Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Montréal

MONTRÉAL, le 11 juillet 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS :

172570-72-0111

172572-72-0111

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Doris Lévesque

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jean-Marie Trudel

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Jennifer Smith

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

118421080

AUDIENCE TENUE LES :

12 avril et le

17 mai 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Montréal

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CATHERINE MCRAE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INDUSTRIES C.P.S. INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - MONTRÉAL-3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

Dossier 172570-72-0111

[1]               Le 6 novembre 2001, madame Catherine McRae (la travailleuse) dépose une requête auprès de la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative le 30 octobre 2001.  Dans cette décision, la CSST maintient une décision initiale du 24 avril 2001 et considère que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 19 mars 2001.

Dossier numéro 172572-72-0111

[2]               Le 6 novembre 2001, la travailleuse dépose une requête contestant une décision rendue par la CSST, à la suite d’une révision administrative, le 30 octobre 2001.

[3]               Dans cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision de la travailleuse du 30 mai 2001, puisque déposée hors délai sans motifs raisonnables.  La travailleuse demandait la  révision  d’une  décision  rendue  par  la  CSST  le 2 avril 2001 ayant modifié une décision du 8 janvier 2001 concernant son plan individualisé de réadaptation.  La CSST la considère capable d’exercer son emploi convenable de préposée à l’identification des pièces machinées au revenu brut annuel estimé à 20 355,46 $, à compter du 12 mars 2001.

[4]               Une audience a lieu à Montréal les 12 avril et 17 mai 2002.  La travailleuse est présente et représentée par Me Annie Gagnon.  L’entreprise Industries C.P.S. inc. (l’employeur) est représentée par monsieur Bruno Lapointe.  La CSST est représentée par Me Claude Turpin.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

Dossier 172570-72-0111

[5]               La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que sa demande de révision du 30 mai 2001 a été déposée dans le délai puisque la preuve démontre qu’elle a toujours manifesté son intention de contester.

[6]               Subsidiairement, si sa demande de révision était considérée hors délai, la travailleuse demande de la relever de son défaut d’avoir contesté tardivement en raison de la présence de motifs raisonnables.

[7]               Au fond du dossier, la travailleuse souhaite voir déclarer que la CSST ne pouvait pas modifier son plan individualisé de réadaptation initial au motif qu’il n’y avait aucune circonstance nouvelle au sens de l’article 146 alinéa 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) permettant une telle modification.

[8]               Subsidiairement, en cas de non-reconnaissance de circonstance nouvelle, la travailleuse recherche comme conclusion de déclarer que le nouvel emploi déterminé de préposée à l’identification des pièces machinées n’est pas convenable, au sens de l’article 2 de la loi, puisqu’il est incompatible avec les limitations fonctionnelles reconnues par le médecin qui a charge.

Dossier 172570-72-0111

[9]               La travailleuse demande de déclarer qu’elle a été victime d’une lésion professionnelle le 19 mars 2001 à titre de récidive, rechute ou aggravation en relation avec son événement initial du 20 mars 2000.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

Dossier 172572-72-0111

[10]           Il est manifeste qu’en déposant sa demande de révision le 30 mai 2001, la travailleuse était hors du délai de 30 jours de la notification de la décision de la CSST du 2 avril 2001.

[11]           Comme la travailleuse n’a pas respecté le délai de 30 jours prévu à l’article 358 de la loi, elle pouvait être relevée des conséquences de son défaut d’avoir respecté ce délai si elle démontrait la présence d’un motif raisonnable, tel qu’il a été prévu à l’article 358.2 de la loi.

[12]           Lors de l’audience, la travailleuse témoigne avoir bel et bien reçu la décision de la CSST du 2 avril 2001.  Toutefois, comme elle avait déposé le 4 avril 2001 une réclamation alléguant avoir été victime d’une lésion professionnelle le 19 mars 2001, elle croyait avoir bel et bien indiqué à la CSST avoir contesté son emploi convenable.  En effet, elle avait indiqué dans sa réclamation, en y incluant des documents, que lors de sa semaine de retour au travail entre le 12 et 19 mars comme préposée à l’identification de pièces machinées, que cet emploi n’était pas convenable puisque c’est en l’effectuant qu’elle s’était à nouveau blessée.  La travailleuse précise qu’elle était seule pour compléter sa réclamation sur un formulaire de « Réclamation du travailleur » et, comme elle n’est pas juriste, elle a alors fait du mieux qu’elle pouvait.  Toutefois, elle est affirmative quant au fait qu’elle croyait avoir contesté son plan individualisé de réadaptation. 

[13]           La travailleuse témoigne aussi avoir reçu une deuxième décision de la CSST, le 24 avril 2001, ayant considéré qu’elle n’avait pas subi de lésion professionnelle le 19 mars 2001.  Elle avait contesté cette décision le 1er mai 2001, à la suggestion d’un ami puisqu’elle n’était pas d’accord avec le refus de sa réclamation.  Encore une fois, elle avait exprimé dans cette contestation le fait que son travail de préposée à l’identification des pièces exigeait des mouvements répétitifs, ce qui allait à l’encontre des limitations fonctionnelles émises par son médecin.  Elle y avait aussi précisé que son poste de travail avait été mal évalué.  Dans ces circonstances, la travailleuse considérait qu’elle avait exprimé clairement qu’il ne s’agissait pas d’un emploi convenable.

[14]           C’est à la suite d’une consultation avec un organisme, nommé la F.A.T.A., que celui-ci lui a demandé, pour la première fois, si elle avait contesté la décision du 2 avril 2001 en lui signifiant qu’elle aurait dû contester dès sa réception.  C’est dans ce contexte qu’elle a envoyé une contestation le 30 mai 2001.  Toutefois, elle précise n’avoir jamais rencontré quelqu’un de la F.A.T.A. puisque le tout s’est effectué à la suite d’une communication téléphonique au début mai.  Bien qu’elle ait contesté à la suggestion de la F.A.T.A., le 30 mai, elle était toujours sous l’impression avoir déjà contesté cette décision du 2 avril 2001. 

[15]           Contre interrogée, la travailleuse précise avoir eu une conversation avec sa conseillère en réadaptation à la CSST, le vendredi 16 mars 2001.  Elle avait alors exprimé son désaccord avec l’emploi retenu puisqu’elle avait alors très mal au bras après avoir effectué une semaine de travail à cet emploi.  La travailleuse précise avoir aussi manifesté son désaccord avec cet emploi retenu comme convenable par la CSST lors de la visite du poste de travail le 8 mars 2001, mais elle n’avait pas le choix de retourner à ce poste de travail, comme le lui avait d’ailleurs recommandé sa conseillère en réadaptation.

