Angers et Coloride inc. |
2009 QCCLP 1489 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 15 novembre 2007, Coloride inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 1er novembre 2007.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles infirme les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 15 et le 18 septembre 2006. Le tribunal ajoute que madame Paula Angers et madame Guylaine Lemay (les travailleuses) ont subi une lésion professionnelle le 3 mai 2006.
[3] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Trois-Rivières, le 21 novembre 2008. Les parties étaient présentes et représentées.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de procéder à la révision de la décision contestée au motif que celle-ci comporte des vices de fond ou de procédure de nature à l’invalider.
[5] L’employeur demande de déclarer que les travailleuses ne furent pas victimes d’une lésion professionnelle.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales sont unanimes pour recommander à la Commission des lésions professionnelles de rejeter la requête en révision déposée par l’employeur, la décision attaquée, rendue par le tribunal, ne comportant aucune erreur manifeste et déterminante sur l’issue du litige.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a un motif donnant ouverture à la révision de la décision rendue par cette instance, le 1er novembre 2007.
[8] L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Cependant, les dispositions contenues à l’article 429.56 de la loi prévoient que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.
[10] L’article 429.56 de la loi stipule :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[11] L’employeur doit démontrer, par une prépondérance de la preuve, que la décision rendue par la première juge est sujette à l’application de l’un ou l’autre des motifs prévus à cet article.
[12] L’employeur invoque les dispositions du troisième paragraphe du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi en ce qu’il reproche à la décision rendue par la première juge de comporter des vices de fond ou de procédure de nature à l’invalider.
[13] De jurisprudence constante, la Commission des lésions professionnelles rappelle que l’employeur doit démontrer que la décision attaquée comporte une erreur manifeste, de faits ou de droit, qui est déterminante sur l’issue du litige[2].
[14] D’autre part, le tribunal ajoute qu’il y a erreur manifeste lorsque la décision méconnaît une règle de droit, applique un faux principe, statue sans preuve, néglige un élément de preuve important ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine. Ces critères, bien qu’étant non exhaustifs, permettent de mieux situer cette notion[3] de vice de fond ou de procédure.
[15] D’ailleurs, le pouvoir de révision ne permet pas au juge de substituer son interprétation de la loi ou de la preuve à celle retenue par le premier juge. Le recours en révision ne constitue pas un appel déguisé[4].
[16] En effet, quant au vice de fond, dans la cause Laurent Amar et CSST[5], la Cour d’appel du Québec rappelait qu’en cas de divergence d’interprétation d’une disposition législative entre deux instances décisionnelles, tout particulièrement dans le contexte d’une révision pour cause rendue dans l’application d’un vice de fond ayant un effet déterminant sur le sort du litige, écrivait :
« (…)
[26] Il appartenait d’abord aux premiers décideurs spécialisés d’interpréter ce texte et de lui donner le sens qui, à leur avis, répondait le mieux à l’intention du législateur, à l’objet de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et à la situation personnelle de l’appelant.
[27] L’interprétation d’un texte législatif ne conduit pas nécessairement au dégagement d’une solution unique. L’exercice d’interprétation exige de l’interprète de procéder à des choix qui, bien qu’encadrés par les règles d’interprétation des lois, sont sujets à une marge d’appréciation administrative.
[28] En substituant, pour les motifs ci-haut mentionnés, sa propre interprétation à celle retenue par la première formation, la CLP a rendu une décision déraisonnable, car elle n’établit aucun vice de fond pouvant l’avoir justifiée d’agir ainsi.
(…) »
[17] Bien plus, dans l’affaire CSST et Jacinthe Fontaine et CLP[6] on enseignait :
« (…)
[49] Aussi est-il indiqué en premier lieu de faire état de cette jurisprudence, en commençant par le passage fréquemment cité des motifs du juge Rothman dans l’arrêt Métro-Richelieu. Il était alors question de l’art. 37 de la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux44, mais cette disposition est identique pour nos fins actuelles à l’article 426.56 LATMP 45 :
Act does not define the meaning of the term "vice de fond" used in section 37. The English version of section 37 uses the expression "substantive… defect". In context, I believe that the defect, to constitute a "vice de fond", must be more than merely "substantive". It must be serious and fundamental. This interpretation is supported by the requirement that the "vice de fond" must be "de nature à invalider la décision". A mere substantive or procedural defect in a previous decision by the Régie would not, in my view, be sufficient to justify review under section 37. A simple error of fact or law is not necessarily a "vice de fond". The defect, to justify review, must be sufficiently fundamental and serious to be of a nature to invalidate the decision.
