DÉCISION
[1] Le 14 février 2002, M. Germain Rioux (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 17 janvier 2002 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 1er octobre 2001 et conclut que le travailleur n’est pas admissible à l’adaptation d’équipements de loisir.
[3] Le travailleur est présent à l’audience mais il n’est pas représenté. L’employeur est quant à lui absent de l’audience.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au paiement par la CSST d’équipements de loisir, soit une cloueuse automatique et un « entraîneur » pour l’aider dans ses activités de bricolage ainsi qu’un dispositif anti-reculs pour installer sur ses fusils de chasse.
[5] Le travailleur a demandé à la Commission des lésions professionnelles de se pencher sur l’adaptation de ses équipements de pêche. Le tribunal a alors expliqué au travailleur que cette question n’avait pas été soumise aux instances antérieures et qu’il ne pouvait donc s’en saisir, ce à quoi le travailleur a acquiescé en mentionnant qu’il déposerait éventuellement une nouvelle réclamation à cet effet auprès de la CSST.
LES FAITS
[6] Le 2 septembre 1994, le travailleur subit une lésion professionnelle alors qu’il se frappe la tête et le visage sur un panneau de métal d’une remorque, suite au bris d’un élastique. Il éprouve rapidement une sensation de brûlure au niveau des deux mains et des deux pieds et constate l’apparition immédiate de cervicalgie et cervico-brachialgie. Il continue par la suite à ressentir des picotements au niveau des deux premiers doigts des deux mains ainsi qu’à la face latérale des deux bras accompagnés d’une sensation de courant électrique irradiant à partir de la région cervicale jusqu’au niveau des mains.
[7] Le 10 avril 1995, le travailleur rencontre le docteur Michel Copty, neurochirurgien, agissant à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale. Ce médecin détermine que le diagnostic de la lésion professionnelle est celui d’arthrose cervicale aggravée par contusions médullaires entraînant de l’engourdissement au territoire C6 de façon bilatérale.
[8] Le 11 octobre 1995, le travailleur rencontre le docteur Richard R. Delisle, neurologue, qui prépare un rapport d'évaluation médicale. Il conclut notamment à la présence d’une atteinte permanente de 37 % incluant une compensation pour une atteinte cérébro-spinale bilatérale (usage des membres supérieurs) et une radiculopathie C6 bilatérale sensitive classe II.
[9] Le 13 novembre 1995, le travailleur rencontre le docteur Gérard Leblanc, neurochirurgien agissant à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale. Ce médecin émet, en relation avec l’événement du 2 septembre 1994, les limitations fonctionnelles suivantes :
- Ce travailleur ne devrait pas être soumis à une activité de travail qui exigerait le maintien d’une position d’extension soutenue du rachis cervical, ainsi que le maintien de positions de flexion ou de rotation forcées du rachis cervical.
- Il devrait éviter une activité de travail qui occasionnerait des chocs importants au niveau du rachis cervical et de la ceinture scapulaire et devrait éviter la manipulation d’outillage lourd pouvant entraîner des blessures soit pour lui-même ou pour ses camarades de travail.
- Il devrait éviter la manipulation d’outils nécessitant une précision d’exécution compte tenu de la perte de sensibilité et de faiblesse des pouces et index des deux mains.
- Il devrait éviter des prises en charge soit pour soulever à bout de bras des objets de plus de 15 kilos et devrait éviter des positions inconfortables pour le rachis cervical de façon soutenue.
[10] Le 18 décembre 1995, l’employeur transmet à la CSST une lettre avisant de la terminaison de l’emploi de M. Germain Rioux en date du 8 décembre 1995 en raison des limitations fonctionnelles décrétées par le membre du Bureau d'évaluation médicale.
[11] Le 15 juillet 1996, la CSST rend une décision afin d’admettre le travailleur en réadaptation.
[12] Le 18 mars 1998, la CSST rend une décision par laquelle elle retient comme emploi convenable celui de caissier de station libre-service.
[13] Le 16 octobre 1998, la CSST rend une décision par laquelle elle accepte de payer les frais de déneigement du domicile du travailleur pour l’année 1997-1998.
