à échapper des objets. Les paresthésies sont également présentes lorsqu’il fait de la moto. L’électromyogramme révèle une atteinte modérée à droite et légère à gauche.

[22]        Le 26 mai 2011, le travailleur consulte le chirurgien plasticien Charles Guertin qui retient un diagnostic de canal carpien bilatéral.

[23]        Le 20 mars 2012, ce dernier opère le travailleur pour son syndrome du canal carpien droit.

[24]        Le 22 mai 2012, le travailleur reprend son travail régulier. Le médecin consolide sa lésion le 17 septembre 2012, sans séquelle permanente.

L’AVIS DES MEMBRES

[25]        La membre issue des associations d’employeur et le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Ce dernier a fait la preuve que son syndrome du canal carpien droit découle des risques particuliers de son travail de plâtrier en raison des mouvements répétitifs des poignets et des mouvements de préhension.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[26]        À l’audience, le travailleur prétend avoir subi une maladie professionnelle en raison des risques particuliers de son travail de plâtrier. Il ne prétend pas que la lésion diagnostiquée puisse résulter d’un accident du travail, d’une récidive, rechute ou aggravation, ou d’une maladie caractéristique de son travail. Le tribunal n’analysera donc le dossier que sous cet angle.

[27]        La notion de maladie professionnelle est définie à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

[28]        Aux fins de rendre sa décision, le tribunal est lié par le diagnostic de syndrome du canal carpien droit posé par le médecin traitant, puisqu’il n’a fait l’objet d’aucune contestation.

[29]        Conséquemment, le travailleur doit démontrer que son syndrome du canal carpien droit est directement relié aux risques particuliers de son travail, et ce, en vertu de l’article 30 de la loi qui se lit comme suit :

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

[Notre soulignement]

 

 

[30]        La Commission des lésions professionnelles a déjà eu à déterminer la preuve requise lorsque les risques particuliers du travail sont invoqués au soutien de l’admissibilité d’une réclamation pour maladie professionnelle[2]. Plus particulièrement, dans la décision Béland et Rembourrage Expert 2000 inc.[3], le tribunal indique le fardeau de preuve nécessaire :

[18]  Le travailleur a le fardeau de démontrer par une preuve prépondérante qu’il est exposé à des risques particuliers dans l’exécution de ses tâches et que ces risques ont été significatifs et déterminants dans l’apparition de son syndrome du canal carpien droit.

 

[19]  Puisque le travailleur invoque que son travail implique des risques particuliers de développer un syndrome du canal carpien, il doit donc faire la preuve d’un lien entre la lésion qui l’affecte et les mouvements qu’il exécute à son travail. Dans l’affaire Forgette et Sérigraphie, le juge administratif Mathieu résume bien la preuve que doit faire le travailleur :

 

« La preuve qui doit ici être faite quand on invoque cette notion des risques particuliers doit plutôt comprendre une analyse des structures anatomiques atteintes par la maladie, une identification des facteurs de risques biomécaniques, physiques et/ou organisationnels sollicitant ces structures, identifier, s’il y en a, les caractéristiques personnelles, regarder l’importance de l’exposition, que ce soit en termes de durée, d’intensité ou de fréquence et finalement, vérifier la relation temporelle. »

 

[notes omises]

[31]        Pour qu’une maladie soit directement reliée aux risques particuliers du travail exercé, la Commission des lésions professionnelles considère que cette notion fait référence au fait qu’un travail particulier fait courir à celui qui l’exerce, en raison de ses conditions d’exécution, un risque de développer une maladie. Le tribunal doit donc, à ce stade, identifier les facteurs biomécaniques, physiques ou organisationnels sollicitant la ou les structures anatomiques lésées, ainsi qu’évaluer l’importance de l’exposition en terme de durée, de fréquence et d’intensité.

[32]        Il y a donc lieu, dans un premier temps, d’identifier les facteurs biomécaniques et physiques susceptibles d’occasionner un syndrome du canal carpien. Au sujet des facteurs de risque reliés au développement d’un syndrome du canal carpien, le présent tribunal ne peut que réitérer les propos tenus dans la décision Desrosiers et Laidlaw Carriers Bulk LP[4] :

[37]  Les mouvements et gestes pouvant comporter un risque de provoquer ou contribuer au développement d’un syndrome du canal carpien sont les suivants : les mouvements répétitifs de la main ou du poignet (poignet en extension ou en flexion, déviation radiale ou cubitale répétée ou continue, mouvements répétés avec un ou plusieurs doigts) et les mouvements de préhension (préhension répétée avec pinces digitales, préhension avec tractions répétées ou rotation du poignet, préhension pleine main, pression avec la main, geste de cisaillement). La flexion ou l’abduction du membre supérieur, l’utilisation d’outils vibrants ou à percussion, le port de gants ou l’exposition au froid sont des facteurs additionnels de risque. L’exposition à une combinaison de facteurs de risque (répétitivité, force et posture) augmente le risque d’un syndrome du canal carpien11.