Cet énoncé de principe n’a jamais été remis en question. S’y ajoutent plusieurs précisions apportées par la jurisprudence ultérieure.
[50] En ce qui concerne les caractéristiques inhérentes d’une irrégularité susceptible de constituer un vice de fond, le juge Fish note qu’il doit s’agir d’un «defect so fundamental as to render [the decision] invalid»46, «a fatal error»47. Une décision présentant une telle faiblesse, note-t-on dans l’arrêt Bourassa48, est «entachée d’une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige».Le juge Dalphond, dans l’arrêt Batiscan49, effectue le rapprochement avec l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam inc. de la Cour suprême du Canada, où le juge Iacobucci apportait plusieurs éclaircissements utiles sur les attributs de deux notions voisines, l’erreur manifeste et la décision déraisonnable. Il s’exprimait en ces termes50 :
Même d’un point de vue sémantique, le rapport étroit entre le critère de la décision «manifestement erronée» et la norme de la décision raisonnable simpliciter est évident. Il est vrai que bien des choses erronées ne sont pas pour autant déraisonnables; mais quand le mot «manifestement» est accolé au mot «erroné», ce dernier mot prend un sens beaucoup plus proche de celui du mot «déraisonnable». Par conséquent, le critère de la décision manifestement erronée marque un déplacement, du critère de la décision correcte vers un critère exigeant l’application de retenue. Cependant, le critère de la décision manifestement erronée ne va pas aussi loin que la norme du caractère manifestement déraisonnable.
On voit donc que la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur sont des traits distinctifs susceptibles d’en faire «un vice de fond de nature à invalider [une] décision».
[51] En ce qui concerne la raison d’être de la révision pour un vice de fond de cet ordre, la jurisprudence est univoque. Il s’agit de rectifier les erreurs présentant les caractéristiques qui viennent d’être décrites. Il ne saurait s’agir de substituer à une première opinion ou interprétation des faits ou du droit une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première51. Intervenir en révision pour ce motif commande la réformation de la décision par la Cour supérieure car le tribunal administratif «commits a reviewable error when it revokes or reviews one of its earlier decisions merely because it disagrees with its findings of fact, its interpretation of a statute or regulation, its reasoning or even its conclusions»52. L’interprétation d’un texte législatif «ne conduit pas nécessairement au dégagement d’une solution unique»53 mais, comme «il appart[ient] d’abord aux premiers décideurs spécialisés d’interpréter»54 un texte, c’est leur interprétation qui, toutes choses égales d’ailleurs, doit prévaloir. Saisi d’une demande de révision pour cause de vice de fond, le tribunal administratif doit se garder de confondre cette question précise avec celle dont était saisie la première formation (en d’autres termes, il importe qu’il s’abstienne d’intervenir s’il ne peut d’abord établir l’existence d’une erreur manifeste et déterminante dans la première décision)55. Enfin, le recours en révision «ne doit […] pas être un appel sur la base des mêmes faits» : il s’en distingue notamment parce que seule l’erreur manifeste de fait ou de droit habilite la seconde formation à se prononcer sur le fond et parce qu’une partie ne peut «ajouter de nouveaux arguments» au stade de la révision56.
(…) [soulignés du soussigné]
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44 Supra, note 26.
45 Supra, note 41, p. 613-4.
46 Supra, note 12, paragr. 20.
47 Ibid., paragr. 48.
48 Supra, note 10, paragr. 21.
49 Supra, note 40, paragr. 56.
50 [1997] 1 R.C.S. 748 , paragr. 60.
51 Voir l’arrêt Godin, supra, note 12, paragr. 47 (le juge Fish) et 165 (le juge Chamberland) et l’arrêt Bourassa, supra, note 10, paragr. 22.
52 Ibid., paragr. 51.
53 Arrêt Amar, supra, note 13, paragr. 27.
54 Ibid., paragr. 26.
55 Supra, note 10, paragr. 24.
56 Ibid., paragr. 22. »
[18] La Commission des lésions professionnelles rappelle donc qu’au niveau de l’ouverture du recours en révision, il est nécessaire que le requérant identifie les erreurs, de faits ou de droit, sur lesquelles il fonde sa requête, cette identification impliquant la démonstration qu’une erreur manifeste et déterminante fut commise par le premier juge.
[19] Une fois ces éléments juridiques établis, le présent tribunal procèdera à un résumé des éléments pertinents au litige.
