Bordeleau et Transformation BFL |
2010 QCCLP 5868 |
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Dossier 395545-04-0912
[1] Le 1er décembre 2009, monsieur Daniel Bordeleau (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 24 novembre 2009, rendue à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 2 novembre 2009 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais d’entretien pour le déneigement de la toiture de sa résidence et de son garage.
Dossier 404503-04-1003
[3] Le 10 mars 2010, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la CSST du 1er mars 2010, rendue à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 29 janvier 2010 et déclare que le travailleur est apte à occuper un emploi convenable de livreur de petits colis au salaire annuel de 18 770,40 $. Le travailleur a droit à une indemnité de remplacement du revenu réduite lorsqu’il occupe l’emploi convenable en question ou au plus tard, le 26 janvier 2011.
[5] À l’audience tenue le 13 juillet 2010 à Trois-Rivières, le travailleur et Transformation B.F.L. (l’employeur) sont présents et représentés. La CSST, dûment intervenue, est absente.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 395545-04-0912
[6] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais pour le déneigement de sa toiture de maison et de garage.
Dossier 404503-04-1003
[7] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer qu’il a la capacité d’exercer un emploi convenable disponible chez son employeur, soit celui de journalier ou préposé au labyrinthe.
LES FAITS
[8] À l’époque pertinente, le travailleur occupe un poste d’opérateur à la machine « Wizzard » à l’établissement de l’employeur, une entreprise d’abattage de porcs.
[9] Le 3 juillet 2006, le travailleur subit une lésion professionnelle. Il ressent des malaises dans son membre supérieur droit.
[10] Plusieurs diagnostics sont émis dont ceux de tendinite à l’épaule, à la longue portion du biceps, aux coudes et de synovite sténosante des doigts. Il est également question d’un diagnostic de capsulite adhésive à l’épaule droite pour laquelle le travailleur subit deux arthrographies distensives.
[11] Le dossier du travailleur est acheminé une première fois au Bureau d’évaluation médicale sur les questions du diagnostic, de la date de consolidation et de la nécessité des traitements.
[12] Le 28 mars 2007, le travailleur est examiné par le docteur Réjean Grenier, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale.
[13] À la suite de son examen, le docteur Grenier retient des diagnostics de syndrome de surcharge du membre supérieur droit impliquant les structures musculo-tendineuses de la main et de l’avant-bras droits, de ténosynovite des fléchisseurs, de tendinite au coude droit, de tendinite à l’épaule droite impliquant la coiffe des rotateurs et de capsulite à l’épaule droite.
[14] Il est d’avis que la lésion à l’épaule droite n’est pas consolidée. Des traitements additionnels sont suggérés, dont une résonance magnétique de l’épaule droite.
[15] Cet examen a lieu le 3 mai 2007. Le radiologiste observe des signes de tendinopathie du sus-épineux et soupçonne une petite déchirure partielle du site d’insertion du sus-épineux. Il n’y a pas d’évidence de déchirure transfixiante du tendon.
[16] Le dossier du travailleur est acheminé une deuxième fois au Bureau d’évaluation médicale, sur les questions de la date de consolidation, de la nécessité des traitements, de l’existence d’une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles.
[17] Le 23 octobre 2007, le travailleur est examiné par le docteur Jean-Pierre Dalcourt, membre du Bureau d’évaluation médicale.
[18] Tenant pour acquis les diagnostics retenus par le docteur Grenier, le docteur Dalcourt est d’avis qu’il y a consolidation de la lésion professionnelle depuis le 28 mars 2007 sauf en ce qui a trait à la tendinite de la coiffe des rotateurs et à la capsulite de l’épaule droite.
[19] Les différentes lésions n’entraînent aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles, sauf en ce qui a trait à l’épaule droite. Pour la tendinite et la capsulite, le docteur Dalcourt estime qu’il est trop tôt pour se prononcer.
[20] Le travailleur est dirigé vers le docteur Richard Lirette, orthopédiste, pour évaluer la possibilité d’un traitement chirurgical.
[21] Le 14 novembre 2007, la CSST rend une décision à la suite de l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale.
[22] Le travailleur consulte le docteur Lirette, lequel prévoit faire une arthroscopie à l’épaule droite. Cette intervention a lieu le 27 octobre 2008. Le travailleur subit une arthroscopie avec acromioplastie et réparation de la coiffe. Dans son protocole opératoire, à titre de diagnostic postopératoire, le docteur Lirette retient celui de déchirure partielle de la coiffe des rotateurs de type D3.
[23] La CSST rend des décisions pour reconnaître les nouveaux diagnostics de tendinopathie et de déchirure partielle de la coiffe des rotateurs en relation avec la lésion professionnelle du 3 juillet 2006.
[24] Le 6 juillet 2009, à la demande de la CSST, le travailleur est examiné par le docteur Louis-Serge Rheault, orthopédiste.
[25] À la suite de son examen, le docteur Rheault consolide la lésion professionnelle et établit le bilan des séquelles comme suit :
« Séquelles actuelles
ATTEINTE DES TISSUS MOUS DU MEMBRE SUPÉRIEUR DROIT
AVEC SÉQUELLES FONCTIONNELLES
102 383 = 2%
ABDUCTION PASSIVE DE L’ÉPAULE DROITE À 160º
104 808 = 1%
ÉLÉVATION ANTÉRIEURE PASSIVE DE L’ÉPAULE DROITE À 160º
104 906 = 1%
ROTATION EXTERNE DE L’ÉPAULE DROITE À 70º
105 004 = 1%
ROTATION INTERNE DE L’ÉPAULE DROITE À 20º
105 068 = 2% »
[26] Quant aux limitations fonctionnelles, le docteur Rheault indique ce qui suit :
« Ø éviter toute forme de mouvement répétitif de l’épaule droite,
Ø éviter le travail soutenu en élévation et en abduction au-delà de 90º,
Ø éviter de s’accrocher et de s’agripper de son membre supérieur droit,
Ø limiter les charges à transporter à portée de bras de son membre supérieur droit à 15kg. »
[27] Le 30 juillet 2007, le docteur Guy Chamberland, médecin qui a charge du travailleur, produit un rapport complémentaire dans lequel il se dit en accord avec les conclusions du docteur Rheault quant à la date de consolidation, au bilan des séquelles et aux limitations fonctionnelles.