[16]           En outre, la travailleuse témoigne avoir écrit une lettre relative à cet emploi convenable dès le 3 avril 2001, dans laquelle elle dénonçait ses conditions de travail comme n’étant pas convenables.  Ainsi, il était clair pour elle qu’elle contestait l’emploi convenable retenu par la CSST puisque c’est en exerçant cet emploi convenable, pendant environ une semaine, que son état s’était aggravé.  Au moment de la rédaction de cette lettre du 3 avril 2001, la travailleuse n’avait pas encore reçu la décision de la CSST du 2 avril 2001 (relativement à l’emploi convenable de préposée à l’identification de pièces machinées).  La travailleuse témoigne qu’il était évident pour elle que lorsqu’elle avait reçu cette dernière décision datée du 2 avril 2001, elle avait déjà contesté ses conditions de travail comme n’étant pas convenables.

[17]           De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, la travailleuse a démontré la présence d’un motif raisonnable permettant de la relever des conséquences de son défaut de ne pas avoir respecté le délai de 30 jours de la notification de la décision de la CSST du 2 avril 2001 pour déposer sa demande de révision. 

[18]           D’une part, la preuve démontre que la décision du 2 avril 2001 a bel et bien été reçue par la travailleuse.  D’autre part, dès le lendemain, soit le 3 avril 2001, avant que la travailleuse ait reçu la décision en litige du 2 avril 2001 concernant son emploi convenable, elle avait écrit une lettre sans laquelle elle dénonçait ses conditions de travail en relation avec cet emploi convenable.  De plus, le 4 avril 2001, elle complétait une réclamation pour lésion professionnelle dans laquelle elle se déclarait incapable d’exercer son emploi convenable.  Elle y expliquait la raison de son arrêt de travail du 19 mars 2001 comme découlant d’une incapacité à faire ce travail retenu comme convenable puisqu’il exigeait des mouvements répétitifs.  Puis, le 24 avril 2001, la CSST a refusé sa réclamation pour l’événement du 19 mars 2001, ce qu’a contesté la travailleuse, dans le délai, dès le 1er mai 2001.  Encore une fois, dans cette contestation, la travailleuse reprend les mêmes motifs à savoir qu’elle considérait que son emploi n’était pas convenable et était, au contraire, responsable de l’aggravation de son état.  De ces documents, le tribunal retient que la travailleuse a toujours manifesté clairement son intention de contester l’emploi convenable. 

[19]           En outre, le tribunal retient, dans ce cas d’espèce, la présence de dates concomitantes aux décisions rendues par la CSST qui pouvaient, certes dans les circonstances, amener la travailleuse à croire, de bonne foi, avoir contesté dans les formes prescrites son emploi convenable.  Suffit-il de mentionner la date à laquelle l’emploi a été retenu comme convenable à la suite d’une visite du poste de travail (le 8 mars 2001); la date de retour au travail à cet emploi convenable (du 12 mars au 16 mars 2001); la date où le médecin met la travailleuse en arrêt de travail (le 16 mars 2001); la date de la déclaration par la travailleuse (le 4 avril 2001) d’une rechute, récidive ou aggravation du 19 mars 2001 (pièce T-2) qui sont des dates concomitantes aux décisions en litige (les 2 avril et 24 avril 2001).

[20]           Dans un tel contexte, le tribunal retient qu’il est probable qu’une certaine croyance ait existé chez la travailleuse voulant qu’elle ait déjà contesté son emploi convenable (qu’elle a exercé du 12 au 16 mars 2001) résultant également du fait qu’elle avait produit le 4 avril 2001 une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation (le 19 mars 2001), donc visant essentiellement la même période en litige.  De l’avis du tribunal, toutes ces circonstances sont suffisantes pour expliquer une certaine croyance et une confusion chez la travailleuse qu’elle croyait, de bonne foi, avoir contesté son emploi convenable en bonne et due forme. 

[21]           Compte tenu de ces circonstances particulières et également du fait que le hors délai, dans le présent cas d’espèce, n’est pas excessif (58 jours) et s’explique par le témoignage de la travailleuse, corroboré par la preuve documentaire au dossier, la Commission des lésions professionnelles déclare recevable la demande de révision déposée hors délai par la travailleuse, le 30 mai 2001, vu la présence d’un motif raisonnable.  Par conséquent, il y a lieu d’examiner le bien-fondé de la décision rendue par la CSST le 2 avril 2001.

LES FAITS

[22]           La preuve révèle que la travailleuse, âgée de 26 ans, travaille comme opératrice de machine pour l’employeur depuis le 13 octobre 1999.

[23]           Le 20 mars 2000, la travailleuse déclare une lésion professionnelle à la suite de l’intensification d’une douleur persistante aux niveaux de l’épicondyle interne du coude gauche, au poignet gauche, à l’épaule et à l’omoplate gauches.  La travailleuse relie ses douleurs aux mouvements répétitifs et forçants exécutés dans le cadre de son travail.  La travailleuse prend des anti-inflammatoires, reçoit plusieurs infiltrations de cortisone et suit des traitements en physiothérapie et en ergothérapie pendant quatre mois.  Devant l’échec des traitements conservateurs, le docteur Joseph Kornacki, chirurgien orthopédiste, consolide l’épitrochléite au coude gauche pour le 17 juillet 2000.

[24]           Ce médecin produit un rapport d’évaluation médicale le 9 août 2000.  Il retient un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une atteinte des tissus mous avec séquelles fonctionnelles  au coude gauche.  Il émet les limitations fonctionnelles suivantes :

Elle doit éviter de (d’) :

 

-          soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 20 kg;

-          faire des gestes de visser et dévisser; et

-          effectuer des mouvements répétitifs avec le coude gauche, surtout en flexion et extension.

 

LE TOUT DE FAÇON RÉPÉTITIVE OU FRÉQUENTE »

 

(Dossier C.L.P. page 69)

 

 

 

[25]           Le 8 janvier 2001, la CSST informe la travailleuse qu’elle a droit à la réadaptation.  La même journée, la CSST décide que la travailleuse ne peut retourner chez son employeur; qu’elle a évalué avec elle un autre emploi ailleurs sur le marché du travail et retenu comme emploi convenable celui d’assistante dentaire.  Afin de la rendre capable d’exercer cet emploi, la CSST retient comme mesure de réadaptation une formation devant débuter en janvier 2001 pour se terminer en mars 2002.  La travailleuse débute effectivement sa formation le 9 janvier 2001. 

