Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

27 novembre 2006

 

Région :

Québec

 

Dossiers :

265595-31-0506

 

Dossier CSST :

127688760

 

Commissaire :

Me Geneviève Marquis

 

Membres :

Michel Paré, associations d’employeurs

 

Gilles Dubé, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

St-Basile Transport inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Jocelyn Paquet

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 24 janvier 2006, St-Basile Transport inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révocation de la décision qu’a rendue cette instance le 8 décembre 2005.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles :

ENTÉRINE l’accord intervenu entre les parties;

 

PREND ACTE du désistement de St-Basile Transport inc., l’employeur, dans le dossier 265968-31-0507;

 

ACCUEILLE en partie la requête de St-Basile Transport inc., l’employeur, dans le dossier 265595-31-0506;

 

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 5 mai 2005 à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE que monsieur Jocelyn Paquet, le travailleur, a subi le 11 février 2005 une lésion professionnelle, soit une entorse lombaire avec lombosciatalgie associée à une condition personnelle préexistante.

 

 

[3]                Les parties sont présentes et représentées lors de l’audience portant sur la requête en révocation qu’a tenue la Commission des lésions professionnelles à Québec le 23 novembre 2006.

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision qu’elle a rendue le 8 décembre 2005. Il invoque la découverte d’un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente.

[5]                Après l’entérinement de l’accord par le tribunal, l’employeur soutient avoir appris que le travailleur était porteur de limitations fonctionnelles importantes qui résultent d’un événement antérieur. Si ce fait essentiel lui avait été révélé avant la signature de l’accord, l’employeur soutient qu’il aurait plutôt demandé la tenue d’une audience.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[6]                Les membres issus des associations d’employeurs ainsi que des associations syndicales considèrent que la requête en révocation devrait être rejetée. L’existence et la description des limitations fonctionnelles antérieures du travailleur étaient largement documentées tant au dossier qui a donné lieu à l’accord entériné par le tribunal qu’au dossier antérieur se rapportant aux lésions professionnelles qu’a subies le travailleur chez le même employeur en 1997 et 2000. Il ne s’agit donc pas de la découverte d’un fait nouveau. L’employeur ne pouvait, dans les circonstances, ignorer le contenu du rapport d’évaluation médicale du 28 mars 2003. Au surplus, l’existence de limitations fonctionnelles antérieures n’était pas un fait déterminant sur l’issue du litige.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[7]                La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de révoquer la décision qu’elle a rendue le 8 décembre 2005.

[8]                Le pouvoir de la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue est prévu en ces termes à l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[9]                L’article 429.56 de la loi apporte une dérogation à la règle énoncée à l’article 429.49 de la loi qui veut qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles soit finale et sans appel. Cet article stipule ce qui suit :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]           L’employeur invoque l’application du premier paragraphe du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi.

[11]           Suivant la jurisprudence en la matière, il s’agit de la découverte postérieure d’un fait nouveau qui existait déjà mais qui n’était pas disponible au moment de la décision initiale et qui a un caractère déterminant sur le sort du litige[1].

[12]           Selon le témoignage de monsieur Frédéric Simoneau, préventionniste à l’emploi de Ciment Québec qui agit également à ce titre pour l’employeur au dossier, l’accord intervenu entre les parties et signé par lui-même et son représentant au début du mois de décembre 2005 procède d’un consentement libre et éclairé suivant l’information dont disposait l’employeur à l’époque.

[13]           Dans les jours suivant cet accord, l’employeur aurait toutefois été informé par son représentant d’un rapport d’évaluation médicale du docteur Parent du 28 mars 2003 qui établit des limitations fonctionnelles de classe I à la suite d’une récidive, rechute ou aggravation survenue en 2000 (hernie discale L5-S1 droite) d’une lésion professionnelle qu’a subie le travailleur le 4 décembre 1997.

[14]           Monsieur Simoneau affirme que ni lui, ni son supérieur immédiat (monsieur Frenette qui signe habituellement les accords), ni le médecin désigné de l’employeur, ni son représentant (monsieur Julien de Médial Conseil) n’était au fait de l’existence de ce rapport d’évaluation médicale auparavant.

[15]           À la lumière de cet élément nouveau, l’employeur et son représentant entendent obtenir désormais la reconnaissance de récidives, rechutes ou aggravations, les 19 novembre 2004 et 11 février 2005, de la lésion professionnelle du 4 décembre 1997 plutôt que le maintien de l’admissibilité de nouveaux accidents du travail suivant l’accord entériné par la Commission des lésions professionnelles le 8 décembre 2005.

[16]           À la suite du dépôt par la CSST d’un extrait du dossier antérieur du travailleur, le représentant de l’employeur reconnaît qu’il était lui-même au fait du rapport d’évaluation médicale du 28 mars 2003. Ce rapport figure en effet au dossier qui a trait aux lésions professionnelles survenues en 1997 et 2000 chez le même employeur, lequel a obtenu de la Commission des lésions professionnelles en 2004 un partage de coûts à la demande de son représentant.

[17]           Le représentant de l’employeur soutient qu’il s’agit malgré tout d’un fait nouveau pour l’employeur à qui il a omis, en toute bonne foi, de transmettre ce rapport médical en temps opportun. Il estime que l’employeur ne doit pas être pénalisé par l’erreur ou l’omission de son représentant.