[14] Le 30 octobre 1998, la CSST rend une décision informant le travailleur qu’elle accepte de payer les frais de déneigement du domicile pour l’année 1998-1999.
[15] Le 10 février 1999, la CSST confirme sa décision initiale du 18 mars 1998 et conclut que l’emploi de caissier de station-service est un emploi convenable au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi).
[16] Le 14 mai 1999, la CSST rend une décision par laquelle elle accepte de payer les frais de déneigement, de tonte de pelouse, de raclage du terrain du travailleur et de peinture.
[17] Le 14 juillet 2000, la CSST rend une décision par laquelle elle accepte de payer pour l’entretien de la pelouse et pour la taille des arbres et arbustes pour la saison 2000.
[18] Le 10 janvier 2001, le travailleur rencontre un agent de la CSST. Il y a lieu de reproduire ici le résumé de la conversation fait par cet agent aux notes évolutives :
Texte : Appel de M. Rioux, il veut absolument me rencontrer car il dit que dans son dossier, toutes les décisions ont été prises unilatéralement sans qu’il soit rencontré.
Rencontre de M. Rioux au bureau le jeudi 10 janvier 2001 à 10 heures.
L’objet de la contestation de M. Rioux est que la CSST lui refuse l’adaptation des équipements de menuiserie qu’il utilise pour faire des horloges. Il me montre des photos de ces œuvres qui en passant sont de toute beauté et de perfection. Il travaille le bois pour son loisir et aussi pour augmenter ses revenus.
Il dit qu’à cause de son manque de sensibilité des doigts il peut se blesser avec les outils, les scies et corrayeur. Il dit que depuis qu’on lui a désigné un emploi convenable de pompiste il ne travaille pas. Il a des pertes de revenus car auparavant, il faisait du bois de chauffage pour environ 1 500 $ par année, etc.
Il mentionne aussi qu’il aurait besoin d’une adaptation de véhicule, il aurait acheté la pièce et compte la faire installer.
Nous terminons l’entrevue, je lui affirme que je trouve surprenant que la CSST n’accepte pas de lui fournir les adaptations par contre je vais tout de même vérifier les éléments du dossier, les limitations fonctionnelles dont il est porteur et les conditions d’allocation des équipements de loisir et je vais lui téléphoner au plus tard la semaine prochaine. [nos soulignés]
[19] Le 5 mars 2001, le travailleur adresse à la CSST une lettre qu’il y a lieu de reproduire intégralement :
Suite à notre conversation téléphonique, vous m’avez demandé de vous faire parvenir une demande écrite concernant le fait que je ne peux plus pratiquer les loisirs que je faisais avant mon accident du 2 septembre 1994.
Je travaillais alors le bois et j’allais à la chasse. Depuis cet accident, je ne puis travailler le bois sécuritairement à cause de mes mains qui lâchent, d’où le risque de me faire blesser. Je ne puis plus pratiquer la chasse parce que les armes à feu produisent un recul.
Les solutions suivantes me permettraient de continuer de faire certains loisirs :
· Pour alimenter les machines manuelles, il y a des entraîneurs qui s’installent sur la machine pour exécuter le travail d’une façon sécuritaire;
· Pour le clouage, il existe des cloueuses qui font ce travail sans avoir à se servir d’un marteau.
· Quant aux armes de chasse, j’ai vérifié auprès d’armuriers et il [sic] ont suggéré de faire installer des anti recul sur les armes, ce qui éviterait de ressentir un choc au moment où le coup part.
Vous remerciant de l’attention apportée à la présente, je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs.
[20] Le 1er octobre 2001, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse de payer les frais d’adaptation des équipements de loisir, décision qui sera éventuellement confirmée le 17 janvier 2002 à la suite d’une révision administrative. Cette dernière décision réfère notamment à la politique de la CSST en matière d’adaptation d’équipements de loisir contenue à l’article 1.2.6 de sa politique 4.04 sur les frais de réadaptation et à laquelle le tribunal réfère comme si ici au long récitée.