[20] Les 20 mars et 8 mai 2007, la Commission des lésions professionnelles a procédé à la tenue d’une audience commune dans les dossiers de madame Paula Angers (dossier 299480-04-0609) et de madame Guylaine Lemay (dossier 300033-04-0609).
[21] Le litige portait sur l’admissibilité des réclamations déposées par ces travailleuses, la cause étant prise en délibéré après que des délais supplémentaires furent accordés aux parties pour production de documentation.
[22] En résumé, le litige portait principalement sur la question suivante : est-ce que les deux travailleuses ont subi une « intoxication », sur les lieux du travail, le 3 mai 2006, ayant entraîné un arrêt de travail de deux jours pour chacune d’elles.
[23] À sa décision, la première juge fait un résumé exhaustif de toute la preuve disponible, aux paragraphes 8 à 41. Sans reprendre l’intégralité de ce résumé, la Commission des lésions professionnelles constate que la première juge a décrit le secteur d’activités de l’employeur, les horaires et postes de travail des deux travailleuses impliquées, procède à une description des lieux, des tâches ainsi qu’identifie les produits utilisés dans le processus industriel suivi.
[24] On fait état des systèmes de ventilation et climatisation, de leur entretien ainsi que de l’état général des lieux.
[25] Par la suite, la première juge décrit les événements survenus le 3 mai et impliquant les travailleuses. On décrit les événements circonstanciels, le comportement, les symptômes présentés par les travailleuses ainsi que les interventions subséquentes des services de santé.
[26] Il est bien précisé que le premier cas, en l’occurrence celui de madame Angers, a entraîné une évacuation de l’usine, commandée par les ambulanciers et réalisée par les pompiers de la municipalité.
[27] Suite à cette évacuation, les employés ont réintégré vers 11 h 15.
[28] Quant à madame Angers, elle fut transportée à l’hôpital où l’on procède à différents tests et examens pour finalement émettre un diagnostic « d’incommodation aux odeurs », diagnostic qui sera repris, tel quel, par un second médecin, le docteur Truong.
[29] Quant au cas de madame Lemay, il survient plus tard, sur l’heure du dîner. Encore une fois, on précise l’exacte description de ses tâches, des outils et produits utilisés. Une autre fois, on précise les symptômes ainsi que l’intervention des ambulanciers avec transfert de la travailleuse à l’hôpital.
[30] Le docteur Dubois, médecin qui est intervenu dans le cas de madame Angers, réitère un diagnostic « d’incommodation odeurs d’étiologie indéterminée » et prescrit un arrêt de travail. Cette travailleuse sera de retour au travail après que le docteur Truong aura autorisé un retour au travail, toujours avec un diagnostic « d’incommodation par odeurs ».
[31] On fait état des antécédents et conditions pouvant affecter la travailleuse afin de bien préciser son bilan de santé.
[32] D’autre part, la première juge résume les différents tests qui furent effectués dans l’établissement visant à mesurer le toluène et l’hexane présents dans l’air.
[33] La première juge fait état des normes ainsi que des résultats des différents tests effectués par la CSST, plus tard dans la journée.
[34] À sa décision, la première juge fait état du droit en général, soulignant les différentes sources de lésion professionnelle.
[35] Au paragraphe 49, la première juge résume de façon claire le litige tel que présenté par l’employeur aux motifs qu’il y a absence de diagnostic, puisque celui posé par les médecins qui ont pris charge des travailleuses, en l’occurrence « incommodation par odeurs » ne constitue pas un diagnostic selon la classification médicale et scientifique.
[36] Dès lors, on soutient qu’il ne peut y avoir de lésion professionnelle sous quelque nature que ce soit, en l’occurrence un accident du travail ou une maladie professionnelle, le tout en référence avec les dispositions de la loi, particulièrement des présomptions. D’ailleurs, la première juge fait état de la jurisprudence produite par l’employeur.
