Décision

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                          COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE

                       LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

QUÉBEC                    MONTRÉAL, le 24 juillet 1992

 

 

 

DISTRICT D'APPEL          DEVANT LA COMMISSAIRE:    Joëlle L'Heureux

DE MONTRÉAL

 

 

RÉGION: ILE-DE-MONTRÉAL   ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR:   Pierre Taillon, médecin

DOSSIER: 22005-60-9009

 

 

DOSSIER CSST: 0106 5721   AUDIENCE TENUE LE:        12 mai 1992

 

 

 

                          À:                               Montréal

 

                                                                            

 

 

 

                          MADAME MARIE COLGAN

                          11555, rue des Narcisses

                          Montréal-Nord (Québec)

                          H1G 4P3

 

 

                                   PARTIE APPELANTE

 

 

                          et

 

 

                          C.A. CHAMPLAIN MARIE-VICTORIN

                          7150, rue Marie-Victorin

                          Montréal (Québec)

                          H1G 2J5

 

 

                                PARTIE INTÉRESSÉE

 

                         

 

                          COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

                          1199, rue de Bleury

                          Montréal (Québec)

                          H3C 4E1

 

                                                     PARTIE INTERVENANTE

                         


                 D É C I S I O N

 

Le 14 septembre 1990, madame Marie Colgan (la travailleuse) en appelle d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) le 30 août 1990, à la suite de l'avis d'un arbitre médical, le docteur Claude Jean-François, orthopédiste.

 

Par cette décision, la Commission établit un diagnostic de «ancienne bursite trochantérienne ou tendinite du fascia lata hanche gauche» et détermine qu'il ne subsiste aucune atteinte permanente ou limitation fonctionnelle résultant de la lésion professionnelle subie par la travailleuse. 

 

La Commission est intervenue dans la présente affaire conformément à l'article 416 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi).

 

OBJET DE L'APPEL

 

La travailleuse demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'infirmer la décision de la Commission et de rétablir l'opinion du médecin traitant qui établit un diagnostic de «dérangement inter-vertébral mineur lombo-sacré post-discoïdectomie L4-L5», un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour séquelles d'une entorse dorso-lombaire et des limitations fonctionnelles consécutives à la lésion professionnelle subie le 21 février 1989.

 

LES FAITS

 

Le 13 octobre 1988, la travailleuse, aide en alimentation depuis 1979 au Centre d'Accueil Champlain Marie-Victorin (l'employeur), subit un accident du travail en soulevant de terre une caisse de jus d'orange pour la déposer sur un chariot.  La description de l'événement, à la réclamation de la travailleuse, fait état de douleurs à la hanche gauche irradiant au dos.

 

Un diagnostic de bursite trochantérienne ou de tendinite à la hanche gauche est établi par les docteurs Fleury et Nguyen.  La travailleuse poursuit des traitements de physiothérapie et reçoit trois infiltrations de cortisone au niveau de la hanche gauche, infiltrations qui ne la soulagent pas.  La travailleuse retourne au travail le 23 janvier 1989.

 

Les notes évolutives du docteur Nguyen, physiatre, sont déposées à l'audience.  Elles couvrent la période du 26 octobre 1988 au 7 février 1989, date de la dernière visite au docteur Nguyen par la travailleuse.  Dès le 26 octobre 1988, le docteur Nguyen décrit la présence d'arthrose importante, mais peu symptomatique, au niveau lombaire.  Ces notes évolutives font état de douleurs lombaires et de douleurs à la hanche.  Le docteur Nguyen s'exprime ainsi par la suite: 

 

«Le 16 novembre 1988

Elle ressent une diminution des douleurs à la crête iliaque gauche antérieure.  Cependant accuse douleur lombaire irradiant à la fesse gauche.  La palpation montre une douleur marquée au niveau sacro-iliaque gauche.  Les mouvements lombaires sont aussi douloureuse.  Cette patiente souffre plutôt de discarthrose lombaire telle que démontré à la radiographie.  Palpation crête iliaque gauche est légèrement sensible d'une façon diffuse.  Concentrons les traitements sur la colonne lombaire. (...)