[26]           En janvier 2001, l’employeur, à la suite d’une reprise économique, procède à de nombreux rappels de sa main-d’œuvre comme l’a souligné monsieur Robert Wiedeman, ingénieur et témoin pour l’employeur lors de l’audience.  Celui-ci mentionne qu’à la suite de l’accident du travail subi par la travailleuse la CSST est venue sur les lieux de travail en octobre 2000 pour évaluer son poste de travail prélésionnel.  La CSST a demandé à l’employeur s’il avait d’autres postes de travail disponibles.  L’employeur a répondu ne pas en avoir de disponible puisqu’il avait mis à pied environ 15 % de sa main-d’œuvre.  C’est en janvier 2001, à la suggestion de son représentant, monsieur Bruno Lapointe, que l’employeur a rappelé les gens en maladie et a fait des offres de réintégration. L’employeur a proposé à la CSST deux postes de travail pouvant être considérés comme convenables.

[27]           Le 8 mars 2001 a lieu une visite des postes proposés par l’employeur.  Sont présents monsieur Wiedeman, directeur; monsieur Bruno Lapointe, représentant de l’employeur; un dénommé Brault, représentant syndical; la travailleuse; l’ergonome, madame Jocelyne Dubé, ainsi que la conseillère en réadaptation de la CSST.  À ce sujet, cette dernière écrit dans ses notes d’intervention :

« L’E voyant ses cotisations augmentées a décidé de tenter de réintégrer la T dans son entreprise.  Il propose 2 postes : préposé à l’identification des pièces et un poste à la préparation des commandes pour les clients. »

 

(Dossier CLP page 22)

 

 

 

[28]           L’ergonome, madame Jocelyne Dubé, procède à une évaluation ergonomique des deux postes de travail afin de déterminer si les exigences respectent les limitations fonctionnelles de la travailleuse.  L’ergonome produit son rapport le 19 mars 2001.  Elle note que la travailleuse lui a fait part qu’à son avis les limitations fonctionnelles émises par son médecin ne reflétaient pas la réalité.  Puis, madame Dubé procède à l’évaluation du poste de préposée à l’identification dont elle donne la description et les exigences suivantes :

3.1-      Description du travail

 

Le travail de préposé à l’identification consiste à identifier individuellement les pièces manufacturées au moyen de divers procédés.  De façon générale, les pièces sont acheminées au poste de travail par le responsable du contrôle de la qualité dans des bacs de plastique ou dans des boîtes.  Le travailleur doit par la suite saisir les pièces une à une et procéder à l’identification au moyen d’un des trois procédés suivants :

 

-          burinage;

-          gravure par décharge électrique;

-          identification à l’encre.

 

3.2-      Exigences du travail

 

Le travail d’identification est effectué principalement en position assise sur un tabouret, en face d’une table.  Les exigences du travail au niveau des membres supérieurs varient en fonction du type de pièces qui doivent être identifiées ainsi que du procédé utilisé pour l’identification.  De façon générale, on observe que l’identification au moyen du burin vibrateur nécessite principalement de tenir l’outil comme un crayon avec la main dominante alors que la main non-diminante [dominante] doit servir à manipuler la pièce ou l’étau sur lequel la pièce aura été préalablement installée.  Par conséquent, on peut noter des mouvements plus ou moins fréquents de flexion/extension et de déviation au niveau du poignet de la main non-dominante, selon le mode opératoire utilisé, de même que de légers mouvements du coude en flexion/extension.

 

Le procédé de gravure par décharge électrique implique davantage de manipulation fine afin de positionner le stencil sur la pièce ainsi que le feutre sur l’outil graveur. [sic]

 

 

 

[29]           L’ergonome en arrive à la conclusion que ce poste de préposée à l’identification respecte les limitations fonctionnelles émises par le médecin de la travailleuse.  Il lui appert essentiel que la travailleuse ait l’opportunité d’obtenir les outils dont elle pourra avoir besoin pour bien positionner ses pièces lors de l’identification et qu’elle puisse bénéficier d’un tabouret à hauteur ajustable.

[30]           La conseillère après avoir noté que cet emploi n’existait pas au moment où ils ont effectué  la première visite de poste puisque l’employeur a dû créer ce poste à temps plein pour répondre au besoin de l’entreprise qui prenait alors de l’expansion, la conseillère écrit qu’il est convenu, en accord avec la travailleuse, l’employeur et le représentant syndical, de retenir comme emploi convenable celui de préposée à l’identification des pièces et d’une date de capacité au 12 mars 2001.

[31]           Le 12 mars 2001, la travailleuse témoigne être effectivement retournée à ce travail.

[32]           Lors de l’audience, a été visionnée une bande vidéo démontrant les différentes tâches de travail et les mouvements effectués au poste de marquage des pièces.  C’est une autre travailleuse qui exécute le travail (pièce E-1).

[33]           Lors de l’audience, témoigne pour la CSST, madame Dubé, ergonome.  Elle mentionne que c’est la première fois qu’elle visionne la bande vidéo et que le travail effectué correspond à ce qu’elle avait constaté dans son rapport du 19 mars 2001.  Elle précise avoir visité le poste de travail pour y constater la présence de trois types d’identification des pièces :  la gravure par des charges électriques; le burinage et l’identification à l’encre.  Elle aurait passé un long moment au poste de travail à discuter avec la travailleuse qui occupait ce poste de travail et qui était gauchère.  Elle souligne cependant que la travailleuse est droitière et que sa main dominante est donc la droite.  Or, elle souligne que la lésion subie est au membre supérieur gauche.

[34]           Puis, madame Dubé passe en revue les différents mouvements effectués lors des trois tâches de travail requises à ce poste de travail.  En résumé, les mouvements effectués sont les mêmes et consistent à saisir des pièces une à une avec le membre non dominant, les maintenir à l’aide de la main dominante, soit sur un étau, un socle, un support ou un lutrin selon la forme et le type de la pièce afin d’éviter les tremblements et l’imprécision et ainsi stabiliser la pièce pour effecteur des mouvements d’écrire pour buriner, imprimer la pièce par des charges électriques ou appliquer un tampon sur la pièce.  Ces mouvements d’écriture s’effectuent avec le membre dominant.  Elle mentionne qu’avec la disposition adéquate des pièces, il est possible pour la travailleuse de n’effectuer aucun mouvement de flexion et d’extension.  Elle souligne que la disposition des instruments de travail relève de la travailleuse.  En fait, ce sont les poignets qui effectuent les  petits ajustements.  Elle ne  relève aucun mouvement de grande amplitude puisqu’il s’agit de mouvements généralement très fins des doigts et des poignets.