______________

11        Cyr et C.S. Brooks Canada inc., 230631-05-0403, 21 septembre 2004, M. Allard; Lalonde et Groupe Royal Technologie Québec inc., 248029-61-0411, 18 avril 2006, L. Nadeau

 

 

[33]        Ainsi, le tribunal retient que les mouvements suivants constituent des facteurs de risque :

·        les mouvements de flexion et d’extension des poignets;

·        les mouvements d’inclinaison radiale ou cubitale des poignets;

·        les mouvements de flexion des doigts;

·        les mouvements de préhension pleine main;

·        les mouvements de pince digitale.

[34]        Il faut bien entendu que ces mouvements soient exécutés de manière répétitive, avec force ou dans des amplitudes contraignantes. Le présent tribunal retient qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait une combinaison de ces facteurs pour conclure à un risque professionnel.

[35]        Certes, l’emploi de plâtrier peut comporter certains facteurs de risque selon le milieu et le contexte où il est exercé, mais qu’en est-il de la situation particulière du travailleur? La Commission des lésions professionnelles estime que la preuve est prépondérante pour établir un tel lien.

[36]        L’étude Analyse des facteurs de risque dans le travail des plâtriers[5], datée du mois de juin 2003 et réalisée par Mmes Marie Authier et Joanne Lagarde a été déposée au dossier. Cette étude fait notamment état des facteurs de risque du travail de plâtrier. Elle décrit chacune des tâches devant être exécutées par les plâtriers dans l’exercice de leurs fonctions.

[37]        L’étude identifie les facteurs de risque susceptibles d’occasionner des troubles musculo-squelettiques chez les plâtriers, dont des lésions aux poignets. Elle décortique chacun des mouvements effectués par les plâtriers lors des différentes tâches qu’ils sont appelés à exercer. Elle fait entre autres état des éléments suivants concernant les contraintes au niveau des poignets :

8.5       Application des couches successives (2e et 3e couches) avec truelle et         porte-mortier

 

[…]

 

            8.5.1     Application des couches successives au plafond

 

[…]

Membre supérieur qui applique l’enduit

 

[…]

 

Ø  Contraintes au poignet

 

Lors de nos observations, nous avons noté que certains plâtriers avaient le poignet en extension ou en flexion sévère lorsqu’ils effectuaient des mouvements antéro-postérieurs (figure 3). Ces flexions et extensions étaient observées au début ou à la fin du mouvement lorsque les plâtriers appliquaient de l’enduit sur de longues sections. Répétées souvent, ces postures, connues pour être contraignantes, peuvent contribuer à l’apparition de troubles au poignet.

 

Membre supérieur qui tient le porte-mortier

 

[…]

 

Ø  Contraintes au poignet

 

Le port du porte-mortier exige que le poignet soit stabilisé pour contrer la force induite par le poids de l’outil et de l’enduit (2,015 kg). Les muscles du poignet doivent fournir un effort pour contrer cette force. Toutefois, nos mesures et observations ne nous permettent pas d’évaluer de façon plus détaillée l’ampleur de cette contrainte et ses conséquences sur le poignet.

 

[…]

8.5.2     Application des couches successives au mur

 

[…]

 

            Membre supérieur qui applique l’enduit

 

[…]

 

Ø  Contraintes au poignet

 

Comme pour le plafond, nous avons noté que les plâtriers qui appliquent verticalement l’enduit sur les murs effectuent des flexions et extensions fréquentes des poignets. Ces mouvements du poignet servent à placer la truelle dans l’angle voulu (voir figure 3). Ces mouvements du poignet, parce qu’ils sont répétés souvent, sont contraignants pour le poignet.

 

8.6       Ponçage (sablage)

 

[…]

 

            8.6.1     Ponçage des plafonds

 

[…]

 

Ø  Contraintes au coude et au poignet

 

La prise de l’outil nécessite l’application d’une force pour le tenir et le contrôler. L’application de cette force exige aux muscles fléchisseurs des doigts de fournir des efforts soutenus pour tenir l’outil et aux muscles du poignet de fournir un effort pour le fixer. L’application de cette force peut donc être contraignante pour le coude et le poignet. Toutefois, nos observations ne nous permettent pas d’évaluer l’ampleur de cette force.

