Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Modèle de décision ( 81/2 x 11)

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

7 juin 2006

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

244581-63-0409

 

Dossier CSST :

108766486

 

Commissaire :

Me Jean-Pierre Arsenault

 

Membres :

M. Luc Dupéré, associations d’employeurs

 

M. Régis Gagnon, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Dr Michel Lesage

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

S... C...

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

[Compagnie A] (fermé)

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Après examen et audition, après avoir pris en compte l’argumentation du travailleur, la jurisprudence[1] et la littérature[2] invoquées à son soutien de même que l’argumentation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) et après avoir reçu l'avis des membres, la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) rend la décision suivante.

[2]           Le 28 septembre 2004, monsieur S... C... (le travailleur) dépose au tribunal une requête à l’encontre d’une décision rendue par la CSST le 9 septembre 2004.

[3]           Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 7 avril et déclare que les frais de déplacement pour un voyage dans le Sud ne sont pas remboursables.

[4]           Le 26 octobre 2005, le tribunal tient une audience à Joliette à laquelle assistent le travailleur et son représentant.

[5]           Bien qu’elle ait produit une intervention conformément à l’article 429.16 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) et qu’elle ait été dûment convoquée, la CSST n’est ni présente ni représentée. À la date et heure fixées pour l’audience, elle a toutefois produit une argumentation écrite au soutien du maintien de sa décision.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[6]           Le travailleur demande au tribunal d’accueillir sa requête, d’infirmer la décision rendue par la CSST le 9 septembre 2004, à la suite d’une révision administrative, et de déclarer qu’il a droit au remboursement de frais de déplacement pour un voyage dans le Sud et des frais d’hébergement et de déplacement de la personne qui doit l’accompagner compte tenu de son état de santé.

[7]           Le travailleur demande également de déclarer que la CSST doit lui rembourser les coûts du chauffage supplémentaire qu’il doit consommer en raison de l’extrême frilosité qu’il éprouve. Ces dépenses additionnelles comprennent le coût d’achat de neuf cordes de bois et d’une chaufferette d’appoint de même que les coûts d’électricité reliés au fonctionnement de cet appareil de chauffage.

 

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[8]           D’entrée de jeu, le tribunal a soulevé le fait que la CSST n’avait jamais été saisie d’une demande de remboursement relative au coût d’achat de neuf cordes de bois et d’une chaufferette d’appoint de même que les coûts d’électricité reliés au fonctionnement de cet appareil de chauffage.

[9]           Le tribunal tire sa compétence de la loi et plus spécifiquement de l’article 369 qu’il convient de reproduire in extenso :

369. La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal:

 

1°   sur les recours formés en vertu des articles 359, 359.1, 450 et 451;

 

2°   sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).

__________

1985, c. 6, a. 369; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]        En l’espèce, c’est l’article 359 qui s’applique. Il se lit comme suit :

359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.

__________

1985, c. 6, a. 359; 1992, c. 11, a. 32; 1997, c. 27, a. 16.

 

 

[11]        Quant aux pouvoirs de décision du tribunal, c’est l’article 377 qui le définit :

377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

 

 

Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

__________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[12]        Ces dispositions législatives supposent, afin que le tribunal ait compétence et puisse exercer le pouvoir de décision que lui confère la loi, que la CSST ait au préalable rendu une décision.

[13]        Or, le travailleur n’a jamais soumis de réclamation à la CSST relativement au bois de chauffage utilisé pour chauffer sa résidence ni pour la chaufferette d’appoint qu’il utilise pour maintenir, selon son témoignage, une température ambiante qui lui permette de lutter efficacement contre le problème de frilosité qu’il éprouve.

[14]        La CSST n’a donc pas pu rendre une décision à propos de cette réclamation du travailleur.

[15]        Le tribunal estime, en conséquence, qu’il n’a pas compétence pour statuer sur cette question parce qu’il ne peut se saisir d’un litige qui n’existe pas. En effet la CSST n’a jamais rendu de décision relativement à l’achat de bois de chauffage ou encore à l’achat d’un chaufferette d’appoint. Or, le tribunal tire sa compétence d’une décision de la CSST qui a fait l’objet, selon la situation visée, d’une révision administrative. Comme la CSST n’a jamais été saisie par le travailleur d’une demande de prestations pour l’achat de bois de chauffage et d’un chaufferette électrique d’appoint ou pour les coûts de l’énergie électrique nécessaire au fonctionnement de ce dernier appareil, le tribunal ne peut pas statuer sur la demande du travailleur.

[16]        Pour ce motif, le tribunal ne statuera pas sur cette partie de la demande du travailleur et lui suggère de la soumettre au préalable à la CSST qui verra à y assurer le suivi approprié.