[35]           L’ergonome, madame Dubé, évalue le cycle de production entre 2 à 3 minutes, c’est-à-dire du moment où la travailleuse saisit la pièce et fait l’opération d’écriture puis la redépose.  Ce cycle est plus court pour le tamponnage oscillant de 3 à 5 secondes.

[36]           À son avis, la littérature fait référence à une série d’éléments mentionnés pour lesquels il est permis de conclure à la répétitivité de mouvements.  Ces éléments sont la fréquence du mouvement avec cadence; les poids à manipuler; la résistance à être déployée; la posture dans laquelle le mouvement est effectué, s’il est optimal ou non pour les structures anatomiques; la présence d’impact ou de contrecoup; les facteurs environnementaux, tels le froid, la pression locale sur l’articulation amenant une compression sur la structure; la ligne de production versus la cadence imposée ou non; l’organisation du travail et les méthodes de travail auront un impact sur les structures sollicitées; la présence de micropauses et, enfin, le fait que la travailleuse puisse disposer de l’équipement comme elle le désire.  Elle conclut, après avoir tenu compte de ces facteurs, que l’emploi de préposée à l’identification des pièces machinées est convenable puisqu’il respecte les limitations fonctionnelles émises par le médecin de la travailleuse.

[37]           À  l’audience,  la  travailleuse  témoigne  s’être  effectivement  rendue  chez  l’employeur le 8 mars 2001 dans le but d’évaluer les deux nouveaux postes de travail offerts par l’employeur.  À ce moment-là, elle était étudiante à temps plein comme assistante dentaire depuis le 9 janvier 2001.  Quant au poste de travail examiné et retenu par la CSST de marquage des pièces, elle précise avoir déjà effectué ce travail dans le passé, pour une période d’un mois, en remplacement d’une collègue de travail en congé de maternité.  Elle considère que ce poste de travail exigeait des mouvements répétitifs allant à l’encontre de ses limitations fonctionnelles, ce qu’elle aurait d’ailleurs laissé savoir à sa conseillère en réadaptation. 

[38]           La travailleuse témoigne que le 12 mars 2001, elle a commencé à occuper le poste de travail de marquage des pièces.  Dès la première journée, ses douleurs ont débuté et elle l’aurait déclaré à monsieur Gilles Carré, son superviseur.  Elle disposait d’un banc non ajustable et d’une place de travail restreinte.  Puis, elle décrit les mouvements effectués aux trois postes de travail.  Au premier poste de burinage et au stylo-graveur, elle doit d’abord brancher le burin à la machine de décharge électrique, prendre une pièce dans un plateau situé à sa gauche, y déposer le burin et attendre 10 secondes pour que la décharge électrique se fasse.  Ensuite, elle dépose la pièce dans le plateau à sa gauche.  La grosseur et les formes (carré; cylindrique, plane, etc.) varient, ce qui amène également une variation dans les mouvements dépendamment des pièces.  Lorsqu’elle utilise le stylo-graveur de la main droite, les mouvements pour stylograver la pièce s’effectuent avec beaucoup de précision puisqu’elle doit graver sur la pièce tenue avec la main gauche à l’aide d’un stylo-graveur qu’elle tient de la main droite, le numéro de série en tournant la pièce (pouvant comprendre de 5 à 6 chiffres par pièce).

[39]           La travailleuse témoigne qu’au poste de marquage à l’encre, elle doit positionner une étampe, sur laquelle elle a mis de l’encre pour étamper le numéro de série sur la pièce.  Les mouvements effectués varient en fonction de la forme et du poids de la pièce.  Ainsi, en présence d’une pièce cylindrique, elle doit alors effectuer des mouvements rotatifs.

[40]           À compter du 12 mars 2001, la travailleuse précise avoir effectué les trois tâches de travail, mais la majorité de son horaire de travail était effectuée au marquage des pièces à l’encre.  Le 12 mars 2001, la travailleuse mentionne que ses douleurs ont augmenté vers 10 h, alors que son horaire de travail avait débuté vers 7 h, à force d’effectuer les mouvements nécessaires à l’exécution de ses tâches de travail.  Elle pouvait travailler à son rythme et prendre des pauses lorsqu’elle avait des douleurs.  Toutefois, même en prenant des pauses, lorsqu’elle revenait à son travail, les douleurs étaient toujours présentes. 

[41]           La travailleuse explique que son poste de travail n’est pas ergonomique puisque la table n’est pas à la bonne hauteur, a une profondeur de 2 pieds et demi à 3 pieds, et à cause du banc non ajustable, elle devait s’appuyer davantage sur la table afin d’adapter ce poste de travail non ergonomique requérant de pencher la tête et le corps vers l’avant afin d’exécuter son travail.  Elle mentionne également que bien qu’elle disposait d’un étau, celui-ci n’était pas vissé sur la table, et pouvait donc être déplacé vers la droite ou vers la gauche.  Au cours de la semaine du 12 mars 2001, la travailleuse mentionne avoir occupé les trois postes de travail.  Elle n’a manipulé aucune pièce de 45 livres et plus.  Les pièces arrivaient sur un plateau de plastique.  Ce plateau se déplaçait facilement et était déposé environ 2 à 3 pouces vers sa gauche.  Comme elle est droitière, elle marquait toujours de la main droite.  Il s’agit d’un travail minutieux et de précision sur de petites pièces.  Le temps requis pour le marquage électrique de chaque pièce est d’environ 10 secondes, celui du marquage à l’encre moins de 10 secondes et du burinage entre 15 à 20 secondes par pièce.

[42]           Au cours de la semaine, la travailleuse avait avisé monsieur Gilles Carré qu’elle avait trop de douleurs.  Ses douleurs se situaient aux bras, à la nuque, aux poignets, au coude gauches et s’accompagnaient de migraines.  C’est ce qui l’a amenée à consulter le docteur St-Pierre, le 16 mars 2001, qui lui a suggéré un arrêt de travail pour un diagnostic « d’épitrochléite gauche  (récidive) ».  Ce médecin suggère de ne pas utiliser le membre supérieur gauche pour 2 semaines. 