 

Le 10 janvier 1989

Il persiste une douleur modérée au niveau sacro-iliaque gauche qui est aggravée par la marche, se dit incapable de marcher ou rester debout longtemps.  A l'examen, on note une sensibilité à la palpation SIG et aux mouvements de flexion latérale de la colonne.»

 

À l'audience, la travailleuse déclare qu'elle était toujours souffrante lors de son retour au travail, le 23 janvier 1989.  Les douleurs de la travailleuse atteingnent un point culminant le 21 février 1989, alors qu'elle fait un mouvement de torsion en lavant la vaisselle.  La réclamation de la travailleuse pour une rechute fait état d'une douleur persistante à la hanche et au dos.  La travailleuse confirme ne pas avoir mentionné auparavant s'être donnée un coup, sauf au docteur Fleury lors de la visite médicale du 22 février.

 

Le 22 février 1989, le docteur Fleury pose un diagnostic de douleurs au fémur et à la hanche gauche, «post faux mouvement».  La travailleuse est référée en rhumatologie.   Le docteur Fleury complète, le 27 juin 1989, un formulaire de la Commission relatif à cette visite du 22 février 1989.  La réclamation de la travailleuse est pour sa part datée du 6 juin 1989.

 

Les 3 mars et 3 avril 1989, le docteur Fleury complète plutôt les formulaires de rapport d'invalidité de l'employeur et déclare, le 3 mars, que l'invalidité de la travailleuse ne relève pas de la Commission.  Il pose un diagnostic d'arthrose lombaire et d'arthrose à la hanche.

 

Le premier diagnostic de dérangement inter-vertébral mineur se retrouve dans une attestation médicale du 28 avril 1989 signée par le docteur Lambert, physiatre.  Un rapport radiologique de la colonne lombo-sacrée, de cette même date, dévoile une discarthrose étagée de L1 à S1, plus marquée au niveau L3-L4 et L4-L5, de même que des signes d'arthrose marqués au niveau des facettes articulaires de L5-S1.  Une tomodensitométrie de la colonne lombaire effectuée en date du 1er mai 1989 confirme les constatations précédentes et conclut à des modifications post-opératoires.  La travailleuse a subi en 1959 une discoïdectomie au niveau L4-L5 et une greffe osseuse au niveau lombo-sacré en 1962. 

 

Le 4 octobre 1989, le docteur Lambert réitère son diagnostic de dérangement inter-vertébral mineur «L - S post discoïdectomie».  Le 7 octobre 1989, la Commission accepte l'événement du 21 février 1989 à titre de rechute de la lésion du 13 octobre 1988.  Cette décision n'est pas contestée.

 

En date du 2 février 1990, le docteur Lambert complète le formulaire «Rapport final» et coche «oui» aux questions relatives à la présence d'atteinte permanente et de limitations fonctionnelles consécutives à la lésion.  Il prévoit aussi produire le rapport d'évaluation en conformité avec le barème des dommages corporels.

 

Le docteur Lambert complète effectivement le «Rapport d'évaluation médicale» en date du 23 avril 1990.  Il pose le diagnostic de «dérangement inter-vertébral mineur lombo-sacré post discoïdectomie L4-L5», fixe à 2 % le déficit anatomo-physiologique pour séquelles d'une entorse dorso-lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées.  Il établit les limitations fonctionnelles suivantes:  ne pas soulever plus de 5 livres; ne pas travailler en flexion antérieure de façon prolongée avec son rachis lombo-sacré; ne pas effectuer de mouvements répétitifs avec son rachis lombo-sacré; ne pas demeurer assise plus d'une demi-heure sans pouvoir changer de position quelques minutes; et ne pas travailler debout.

 

Le 10 mai 1990, le docteur Mailhot examine la travailleuse à la demande de la Commission.  Il note ceci du dossier de la travailleuse et conclut au diagnostic initial:

 

«(...)Je suis un peu étonné de relever dans l'expertise médicale du docteur Richard Lambert que cette patiente présentait depuis son accident d'octobre 1988 une douleur à la région lombaire avec irradiation au membre inférieur gauche jusqu'au niveau du 5e orteil.  Ceci est loin d'être exact et de toute évidence le docteur Lambert n'a pas eu accès au dossier médical de cette patiente.