[21] Le seul témoin entendu à l’audience est le travailleur. Il affirme que depuis l’événement initial, ses douleurs au cou, aux deux bras et aux mains n’ont jamais disparu. Il a également perdu toute force dans son pouce et son index de façon bilatérale et dès qu’il veut se servir de ces doigts « ça lâche ». Suite à son événement initial, il est retourné dans des travaux légers chez son employeur en novembre 1994 jusqu’en décembre 1995 et depuis il n’a plus occupé aucun emploi.
[22] Antérieurement à sa lésion, il allait régulièrement à la chasse et il s’adonnait à des activités de bricolage, surtout la confection d’horloges grand-père. Le travailleur exhibe d’ailleurs à l’audience des photographies illustrant le genre d’horloges qu’il confectionnait.
[23] Suite à la production de sa demande du 5 mars 2001 auprès de la CSST, cet organisme ne lui a demandé aucune évaluation, estimé ou document. Il n’a jamais d’ailleurs eu à fournir ce genre de document puisque la CSST l’a informé que sa réclamation n’était pas admissible. Il ne servait donc à rien de poursuivre les démarches en obtenant la documentation pertinente. La fabrication d’horloges grand-père était pour lui un simple loisir. Il n’a jamais fait de profit avec cette activité et le prix qu’il demandait aux membres de sa famille et aux amis qui achetaient les horloges fabriquées ne servaient qu’à couvrir les dépenses en matériaux. Le travailleur produit à l’audience sous les cotes T-1 et T-2 des extraits de catalogues illustrant les outils dont il croit avoir besoin pour pouvoir reprendre ses activités de bricolage. Dans un premier temps, il demande notamment une cloueuse automatique. En effet, les séquelles permanentes dont il est porteur au niveau du pouce et de l’index des deux mains font en sorte qu’il ne peut plus se servir d’un marteau traditionnel de façon convenable. En effet, il a déjà tenté de le faire et s’est aperçu qu’il donnait des coups régulièrement à côté du clou, ce qui endommageait la surface des horloges qu’il fabriquait. De plus, ses séquelles aux deux doigts de la main gauche l’empêchent de tenir convenablement le clou à être cloué. Chaque horloge nécessite la pose de 50 ou 60 clous. Il a déjà fait l’essai d’une cloueuse automatique dont il demande le paiement par la CSST et mentionne que cet outil règle son problème. En effet, il peut se servir des trois doigts non affectés par la lésion professionnelle pour enclencher le mécanisme de la cloueuse et ainsi clouer de façon convenable et sans dégât. Quant au deuxième équipement, soit un « entraîneur », il s’agit d’un dispositif qui permet d’entraîner automatiquement les pièces de bois vers une scie mécanique sans que le travailleur n’ait à les manipuler lui-même. Le travailleur n’est plus capable de le faire suite aux séquelles laissées par son accident du travail. Il a déjà tenté de le faire et s’est coupé légèrement un doigt. Cette incapacité découle, selon lui, du manque de force de son pouce et de son index de ses deux mains, ce qui l’empêche de manipuler adéquatement le bois pour l’acheminer dans la scie. Il a aussi essayé cet équipement qui, selon lui, règle complètement son problème.
[24] Le troisième équipement qu’il requiert est un anti-reculs qu’il voudrait installer sur ses fusils de chasse. Il n’a pas essayé cet équipement et ne s’est pas servi de ses sept fusils de chasse depuis 1994. Ses médecins lui ont d’ailleurs demandé de ne pas tenter à nouveau de chasser. Selon lui, le recul découlant de la détonation de ses fusils de chasse lui entraînerait une recrudescence des douleurs à son cou et dans son épaule et il croit que les dispositifs anti-reculs qu’il pourrait faire installer pourraient diminuer le choc d’environ 50 %, selon les avis qu’il a reçus.
[25] Suite à son accident du travail, il mentionne avoir cessé tous ses loisirs dont la bicyclette, le canot, le golf. Il demande donc simplement de pouvoir être indemnisé afin de recommencer à effectuer certains loisirs auxquels il s’adonnait antérieurement à son accident.