[18]           La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision ou révocation ne peut conclure à la découverte postérieure d’un fait nouveau à même la preuve qui lui est présentée.

[19]           Même si le tribunal retenait la prétention finale de l’employeur à l’effet que seul son représentant avait déjà pris connaissance du rapport d’évaluation médicale du 28 mars 2003, la preuve démontre sans contredit que l’existence et surtout la teneur de ce rapport étaient connues de cette partie, en ce qui a trait plus particulièrement aux limitations fonctionnelles antérieures du travailleur.

[20]           Comme l’indique la jurisprudence[2] citée par le procureur de la CSST, un rapport d’évaluation médicale ne constitue pas en soi un fait nouveau. Il y a lieu de distinguer le contenant et le contenu d’un tel document. Il y a fait nouveau seulement si le contenu de l’information rapportée au document permet d’établir une donnée factuelle existante mais non disponible et ignorée des parties au litige au moment de l’audience ou de l’entérinement d’un accord.

[21]           Or, il appert de la preuve documentaire que les limitations fonctionnelles de classe 1 établies dans le cadre de l’évaluation du docteur Parent du 28 mars 2003 étaient déjà documentées tant au dossier où un accord a été entériné par le tribunal le 8 décembre 2005 qu’au dossier antérieur de 1997.

[22]           Les lésions professionnelles précitées étant survenues chez le même employeur, celui-ci et son médecin désigné avaient accès aux dossiers de la CSST incluant toutes les informations médicales s’y rapportant.

[23]           Le dossier actuel où un accord a été entériné par le tribunal comporte plusieurs références aux limitations fonctionnelles antérieures du travailleur. Comme le souligne la procureure du travailleur, les notes évolutives de la CSST en font état à trois reprises. On y précise qu’il s’agit de limitations fonctionnelles de classe I tout en référant au dossier de la CSST dans lequel ces dernières ont été émises. L’existence de telles limitations fonctionnelles est également mentionnée aux antécédents du travailleur que rapporte le docteur Parent dans un rapport médical du 29 mars 2005. Il en est de même au rapport d’évaluation de la situation de handicap au travail avec recommandations de l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec du 14 juillet 2005, lequel énumère de surcroît les limitations fonctionnelles en cause.

[24]           La CSST n’a certes pas eu à envisager l’octroi de mesures de réadaptation professionnelle dans le contexte où les limitations fonctionnelles émises le 28 mars 2003 n’empêchaient pas le travailleur de refaire son emploi. Cela ne signifie pas pour autant que l’employeur ignorait l’existence de telles limitations.

[25]           Le rapport d’évaluation médicale du 28 mars 2003 figure bel et bien au dossier de l’accident du travail de 1997. L’employeur a par ailleurs obtenu de la Commission des lésions professionnelles en 2004 un partage des coûts se rapportant aux lésions professionnelles qu’a subies le travailleur en 1997 et 2000, tel qu’indiqué expressément au paragraphe 4 de l’accord entériné à la décision dont il demande la révocation.

[26]           Le rapport d’évaluation médicale du 28 mars 2003 était disponible, accessible et même à la portée de l’employeur au moment où il a signé l’accord qu’a entériné la Commission des lésions professionnelles le 8 décembre 2005. Bien plus, les limitations fonctionnelles antérieurement émises étaient largement documentées dans les dossiers distincts du travailleur à la CSST, y compris celui portant sur la réclamation du mois de février 2005. Il n’y a donc pas de fait nouveau pouvant donner ouverture à la révocation demandée.

[27]           L’erreur ou omission du représentant, qui est désormais invoquée en l’instance, n’a pas eu pour effet de vicier le consentement de l’employeur à l’accord entériné par le tribunal puisque cette partie avait déjà accès à toute l’information nécessaire à une prise de décision libre et éclairée.

[28]           Le fait que l’employeur et son représentant n’aient pas envisagé au préalable la possibilité de faire reconnaître les nouvelles réclamations du travailleur de 2004 et 2005 à titre de récidives, rechutes ou aggravations de l’accident du travail de 1997 ne constitue pas non plus une erreur manifeste et déterminante assimilable à un vice de fond de nature à invalider la décision rendue le 8 décembre 2005. Il s’agit plutôt d’un mauvais choix ou d’une erreur de stratégie qui ne donne pas ouverture au recours en révision ou révocation[3].

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révocation de St-Basile Transport inc. (l’employeur).

 

 

__________________________________

 

Geneviève Marquis

 

Commissaire

 

 

 

 

 

M. Serge Julien

MÉDIAL CONSEIL SANTÉ SÉCURITÉ INC.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Michelle Labrie

LORD, LABRIE, NADEAU

Représentante de la partie intéressée

 

 

Me Alain Morissette

PANNETON, LESSARD

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           Pisacane et Entretien Paramex inc., C.L.P 86857-73-9703, 99-06-16, D. Lévesque;

[2]           Gagnon et C.H. de Charlevoix, C.L.P. 179880-32-0203, 04-12-06, P. Simard.

[3]           Vêtements Peerless inc. et Doan, [2001] C.L.P. 360 ; Centre hospitalier régional de l’Outaouais et Pelletier, C.L.P. 90565-07-9708, 01-03-13, M. Zigby.

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