 

En effet le dossier est clair et évident que cette patiente ne s'est jamais plainte d'aucune douleur à son membre inférieur gauche ou de douleurs lombo-sacrées avant l'examen du docteur Lambert en avril 1989 donc plus de six mois après l'accident du 13 octobre 1988.

 

En relation avec l'événement du 13 octobre 1988 le seul diagnostic qui peut être accepté est celui d'une bursite et tendinite trochantérienne à la hanche gauche.»

 

En date de son examen, le docteur Mailhot constate que les douleurs à la hanche gauche sont à peu près disparues.  Il n'accorde en conséquence aucune atteinte permanente et aucune limitation fonctionnelle, à la suite de la lésion professionnelle subie par la travailleuse.

 

La Commission demande l'arbitrage médical entre le rapport du docteur Lambert du 23 avril et celui du docteur Mailhot du 10 mai 1990.  Les sujets contestés sont le diagnostic, l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente et l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles de la travailleuse.

 

L'arbitre, le docteur Claude Jean-François, orthopédiste, conclut ainsi dans son avis daté du 19 juillet 1990:

 

«SUJET DE CONTESTATION - NO.1. DIAGNOSTIC:

 

Ancienne bursite trochantérienne ou tendinite du fascia lata à la hanche gauche, guérie.  Arthrose et séquelles anciennes, discoidectomie (sic) et greffe lombaire L4-L5.  Possibilité de début de dégénérescence arthrosique de la hanche gauche.

 

SUJET DE CONTESTATION - NO 4. ATTEINTE PERMANENTE:

 

A la lumière du dossier soumis et de l'examen fait ce jour, je ne retiendrai pas d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de la travailleuse suite à la rechute du 21 février 1989.

 

En effet, cet événement avait provoqué une bursite ou une tendinite de la hanche gauche, zone trochantérienne, qui a complètement résorbé.  Les éléments mis en évidence actuellement et depuis février 1989, semblent être secondaires à son arthrose et à sa dégénérescence discale lombaire, condition personnelle et début d'arthrose de la hanche gauche.

 

 

 

SUJET DE CONTESTATION - NO 5. LIMITATIONS FONCTIONNELLES:

 

En relation avec la rechute du 21 février 1989 et de la bursite/tendinite de la hanche gauche, je ne retiendrai pas de limitation fonctionnelle chez la travailleuse.  Cependant, en relation avec sa pathologie personnelle de dégénérescence lombaire, des limitations fonctionnelles telles que proposées par le docteur Lambert lors de son expertise du 10 avril 1990 pourraient être retenues.»

 

Cet appel découle de la décision de la Commission rendue à la suite de l'avis de l'arbitre.

 

Questionnée sur ses antécédents, la travailleuse déclare ne pas avoir connu d'arrêts de travail antérieurs dus à des problèmes de dos ou de hanche.  L'employeur dépose un rapport d'absence pour coxalgie, couvrant la période du 24 juillet au 8 août 1980.  La travailleuse ne se souvient pas de cet événement, mais reconnaît sa signature au bas du document déposé.

 

MOYEN PRÉLIMINAIRE

 

Le représentant de la travailleuse soulève l'irrégularité de l'arbitrage médical initié par la Commission.

 

Argumentation sur le moyen préliminaire

 

Le représentant de la travailleuse soumet que le rapport final du docteur Lambert date du 2 février 1990.  En conséquence, la contestation par la Commission, par le biais du rapport du docteur Mailhot daté du 10 mai 1990, est tardive.  Le rapport d'évaluation médicale du 23 avril 1989 ne peut validement servir à initier la contestation de la Commission.

 

Le représentant de la Commission soumet que la Commission n'était pas liée par le rapport final du 2 février 1990, mais plutôt par le rapport d'évaluation médicale du 23 avril 1990 qui spécifie la nature de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.  La contestation de la Commission est donc logée dans les délais et l'arbitrage médical est tout à fait valide.