 

 

 

LA PREUVE

[17]        Il importe de rappeler que le travailleur a été victime d’un grave accident du travail le 16 janvier 1995 et qu’il est demeuré gravement handicapé. Il est maintenant tétraplégique et bénéficie d’importantes mesures de réadaptation physique et sociale .

[18]        Ces mesures ont pour but d’éliminer ou d’atténuer son incapacité physique et lui permettre de pallier les limitations fonctionnelles résultant de sa lésion et de l’aider à surmonter, dans la mesure du possible, les conséquences personnelles et sociales de cette lésion, à s’adapter à la situation qui en découle et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités.

[19]        En raison de la frilosité qu’il éprouve presque constamment durant l’hiver, même s’il maintient la température de sa maison aux alentours de 25 oC, il demande de pouvoir se déplacer dans le Sud durant quelques mois afin de profiter d’une température plus chaude et de ne plus avoir cette sensation d’avoir constamment froid. Sa demande vise non seulement à couvrir ses propres frais de déplacement mais également ceux de la préposée qui lui vient en aide de façon quasi permanente et les frais de séjour de cette dernière.

[20]        Le fait de rester chez lui l’hiver, donc de demeurer au froid et d’être obligé de surchauffer sa maison serait la cause des pneumonies dont il est fréquemment atteint. Il estime que le fait de vivre sous des cieux plus cléments réduirait la fréquence de cette affection et accroîtrait son bien-être. Il soumet que cela améliorerait son moral.

[21]        Le travailleur a fait entendre madame Nadine Casaubon, la préposée aux bénéficiaires qui est à son service. Elle a corroboré le témoignage du travailleur relativement à la situation que lui impose son handicap.

[22]        Le représentant du travailleur a transmis au tribunal le 12 octobre 2005 un certificat médical signé par la docteure Céline Gaudet, médecin du travailleur, sur lequel elle écrit ce qui suit :

A/S MONSIEUR ANDRÉ LAPORTE

LA PRÉSENTE CONFIRME QUE S... C... DURANT L’HIVER A DES PROBLÈMES ADAPTATION À CAUSE DE SA QUADRAPLÉGIE, IL PRÉSENTE FRILOSITÉ DIAPHORÈSE. IL EST CONFINÉ À RESTER PRÈS DE LA CHALEUR (POËLE). IL SERAIT BON QU’IL PASSE L’HIVER À LA CHALEUR DX : PNEUMONIE À AUTOMNE ET HIVER. [sic]

 

 

 

 

 

[23]        À la demande du tribunal, le représentant du travailleur a produit les notes cliniques relatives aux soins qui ont été administrés ou prescrits à ce dernier soit au centre hospitalier où il est habituellement soigné, par le Centre local de services communautaires et par son médecin traitant.

[24]        Ces documents démontrent que le travailleur a été victime de deux pneumonies, l’une, en mai 2003, pour laquelle il a été hospitalisé à l’Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, du 16 au 22 mai 2003, et l’autre, en janvier 2004, pour laquelle il a également été hospitalisé au même centre hospitalier, du 11 au 22 janvier 2004. La même journée, soit le 22 janvier 2004, le docteur Jean-François Chalifour, pneumologue, complète la note de départ suivante :

Nous avons hospitalisé dans le service de pneumologie Monsieur C... pour une pneumonie bilobaire droite chez ce patient de 39 ans connu pour une quadriplégie, habitant à domicile.

 

Le patient avait présenté un tableau de pneumonie sévère l’an dernier dans la saison hivernale[4] et à nouveau il présentait une pneumonie significative droite qui fut traitée par Cipro et Clinda avec amélioration progressive de la symptomatologie. Toutefois le patient est toujours demeuré O2 dépendant[5] et sa saturation était inférieure à 88 % à l’air ambiant. Il pouvait retourner à son domicile mais avec prescription d’O2 à domicile à raison de 2 L par minute qui sera réévalué un mois après son congé en clinique avec également un contrôle de sa radiographie pulmonaire.

 

En cours d’hospitalisation étant donné les récidives de pneumonie, le patient a eu une gorgée barytée qui n’a démontré aucun problème de dysphagie mais il est évident que ce patient avec une atteinte des muscles respiratoires présente une difficulté à clairer [sic] ses sécrétions endobronchiques et la saison hivernale avec l’augmentation des IVRS[6] est une saison à risque pour lui de faire des pneumonies.

 

Le patient tel que noté sera donc revu en clinique de pneumologie dans un mois.