[43]           Le 19 mars 2001, la travailleuse mentionne avoir remis son rapport médical à monsieur Carré.  Puis, elle a fait du stylo-graveur jusque vers 11 h, au moment où monsieur Carré est venu l’aviser qu’elle aurait rendez-vous chez le docteur Jacques Nolin dans le but d’être expertisée.  Par la suite, elle n’a plus travaillé pour cet employeur.

[44]           À compter de son arrêt de travail en mars 2001, la travailleuse mentionne qu’environ trois semaines  plus tard, ses douleurs ont diminué.  Toutefois, elle n’a suivi aucun traitement puisqu’elle n’en avait pas les moyens financiers.

[45]           Le 23 mars 2001, à la demande de l’employeur, la travailleuse est examinée par le docteur Jacques Nolin, orthopédiste.  À la suite de son examen clinique, il considère que la symptomatologie douloureuse décrite par la travailleuse est difficilement identifiable à un syndrome unique.  Il note une discordance entre les symptômes allégués et l’examen objectif et les limitations de mouvements actifs.  La symptomatologie incommodante alléguée par la travailleuse est subjective et non appuyée par des signes objectifs.  Il retient le diagnostic de cervicalgie, de myalgie du trapèze et des algies inexpliquées au membre supérieur gauche.  Il recommande une date de consolidation de la lésion à la date de la déclaration au 19 mars 2001.

[46]           Le  2  avril  2001, la  CSST  rend  une  décision  dans  laquelle  elle  modifie  la  décision du 8 janvier 2001 relative au plan individualisé de réadaptation.  Elle détermine que le poste de préposée à l’identification des pièces machinées chez l’employeur constitue son emploi convenable au revenu annuel de 20 350,46 $ que la travailleuse est capable d’exercer à compter du 12 mars 2001.  Le 30 octobre 2001, la CSST à la suite d’une révision administrative déclare irrecevable la demande de révision, produite par la travailleuse le 30 mai 2001 puisque hors délai.  Cette dernière décision a déjà fait l’objet d'une décision par la soussignée quant au hors délai.  Demeure maintenant le bien fondé quant au mérite de cette décision de la CSST (C.L.P. 172572-72-0111).

[47]           Le 24 avril 2001, la CSST considère que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 19 mars 2001.  Le 30 octobre 2001, à la suite d’une révision administrative, la CSST maintient cette décision.  Contestée par la travailleuse, elle fait l’objet du litige (C.L.P. 172570-72-0111).

[48]           Le 27 avril 2001, le docteur Kornacki diagnostique un syndrome de douleur chronique au membre supérieur gauche.   Il recommande des traitements en physiothérapie.

[49]           Le 30 avril 2001, le docteur J. G. Gauron, note à son rapport médical une « épitrochléite gauche avec cervico brachialgie (rechute) ».  Il recommande aussi de la physiothérapie.

[50]           Le dossier est dirigé auprès d’un membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur David Wiltshire, orthopédiste, qui rend son avis motivé le 24 mai 2001 quant au diagnostic et à la date de consolidation en relation avec la rechute alléguée du 19 mars 2001.  À la suite de son examen clinique, il conclut qu’il ne trouve aucun signe objectivable de pathologie significative persistante au niveau des membres supérieurs.  Il lui semble que la rechute déclarée le 19 mars 2001 consiste en une augmentation des inconforts subjectifs, mais qu’il n’y a aucune trouvaille objectivable pouvant justifier la déclaration d’une telle rechute.  Comme son évaluation est superposable à celle du docteur Nolin du 23 mars 2001, il retient la date de consolidation de la lésion au 23 mars 2001.  Son diagnostic est celui de syndrome de douleurs chroniques au membre supérieur gauche (pièce T-1). 

[51]           À l’audience, les parties ont informé le tribunal que la décision de la CSST du 12 juin 2001, entérinant les conclusions émises par le membre du Bureau d’évaluation médicale, n’avait pas été contestée.

[52]           Monsieur Robert Wiedeman témoigne avoir vu la travailleuse à son poste de travail à quelques reprises à la suite de son retour au travail le 12 mars 2001.  La travailleuse n’aurait rien signalé quant aux difficultés à exécuter son travail. 

[53]           Pour sa part, monsieur Gilles Carré, directeur à la qualité chez l’employeur et supérieur immédiat pour la travailleuse entre la période du 12 au 19 mars 2001, témoigne que lors de son retour au travail en mars 2001, il a rencontré la travailleuse et lui a fait part qu’elle devait respecter ses limitations fonctionnelles et demander de l’aide au besoin.  À la fin de chaque journée de travail, il allait prendre de ses nouvelles.  Le vendredi, comme la travailleuse lui avait mentionné avoir des douleurs notamment aux bras, il lui aurait suggéré de consulter un médecin.  La travailleuse est retournée au travail le lundi et vers 11 h, elle a quitté pour aller à la clinique médicale.  Toutefois, il souligne qu’au cours de sa semaine de travail, la travailleuse n’a fait aucun commentaire concernant son travail. 

 

 

L'AVIS DES MEMBRES

[54]           Le membre issu des associations d’employeurs considère que la travailleuse n’ayant pas démontré la présence de motifs raisonnables justifiant la tardiveté dans le dépôt de sa demande de révision du 30 mai 200, à l’encontre de la décision rendue par la CSST le 2 avril 2001, qu’il y a lieu de déclarer irrecevable cette demande de révision. 

[55]           Quant au fond du dossier, il considère que la CSST était justifiée de modifier son plan individualisé de réadaptation et de retenir l’emploi de préposée à l’identification de pièces machinées comme emploi convenable.  Il estime que constitue une circonstance nouvelle, permettant une telle modification, la présence d’une conjoncture économique favorable chez un employeur, comme c’est le cas en l’instance.  D’autre part, il conclut que la travailleuse n’a pas démontré avoir été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 19 mars 2001 et qu’il y a lieu de maintenir la décision rendue par la CSST le 24 avril 2001.

[56]           La membre issue des associations syndicales considère que la travailleuse a contesté dans le délai la décision de la CSST du 2 avril 2001, puisqu’elle avait démontré son intention de contester dans une lettre datée du 3 avril 2001. 