[28] La CSST rend une décision par laquelle elle établit l’atteinte permanente à l'intégrité physique à 8,05 % en relation avec la lésion professionnelle du 3 juillet 2006.
[29] Entre-temps, le 8 septembre 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle statue sur le droit à la réadaptation du travailleur.
[30] Une conseillère en réadaptation prend charge du dossier du travailleur. Elle explique notamment au travailleur les différentes démarches qui sont entreprises quant à l’évaluation de sa capacité d’exercer son emploi en regard de ses limitations fonctionnelles ou, à défaut, de la possibilité d’occuper un emploi convenable chez l’employeur ou ailleurs sur le marché du travail.
[31] Une rencontre a lieu le 22 octobre 2009 à l’établissement de l’employeur :
« Étaient présents : Sylvie Laliberté, Ressource humaine
Pierre-Luc Morisette, Directeur des opérations
Anne-Marie Lareau, Sécurigest
Pierre Perron, Sécurigest
Marguerite Noël, délégué syndical
Eric Armstrong, délégué syndical
Claude Bougie, ergothérapeute
Marie-Josée Garneau, conseillère en réadaptation
Objectifs : Analyser le poste prélésionnel et voir les possibilités EC chez l’E
-ASPECT PROFESSIONNEL
Rencontre chez l’E :
Dans un premier temps, j’explique les objectifs de la présente rencontre ainsi que les rôles de chacun. M. Bougie, ergothérapeute, fait la lecture des LF et explique chaque LF afin que nous puissions en avoir une compréhension commune :
Les limitations fonctionnelles sont :
- Éviter toute forme de mouvement répétitif de l’épaule droite
- Éviter le travail soutenu en élévation et en abduction au-delà de 90º
- Éviter de s’accrocher et de s’agripper de son membre supérieur droit
- Limiter les charges à transporter à porter de bras de son membre supérieur droit à 15 kg
Il est d’emblée identifier que l’opérateur de Whizzard doit effectuer des mouvements répétés (Éviter = entre 0 et 6 % du temps et répétitive = selon un cycle de 30 secondes ou 800 fois par jour sur un quart de 8 heures) impliquant le membre supérieur droit pour atteindre les diverses surfaces de composantes de viande et que de tels mouvements vont à l’encontre des limitations fonctionnelles de Monsieur.
Tout les parties sont en accord que l’emploi prélésionnel ne respecte pas les LF donc devant un tel constat, il est convenu de ne pas se rendre dans l’usine faire la visite de poste de l’emploi prélésionnel mais plutôt d’évaluer les EC potentiels dans le frigidaire, à la guillotine et au labyrinthe. Les titres EC sont suggérés par les délégués syndicaux.
Mme Noël avait suggéré d’autres tâches qui n’ont pas été retenu puisque cela n’était pas des postes mais plutôt des tâches qui faisaient parties de postes que le T n’aurait pas pu faire au complet et l’E ne pourrait pas offrir seulement des tâches, doit être apte à occuper le poste complet.
Nous nous rendons donc dans l’usine pour faire l’analyse des postes au frigidaire, au labyrinthe et à la guillotine.
Nous revenons en plénière après la visite, et il est établi que les postes au labyrinthe et à la guillotine respectent les LF. par contre, le poste au frigidaire doit être analyser de façon plus approfondi par M. Bougie avant de donner son opinion. Il produira son rapport sous peu et j’en ferai part aux parties sur réception de ses conclusions.
Suite à la réception des conclusions de l’ergothérapeute, il n’est pas automatique qu’un des postes analysé sera offert au T comme EC puisque cela dépend de l’ancienneté, le «bumpage» et des disponibilités des postes. L’E et le syndicat doivent se rencontrer mardi prochain, le 27/10/09, pour discuter de ces points et l’E communiquera avec moi par la suite. » (sic)
[32] Le 26 octobre 2009, la conseillère en réadaptation reçoit le rapport de l’ergothérapeute dont les conclusions se résument comme suit :
« Conclusions :
Poste : journalier à la salle réfrigérée post abattage
En regard des limitations fonctionnelles de Monsieur Bordeleau, M. Bougie retient qu’à l’emploi de journalier à la salle réfrigérée post abattage, le journalier doit fournir un rendement continu qui implique d’effectuer une moyenne de trois déplacements de carcasse par minute. Une telle fréquence lui apparaît comme étant à caractère répétitif et considérant que cette tâche exige l’utilisation des deux membres supérieurs cela devient un risque allant à l’encontre de la limitation qui mentionne que Monsieur doit éviter toute forme de mouvement répétitif de l’épaule droite. Par ailleurs, le journalier à l’abattage n’a pas à travailler de façon soutenue en élévation et en abduction au-delà de 90º. Le travailleur doit cependant conserver fréquemment une abduction soutenue des épaules pour le déplacement des carcasses. Le journalier à l’abattage peut éviter de s’accrocher et de s’agripper se son membre supérieur droit. Il n’a pas à transporter à portée de bras des charges de 15 kg avec son membre supérieur droit. Pour estamper les carcasses, le travailleur peut utiliser le membre supérieur gauche.