 

(Je souligne)

 

 

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[25]        Le représentant du travailleur soumet que la réclamation du travailleur doit être analysée sous l’angle des articles 151 et 152 de la loi :

 

151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment:

 

1°   des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2°   la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3°   le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4°   le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

 

5°   le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

[26]        Il invoque au soutien de ses prétentions quelques décisions aux termes desquelles le tribunal[7] a reconnu que certains frais pouvaient être remboursés par la CSST, tel le coût d’un stationnement intérieur, l’achat d’un vibromasseur, d’un tapis roulant, de l’abonnement à un centre de musculation et les frais à engager pour le grand ménage, les frais à encourir relativement à une tentative en trois essais de fécondation in vitro, le paiement de l’achat et de l’installation d’un système de climatisation, la fourniture d’un lit électrique et l’installation d’un spa pour des traitements d’hydrothérapie, le coût des produits de nettoyage et de l’énergie utiles au fonctionnement d’un spa dont l’achat à été remboursé par la CSST, le prix d’achat d’une arbalète, celui de l’achat d’un bassin thérapeutique de type « Hydropool », de vêtements et de chaussures adaptées à cet équipement, d’un moyen de communication adéquat et d’assiettes adaptées à son logement et finalement le remboursement de l’achat d’une chaise « zéro gravité ».

[27]        Il invoque également l’extrait suivant de Les accidents du travail et les maladies professionnelles : indemnisation et financement[8] :

 

 

Il est à noter que certaines mesures non énumérées à la Loi peuvent également s’insérer dans le cadre d’un programme de réadaptation physique. En effet, l’utilisation du terme « notamment » à l’article 149 L.A.T.M.P. implique nécessairement que la liste établie à cette disposition n’est pas exhaustive de sorte que les recommandations médicales autres que celles prévues à la Loi peuvent être comprises dans le programme de réadaptation physique du travailleur91. Ainsi, les tribunaux ont reconnu que la prescription, par le médecin ayant charge, de traitements d’acupuncture92, de chiropractie93, de même que la prescription d’un appareil de neurostimulation94 pouvaient valablement s’inscrire dans le cadre d’un programme de réadaptation physique du travailleur.

 

De plus, dans l’affaire C.S.S.T. et Travail Canada et Rémillard-Pariseau95, la Commission d’appel décidait que les termes « tous autres soins et traitements jugés nécessaires » prévus à l’article 149 de la Loi, pouvaient viser la situation du travailleur s’étant fait prescrire un travail à temps partiel par son médecin traitant. Le Commissaire Jean-Guy Raymond écrivait :

 

La Commission d’appel conclut que le travail à temps partiel de la travailleuse dans son emploi constitue son programme de réadaptation parce que le médecin qui a charge de la travailleuse a jugé qu’un repos de trois jours par semaine était pour elle un traitement nécessaire, tel que le prévoit l’article 149 (…)96

 

Enfin, il est important de souligner que la Commission ne possède aucune discrétion pour juger de la pertinence des mesures prescrites par le médecin traitant97. Toutefois, le médecin devra s’assurer de la collaboration du travailleur dans l’élaboration des mesures de réadaptation physique afin de réaliser l’objectif d’éliminer ou d’atténuer l’incapacité physique du travailleur98.

_______________

 91.           Voir à cet effet : C.S.S.T. et Travail Canada et Rémillard, C.A.L.P. 33121-07-9110, 28/10/93, commissaire R. Brassard (requête en révision pour cause rejetée).

92.            Roger et Auprocon Ltée et C.S.S.T., C.A.L.P. 65435-62-9412 et 72613-62-9508, 12/6/96, commissaire M. Billard.

93.            Marier et Frères Maristes (Les), C.A.L.P. 56794-03-9402, 13/9/95, commissaire M. Beaudoin.

94.            Labonté et Vêtements enfants Petite Princesse, C.A.L.P. 45974-63-9210, 23/8/94, commissaire M. Kolodny.

95.            [1993] C.A.L.P. 789, suivi : C.A.L.P. 33121-07-9110, 28/10/93, commissaire R. Brassard (requête en révision pour cause rejetée).

96.            Id., 793. Voir au même effet : Francoeur et Monsieur Silencieux Ltée et C.S.S.T., C.A.L.P. 31339-05-9109, 14/12/94, commissaire J.-Y. Desjardins.

97.            Voir à cet effet : Brousseau et Protection d’incendie Viking Ltée, C.A.L.P. 18374-61-9004 ET 18375-61-9004, 15/9/92, commissaire L. Boucher (J4-18-25).

98.            Voir à titre d’exemple : Lavoie et Centre hospitalier St-François d’assise, C.A.L.P. 35505-08-9112 ET 48132-08-9212, 24/8/93, commissaire Y. Tardif.

 

 

[28]        Le tribunal souligne toutefois que l’article 149 de la loi concerne la réadaptation physique alors que les articles 151 et 152 ont trait à la réadaptation sociale.