[26] Cet accident n’a entraîné aucune adaptation de son domicile. Quant à son véhicule principal, il a dû faire installer un régulateur de vitesse dont il n’a cependant pas demandé le paiement à la CSST devant les complications administratives auxquelles il était régulièrement confronté.
[27] Quant à l’opportunité des équipements de bricolage dont il réclame le paiement, il en a discuté avec un de ses fils qui est médecin et son autre fils qui est ingénieur et tous deux sont d’accord qu’il s’agit de solutions appropriées.
L'AVIS DES MEMBRES
[28] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis. Ils croient que le travailleur a droit au paiement de la cloueuse automatique et de « l’entraîneur » de même que des accessoires nécessaires à leur fonctionnement. Ils croient que ces équipements sont nécessaires à la réadaptation sociale du travailleur selon les dispositions prévues à la Loi.
[29] Ils sont cependant d’avis que les dispositifs anti-reculs que le travailleur voudrait installer sur ses fusils de chasse ne peuvent être déboursés par la CSST devant les lacunes de la preuve apportée. Notamment, il n’y a aucune preuve que ces dispositifs seraient suffisants pour empêcher le risque d’une nouvelle lésion au cou ou à l’épaule du travailleur, surtout que le travailleur ne peut pratiquement pas utiliser le pouce et l’index de chacune de ses mains.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[30] La Commission des lésions professionnelles doit décider du bien-fondé de la réclamation du travailleur par laquelle il demande à la CSST de l’indemniser pour l’adaptation de certains équipements de loisir.
[31] D’entrée de jeu, le tribunal tient à mentionner qu’il ne peut faire droit aux prétentions du travailleur en ce qui concerne la réclamation de dispositifs anti-reculs pour ses fusils de chasse. Le tribunal réfère à ce sujet aux motifs exprimés par les membres issus des associations qu’il partage entièrement. Ainsi, le travailleur a mentionné que ses propres médecins lui déconseillaient la reprise des activités de chasse. De plus, comme ces dispositifs ne peuvent, selon la preuve, annihiler totalement les chocs entraînés par la détonation, il n’a pas été démontré que l’installation de ces dispositifs suffirait pour respecter la deuxième limitation fonctionnelle émise par le membre du Bureau d'évaluation médicale. Au surplus, la troisième limitation fonctionnelle émise par le membre du Bureau d'évaluation médicale indique que le travailleur doit éviter de manipuler des outils nécessitant une précision d’exécution compte tenu de la perte de sensibilité des pouces et index du travailleur. Le tribunal ne voit pas comment, avec ces limitations fonctionnelles, le travailleur peut espérer recommencer à se servir d’un fusil de chasse. Le tribunal ne peut donc faire droit aux prétentions du travailleur quant à sa demande d’installation de dispositifs anti-reculs sur ses fusils de chasse, ces derniers devenant inutiles dans le contexte. Il n'est donc pas « dans la mesure du possible », selon les termes de l'article 151 de la Loi, de palier aux séquelles du travailleur en ce domaine. Reste à décider s’il est possible de faire droit à sa demande concernant l’adaptation de ses outils de bricolage.
[32] Une étude de la Loi et des règlements adoptés en vertu de cette dernière permet de constater qu’aucune disposition spécifique n’a été édictée par le législateur en ce qui concerne le remboursement d’équipements de loisirs chez un travailleur admis en réadaptation. L’article 454 de la Loi qui autorise la Commission à édicter des règlements est également muet sur le sujet. La CSST a alors procédé par l’adoption d’une politique en cette matière. Il est incontestable que la CSST, en tant qu’organisme chargé d’appliquer la Loi, peut procéder à l’élaboration de politiques. Cependant, de telles politiques ne lient pas le présent tribunal, surtout si elles s’écartent de la lettre ou de l’esprit de la Loi ou encore si elles paraissent arbitraires ou déraisonnables[2]. Il peut cependant appliquer celles qui sont conformes à la Loi.
[33] L’élaboration d’une politique concernant les frais d’adaptation d’équipements de loisirs dans le cadre de la réadaptation d’un travailleur doit notamment tenir compte des articles suivants de la Loi :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
________
1985, c. 6, a. 1.
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
________
1985, c. 6, a. 145.