[37] Après avoir discuté de la portée des décisions citées par l’employeur, la première juge, faisant état de la jurisprudence des tribunaux supérieurs, souligne que l’on ne peut procéder par automatisme uniquement en fonction du libellé d’un diagnostic. Plutôt, il faut pousser l’analyse au-delà des termes utilisés et prendre en considération l’ensemble de la preuve médicale, des symptômes décrits, des signes cliniques observés et des examens physiques et radiologiques effectués pour disposer du tout. « Le tribunal ne serait être pris en otage par l’imprécision d’un diagnostic posé par un médecin. »
[38] Par la suite, la première juge, se fondant sur « l’argumentaire de la décision » rendue dans l’affaire Cascades Groupe Tissu inc. et Petitclerc[7], fait siennes les conclusions portées à cette décision, soulignant qu’elle en partage l’interprétation. Dès lors, bien qu’il est vrai que le premier médecin qui a reçu les deux travailleuses a utilisé le terme « incommodation », la première juge se penchera sur l’usage de ces termes qui, notons-le, ne se retrouvent pas dans les dictionnaires de médecine ni dans les dictionnaires généraux.
[39] Par la suite, la première juge s’explique amplement sur l’assimilation qu’elle fait entre les termes « incommodation » et « intoxication » en motivant ses conclusions sur l’ensemble de toute la preuve qui lui fut soumise, tenant compte des produits, des fiches signalétiques et des symptômes présentés par les travailleuses.
[40] Bien plus, la première juge distingue entre le présent cas et la jurisprudence déposée par l’employeur.
[41] Pour s’en convaincre, il suffit de lire les paragraphes 60 à 68.
[42] Cette première partie de la décision attaquée met en jeu le premier motif invoqué par l’employeur au soutien de sa requête en révision.
[43] On reproche à la première juge de s’être arrogée un pouvoir qu’elle ne possédait pas dans le contexte où il n’existait pas de contestation de nature médicale portant sur la détermination d’un diagnostic, le tout entraînant l’application de l’article 224.
[44] Sur ce sujet, la Commission des lésions professionnelles tient à souligner que ce premier élément litigieux était soulevé devant la première juge, dans tous ces aspects factuels et juridiques.
[45] La Commission des lésions professionnelles rappelle les termes de l’article 377 de la loi :
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
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1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
[46] En conséquence, la première juge possédait tous les pouvoirs inhérents à rendre une décision, eu égard à l’objet du litige, objet qui implique fondamentalement de vérifier s’il existe une relation de cause à effet entre un événement professionnel et l’apparition d’une lésion, quelle que soit sa nature.
[47] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, loi d’interprétation large et libérale, se situe dans le contexte social québécois. Elle exige des décideurs qu’ils puissent rendre des décisions permettant au législateur d’atteindre les objectifs recherchés par celle-ci.
[48] C’est donc dans ce contexte global, juridique, que le rôle des décideurs doit se définir, ce qui, comme le rappelle la première juge, se situe au-delà des automatismes, des problèmes de sémantique, même lexicale.
[49] Le présent tribunal constate que la première juge, avec toute la réserve nécessaire, a procédé sur ce sujet avec prudence et a émis une conclusion, une interprétation qui est amplement justifiée par la jurisprudence des tribunaux supérieurs.
[50] Sans aller au-delà de la lettre de la loi, la première juge a décidé de ce premier élément de litige de manière motivée.
[51] Il n’appartient pas au présent tribunal de se substituer à cette interprétation des faits ainsi que des règles juridiques. À toute fin que de droit, la Commission des lésions professionnelles tient à rappeler que dans notre champ de compétence, nous n’avons pas à émettre des décisions qui seraient de la nature de la théorie scientifique, du dictat imposé par un autre champ d’activité humaine. Bien plus, c’est à bon escient que la première juge a utilisé toutes les circonstances factuelles, médicales et juridiques pour disposer de cette première question.
[52] Dès lors, le présent tribunal conclut que la première juge n’a commis aucune erreur manifeste et déterminante dans ce premier point d’analyse.
[53] En second lieu, à partir du paragraphe 69, la première juge s’est attardée à discuter de la présence ou non de produits nocifs pour la santé, tout en particularisant chacun d’eux dans le contexte légal et réglementaire prévalant au Québec.
[54] Elle s’intéresse particulièrement à toutes les circonstances particulières du cas, ayant mené aux études de concentration des produits ainsi qu’à leur impact sur la santé, tenant compte de la réglementation ainsi que de la jurisprudence.
[55] Elle précise bien les distinctions à faire selon les objectifs visés par les textes réglementaires et légaux.
[56] Le paragraphe 76 de sa décision énonce sa conclusion sur le sujet.
[57] Encore une fois, cette question faisait partie intégrante du débat qui lui était présenté et dont elle a eu à disposer, eu égard à l’ensemble de la preuve.
[58] La position qu’elle adopte en est une qui est reconnue par l’ensemble de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles.