 

Le représentant de la Commission appuie ses prétentions sur l'article 203 de la loi qui détermine le contenu du rapport final du médecin qui a charge du travailleur.  Comme la Commission prescrit le formulaire à utiliser à cette fin, elle a prescrit deux formulaires, appelés respectivement «rapport final» et «rapport d'évaluation médicale».  Le contenu du rapport final tel que stipulé à l'article 203 ne se retrouve exclusivement ni dans l'un, ni dans l'autre formulaire, mais bien dans les deux, qui se complètent ainsi.

 

Le formulaire «rapport final» énonce la date de consolidation de la lésion et le médecin y prévoit si la lésion professionnelle entraîne une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.  Comme la Commission indemnise le travailleur en fonction de sa capacité d'exercer son travail et non seulement en fonction de la date de consolidation de sa lésion, ces informations permettent à la Commission de rendre une décision sur la capacité de travail du travailleur, donc sur la poursuite ou l'arrêt du versement des indemnités de remplacement du revenu.

 

C'est par contre le «rapport d'évaluation médicale» qui détermine l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.  Il devient donc l'unique rapport qui rencontre les prescriptions des alinéas 1E à 3E de l'article 203.

 

En conséquence, l'opinion du médecin traitant ne lie la Commission que sur le pourcentage d'atteinte permanente et sur la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion, car c'est sur ces seuls sujets que l'article 203 lui demande de se prononcer.  L'existence d'une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles, prévue au formulaire de «rapport final», ne lie donc pas la Commission, même si ces sujets sont potentiellement contestables en vertu de l'article 212 de la loi.

 

Le représentant de la Commission souligne que forcer la contestation immédiate de l'existence d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles dès la réception du formulaire de «rapport final» dédoublerait toutes les procédures.  De plus, en l'absence de toute forme de précisions sur la nature ou les motifs de cet avis, il n'y a rien de tangible à contester.

 

Le représentant de la Commission dépose quatre décisions de la Commission d'appel au soutien de ses prétentions.

 

Le représentant de l'employeur soumet que le rapport prévu à l'article 203 doit être conforme au contenu énuméré à cet article.  Or, le contenu de ce rapport se retrouve sur le formulaire de «rapport d'évaluation médicale» et non sur le formulaire de «rapport final».  Prétendre que le rapport du 2 février 1990 du médecin ayant charge du travailleur est le rapport de l'article 203 signifie que ce rapport est irrégulier, car il ne rencontre pas les prescriptions de l'article 203.

 

Le représentant de l'employeur souligne par ailleurs que le droit de contestation existe à la suite de chaque rapport médical du médecin traitant et que, dans le cas spécifique en litige, le médecin traitant a de plus modifié son diagnostic au «rapport d'évaluation médicale».

 

Motifs de la décision sur le moyen préliminaire

 

Étant donné la décision de la Commission d'appel sur l'existence et le pourcentage d'atteinte permanente, et l'existence et la nature des limitations fonctionnelles, à la suite de la lésion professionnelle subie par la travailleuse, l'opinion qui suit sur la validité de l'arbitrage médical ne modifie en rien la nature de la décision finale.

 

Toutefois, à la suite des arguments de droit présentés au soutien de la validité de l'arbitrage médical, arguments non rapportés à ce jour de façon spécifique dans une décision de la Commission d'appel, la soussignée a cru opportun de répondre au moyen préliminaire soulevé par les parties.

 

À cette fin, il convient tout d'abord de se rappeler la procédure d'évaluation médicale prévue au chapitre VI de la loi.  Les articles 199 à 203 énumèrent les sujets sur lesquels le médecin qui prend charge du travailleur doit se prononcer.  En vertu de ces dispositions, ce médecin doit tout d'abord établir le diagnostic de la lésion et fournir une date prévisible de consolidation de la lésion.  En vertu de l'article 200, il doit, dans le cas d'une lésion non consolidée à l'intérieur de quatorze jours, compléter un rapport sommaire dans les six jours de son premier examen.  Ce rapport comprend en autres choses, «dans la mesure où il peut se prononcer à cet égard, la possibilité que des séquelles permanentes subsistent».