[57]           Quant au fond du dossier, elle estime que la CSST ne pouvait modifier le plan individualisé de réadaptation puisque, d’une part, il y avait absence de circonstances nouvelles permettant une telle modification, et d’autre part, que cette modification s’est faite sans la collaboration de la travailleuse qui était obligée de retourner travailler.  Par ailleurs, elle conclut que la travailleuse a démontré avoir subi une lésion professionnelle le 19 mars 2001.  La preuve démontre que la travailleuse a connu une augmentation de ses douleurs en exécutant ses tâches de travail puisque ses limitations fonctionnelles n’étaient pas respectées, ce qui constitue la raison de sa récidive, rechute ou aggravation.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

1)         Modification du plan individualisé de réadaptation

[58]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST était justifiée de modifier le plan individualisé de réadaptation initial et de modifier la décision rendue le 8 janvier 2001, pour retenir dorénavant l’emploi convenable de préposée à l’identification des pièces machinées chez l’employeur, que la travailleuse était  capable d’exercer à compter du 12 mars 2001.

[59]           C’est l’article 146 de la loi qui prévoit une modification au plan individualisé de réadaptation, dans les termes suivants :

146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

.{Modifications.}.

  Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

________

1985, c. 6, a. 146.

 

 

 

[60]           Ainsi, cet article prévoit qu’un plan peut être modifié en respectant les deux critères, soit obtenir la collaboration de la travailleuse et tenir compte de circonstances nouvelles. 

[61]           Quant à la collaboration de la travailleuse, le tribunal retient de la preuve que lors de la visite des postes de travail, celle-ci était accompagnée d’un représentant syndical et qu’il avait été convenu de retenir l’emploi de préposée à l’identification des pièces machinées à titre d’emploi convenable.  De plus, dans les faits, la travailleuse est retournée à ce travail.  Certes, la travailleuse a témoigné, d’une part, qu’elle aurait manifesté ses réticences de retourner à ce travail lors de la visite de ce poste de travail et, d'autre part, qu’elle se sentait obligée de retourner à ce travail.  Toutefois, malgré cela, on peut tout de même conclure que ce plan a été modifié avec la collaboration de la travailleuse.

[62]           Quant à la présence d’une circonstance nouvelle alléguée dans le présent dossier, elle consiste au fait que l’employeur allègue qu’il aurait créé un poste spécifiquement pour la travailleuse, soit celui de préposée à l’identification des pièces machinées, résultant d’une reprise économique.  Ce poste a d'ailleurs été reconnu par l’ergonome et la CSST comme convenable puisqu’ils respectaient les limitations fonctionnelles émises par le médecin de la travailleuse.

[63]           Quant à l’interprétation à donner à « une circonstance nouvelle » au sens de l’alinéa 2 de l’article 146, les parties en ont offert une diamétralement opposée.

[64]           La travailleuse soutient que les circonstances nouvelles doivent se référer au premier plan individualisé de réadaptation déjà retenu d’assistante dentaire.   Or, la circonstance nouvelle alléguée par l’employeur et par la CSST pour justifier une telle modification consiste en une conjoncture économique favorable à l'employeur, mais externe au plan individualisé de réadaptation déjà élaboré par la CSST.  L’unique raison de cette modification résulte d’un téléphone du représentant de l’employeur qui, voulant éviter une augmentation des cotisations de la CSST, a offert de réintégrer la travailleuse.  Or, l’article 146 fait référence au besoin de la travailleuse et non à ceux de l’employeur.  Elle estime qu’une reprise économique et le fait de vouloir baisser les cotisations de l’employeur à la CSST ne constituent pas des circonstances nouvelles au sens de l’article 146 justifiant une modification du plan individualisé de réadaptation initial.  Elle soumet à l’appui de ses prétentions de la jurisprudence [2] voulant qu’une conjoncture économique ne constitue pas une circonstance nouvelle permettant la modification envisagée à l’article 146. 

[65]           Par conséquent, la travailleuse considère que le plan individualité de réadaptation élaboré en janvier 2001 à la suite d’une décision de la CSST n’ayant pas été contestée, il y a donc chose jugée.

[66]           Pour sa part, l’employeur soumet une décision, l’affaire Paquin[3], dans laquelle il a été reconnu que constitue une circonstance nouvelle, le fait pour un employeur de créer un poste expressément pour la travailleuse.  Dans un tel cas, il estime que la CSST était justifiée de modifier le plan individualité de réadaptation. 

[67]           La CSST fait valoir que la décision du 8 janvier 2001 visait l’élaboration d’un plan de formation pour un emploi convenable d’assistante dentaire.  Éventuellement, à la fin de sa formation, devait avoir lieu une nouvelle décision quant à la capacité de la travailleuse d’occuper cet emploi convenable.  C’est uniquement à cette date que prenait fin le plan individualisé de réadaptation de la travailleuse et que son année de recherche d’emploi serait mise en branle.  Toutefois, dans l’intervalle, l’employeur s’est manifesté.  Il était prêt à offrir à la travailleuse un emploi évalué comme convenable.  Lorsque les circonstances font en sorte qu’un employeur présente une possibilité nouvelle au sein de son entreprise, telle une reprise économique, elle conclut que cela permet, dès lors, à la CSST de revoir un plan individualisé de réadaptation initial. 

[68]           Quant à la jurisprudence déposée par la travailleuse, la procureure de la CSST attire l’attention sur le fait qu’il s’agissait d’une demande de modification du plan individualisé de réadaptation après que la décision sur la capacité à occuper le poste de travail avait déjà été rendue.  Elle réfère à l’affaire Paquin, dans laquelle il s’agissait d’une modification du plan individualisé de réadaptation alors qu’il n’y avait pas encore eu de décision sur la capacité à exercer l’emploi convenable et que, dans les circonstances, le plan individualisé de réadaptation était toujours considéré comme ouvert.  Elle conclut que l’article 146 permet des réaménagements dans le cadre du processus de réadaptation afin que la CSST puisse revoir son plan de travail au fur et à mesure des événements.

[69]           À la suite de la lecture de l’article 146 de la loi et après avoir tenu compte des argumentations des parties, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST n’était pas justifiée de modifier son plan individualisé de réadaptation initial d’assistante dentaire déterminé le 8 janvier 2001, pour y substituer, le 2 avril 2001, celui d’emploi de préposée à l’identification des pièces machinées puisqu’il y a absence de circonstances nouvelles permettant une telle modification.

[70]           Premièrement, la Commission des lésions professionnelles considère, à l’instar d’une certaine jurisprudence[4], que la circonstance nouvelle prévue au 2e alinéa de l’article 146 de la loi doit se rapporter directement au plan individualisé de réadaptation.  Une circonstance nouvelle pourrait être, par exemple, lorsque la preuve démontre qu’un travailleur ne peut pas accomplir le travail ou encore lorsqu’un emploi convenable ne répond plus aux critères énoncés à la définition d’emploi convenable. 