[29]        Pour sa part la CSST soumet que la réclamation du travailleur doit s’apprécier selon les dispositions de la loi qui traitent de l’assistance médicale. Les articles 188 et 189 de la loi prévoient le droit à l’assistance médicale et précisent en quoi elle consiste :

 

188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:

 

1°   les services de professionnels de la santé;

 

2°   les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3°   les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4°   les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5°   les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

[30]        Par ailleurs, poursuit-elle, l’article 4 du Règlement sur l’assistance médicale[9] prévoit ce qui suit :

Article 4 Lorsque la lésion professionnelle survient au Québec dans une région frontalière, la Commission assume le coût de ce qui suit pourvu qu’elle ait préalablement autorisé le travailleur :

 

1o le coût des soins, des traitements et des aides techniques reçus ou des frais faits hors du Québec et qui sont mentionnés au présent règlement, y compris les fournitures et les frais accessoires qui y sont reliés le cas échéant, jusqu’à concurrence des montants prévus au présent règlement;

 

2o le coût des soins et traitements reçus dans un centre hospitalier et des services des médecins, des dentistes, des optométristes ou des pharmaciens reçus hors du Québec, y compris le cas échéant, le coût des fournitures et des frais accessoires qui y sont reliés, d’après ce qu’il en coûterait pour des soins, des traitements et des services semblables en vertu des régimes publics d’assurance hospitalisation et d’assurance -maladie en vigueur au Québec.

 

 

[31]        La CSST réfère, en outre, à l’article 3 du Règlement sur les frais de déplacement et de séjour[10] qui énonce ce qui suit :

Article 3 Lorsque la lésion professionnelle survient au Québec, que le travailleur choisit de recevoir des soins ou de subir des examens médicaux hors du Québec et que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’en assume pas le coût en vertu du Règlement sur l’assistance médicale, le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de déplacement et de séjour engagés à cette fin.

 

 

[32]        Pour terminer, la CSST soumet que la recommandation de passer l’hiver dans le Sud, prescrit par le Dr Gaudet, ne fait pas partie de l’assistance médicale à laquelle un travailleur a droit en relation avec une lésion professionnelle. Elle est d’avis que suivant la jurisprudence, les frais qui ne sont pas prévus à l’article 189 de la loi et qui ne sont pas énumérés au Règlement sur l’assistance médicale[11] ne sont pas remboursables.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[33]        Conformément à la loi, le soussigné a requis et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec lui sur la question soumise au tribunal ainsi que les motifs de leur avis.

[34]        Les membres sont tous deux d’avis de rejeter la requête du travailleur et de confirmer la décision rendue par la CSST le 9 septembre 2004, à la suite d’une révision administrative.

[35]        Selon eux, l’opinion du médecin traitant voulant qu’il soit bon que le travailleur passe l’hiver à la chaleur n’est pas de la nature d’une prescription de soins ou traitements, ne constitue ni une mesure de réadaptation physique ou sociale et n’est pas compris dans l’assistance médicale prévue dans les diverses dispositions législatives dont la CSST doit assurer l’application.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[36]        Le tribunal doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement de frais de déplacement pour un voyage dans le Sud ainsi qu’aux frais de séjour et de déplacement de la personne qui lui assure déjà les soins à domicile prévus à la loi.

[37]        En somme, le travailleur soumet que parce qu’il doit passer l’automne et l’hiver au Québec, il voit la fréquence des pneumonies dont il souffre occasionnellement s’accroître. Il attribue cela au fait qu’il tolère mieux une température ambiante plus chaude car cela lui évite d’éprouver les sensations de frilosité[12] et de diaphorèse[13].

[38]        Son médecin croit qu’ « il serait bon qu’il passe l’hiver à la chaleur » en raison d’un diagnostic de pneumonie à l’automne et durant l’hiver.

[39]        La preuve démontre toutefois que le travailleur a été victime de deux pneumonies, la première au printemps 2003, et l’autre, à l’hiver 2004.

[40]        Il est donc difficile de retenir que l’hiver soit la seule saison propice à la pneumonie. Cette affection n’est pas davantage d’origine territoriale et n’est pas attribuable à la température extérieure d’un territoire donné. Elle est plutôt d’origine virale ou bactérienne. D’autant plus que le travailleur, selon son pneumologue, présente une atteinte des muscles respiratoires qui rend difficile le dégagement de ses secrétions endobronchiques.

[41]        Au surplus, le médecin traitant du travailleur précise tout au plus qu’il serait bon qu’il passe l’hiver à la chaleur. Doit-on nécessairement en déduire qu’il doive passer l’hiver dans des régions où la température est plus chaude que celle du Québec durant l’hiver? Le tribunal estime que non. Malgré l’hiver, les québécois passent généralement l’hiver au chaud puisque leurs résidences sont généralement équipées de systèmes de chauffage suffisamment efficaces pour leur permettre de créer un environnement confortable malgré les rigueurs de cette saison.