Ainsi, il est d’avis que l’emploi de journalier à la salle réfrigérée post abattage ne permet pas de respecter toutes les limitations fonctionnelles de Monsieur Bordeleau.
Poste : journalier à la guillotine
À l’emploi de journalier à la guillotine, il retient que le travailleur peut éviter toute forme de mouvement répétitif de l’épaule droite, qu’il n’a pas à travailler élévation et en abduction au-delà de 90º avec son épaule droite; qu’il n’a pas à s’accrocher ni à s’agripper de son membre supérieur droit; qu’il n’a pas d’effort de plus de 15 kg à fournir pour le transport ou la manutention de charges.
Ainsi, il est d’avis que l’emploi de journalier à la guillotine permet de respecter toutes les limitations fonctionnelles de Monsieur Bordeleau.
Poste : journalier au labyrinthe
En ce qui concerne l’emploi de journalier au labyrinthe, il retient que le travailleur peut éviter toute forme de mouvement répétitif de l’épaule droite, qu’il n’a pas à travailler élévation et en abduction au-delà de 90º avec son épaule droite; qu’il n’a pas à s’accrocher ni à s’agripper de son membre supérieur droit; qu’il n’a pas d’effort de plus de 15 kg à fournir pour le transport ou la manutention de charges.
Il est d’avis que l’emploi de journalier au labyrinthe permet de respecter toutes les limitations fonctionnelles de Monsieur Bordeleau.
En conclusion, le T pourrait occuper 2 des 3 postes évaluer comme EC, soit celui de la guillotine et celui du labyrinthe. » (sic)
[33] La conseillère en réadaptation informe l’employeur des conclusions du rapport de l’ergothérapeute.
[34] Le 27 octobre 2009, la conseillère en réadaptation communique avec le travailleur pour l’informer des conclusions de l’ergothérapeute. Aux notes évolutives, elle indique ce qui suit :
« (…)
Je conscientise le T sur le fait qu’il reste 2 EC de possibles chez l’E soit la guillotine et le labyrinthe mais ces 2 postes sont convoités par plusieurs personnes donc certain, ayant plus d’ancienneté que lui donc il est important que le T prenne conscience qu’il est possible qu’il n’y ai pas de RAT chez l’E et qu’il doit débuter sa réflexion pour EC ailleurs.
T nie qu’il pourrait ne pas y avoir de RAT chez l’E, il ne veut pas penser à un EC ailleurs. T est certain que son E devra lui trouver un EC. Je lui explique, encore une fois, que nous avons fait le tour des EC qui pourraient être offert par l’E et qui correspond à ses LF donc il serait peu probable que l’E puisse lui offrir autre chose. Je l’invite quand même à faire une démarche auprès de son syndicat pour obtenir plus d’information. T me répond que c’est ce qu’il fera. » (sic)
[35] Le 30 octobre 2009, la conseillère en réadaptation note ce qui suit :
« -ASPECT PROFESSIONNEL :
Appel de Mme Laliberté, E :
Mardi dernier, le 27/10/09, l’E et le syndicat ont discuté afin de voir s’il y avait possibilité d’avoir une entente pour les EC versus l’ancienneté («bumpé»). Les représentants syndicaux ne s’entendent pas sur ce point. Ils y aura d’autres rencontres la semaine prochaine, soit le 2 et 4/11/09, et une décision final devrait être prise et une entente signé entre E et syndicat, s’il y a lieu.
L’E attend de connaître la décision du syndicat avant de faire les offres EC car cela aura une incidence importante sur les postes, selon ce qui aura été décidé par le syndicat. » (sic)
[36] Puis, le 6 novembre 2009, elle indique ce qui suit :
« Titre : E attend confirmation du syndicat pour EC
-ASPECT PROFESSIONNEL :
Appel de Mme Laliberté, E : Message laissé dans ma boîte vocale
—» Il y a eu rencontre avec le syndicat le 4/11/09 et ceux-ci désire attendre l’avis de leur avocat avant de confirmer ou non s’il autorise la supplantation. L’E attend donc leur décision avant d’offrir un EC au T car cela va dépendre s’il y a supplantation ou non. »
[37] La conseillère en réadaptation relance les parties sur la question de l’emploi convenable. Le représentant syndical lui indique alors qu’il attend toujours un avis de son avocat. En attendant cet avis, la conseillère en réadaptation suggère au travailleur d’amorcer sa réflexion quant à un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail. Le travailleur est quelque peu réticent quant à cette démarche car il désire rester chez son employeur.
[38] Le 23 novembre 2009, la conseillère en réadaptation discute avec l’employeur :
« Appel de l’E, Sylvie Laliberté :
Suite aux discussions qui ont eu lieu avec les syndicats, il ressort que la supplantation n’est pas possible.
M. Yves Dupont, le permanent syndical, a demandé à Mme Laliberté si la CSST pouvait revenir faire une évaluation pour d’autres postes qui n’auraient peut être pas été évalué. Mme Laliberté lui a mentionné que la déléguée syndical, Mme Noël, ainsi que le T avaient amené plusieurs idées de postes dont certaines n’avaient pas été retenu puisque cela ne respectait pas les LF ou bien, ce n’était pas des postes mais plutôt des tâches. Pour les autres EC, une analyse a été fait avec un ergothérapeute le 22/10/09. Je lui confirme, qu’effectivement nous ne reprendrons pas l’exercice d’analyser des EC potentiels puisque cela a déjà été fait le 22/10/09. Tout les possibilités d’EC ont été analyser.
Dans cette mesure, Mme Laliberté me confirme qu’il n’y a aucun EC de disponible chez l’E compte tenu de l’ancienneté du T ..
Mme Laliberté me fera parvenir une lettre me confirmant que l’E ne peut offrir aucun EC au T. » (sic)
[39] Le 27 novembre 2009, l’employeur fait parvenir à la CSST la lettre suivante :
« Suite à la rencontre tenue le 22 octobre 2009 et aux vérifications faites, la présente confirme que nous n’avons pas d’emploi disponible pour monsieur Bordeleau.