 

Le rapport final est prévu à l'article 203:

 

«203.  Dans le cas du paragraphe 1m du premier ali­néa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2m du pre­mier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Com­mis­sion, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle pres­crit à cette fin.

 

   Ce rapport indique notamment la date de consoli­dation de la lésion et, le cas échéant:

 

   1E  le pourcentage d'atteinte per­ma­nente à l'intégrité physique ou psy­chi­que du travailleur d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement;

 

   2E  la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion.

 

   3E  l'aggravation des limitations fonctionnel­les du travailleur qui résul­tent de la lésion.

 

   Le médecin qui a charge du tra­vailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.»

 

 

L'article 212 de la loi dispose des droits de contestation, par l'employeur, des rapports médicaux du médecin ayant charge du travailleur.  L'article 214 donne un droit similaire à la Commission et réfère à la même liste de sujets de contestation.

 

«212. L'employeur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge de son travailleur victime d'une lésion professionnelle s'il obtient un rapport d'un médecin qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions du médecin qui en a charge quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:

 

   1E  le diagnostic;

 

   2E  la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

   3E  la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

   4E  l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

   5E  l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

   L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester, pour que celle-ci le soumette à l'arbitrage prévu par l'article 217.»

 

 

 

Finalement, l'article 224 prévoit que la Commission est liée par les rapports des médecins traitants, ou, en cas de contestation, à l'avis de l'arbitre.

 

 

«224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1E à 5E du premier alinéa de l'article 212.

 

   Cependant, si un arbitre rend un avis en vertu de l'article 221 infirmant le diagnostic ou une autre conclusion de ce médecin, la Commission devient liée par cet avis et modifie sa décision en conséquence, s'il y a lieu.»

 

 

Les dispositions qui traitent, aux fins de l'évaluation médicale, de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles consécutives à une lésion, sont donc peu nombreuses.  Comme l'évaluation médicale est un processus évolutif, ces dispositions méritent d'être considérées dans leur ensemble, en vue de la détermination des rôles et droits respectifs.

 

La Commission d'appel a déjà décidé que l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles consécutives à une lésion devaient être déterminées après la date de consolidation de cette lésion.  La Commission n'est donc pas liée par l'opinion du médecin ayant charge du travailleur sur les «possibilités» de séquelles permanentes avancées dans les rapports d'évolution soumis tout au long du suivi médical du travailleur.  Ce sujet, sur lequel le médecin ayant charge du travailleur est invité, dans la mesure où il peut se prononcer à cet égard à émettre son avis, n'est d'ailleurs pas énuméré aux cinq paragraphes de l'article 212.

 

Aux fins de transmettre les avis médicaux à la suite de la consolidation de la lésion du travailleur, la Commission a mis en circulation deux formulaires pour obtenir l'opinion du médecin traitant sur les sujets prescrits par la loi, formulaires appelés respectivement «rapport final» et «rapport d'évaluation médicale».  Il ressort toutefois que le formulaire appelé «rapport final» ne rencontre pas les prescriptions de l'article 203 qui prévoit l'existence légale d'un rapport final et en détermine le contenu.

 

L'affirmation ou la négation pure et simple de l'existence d'une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles, demandée au formulaire de «rapport final» par la Commission, ne correspond à aucune des étapes de la procédure d'évaluation médicale prévue à la loi.  L'article 203, 2ième et 3ième paragraphes, prévoit spécifiquement qu'à la suite de la consolidation de la lésion, le médecin ayant charge du travailleur doit indiquer le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement et doit décrire les limitations fonctionnelles du travailleur résultant de cette lésion. 

 

Le geste demandé par la Commission au médecin, par le biais du «rapport final», ne correspond pas au geste demandé par le législateur à l'article 203.