[42]        Il en va de même du travailleur qui en raison du handicap qu’il conserve de sa lésion professionnelle peut bénéficier de programmes de réadaptation sociale qui permettent de lui procurer un domicile adapté à sa capacité résiduelle et aux différents inconforts attribuables à son handicap.

 

 

[43]        Bien que le tribunal n’ait pas eu à statuer sur l’achat de bois de chauffage et d’une chaufferette d’appoint, la technologie d’aujourd’hui permet d’obtenir à l’intérieur d’une résidence la température voulue qu’elle soit froide, tempérée ou plus chaude. Cette technologie lui permettrait sans doute de se passer de cette chaufferette d’appoint qui semble, selon son témoignage et celui de madame Casaubon, lui causer plus d’inconvénients que d’agréments et même constituer un danger pour lui lorsqu’il s’en trouve trop près.

[44]        Comme le soulignait le tribunal en statuant sur la question préliminaire, il devra au préalable soumettre sa demande à la CSST et identifier avec elle le système de chauffage le plus approprié à sa condition, compte tenu des séquelles qu’il conserve de sa lésion professionnelle.

[45]        Quant à sa réclamation pour les frais de déplacement pour un voyage dans le Sud ainsi que pour les frais de séjour et de déplacement de la personne qui assure les soins à domicile dont il a besoin en raison de sa lésion, le tribunal estime qu’ils ne sont pas remboursables.

[46]        La loi a comme objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les personnes qui en ont été victimes. La loi précise également le processus de réparation de ces lésions :

1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

[47]        Le chapitre IV de la loi encadre le droit à la réadaptation en définissant le droit à la réadaptation, le contenu du plan individualisé de réadaptation et en identifiant les différents types de réadaptation et les caractéristiques de chacun de ces types.

 

 

[48]        En matière de réadaptation physique, la loi prévoit ce qui suit :

148. La réadaptation physique a pour but d'éliminer ou d'atténuer l'incapacité physique du travailleur et de lui permettre de développer sa capacité résiduelle afin de pallier les limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 148.

 

 

149. Un programme de réadaptation physique peut comprendre notamment des soins médicaux et infirmiers, des traitements de physiothérapie et d'ergothérapie, des exercices d'adaptation à une prothèse ou une orthèse et tous autres soins et traitements jugés nécessaires par le médecin qui a charge du travailleur.

__________

1985, c. 6, a. 149.

 

 

150. Un programme de réadaptation physique peut comprendre également les soins à domicile d'un infirmier, d'un garde-malade auxiliaire ou d'un aide-malade, selon que le requiert l'état du travailleur par suite de sa lésion professionnelle, lorsque le médecin qui en a charge le prescrit.

 

La Commission assume le coût de ces soins et rembourse en outre, selon les normes et les montants qu'elle détermine, les frais de déplacement et de séjour engagés par l'infirmier, le garde-malade auxiliaire ou l'aide-malade.

 

Lorsque ces soins ne peuvent être dispensés par un établissement au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5), selon le cas, la Commission en rembourse le coût au travailleur et en fixe le montant d'après ce qu'il en coûterait pour des services semblables en vertu du régime public.

__________

1985, c. 6, a. 150; 1992, c. 21, a. 78; 1994, c. 23, a. 23.

 

 

[49]        Bien que le travailleur invoque dans son argumentation l’article 149 de la loi, sa demande ne concerne pas le type de soins ou traitements prévus à cet article.

[50]        Quant à la réadaptation sociale, ce sont les articles 151 à 165 de la loi qui en précisent le contenu :

151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment:

 

1°   des services professionnels d'intervention psychosociale;

2°   la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3°   le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4°   le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5°   le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

153. L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si:

 

1°   le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;

 

2°   cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et

 

3°   le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.

 

Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.

__________

1985, c. 6, a. 153.

 

 

154. Lorsque le domicile d'un travailleur visé dans l'article 153 ne peut être adapté à sa capacité résiduelle, ce travailleur peut être remboursé des frais qu'il engage, jusqu'à concurrence de 3 000 $, pour déménager dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle ou qui peut l'être.

 

À cette fin, le travailleur doit fournir à la Commission au moins deux estimations détaillées dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige.

__________

1985, c. 6, a. 154.

 

 

155. L'adaptation du véhicule principal du travailleur peut être faite si ce travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et si cette adaptation est nécessaire, du fait de sa lésion professionnelle, pour le rendre capable de conduire lui-même ce véhicule ou pour lui permettre d'y avoir accès.

__________

1985, c. 6, a. 155.