(…) »
[40] Entre-temps, le 26 novembre 2009, la conseillère en réadaptation discute avec le travailleur :
« J’informe le T que l’E n’a pas d’EC a lui offrir, puisque les 2 postes analysés lors de la visite, ont été attribué a des gens avec plus d’ancienneté que lui et il n’y a pas de possibilité de supplantation donc l’E n’a aucun autre EC à lui offrir.
T ne comprend pas car il était certain que l’E aurait un EC à lui offrir. T considère que son E a des obligations à son endroit car c’est chez l’E qu’il s’est blessé.
Des explications lui ont déjà été donné à ce sujet. Je lui explique à nouveau, que l’E peut offrir un EC au T mais il n’a pas d’obligation à ce niveau. Dans la mesure où le T est syndiqué et qu’il y a une convention collective qui s’applique, T peut valider avec son syndicat pour l’EC mais nous avons déjà fait plusieurs démarches pour voir avec E et syndicat les possibilités d’EC. Entre autre, la rencontre du 22/10/09 où le T était présent et où plusieurs possibilités d’EC ont été discuter avec E et syndicat. Les parties (T,E, syndicat et CSST) ont retenu 3 postes potentiels d’EC donc ces postes ont été analysé et 2 postes respectaient les LF et 1 poste (frigidaire) ne respectait pas les LF.
Le T me dit qu’il contestera cette décision car pour lui, l’E se doit de le reprendre et aussi, il est certain qu’il y a de la supplantation chez l’E donc il ne comprend pas pourquoi lui ne pourrait pas le faire. Je l’invite à communiquer avec son syndicat pour plus d’information concernant la supplantation. Par contre, malgré que le T désire contesté par grief la décision de l’E de ne pas lui offrir un EC, je lui explique que la démarche d’identification d’EC ailleurs sera quand même mis de l’avant.
Nous convenons de nous rencontrer à nos bureaux le 3/12/09 à 8h45 pour poursuivre la démarche d’EC ailleurs. » (sic)
[41] Le travailleur entreprend donc la démarche pour la détermination d’un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail. Il informe toutefois la conseillère en réadaptation qu’une procédure de grief a été entreprise ou sera entreprise avec son syndicat.
[42] Des rencontres, discussions ou analyses ont lieu pour identifier des titres d’emploi convenable en fonction des qualifications du travailleur et de ses intérêts.
[43] La collaboration du travailleur est difficile puisque ce dernier désire toujours retrouver un emploi, chez son employeur.
[44] Dans sa note du 26 janvier 2010, la conseillère en réadaptation indique ce qui suit :
« (…)
T reste sur sa position, l’E doit lui offrir un EC et ils seront obligés par un arbitre à le faire donc le T mentionne que pour lui, il est très clair qu’il retournera travailler chez l’E. T me dit qu’il demandera 2 postes, celui au labyrinthe et celui au frigidaire car selon les informations reçus d’un contremaître, cela respecterait les LFFF, et ce malgré les conclusions de l’ergothérapeute. Pour lui la démarche en cours pour identifier un EC ailleurs, est inutile.
Considérant que :
· le T n’a l’intention de réfléchir à de nouvelle piste de solution d’EC puisqu’il considère qu’il retournera chez l’E et ce, malgré que je lui ai expliqué que malgré qu’il pouvait poursuivre une démarche de grief auprès de l’E, nous nous devons de poursuivre la démarche de réadaptation ailleurs et d’identifier un EC ailleurs considérant que l’E nous avait précisé n’avoir aucun EC à offrir au T.
· nous avions déjà discuté d’une possibilité d’EC comme livreur de petits colis, ce qui englobe le travail de livreur de pharmacie ou de mets préparés, et que cela respecte les critères de l’EC.
· le T se dit en accord avec le titre d’EC de livreur petit colis, car il n’a pas d’autre idée d’EC et ne prévoit pas faire de nouvelle recherche
Donc nous convenons de retenir comme EC celui livreur de petits colis, et ce en date du 26/01/10, avec un salaire de 18770.40$ et IRR Réduite de 2676.13$/an. Année de recherche d’emploi du 26/01/10 au 25/01/11.
Par analogie, on peut associé livreur de petits colis à messager, livreur de mets préparés et livreur de pharmacie. T est avisé qu’il pourait travailler dans toutes ces sphères d’emplois.
T me dit demeuré certain qu’il pourra retourner chez l’E dans un EC d’ici la fin de son année de recherche d’emploi. Je lui souhaite, si c’est ce qu’il désire. » (sic)
[45] Le 29 janvier 2010, la CSST rend donc une décision par laquelle elle détermine que le travailleur a la capacité d’exercer un emploi convenable de livreur de petits colis à compter du 26 janvier 2010. Le revenu annuel estimé est de 18 770,40 $. Le travailleur demande la révision de cette décision.
[46] Le 1er mars 2010, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle confirme sa décision initiale du 29 janvier 2010 concernant la détermination de l’emploi convenable et la capacité de l’exercer. Le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision (dossier 404503-04-1003).
[47] En ce qui a trait aux besoins de réadaptation sociale du travailleur, la conseillère en réadaptation effectue une visite chez le travailleur le 20 octobre 2009. Elle identifie notamment les besoins du travailleur pour l’entretien de sa résidence.
[48] Le 26 octobre 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle indique ce qui suit :
« Nous vous informons que nous acceptons de payer les frais suivants d’entretien courant de votre domicile :
- Déneigement des 2 voies d’accès (avant et arrière) et la cours arrière
- Peinture intérieure (aux 5 ans)
- Peinture extérieure des portes et de la clôture (aux 5 ans)
- Peinture des galeries (aux 2 ans)
Vos demandes de remboursement doivent être accompagnées des factures ou des reçus originaux détaillant les services rendus et indiquant les numéros de TPS et de TVQ de votre fournisseur.