[59] Encore une fois, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de se substituer au premier décideur. Bien plus, on demande à la Commission des lésions professionnelles d’émettre une norme légale ayant un impact sur la réparation des lésions professionnelles au-delà de la forme réglementaire et légale utilisée par le législateur.
[60] La Commission des lésions professionnelles conclut qu’il n’y a aucune erreur manifeste et déterminante sur ce second sujet.
[61] En troisième lieu, une fois ces éléments établis, la première juge a procédé à l’application de l’article 29, et ceci, à bon droit.
[62] En effet, l’employeur reconnaît que la première juge a soulevé, à l’audience, l’application potentielle de cet article.
[63] La Commission des lésions professionnelles rappelle que la première juge n’avait pas l’obligation de ce faire, particulièrement dans un cas d’admissibilité où les parties sont conscientes des enjeux, des principes juridiques prévalant à la reconnaissance ou non d’une lésion professionnelle. Ce n’est pas ce que l’on pense qui limite un débat mais bien ce qui est mis en jeu par l’ensemble factuel que l’on a à traiter.
[64] Subsidiairement, on invoque des manquements à la règle audi alteram partem ainsi qu’à la preuve de ouï-dire.
[65] Quant à la règle audi alteram partem, on reproche la jurisprudence utilisée par la première juge au soutien de sa décision.
[66] Rappelons que de la jurisprudence n’est pas de la preuve, qu’elle fait partie du domaine public ainsi que du « cursus » prévalant en semblable matière.
[67] Un tel contexte ne saurait fonder une erreur manifeste et déterminante.
[68] Quant à la preuve de ouï-dire, c'est-à-dire de la règle de la « meilleure preuve », rappelons que tout ce débat se tient devant un tribunal administratif qui, conformément aux dispositions des articles 351, 353, 378, 429.18, 429.21 et de l’article 2 du Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles[8], permettent que le débat s’effectuant devant lui respecte les objectifs ultimes d’accessibilité, de célérité et de déjudiciarisation qui prévalent dans notre domaine d’activités.
[69] Vouloir appliquer la règle de la meilleure preuve aurait pour effet pervers de tenter d’organiser un défilé de la multitude d’intervenants impliqués dans le traitement d’un dossier d’accidenté du travail.
[70] Ainsi donc, il est toujours possible de procéder à des aménagements, lorsque les parties le requièrent afin de faire entendre les personnes qui se sont énoncées en utilisant un autre média que les témoignages, ce que l’employeur n’a pas fait devant la première juge.
[71] Pour ces motifs, la Commission des lésions professionnelles conclut que la première juge n’a fait aucune erreur manifeste et déterminante quant aux sujets énoncés à cette section.
[72] Finalement, on reproche à la première juge d’avoir fixé, déterminé un fardeau de preuve illégal quant au renversement de la présomption prévue à l’article 29.
[73] Sur ce sujet, la première juge, aux paragraphes 79 à 82, s’est énoncée de façon claire, précise et complète en indiquant tous les mécanismes possibles permettant le renversement de cette présomption.
[74] Il est bien souligné que dans le présent cas l’employeur n’a satisfait à aucun des critères de la preuve permettant le renversement de la présomption.
[75] La lecture de ces paragraphes suffit à convaincre le tribunal qu’encore une fois, la première juge n’a commis aucune erreur manifeste et déterminante sur le sujet.
[76] Pour tous ces motifs, le tribunal conclut que la requête en révision n’est pas fondée en fait ni en droit.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision déposée par Coloride inc., le 15 novembre 2007.
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PIERRE SIMARD |
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Madame Stéphanie Boisvert |
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S.C.E.P.- SECTION LOCALE 145 |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Francine Legault |
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HEENAN BLAIKIE |
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Représentante de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Produits forestiers Donohue et Villeneuve [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa [1998] C.L.P. 783 .
[3] Communauté urbaine de Montréal et Les propriétés GuenterKaussen et Ville de Westmount, [1987] R.J.Q. 2641 à 2648.
[4] Vincenzo Fierimonte et C.L.P. et Béliveau, C.S. Montréal, 500-05-000451-948, j. Journet; Poitras et Christina Canada inc., C.L.P. 100370-62-9803, 7 mars 2000, M. Zigby.
[5] [2003] C.L.P. 606 à 611.
[6] C.A. Montréal, 500-09-014608-046, 7 septembre 2005, jj. Forget, Morissette, Hilton.
[7] [2004] C.L.P. 251 .
[8] (2000) 132 G.O. II, 1627.
AVIS :
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