 

 

156. La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci lui fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.

__________

1985, c. 6, a. 156.

157. Lorsque la Commission assume le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal d'un travailleur, elle assume aussi le coût additionnel d'assurance et d'entretien du domicile ou du véhicule qu'entraîne cette adaptation.

__________

1985, c. 6, a. 157.

 

 

158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

__________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

159. L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.

 

Cette personne peut être le conjoint du travailleur.

__________

1985, c. 6, a. 159.

 

 

160. Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.

__________

1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.

 

 

161. Le montant de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.

__________

1985, c. 6, a. 161.

 

 

162. Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur:

1°   redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou

 

2°   est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5).

__________

1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a. 79; 1994, c. 23, a. 23.

 

 

 

 

 

 

 

163. Le montant de l'aide personnelle à domicile est versé une fois par deux semaines au travailleur.

 

Ce montant est rajusté ou annulé, selon le cas, à compter de la première échéance suivant l'événement qui donne lieu au rajustement ou à l'annulation.

__________

1985, c. 6, a. 163.

 

 

164. Le travailleur qui reçoit de l'aide personnelle à domicile, qui accomplit une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation ou qui, en raison de sa lésion professionnelle, est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé au paragraphe 2° de l'article 162 peut être remboursé des frais de garde d'enfants, jusqu'à concurrence des montants mentionnés à l'annexe V, si:

 

1°   ce travailleur assume seul la garde de ses enfants;

 

2°   le conjoint de ce travailleur est incapable, pour cause de maladie ou d'infirmité, de prendre soin des enfants vivant sous leur toit; ou

 

3°   le conjoint de ce travailleur doit s'absenter du domicile pour se rendre auprès du travailleur lorsque celui-ci est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement ou pour accompagner le travailleur à une activité que celui-ci accomplit dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

__________

1985, c. 6, a. 164; 1992, c. 21, a. 80.

 

 

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[51]        Le travailleur soumet sa demande en regard de ces dispositions qui précisent le contenu du programme de réadaptation sociale.

[52]        L’examen de ces dispositions permet d’observer que les éléments de ce programme ne sont pas exhaustifs. L’article 152 de la loi utilise les expressions « un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment ». Il faut donc comprendre, comme le soulignent les auteurs de Les accidents du travail et les maladies professionnelles : indemnisation et financement[14], que la liste de l’article 152 n’est pas exhaustive de sorte que d’autres mesures que celles prévues à la loi peuvent faire partie d’un programme de réadaptation sociale.

[53]        La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la CALP) reconnaissait également, dans l’affaire Construction en Télécommunication A.R. Ltée et Lapointe et C.S.S.T.[15], que cette liste n’est pas exhaustive :

(…) il apparaît à la Commission d’appel que le terme « notamment » de l’article 152, indique simplement que la liste sous-jacente n’est pas exhaustive mais concerne les diverses mesures prévues expressément dans la Loi.

 

 

[54]        La demande du travailleur déborde la simple demande de frais de déplacement pour lui et la préposée aux soins à domicile qui est à son service et celle des frais de séjour de cette dernière pour la durée de la période qu’il souhaite passer dans le Sud, soit le temps que durent les saisons de l’automne et de l’hiver.

[55]        Si le tribunal fait droit à sa demande, il faudra sûrement, dans une seconde étape, adapter le logement qu’il utilisera durant son séjour dans le Sud.

[56]        Le travailleur a fourni une foule d’exemples où le tribunal avait ordonné à la CSST de rembourser le coût de certains équipements dont l’énumération apparaît au paragraphe 29 de la présente décision.

[57]        L’examen attentif de ces décisions démontrent qu’il s’agit de cas d’espèces et que les mesures retenues dans chacune de ces affaires avaient fait l’objet de prescriptions médicales ou d’avis motivés de la part des médecins traitants des personnes concernées.

[58]        En l’espèce, l’avis du médecin qui a charge n’est pas très convaincant : « il serait bon qu’il passe l’hiver à la chaleur ». L’expression retenue par le médecin en l’espèce, exprime davantage un vœu qu’une prescription ou ordonnance de nature médicale.

[59]        Sous l’angle de la réadaptation physique, l’avis émis par le médecin du travailleur ne fait référence, tel que le prévoit les articles 149 et 150 de la loi, à aucun soin, traitement, exercices d’adaptation ou autres soins ou traitements qu’il juge nécessaires. Cet avis ne fait pas référence non plus aux soins à domicile d’un infirmier, d’une garde-malade auxiliaire ou d’un aide-malade. (Je souligne)

[60]        Le médecin du travailleur suggère qu’il passe l’hiver à la chaleur sans toutefois préciser où. Faut-il comprendre qu’il réfère nécessairement aux pays de l’Amérique du Sud?