 

Comme le législateur a aussi prévu que la Commission est liée par l'avis du médecin ayant charge du travailleur, il apparaît normal à la Commission d'appel que l'avis sur lequel la Commission devienne liée corresponde à un sujet sur lequel la loi demande au médecin ayant charge du travailleur de se prononcer.

 

De plus, l'absence de spécification sur la nature de la limitation fonctionnelle accordée, ou sur l'atteinte permanente dont est affligé le travailleur, rend ces séquelles abstraites.  La limitation fonctionnelle, tout comme l'atteinte permanente, ne devient réelle, et donc applicable, ou encore contestable, que lorsqu'elle est décrite dans sa nature.

 

En conséquence, la Commission d'appel déclare que la Commission a validement contesté l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de la travailleuse, et l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles, à partir du rapport d'évaluation médicale du 23 avril 1989, qui fournit, pour la première fois, les références et informations minimales nécessaires pour considérer que le médecin ayant charge du travailleur a agi de façon à lier la Commission, conformément à la loi.  L'objection préliminaire est donc rejetée et l'arbitrage médical est déclaré valide.

 

ARGUMENTATION DES PARTIES

 

Le représentant de la travailleuse soumet que les problèmes lombaires de la travailleuse se sont déclarés dès le fait accidentel du 13 octobre 1988 et qu'ils ont persisté pour récidiver de façon franche le 21 février 1989. 

 

La travailleuse, malgré une condition personnelle documentée médicalement, était asymptomatique avant l'accident du travail du 13 octobre.  La preuve révèle d'ailleurs que la travailleuse a, de façon continue, effectué son travail d'aide en alimentation.   La période d'une semaine d'arrêt de travail en 1980 n'est certes pas significative, d'ailleurs la travailleuse ne s'en souvient même plus.

 

Même si les diagnostics de bursite trochantérienne et de dérangement inter-vertébral mineur ne sont pas similaires, les douleurs subséquentes à la lésion subie par la travailleuse sont demeurées constantes et persistantes.  L'opinion du médecin traitant doit donc être confirmée.

 

Le représentant de l'employeur soumet que la travailleuse souffrait depuis longtemps de douleurs lombaires, de façon symptomatique, et il souligne que les premiers rapports médicaux confirment qu'il ne s'agit même pas d'une lésion professionnelle.  Il considère donc que la condition de la travailleuse n'est pas liée à son accident du travail.

 

Sur les conclusions du rapport d'évaluation médicale, il soumet que le médecin ayant charge du travailleur a erronément appliqué le barème, en omettant d'évaluer les séquelles antérieures à la lésion professionnelle.  Il considère aussi que les séquelles d'entorse dorso-lombaire pour lesquelles la travailleuse se voit attribuer un déficit anatomo-physiologique de 2 % ne correspondent pas au diagnostic d'évaluation.

 

Quant aux limitations fonctionnelles, le représentant de l'employeur compare les diverses expertises au dossier et soumet qu'il n'y voit aucune séquelle fonctionnelle objectivée.  Il dépose quelques décisions appuyant son argumentation.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

La Commission d'appel doit, à la suite de la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 21 février 1989, déterminer le diagnostic, l'existence et le pourcentage de l'atteinte permanente, et l'existence et l'évaluation des limitations fonctionnelles.

 

Le 13 octobre 1988, la travailleuse est victime d'un accident du travail.  Le diagnostic établi est celui de bursite trochantérienne ou de tendinite à la hanche gauche.  La preuve démontre toutefois qu'immédiatement après la survenance de ce fait accidentel, la travailleuse se plaint de douleurs lombaires.  La preuve révèle de plus que ses douleurs ont persisté, jusqu'au moment de la rechute.

 

Dès le 3 mars 1989, soit peu de temps après la déclaration de la rechute du 21 février, les rapports médicaux font état d'arthrose lombaire.  Un diagnostic de dérangement inter-vertébral mineur est posé dès le 24 avril par le docteur Lambert, physiatre.  La discoïdectomie subie par la travailleuse en 1959 est alors connue.  Avec ces informations en main, la Commission accepte, le 7 octobre 1989, la rechute du 21 février à titre de lésion professionnelle.