 

            8.6.2     Ponçage des murs

 

[…]

           

Membre supérieur qui applique la pression (celui qui est près de la plaque à poncer)

 

Ø  Contraintes au coude et au poignet

 

Tel que mentionné pour le ponçage au plafond, la prise de l’outil nécessite l’application d’une force pour le tenir et le contrôler. L’application de cette force exige des muscles fléchisseurs des doigts de fournir des efforts prolongés pour tenir l’outil et aux muscles du poignet de fournir un effort pour le fixer.

 

9.         Recouvrement d’acrylique

 

[…]

 

9.4       Application de la couche de base

 

[…]

 

Ø  Contraintes au coude et au poignet

 

Tel que mentionné, les plâtriers doivent appliquer une certaine force pour faire sortir l’enduit du treillis. Lors des observations, nous avons noté que les plâtriers effectuaient de nombreux mouvements du coude et du poignet. En effet, pour faire sortir l’excédent, il faut non seulement que l’épaule mais aussi toutes les autres articulations du membre supérieur participent à l’effort.

 

Ces mouvements répétés du coude et du poignet, qui s’effectuent en appliquant une force, peuvent devenir contraignants pour ces articulations.

 

[nos soulignement]

[38]        En espèce, la preuve démontre qu’au moment d’utiliser la truelle, le couteau ou le bloc de sablage, le travailleur exécute une préhension pleine main. Avec la truelle ou le couteau, il exécute des mouvements de flexion/extension du poignet droit, ainsi que des déviations cubitale et radiale. Tous ces mouvements, qui impliquent le poignet, sont effectués tout au long de la journée de façon répétitive. Il y a peu de variété dans les mouvements exécutés.

[39]        Or, tous ces mouvements, tel qu’indiqué précédemment, interviennent dans l’apparition d’un syndrome du canal carpien, ce qui milite en faveur de la relation causale.

[40]        Par ailleurs, le travailleur a expliqué que l’utilisation de la méthode américaine implique principalement les mêmes facteurs de risque, mais qu’elle nécessite un plus grand nombre de mouvements, puisque la surface couverte avec le couteau est moindre.

[41]        De plus, l’élément force est présent dans la majorité des tâches exécutées par le travailleur au cours d’une journée de travail.

[42]        Avant de conclure, la Commission des lésions professionnelles tient à ajouter que l’apparition d’un syndrome du canal carpien droit chez un travailleur droitier, qui exécute la majorité de ses tâches à l’aide de son membre dominant, est un élément supplémentaire qui milite en faveur de la reconnaissance d’un lien avec son travail. En effet, il est permis de penser que si la maladie du travailleur avait pour origine une cause personnelle, sans lien avec les mouvements qu’il exécute à l’aide de son membre supérieur droit, il serait atteint de façon bilatérale.

[43]        Enfin, soulignons que la preuve n’a pas démontré que le travailleur souffre d’une condition médicale reconnue comme étant susceptible de favoriser l’apparition d’un syndrome du canal carpien (arthrite rhumatoïde, diabète, hypothyroïdie, etc.).

[44]        En conséquence, la preuve prépondérante produite par le travailleur permet à la Commission des lésions professionnelles de conclure qu’il est atteint d’une maladie professionnelle[6].

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Gilbert Boutin, le travailleur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 7 août 2012, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a subi de lésion professionnelle le 26 mai 2011 et qu’il a ainsi droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

__________________________________

 

Marie-Claude Lavoie

 

 

 

 

Me Michel Cyr

Représentant de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Industries de moulage Polytech inc. et Pouliot, C.L.P. 144010-62B-0008, 20 novembre 2001, N. Blanchard; voir au même effet : Cadieux et B.O.L.D., C.L.P. 216395-64-0309, 1er juin 2004, R. Daniel.

[3]           2013 QCCLP 1301.

[4]           C.L.P. 292843-62B-0606, 22 mars 2007, N. Blanchard.

[5]           Marie AUTHIER et Joanne LAGARDE, ergonomes, Analyse des facteurs de risque dans le travail des plâtriers pour L’Association internationale des ouvriers plâtriers et cimentiers applicateurs et L’Association canadienne des métiers de la truelle, Juin 2003.

[6]           Voir à cet effet : Arsenault et Léopold Soucy et Fils inc., C.L.P. 357291-03B-0809, 26 avril 2010, M. Cusson; Thériault et Adrien Lévesque, Peintures Pro-Bec inc. (Les), C.L.P. 250224-01A-0412, 24 octobre 2005, J.-F. Clément. Dufour et Ville de Montréal, C.L.P. 217276-63-0310, 8 septembre 2004, J.-P. Arseneault.

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