[61]        Sous l’angle de la réadaptation sociale, le tribunal a déjà indiqué que les programmes énumérés à la loi ne sont pas exhaustifs et toutes mesures visant à aider le travailleur à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle et lui permettent de s’adapter à la nouvelle situation qui découle de cette lésion et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles peuvent être envisagées. (Je souligne)

[62]        Par ailleurs, la loi définit certaines mesures, telle l’adaptation du domicile, les frais de déménagement, l’adaptation du véhicule, l’aide personnelle à domicile, la garde d’enfant et les travaux d’entretien.

[63]        Bien que les programmes prévus dans le cadre de la réadaptation sociale ne soient pas exhaustifs, selon la jurisprudence et la littérature, il n’en demeure pas moins qu’ils doivent se situer dans l’éventail compris à la loi.

[64]        Certes la loi ne précise pas comment doit se faire l’adaptation du domicile du travailleur ou de son véhicule automobile, mais elle établit des balises : pour adapter le domicile d’un travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique, cette adaptation doit être nécessaire et constituer la solution appropriée pour lui permettre, entre autres, d’entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d’avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile. S’il est locataire, il s’engage à demeurer dans son logement au moins trois ans et signer un bail pour la même durée. (Je souligne)

[65]        Quant à l’adaptation du véhicule automobile, la loi prévoit que cette adaptation est nécessaire afin de le rendre capable de le conduire ou d’y avoir accès. Encore là, on retrouve cette exigence de nécessité.

[66]        Bien que ces notions de nécessité et de solution appropriée ne se retrouvent pas à toutes les dispositions de la loi qui crée un programme de réadaptation sociale, ce n’est pas ajouter à la loi que d’apprécier la demande d’un travailleur en ayant à l’esprit ces deux critères.

[67]        En effet, telle l’adaptation du domicile, la mesure de réadaptation sociale, telle celle que demande le travailleur voulant qu’il passe les mois d’automne et d’hiver dans le Sud, doit présenter un caractère de nécessité et constituée une solution appropriée, dans les circonstances.

[68]        Le tribunal estime que la demande du travailleur n’a pas ce caractère de nécessité et n’apparaît pas être la solution appropriée.

 

[69]        Le travailleur souhaite mettre fin aux sensations de frilosité et à la diaphorèse qu’il éprouve lorsque la température environnante baisse. Il pense également que les pneumonies qui l’affectent de façon régulière sont attribuables à cette réduction de la température et surviennent surtout durant l’automne et l’hiver.

[70]        Par ailleurs, la preuve soumise au tribunal démontre que le travailleur n’est pas affecté de pneumonies que l’automne ou l’hiver. Cela se produit autant le printemps que l’été.

[71]        Donc la solution de passer l’automne et l’hiver dans le Sud n’est certes pas la solution appropriée eu égard aux pneumonies qui l’affectent de façon fréquente. Cette maladie est d’origine virale ou bactériologique. Il n’est donc pas exclu que le travailleur souffre de ce même type d’affection dans le Sud.

[72]        Quant à la température plus chaude que le travailleur souhaiterait maintenir à sa résidence, il y a des moyens plus économiques que de l’amener dans le Sud à chaque automne et à chaque hiver. Un système de chauffage bien contrôlé - la technologie électronique permet d’obtenir en permanence le niveau de confort souhaité quelque soit la température désirée - permettrait de répondre à ce besoin du travailleur et dans ce contexte, de répondre aux impératifs de l’article 152 de la loi.

[73]        Il est clair que le travailleur aura toujours besoin de réadaptation physique et de réadaptation sociale. Toutefois, est-ce que ce besoin et les dispositions de la loi dont l’objet est de réparer les lésions professionnelles et les conséquences pour les personnes qui en sont victimes permettent de répondre à toutes les originalités imaginables?

[74]        La loi prévoit l’adaptation que d’un seul domicile et non pas de deux parce que la personne décide de passer six mois dans son lieu de résidence habituel et six mois ailleurs, que ce soit dans son pays ou ailleurs.

[75]        Certes, le fait de résider en dehors du territoire québécois n’emporte pas de conséquences sur le niveau de prestations qu’il peut toucher en vertu du régime d’indemnisation et de réadaptation en vigueur au Québec, mais ce régime est loin d’être suffisant pour obtenir les mêmes services au même coût dans un autre pays.

[76]        C’est ce que rappelle à bon escient la représentante de la CSST dans son argumentation.

[77]        Enfin, l’avis du médecin du travailleur voulant qu’ « il serait bon qu’il passe l’hiver à la chaleur » est-il suffisant pour constituer en quelque sorte un droit à l’assistance médicale au sens que la loi lui donne?