(…) » (sic)
[49] Le 13 novembre 2009, la CSST reconsidère sa décision pour ajouter le remboursement des frais relativement au déneigement pour le devant du garage.
[50] Dans le cadre de ses rencontres avec la conseillère en réadaptation, le travailleur demande si les frais pour le déneigement de la toiture peuvent être remboursés. La conseillère en réadaptation lui répond que ce ne sont pas des frais de travaux d’entretien courant du domicile.
[51] Par conséquent, le 2 novembre 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse le remboursement de frais de déneigement de la toiture de la résidence ou du garage. Il ne s’agit pas de travaux faisant partie de l’entretien courant du domicile. Le travailleur demande la révision de cette décision.
[52] Le 24 novembre 2009, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle confirme son refus de rembourser les frais du déneigement des toitures.
[53] Le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision de la CSST (dossier 395545-04-0912).
[54] À l’audience, le tribunal a entendu le témoignage du travailleur. Quant aux frais de déneigement, le travailleur précise qu’il a une maison et un garage. Les deux bâtiments sont munis d’un toit plat. Il ne peut préciser la superficie exacte des toits.
[55] Lorsque la conseillère en réadaptation se rend à son domicile pour évaluer ses besoins en réadaptation, il n’est pas question du déneigement des toitures.
[56] Pour la saison 2008-2009, il aurait fait déneiger les toitures par quatre amis. Il aurait donné 100 $ à chaque ami pour les récompenser. Il ne peut produire de factures.
[57] Quant à la détermination de l’emploi convenable, le travailleur indique qu’il travaille pour l’employeur depuis 2004 ou 2005.
[58] Il dépose les pièces T-1 (tableaux récapitulatifs des événements entre le 6 octobre 2009 et le 26 février 2010), T-2 (affichage de poste permanent 2008-A15, du 14 avril au 21 avril 2008), T-3 (affichage de poste permanent 2010-A17 du 16 février au 23 février 2010), T-4 et T-5 étant des extraits de la convention collective.
[59] Quant à la liste d’ancienneté, les parties admettent que la date d’embauche de monsieur Claude Bonneau est le 14 mars 2000, celle du travailleur est le 24 mars 2005 et celle de monsieur Lucien Houle, le 3 décembre 2008.
[60] Questionné par le représentant de l’employeur, le travailleur précise qu’à la suite de la rencontre du 22 octobre 2009, il n’y a pas d’entente sur un emploi convenable qu’il pourra occuper. Il est toutefois convenu que le travailleur ne peut refaire son emploi.
[61] Différents postes sont visités (réfrigérateur, guillotine et labyrinthe). L’ergothérapeute est d’avis que le travailleur ne peut occuper le poste au réfrigérateur, mais que les deux autres postes respectent les limitations fonctionnelles. Le travailleur est en désaccord avec la conclusion de l’ergothérapeute quant au poste au réfrigérateur.
[62] Le tribunal a entendu le témoignage de madame Sylvie Laliberté, directrice des ressources humaines chez l’employeur depuis six ans.
[63] Elle revient sur les circonstances des affichages de postes (pièces T-2 et T-3).
[64] Avec la signature de la nouvelle convention collective en mars 2008, les postes d’aides généraux, ce qui inclut le préposé au labyrinthe, doivent être attitrés. L’attribution doit passer par un affichage.
[65] La pièce T-2 constitue l’affichage du 14 avril au 21 avril 2008 pour le poste de préposé au labyrinthe.
[66] La personne devant occuper ce poste étant blessée, l’employeur et le syndicat s’entendent pour que le poste revienne à monsieur Claude Bonneau.
[67] Pour des questions de santé et divers problèmes personnels, monsieur Bonneau fait d’abord un essai au poste de préposé au labyrinthe. Il s’agit d’une entente spéciale. Monsieur Bonneau travaille trois heures par jour.
[68] Finalement, monsieur Bonneau occupe ce poste du 6 octobre 2009 au 10 février 2010. À cette date, monsieur Bonneau quitte pour des problèmes de santé. L’employeur constate également que monsieur Bonneau n’est plus en mesure d’occuper ce poste.
[69] Il y a donc un nouvel affichage pour le poste (pièce T-3). Le poste est alors attribué à monsieur Houle, le 26 février 2010. Monsieur Houle accepte le poste le 12 mars 2010.
[70] Le poste n’a pas été attribué au travailleur, car au moment de l’analyse de la possibilité d’un emploi convenable en octobre 2009, le poste n’était pas disponible.
[71] Questionnée par le représentant du travailleur, madame Laliberté précise que l’entente concernant monsieur Bonneau prévoyait qu’il travaille trois heures par jour et que le reste était comblé par des aides généraux.
[72] Bien qu’au départ, elle doutait que monsieur Bonneau puisse suivre le rythme, il s’avère que les choses se sont bien passées jusqu’au moment où, en février 2010, elle constate que monsieur Bonneau éprouve différents problèmes et qu’il ne peut plus faire le travail.
[73] En octobre ou novembre 2009, selon elle, monsieur Bonneau semble bien fonctionner.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
Dossiers 395545-04-0912 et 404503-04-1003
[74] Le représentant du travailleur plaide que ce dernier a droit au remboursement des frais engagés pour le déneigement de ses toitures, surtout que la CSST accepte déjà de rembourser le déneigement des entrées[1].
[75] Par ailleurs, le représentant du travailleur plaide que la CSST, avant de déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail, aurait dû conclure que le travailleur a la capacité d’exercer un emploi convenable disponible chez l’employeur, soit celui de préposé au labyrinthe[2].