 

Le docteur Mailhot, lors de son examen du 10 mai 1990, nie la relation entre la rechute et l'accident du travail du 13 octobre 1988 en considérant, contrairement à ce que la preuve démontre devant la Commission d'appel, que la travailleuse ne s'était jamais plaint de douleur lombaire entre le 13 octobre 1988 et le 21 février 1989.  Il n'établit donc pas de diagnostic en relation avec la rechute du 21 février 1989, de même qu'il n'évalue pas les séquelles permanentes et les limitations fonctionnelles en relation avec cette lésion.

 

L'arbitre suit sensiblement le même raisonnement en affirmant que l'événement du 13 octobre 1988 avait provoqué une bursite ou une tendinite résorbée de la hanche gauche.  Il considère les séquelles actuelles de la travailleuse secondaires à son arthrose et à sa dégénérescence discale lombaire.  Il retient par contre, en relation avec cette pathologie de la travailleuse, les limitations fonctionnelles telles que proposées par le docteur Lambert.

 

La Commission d'appel considère que, contrairement aux prémisses d'analyse du docteur Mailhot et de l'arbitre médical, la preuve démontre que la travailleuse a aggravé, lors de son accident du travail du 13 octobre, et subséquemment lors de la rechute du 21 février 1989, une condition personnelle préexistante auparavant asymptomatique.  La Commission semble avoir partagé cet avis en acceptant la rechute du 21 février, après que le diagnostic de dérangement inter-vertébral mineur fut posé.

 

En conséquence, la Commission d'appel rétablit le diagnostic de «dérangement inter-vertébral mineur lombo-sacré post-discoïdectomie», établi par le médecin traitant, qui constitue d'ailleurs le seul diagnostic au dossier en rapport avec la rechute du 21 février 1989.  Les séquelles permanentes et limitations fonctionnelles doivent aussi, conséquemment, être maintenues.

 

La Commission d'appel constate toutefois, tel que soulevé par le représentant de l'employeur, que le médecin traitant a erronément appliqué le barème, en omettant de calculer les séquelles antérieures à la lésion professionnelle.  Les séquelles antérieures de toute origine doivent en effet être prises en considération dans le calcul final de l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique d'un travailleur.  La chirurgie discale pour discoïdectomie L4-L5 en 1959 et la greffe osseuse au niveau lombo-sacré en 1962 occasionnent, chez la travailleuse, des séquelles antérieures.  Cependant, comme ces mêmes séquelles, n'ayant pas disparu, doivent se répéter de nouveau lors du calcul des séquelles actuelles, le résultat final, dans ce cas précis, demeure le même.

 

À ce pourcentage de 2 % de déficit anatomo-physiologique prévu au code 204004, la Commission d'appel doit ajouter 0.2 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie, tel que prévu au barème au code 225027.

 

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES:

 

ACCUEILLE l'appel de la travailleuse, madame Marie Colgan;

 

INFIRME la décision du 30 août 1990 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

 

DÉCLARE que le diagnostic relié à la rechute du 21 février 1989 est celui de «dérangement inter-vertébral mineur lombo-sacré post-discoïdectomie»;

 

ACCORDE à la travailleuse, madame Marie Colgan, une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de 2,2 %, et les limitations fonctionnelles établies par son médecin traitant dans son rapport d'évaluation médicale.

 

 

                           _______________________

                           Joëlle L'Heureux

                           commissaire

 

 

 

 

 

 

U.E.S.

a/s  M. Hermann Guérette

1665, rue Rachel Est

Montréal (Québec)

H2J 2K6

 

 

Représentant de la partie appelante

 

 

 

MONETTE, BARAKETT & ASS.

a/s M. Jean Poirier

Place du Canada

Bureau 2100

Montréal (Québec)

H3B 2R8

 

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

CHAYER, PANNETON, LESSARD

a/s  M. Daniel Malo

1199, rue de Bleury

12e étage

Montréal (Québec)

H3C 4E1

 

 

Représentant de la partie intervenante

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