[78]        L’article 189 de la loi, tel que reproduit au paragraphe 28 de la présente décision et invoquée par la CSST au soutien de son argumentation, précise le contenu de l’assistance et prévoit que la CSST détermine par règlement les soins, les traitements, les aides techniques et les frais que ne prévoit pas cet article de même que les conditions exigées et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements doivent être assujettis.Cet article, contrairement aux articles 149 et 152, ne comprend pas l’expression « notamment » de sorte que l’énumération qu’il comporte de même que celle comprise au Règlement sur l’assistance médicale[16], sont exhaustives, ce qui empêche de réclamer au-delà de ce que ces dispositions prévoient.

[79]        Ni l’article 189 de la loi ni le règlement adopté sous son égide ne prévoient que le fait de passer l’hiver à la chaleur, cette expression signifiant pour le travailleur de passer l’hiver dans le Sud, doit être considéré comme étant compris dans l’assistance médicale.

[80]        Malgré toute la sympathie que le soussigné peut éprouver à l’égard du travailleur et de la situation dans laquelle le place le lourd handicap qu’il conserve de sa lésion professionnelle, le tribunal estime que sa requête doit être rejetée et que la décision de la CSST doit être confirmée.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête déposée au tribunal par monsieur S... C..., le travailleur, le 28 septembre 2004;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 septembre 2004, à la suite d’une révision administrative; et

DÉCLARE que les frais de déplacement du travailleur pour un voyage dans le Sud de même que ceux de la personne qui lui assure des soins à domicile et les frais de séjour de cette dernière pour un tel voyage ne sont pas remboursables.

 

 

__________________________________

 

JEAN-PIERRE ARSENAULT

 

Commissaire

Me André Laporte

Laporte & Lavallée avocats

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Myriam Sauviat

Panneton Lessard

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           Latulippe et Groupe de construction National State inc., C.L.P., 129515-07-0001, 11 avril 2000, S. Lemire; Smith et Entreprise agricole Forestière de Percé et CSST - Québec-Nord, C.L.P., 116468-32-9905, 26 juillet 2000, N. Tremblay; Julien et Const. Nationair inc. (fermé) et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.L.P., 120819-32-9907, 7 août 2000, G. Tardif; Thibaudeau et Centre communautaire juridique de l’Outaouais, C.L.P., 139019, 6 novembre 2000, M. Sauvé; Fontaine et Aéroport international de Montréal, C.L.P., 172476-64-0111, 14 février 2003, S. Lemire; Lefebvre et Carborundum Canada inc. (fermée), C.L.P., 219710-04-0311, 26 mars 2004, S. Sénéchal; Fontaine et Aéroport international de Montréal, C.L.P., 221816-64-0311, 26 janvier 2005, J.-F. Martel; Letendre et Relizon Canada inc., C.L.P., 235551-04B-0406, 21 mars 2005, D. Lajoie; Comtois et Chemins de fer nationaux du Canada et CSST Saguenay-Lac-Saint-Jean, C.L.P., 244099-02-0409, M. Renaud; Du Tremble et Toitures Protech et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.L.P., 239633-64-0407, 20 juin 2005, R. Daniel.

[2]           Bernard CLICHE, Martine GRAVEL et Louis STE-MARIE, Les accidents du travail et les maladies professionnelles : indemnisation et financement, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1997, 995 p.

[3]           L.R.Q., c. A-3.001.

[4]        Le dossier médical produit par le représentant du travailleur démontre toutefois que cette     pneumonie a affecté le travailleur en mai 2003, soit au printemps, et non pas durant l’hiver.

[5]        Pour oxygéno dépendant.

[6]        Pour infections des voies respiratoires supérieures.

[7]           Voir les décisions rapportées à la note 1.

[8]           Précitée, note 2.

[9]           (1993) 125 G.O. II, 1331.

[10]         (1993) 125 G.O. II, 4257.

[11]         Précitée, note 6.

[12]         Sensation subjective d'avoir toujours froid s'observant principalement dans les affections endocriniennes aiguës ou chroniques, notamment le dysfonctionnement thyroïdien, « Grand dictionnaire terminologique », Office québécois de la langue française, http://www.granddictionnaire.com (Page consultée le 17 mai 2006)

[13]         Transpiration, sueurs abondantes, « Grand dictionnaire terminologique », Office québécois de la langue française, http://www.granddictionnaire.com (Page consultée le 17 mai 2006)

[14]         Précitée, note 2, page 455.

[15]         [1993] C.A.L.P. 1016, p. 1021. Voir au même effet : Paquet et Ville de Rimouski, C.A.L.P., 10797-01-8902, 5 avril 1991, S. Lemire (J3-11-07).

[16]         Précitée, note 6.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.