[76] Pour sa part, le représentant de l’employeur soumet que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais pour le déneigement de ses toitures.
[77] Quant à la détermination de l’emploi convenable, il plaide que le travailleur soulève un débat qui concerne davantage les relations de travail et l’application de la convention collective. Le poste convoité à titre d’emploi convenable n’était pas disponible. La CSST était fondée de déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.
L’AVIS DES MEMBRES
Dossier 395545-04-0912
[78] Le membre issu des associations d'employeurs et celui issu des associations syndicales sont d'avis d’accueillir la requête du travailleur. Ils estiment que le travailleur présente une atteinte permanente grave à son intégrité physique en regard des activités de déneigement d’une toiture, surtout que la CSST accorde déjà le remboursement des frais pour le déneigement des entrées. Le déneigement d’une toiture est un travail d’entretien courant du domicile.
Dossier 404503-04-1003
[79] Le membre issu des associations d'employeurs et celui issu des associations syndicales sont d'avis de rejeter la requête du travailleur. D’une part, le travailleur ne soumet aucune preuve permettant de conclure que l’emploi de livreur de petits colis n’est pas convenable ou que le travailleur n’a pas la capacité de l’exercer. D’autre part, il n’y a pas lieu de statuer sur la capacité du travailleur d’exercer l’emploi convenable de préposé au labyrinthe chez l’employeur. Selon la preuve soumise, cet emploi n’est pas disponible au moment où la CSST procède à ses vérifications.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossier 395545-04-0912
[80] Le tribunal doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais engagés pour le déneigement de ses toitures.
[81] L’article 165 de la loi prévoit ce qui suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[82] La loi ne définit pas ce que constitue un entretien courant du domicile. Selon la jurisprudence, l’entretien courant du domicile réfère à des travaux d’entretien habituels ou ordinaires du domicile, par rapport à des travaux qui seraient plutôt inhabituels ou extraordinaires[3].
[83] On indique notamment que le déneigement peut faire partie des travaux d’entretien du domicile[4] et plus spécifiquement, le déneigement d’une toiture, surtout au Québec.[5]
[84] Pour se faire rembourser des frais engagés, le travailleur doit notamment avoir subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique, en raison d’une lésion professionnelle. Cette atteinte permanente grave doit le rendre incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant du domicile qu’il effectuerait normalement.
[85] La loi ne définit pas ce qu’est une atteinte permanente grave. Cependant, plusieurs décisions de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles traitent du sujet[6].
[86] De ces nombreuses décisions, le tribunal retient que le caractère grave d’une atteinte permanente s’analyse en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi. Ce faisant, le pourcentage de l’atteinte permanente n’est pas le seul critère d’analyse. Cette analyse doit tenir compte de la situation particulière et réelle du travailleur, et ce, tant en ce qui concerne sa condition physique qu’en ce qui a trait aux activités d’entretien courant réalisées. La notion d’atteinte permanente grave peut donc s’avérer être une notion très relative. En fait, comme l’indique la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Barette et C.H. Ste-Jeanne-D’Arc[7] pour un même travailleur, il est possible de conclure à l’existence d’une atteinte permanente grave eu égard à certaines activités visées par l’article 165 de la loi alors qu’il peut en être autrement pour d’autres activités.
[87] Dans la cause sous étude, le travailleur subit une lésion professionnelle le 3 juillet 2006. Il est question d’un syndrome de surcharge du membre supérieur droit impliquant les structures musculo-tendineuses de la main et de l’avant-bras droits, de ténosynovite des fléchisseurs, de tendinite au coude droit, de tendinite à l’épaule droite impliquant la coiffe des rotateurs et de capsulite à l’épaule droite. Le travailleur doit même subir une chirurgie le 27 octobre 2007. Sa condition est consolidée à compter du 6 juillet 2009 avec une atteinte permanente à l'intégrité physique de 8,05 % et des limitations fonctionnelles.
[88] Le travailleur doit éviter toute forme de mouvement répétitif de l’épaule droite, le travail soutenu en élévation et en abduction au-delà de 90º, de s’accrocher et de s’agripper de son membre supérieur droit et de limiter les charges à transporter à portée de bras de son membre supérieur droit à 15 kg.
[89] Tenant compte de ces données et de la nature de l’entretien courant du domicile en cause, le tribunal conclut que le travailleur présente une atteinte permanente grave au sens de l’article 165 de la loi, ceci, dans un contexte où la CSST a déjà déterminé que le travailleur avait droit au remboursement de frais concernant des travaux de déneigement et de peinture.
[90] Ceci étant, en ce qui a trait à la saison hivernale 2008-2009, le tribunal estime que la preuve n’est pas prépondérante pour conclure que le travailleur a engagé des frais pour le déneigement de ses toitures. Le témoignage du travailleur sur cet aspect s’avère plutôt imprécis et évasif. Il ne peut fournir de pièces justificatives attestant des frais engagés, le cas échéant. Quant à la saison 2009-2010, le tribunal n’a reçu aucune preuve particulière sur le fait que des frais auraient été engagés par le travailleur pour effectuer le déneigement de ses toitures.
[91] Pour la saison 2010-2011, si de tels travaux d’entretien courant du domicile doivent être effectués, le travailleur doit présenter des pièces justificatives appropriées à la CSST attestant que de tels frais ont été engagés.
[92] Le tribunal rappelle toutefois que les frais d’entretien courant du domicile sont remboursables jusqu’à concurrence d’un maximum annuel. Et dans la cause sous étude, il est déjà question du remboursement de frais pour le déneigement des entrées et de travaux de peinture.
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[93] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer qu’il a la capacité d’exercer un emploi convenable disponible chez son employeur, soit celui de préposé au labyrinthe.