[71]           Or, tel n’est pas le cas dans le dossier puisque la circonstance nouvelle invoquée consiste en un contexte économique devenu plus favorable pour l’employeur après la détermination d’un premier emploi convenable avec une mesure de réadaptation consistant en une formation.  De l’avis du tribunal, une conjoncture économique plus favorable pour un employeur ne constitue pas une circonstance nouvelle se rattachant directement au premier plan individualisé de réadaptation élaboré conformément à la loi. 

[72]           À  ce  sujet, le  tribunal  tient  à faire  un bref rappel  des faits qui permet de constater que le 8 janvier 2001, la travailleuse était informée qu’elle avait droit à la réadaptation vu la présence de limitations fonctionnelles.  Comme l’employeur n’avait aucun autre emploi disponible qui respectait les limitations fonctionnelles, ce qui a d’ailleurs été confirmé par l’employeur, la CSST a déterminé le 8 janvier 2001 un emploi convenable en vertu de l’article 170 et une mesure de réadaptation afin de la rendre capable d’exercer cet emploi d’assistante dentaire.  Ainsi, la travailleuse disposait déjà d’un plan individualisé de réadaptation avec une formation qu’elle avait effectivement débutée.  Or, l’employeur n’a pas contesté cette décision du 8 janvier 2001.  Par conséquent, cette décision du 8 janvier 2001 est devenue finale quant à l’établissement du plan individualisé de réadaptation ayant retenu comme emploi convenable l’emploi d’assistante dentaire. 

[73]           Dans un tel contexte, seule une circonstance nouvelle pouvait permettre la modification de ce plan individualisé de réadaptation d’assistante dentaire.

[74]           Ce que l’employeur et la CSST invoquent comme circonstance nouvelle consiste en une relance économique au sein de son entreprise qui lui permettait dorénavant d’offrir un emploi identifié comme convenable pour la travailleuse.  Or, il s’agit là clairement d’une circonstance économique, certes nouvelle, mais externe au plan individualisé de réadaptation déjà élaboré par la CSST le 8 janvier 2001.

[75]           Le tribunal rappelle encore une fois qu’une reprise économique chez un employeur ne constitue pas une circonstance nouvelle, au sens du 2e alinéa de l'article 146 de la loi, pour permettre de modifier un plan individualisé de réadaptation initial, surtout lorsque celui-ci a été élaboré conformément à la loi.

[76]           La Commission des lésions professionnelles constate qu’il appert plutôt du dossier que le véritable objet, ayant amené l’employeur à proposer de nouveaux postes de travail convenables à la travailleuse, résulte du fait que voyant ses cotisations augmentées, il a décidé de réintégrer la travailleuse dans son entreprise.  Ce motif est mentionné par la conseillère en réadaptation dans ses notes d’intervention lors de la visite du poste de travail le 8 mars 2001. C’est ainsi que l’employeur, en réalisant les coûts engendrés à la suite de la détermination de l’emploi convenable, et dans le but de réduire ses cotisations, a décidé d’offrir un poste qui serait disponible chez lui.  Une circonstance nouvelle ne devrait pas se rattacher au budget d’un employeur ni être reliée à une diminution de ses cotisations puisqu’il s’agit là d’un avantage économique pour l’employeur lui-même.

[77]           Or, tel que souligné à juste titre par la procureure de la travailleuse, l’article 146 fait référence aux besoins de la travailleuse et non à ceux de l’employeur.  À ce sujet, une certaine jurisprudence, à laquelle souscrit la soussignée, considère qu’une conjoncture économique dans le cas d’un travailleur ne constitue pas une circonstance nouvelle permettant de modifier son plan individualisé de réadaptation.  À plus forte raison, une telle conjoncture économique avantageuse, cette fois pour un employeur, ne constitue pas non plus une circonstance nouvelle permettant de modifier un plan individualisé de réadaptation.  Le même raisonnement et la même conclusion doivent s’appliquer aux deux parties.

[78]           Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir les arguments de la CSST, à savoir que c’est uniquement à la fin de la formation suivie par la travailleuse et au moment où est rendue la décision quant à la capacité de la travailleuse d’occuper cet emploi convenable que prend alors fin le plan individualisé de réadaptation et que, dans l’intervalle, la CSST peut revoir son plan au fur et à mesure des événements. 

 

[79]           La Commission des lésions professionnelles ne peut adopter l’interprétation que lui suggèrent la CSST et l’employeur, à savoir qu’un plan individualisé de réadaptation demeure ouvert jusqu’à ce que la décision de la capacité d’exercer l’emploi soit rendue à la fin du processus. 

[80]           À quoi sert alors l’article 146 de la loi ?  Les circonstances nouvelles ne font pas en sorte qu’un employeur qui connaît une reprise économique pourrait faire rouvrir et revoir un plan individualisé de réadaptation.  Tel n’est pas le libellé privilégié par le législateur, pas plus d’ailleurs que l’interprétation jurisprudentielle que l’on doit retenir de cette loi qui n’a certes pas pour objet de permettre à la CSST de rendre des décisions déterminant des emplois convenables qu’elle pourrait modifier tout au long d’une période de plusieurs mois, se croyant justifiée de le faire puisqu’il n’y a pas de décision rendue sur la capacité à exercer l’emploi convenable. 

[81]           De l'avis du tribunal, cela va à l’encontre du principe fondamental relatif à la stabilité juridique des décisions rendues par un organisme public, comme la CSST.  Ainsi, la CSST ne pouvait pas modifier le premier plan individualisé de réadaptation puisque ce plan correspondait au critère prévu  à l’article 146 de la loi et qu’en ce faisant, la CSST permettait effectivement à l’employeur de contester hors délai la décision du 8 janvier 2001, ce qu’il n’a pas fait initialement.

[82]           Des circonstances nouvelles ne font pas en sorte que la CSST puisse revoir son plan de travail au fur et à mesure des événements qui se présentent.  D’autant plus, qu’une conjoncture économique peut, tant pour la travailleuse que pour un employeur, varier au fil des mois selon les aléas de l’économie.

[83]           Comme la jurisprudence a reconnu qu’une conjoncture économique ne constitue pas une circonstance nouvelle, la CSST ne pouvait donc pas modifier légalement le plan individualisé de réadaptation comme elle l’a fait le 2 avril 2001, vu l’absence de circonstances nouvelles selon l’article 146 de la loi.