[94] En fait, le travailleur conteste la décision de la CSST statuant sur sa capacité d’exercer l’emploi convenable de livreur de petits colis, à compter du 26 janvier 2010, au salaire annuel estimé de 18 770,40 $.
[95] Il soumet qu’avant de déterminer sa capacité d’exercer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail, la CSST aurait dû déterminer qu’il avait la capacité d’exercer l’emploi convenable de préposé au labyrinthe, chez l’employeur.
[96] Il convient d’abord de référer aux dispositions suivantes :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.
170. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l'employeur s'il a un emploi convenable disponible et, dans l'affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer cet emploi avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.
Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est devenu capable d'exercer l'emploi convenable disponible.
__________
1985, c. 6, a. 170.
171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.
Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.
__________
1985, c. 6, a. 171.
[97] Dans la cause sous étude, le tribunal est d’avis que le processus suivi respecte les dispositions préalablement citées.
[98] La preuve soumise permet de constater que le travailleur est incapable d’exercer son emploi. Tous, y compris le travailleur, sont de cet avis. C’est ce qui ressort de la rencontre du 22 octobre 2009. L’extrait des notes évolutives de la conseillère en réadaptation démontrent bien que les limitations fonctionnelles sont incompatibles avec le travail d’opérateur de « wizzard ».
[99] Aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d’exercer son emploi ou un emploi équivalent. On évalue alors la possibilité d’un emploi convenable disponible chez l’employeur. C’est ce que prévoit l’article 170 de la loi.
[100] D’emblée, le tribunal retient qu’il doit s’agir d’un emploi convenable et que cet emploi doit être disponible.
[101] L’emploi est convenable s’il s’agit d’un emploi approprié qui permet au travailleur d’utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d’embauche et dont les conditions d’exercice ne comportent pas de danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, compte tenu de sa lésion professionnelle.
[102] Quant à la disponibilité de cet emploi, la jurisprudence nous enseigne qu’aucune obligation n’est faite à l’employeur, dans la loi, de créer un poste convenable pour le bénéfice d’un travailleur[8]. L’employeur doit plutôt répondre à la demande de la CSST en regardant à même les emplois existants. Il doit s’agir d’un poste bien réel et l’on doit s’assurer que le travailleur y a accès compte tenu de la convention collective qui peut s’appliquer, le cas échéant[9].
[103] Dans la cause sous étude, trois postes sont d’abord identifiés, soit ceux de journalier à la salle réfrigérée, à la guillotine et au labyrinthe.
[104] La preuve soumise permet de constater que le poste de journalier à la salle réfrigérée ne peut être un emploi convenable pour le travailleur. L’ergothérapeute est d’avis que cet emploi ne permet pas de respecter toutes les limitations fonctionnelles du travailleur. Son analyse est résumée aux notes évolutives de la conseillère en réadaptation. Bien que le travailleur soit en désaccord avec cette analyse, il n’offre aucune preuve permettant de contredire celle-ci.
[105] Reste alors les postes de journalier à la guillotine et au labyrinthe. Bien qu’il puisse s’agir d’emplois convenables, la preuve révèle que ces postes ne sont pas disponibles.
[106] Le tribunal a reproduit de larges extraits des notes évolutives de la conseillère en réadaptation. Ces extraits démontrent bien qu’à l’époque, soit en octobre et novembre 2009, l’accès à ces postes est limité par des règles de la convention collective. On parle d’ancienneté, de supplantation et de vérification avec les conseillers juridiques du syndicat. La conseillère en réadaptation relance l’employeur, le travailleur et le syndicat pour connaître les issues possibles.
[107] Le 23 novembre 2009, l’employeur informe la conseillère en réadaptation qu’à la suite des discussions qui ont eu lieu avec le syndicat, il ressort que la supplantation n’est pas possible.
[108] Le 27 novembre 2009, l’employeur informe officiellement la CSST qu’il n’a pas d’emploi convenable disponible pour le travailleur. C’est alors que la conseillère en réadaptation poursuit le processus de réadaptation, conformément à l’article 171 de la loi.
[109] Cette analyse, quant à la possibilité d’un emploi convenable disponible chez l’employeur, se fait en octobre et novembre 2009.
[110] D’une part, le tribunal note qu’il ne s’agit pas d’une analyse précipitée. La conseillère en réadaptation multiplie les démarches pour évaluer cette possibilité. D’autre part, force est de constater que le poste spécifiquement convoité par le travailleur (préposé au labyrinthe) n’est pas disponible à l’époque. Cette non-disponibilité découle de règles de la convention collective en vigueur à l’établissement de l’employeur.
[111] Avec respect, il n’appartient au tribunal de s’immiscer dans ce débat. Tout au plus, le tribunal constate que ce sont les règles régissant les rapports collectifs, en octobre et novembre 2009, qui font en sorte que le poste convoité à titre d’emploi convenable n’est pas disponible.
[112] Il ne s’agit pas d’un oubli de la CSST d’avoir demandé à l’employeur s’il avait un emploi convenable disponible, tel que l’indique l’article 170 de la loi, ou d’une attitude purement capricieuse ou inappropriée de la part de l’employeur face à cette demande de la CSST. L’emploi convoité, après différentes vérifications, n’est tout simplement pas disponible.
[113] Aussi, la preuve soumise permet de constater que du 6 octobre 2009 au 10 février 2010, monsieur Bonneau occupe le poste de journalier au labyrinthe.
[114] Il n’est pas du mandat de la Commission des lésions professionnelles de déterminer si monsieur Bonneau avait le droit d’occuper ce poste ou de juger des raisons pour lesquelles il occupait ce poste. De telles questions relèvent de la convention collective. Encore une fois, le tribunal ne peut que constater que le poste n’est pas disponible puisqu’il est occupé par un autre travailleur depuis le 6 octobre 2009.
[115] Il est vrai qu’à la suite du départ de monsieur Bonneau, le poste fait l’objet d’un affichage à compter du 16 février 2010, tel que le prévoit la convention collective. Il est octroyé à monsieur Houle, lequel accepte le poste le 12 mars 2010. Le travailleur fait valoir que monsieur Houle a moins d’ancienneté que lui.
[116] Encore une fois, le tribunal n’a pas à s’immiscer dans cette procédure d’affichage en février 2010 ou dans l’octroi du poste à monsieur Houle, alors que ce dernier a moins d’ancienneté que le travailleur. Le tribunal réitère qu’en octobre et novembre 2009, alors que la CSST procède à ses vérifications en vertu de l’article 170 de la loi, l’emploi convoité n’est tout simplement pas disponible.
[117] Ceci étant, le tribunal ne peut accéder à la demande du travailleur et déclarer qu’il a la capacité d’exercer l’emploi convenable disponible de journalier au labyrinthe. Cet emploi n’est pas disponible au moment où la CSST s’adresse à l’employeur pour lui demander s’il a un emploi convenable, comme le prévoit l’article 170 de la loi.
[118] Il faut garder à l’esprit que tout ce débat découle d’une contestation par le travailleur de la décision de la CSST statuant sur sa capacité d’exercer un emploi convenable de livreur de petits colis, à compter du 26 janvier 2010, et ce, au salaire annuel estimé de 18 770,40 $.
[119] Le travailleur n’offre aucune preuve particulière quant à l’emploi convenable de livreur de petits colis, à sa capacité de l’exercer ou au salaire annuel estimé pour cet emploi.
[120] Par conséquent, le tribunal tient pour acquis qu’il s’agit d’un emploi convenable que le travailleur a la capacité d’exercer à compter du 26 janvier 2010, au salaire annuel estimé de 18 770,40$.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 395545-04-0912
ACCUEILLE la requête déposée le 1er décembre 2009 par monsieur Daniel Bordeleau, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 24 novembre 2009, rendue à la suite d’une révision administrative;
ET
DÉCLARE que, sur présentation de pièces justificatives appropriées, monsieur Daniel Bordelau a droit au remboursement des frais engagés pour le déneigement de ses toitures (résidence et garage) pour la saison 2010-2011, tout en s’assurant de respecter le montant annuel maximal prévu à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour les frais d’entretien courant du domicile.
Dossier 404503-04-1003
REJETTE la requête déposée le 10 mars 2010 par monsieur Daniel Bordeleau;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 1er mars 2010, rendue à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Daniel Bordeleau a la capacité d’exercer l’emploi convenable de livreur de petits colis à compter du 26 janvier 2010, au salaire annuel de 18 770,40$;
ET
DÉCLARE que monsieur Daniel Bordeleau a droit à une indemnité de remplacement du revenu réduite lorsqu’il occupera l’emploi convenable en question ou, au plus tard, le 26 janvier 2011 et cette indemnité de remplacement du revenu réduite sera révisée le 26 janvier 2012.
[1] Boulet et CSST, 147907-62C-0009, 30 avril 2001, R. Hudon; Coulombe et Déboisement Articbec (entreprise fermée), 253917-01C-0501, R. Savard.
[2] Analyse de la jurisprudence sur la réadaptation et l’emploi convenable, document de formation pour les plaideurs et plaideuses de la F.T.Q., juillet 2009.
[3] Lévesque et Mines Northgate inc., [1990] C.A.L.P.683.
[4] Brousseau et Protection d’incendie Viking ltée, 183374-61-9004, 15 septembre 1992, L. Boucher; Chevrier et Westburn ltée, 161175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy; Pinard et Russel Drummond, 145317-02-0008, 29 novembre 2000, R. Deraiche; Paquet et Pavillon de l’Hospitatlité inc., 142213-03B-12 décembre 2000, R. Savard.
[5] Bacon et General Motors du Canada ltée, [2004] C.L.P. 941 ; Mercier et Les contrôles A.C. inc., 130934-31-0002, 29 janvier 2001, P. Simard; Lalonde et Mavic Construction, 146710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois.
[6] Chevrier et Westburn ltée, 161175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy; Bouthillier et Pratt & Whitney Canada inc., [1992] C.A.L.P. 605 ; Boileau et Les centres jeunesse de Montréal, 103621-71-9807, 1er février 1999, A. Vaillancourt; Dion et Emballages Stone Canada inc., 119716-32-9907, 2 février 2000, G. Tardif; Filion et P.E. Boisvert auto ltée, 110531-63-9902, 15 novembre 2000, M. Gauthier; Lalonde et Mavic Construction, 146710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois; Cyr et Thibault et Brunelle, 165507-71-0107, 25 février 2002, L. Couture; Rivard et Autobus Baribeau et fils ltée, 197209-04-0301, 12 mars 2003, D. Lajoie; Barette et C.H. Ste-Jeanne-D’Arc, [2004] C.L.P. 685 ;
[7] Voir note 8.
[8] Blouin et A.F.G. Industries ltée, [2007] C.L.P. 114 ; Rolf C. Hagen et Deslongchamps, [2007] C.L.P. 732 ; Cousineau et Canadien Pacifique ltée, [1991] C.A.L.P. 941 .
[9] Dubé et Multi-Canevas 1997 inc., 373891-04B-0903, 10 mars 2010, M. Watkins; Brisebois et Volailles Grenville inc., 157910-64-0103, 29 novembre 2002, J.-F. Martel; Ashby et Centre hospitalier Hôtel-Dieu de Sherbrooke, 39247-05-9205, 27 juillet 1994, A. Leydet.
AVIS :
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