[84]           Par conséquent, il y a lieu d’annuler la décision de la CSST du 2 avril 2001 ayant modifié le plan individualisé de réadaptation puisque non conforme à la loi et, de rétablir la première décision rendue le 8 janvier 2001 ayant retenu l’emploi convenable d’assistante dentaire.

2)                  Lésion alléguée en date du 19 mars 2001

[85]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer si la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle le 19 mars 2001.

[86]           La lésion professionnelle est ainsi définie à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

[…]

 

«lésion professionnelle»: une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occa­sion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, rechute ou l'aggravation;

________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1.

 

 

 

[87]           Toutefois, les notions de récidive, rechute ou aggravation ne sont pas définies dans la loi.  La jurisprudence[5] de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel), reprise par celle de la Commission des lésions professionnelles, précise qu’il y a lieu de retenir le sens courant des termes, soit une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes.

[88]           La jurisprudence a également établi qu’il y a lieu de démontrer, par une preuve prépondérante de nature médicale, la relation causale entre la récidive, rechute ou aggravation et l’événement d’origine.

[89]           Pour permettre de déterminer l’existence d’une telle relation, la jurisprudence[6] a identifié plusieurs critères qui, sans être limitatifs et exhaustifs, peuvent se résumer ainsi :

1.      La gravité de la lésion initiale;

2.      La continuité de la symptomatologie;

3.      L’existence ou non d’un suivi médical;

4.      Le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles;

5.      La présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;

6.      La présence ou l’absence d’une condition personnelle;

7.      La compatibilité de la symptomatologie alléguée lors de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale; et

8.      Le délai entre la récidive, rechute ou aggravation alléguée et la lésion initiale.

 


[90]           La jurisprudence a également précisé qu’aucun de ces critères n’est, à lui seul, déterminant et qu’il n’est pas possible de les graduer selon une échelle de valeur puisque chacun a une valeur pouvant différer d’un dossier à l’autre[7].

[91]           À la suite de l’examen de la preuve et en tenant compte des principes établis par la jurisprudence, la Commission des lésions professionnelles estime que la travailleuse n’a pas démontré, par une preuve prépondérante de nature médicale, avoir subi une lésion professionnelle le 19 mars 2001.

[92]           Pour appuyer cette conclusion, la Commission des lésions professionnelles retient comme preuve prépondérante et probante les opinions des docteurs Jacques Nolin, orthopédiste, et David Wiltshire, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, puisqu’elles sont fondées sur la preuve.  Le tribunal retient tout particulièrement leurs constatations dans leurs examens cliniques effectués, par le docteur Nolin, le 23 mars 2001 et corroboré par celui effectué par le docteur Wiltshire, le 24 mai 2001.  Ces deux médecins n’ont retrouvé, de façon contemporaine, à l’arrêt de travail du 19 mars 2001,  aucun signe objectivable de pathologie significative persistante au niveau des membres supérieurs pouvant justifier une déclaration de rechute.  D’ailleurs, le docteur Wilstshire avait même consolidé la lésion à la date retenue par le docteur Nolin (pièce T-1).

[93]           En outre, l’exécution du travail effectué par la travailleuse dans la semaine de son retour au travail, entre le 12 au 16 mars 2001, ne permet pas de conclure que la travailleuse aurait effectué des mouvements susceptibles d’aggraver son état et tout particulièrement son épitrochléite.

[94]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse n’ayant pas démontré, par une preuve prépondérante, avoir connu une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence de sa lésion ou de ses symptômes le 19 mars 2001, il y a lieu de conclure qu’elle n’a pas subi de lésion professionnelle admissible à titre de rechute, récidive ou aggravation à cette date en relation avec son accident du travail initial survenu le 20 mars 2000. 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier numéro 172570-72-0111

REJETTE la requête de madame Catherine McRae du 6 novembre 2001;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite de la révision administrative du 30 octobre 2001; et

DÉCLARE que madame McRae n’a pas subi de lésion professionnelle le 19 mars 2001.

Dossier numéro 172572-72-0111

ACCUEILLE la requête de madame Catherine McRae du 6 novembre 2001;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative le 30 octobre 2001;

DÉCLARE RECEVABLE la demande de révision de madame McRae du 30 mai 2001 à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 avril 2001;

ANNULE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 avril 2001 ayant modifié le plan individualisé de réadaptation; et

RÉTABLIT la décision rendue le 8 janvier 2001 ayant retenu comme emploi convenable celui d’assistante dentaire avec une mesure de réadaptation consistant en une formation.

 

 

 

 

Me Doris Lévesque

 

Commissaire

 

 

 

 

OUELLET, NADON & ASSOCIÉS

(Me Annie Gagnon)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

LAPOINTE GROUPE CONSEIL INC.

(Monsieur Bruno Lapointe)

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

PANNETON LESSARD (MTL-3)

(Me Claude Turpin)

 

Représentante de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001

[2]          Langevin et Entrepôt Prix, C.L.P., 90511-08-9707, le 11 mai 1998, M. Denis;  Bazinet et Onyx Sanivan inc., C.L.P., 110099-03B-9202 et autres, 3 décembre 2001, M. Cusson;  Cambior inc. et Fournier, C.L.P. 119236-08-9906, 15 janvier 2002, A. Suicco

[3]          Paquin et Gérard Crête et fils inc., [1992] C.A.L.P. 179

[4]           Villeneuve et Ressources Aunore inc. 91992] C.A.L.P. 06; Chassé et Jules Fournier inc., 29829-03-9106, 8 octobre 1993, R. Jolicoeur; Foisy et Clarke Transport Canada inc., 44094-62-9208, 14 mars 1994, A. Suicco, (J6-12-02); Rocca et J.A. Hubert ltée, 35236-08-9112, 26 février 1996, B. Lemay; Brodeur et Coopers & Lybrand inc. Syndic, 106594-61-9811, 25 février 1999, C. Duddihy; Bolduc et Restaurant Trois cent trente-trois inc., 109871-72-9902, 5 juin 2001, J.-D. Kushner

[5]          Voir les affaires Lapointe et Compagnie minière Québec-Cartier [1989] CALP 38 et Morel et Le Centre Routier inc. [1989] CALP 1171 .

[6]          Boivert et Halco [1995] C.A.L.P. 19 .

[7]          Voir Pelletier et Pelletier & Associés [1997] CALP 618 .

AVIS :
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