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
.{Modifications.}.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
________
1985, c. 6, a. 146.
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
________
1985, c. 6, a. 151.
184. La Commission peut :
5 ) prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.
Aux fins des paragraphes 1°, 2° et 3°, la Commission forme un comité multidisciplinaire.
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1985, c. 6, a. 184.
351. La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.
Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.
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1985, c. 6, a. 351; 1997, c. 27, a. 13.
[34] La politique 4.04 en matière de frais de réadaptation est, de l’avis du présent tribunal, en grande partie conforme à la lettre et à l’esprit de la Loi. Cette politique prévoit notamment en matière de frais d’adaptation d’équipements de loisir que la CSST peut rembourser au travailleur admis en réadaptation les frais d’adaptation d’équipements de loisir dans le but de lui permettre d’accomplir à nouveau les activités de loisir qu’il pratiquait avant la lésion. Cette politique donne de plus des exemples d’équipements et les outils de bricolage de même que les articles de chasse y sont nommément inscrits.
[35] La limite de 1000 $ qui est inscrite n’apparaît pas non plus manifestement déraisonnable au tribunal et va dans le sens de certaines dispositions législatives limitant l’étendue de la réparation à laquelle a droit un travailleur. Qu’il suffise de mentionner la notion de maximum annuel assurable au niveau de l’indemnité de remplacement du revenu ou encore les limites contenues aux articles 160 et 165 de la Loi[3].
[36] La nécessité de fournir des estimations apparaît également bien fondée mais en l’espèce, la preuve non contredite a démontré que la CSST n’en a jamais fait la demande au travailleur et que, de plus, le refus de la CSST d’octroyer une indemnisation à cet effet en se basant sur certains articles de sa politique a fait en sorte que le travailleur n’a pas eu à les produire. Le tribunal ne croit cependant pas que, dans les circonstances de cette affaire, on doive en tenir rigueur au travailleur. Il est par ailleurs indéniable que le travailleur présente une atteinte permanente grave à son intégrité physique. Cependant, une des conditions d’attribution est à l’effet que l’atteinte découlant de la lésion ait nécessité l’adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur ou encore le port d’une orthèse ou d’une prothèse, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En effet, la seule allégation du travailleur qu’il a dû faire installer un régulateur de vitesse sur sa voiture est insuffisante et le tribunal ne voit pas en quoi ce dispositif découle des séquelles laissées par la lésion professionnelle. Cependant, le tribunal ne trouve aucun lien rationnel entre l’exigence de ces conditions et l’octroi de l'indemnité demandée par le travailleur.. Le tribunal trouve arbitraire que la CSST assujettisse le droit d’un travailleur d’être indemnisé pour l’adaptation d’équipements de loisirs à l’existence d’une adaptation de son domicile ou de son véhicule ou encore au port d’une orthèse ou d’une prothèse. En effet, un travailleur peut avoir subi des séquelles importantes suite à une lésion sans qu’il y ait nécessité d’adapter son domicile ou son véhicule principal ou encore de porter une orthèse ou une prothèse. Le présent cas en est un exemple patent. En conséquence, le tribunal n’entend pas tenir compte de ces conditions dans le cadre de la présente décision.
[37] Il est par ailleurs indéniable que l’adaptation des équipements de bricolage a été rendue nécessaire en raison de certaines des limitations fonctionnelles émises par le Bureau d'évaluation médicale de même que par les séquelles permanentes émises par le médecin traitant du travailleur.
[38] La preuve n’a pas été contredite quant au fait que le travailleur accomplissait ses activités de bricolage avant la lésion professionnelle et qu’il possédait les équipements qu’il devait faire adapter. À ce niveau, même s’il est vrai que le travailleur ne possédait pas de cloueuse automatique, il s’agit ni plus ni moins en l’espèce que de l’adaptation du marteau qu’il utilisait (et qu’il ne peut plus utiliser de façon productive selon la preuve) par son remplacement par un outil approprié. Quant à « l’entraîneur », il s’agit d’un équipement qui s’ajoutera à ceux déjà détenus par le travailleur. En regard de la dernière exigence qu’un ergothérapeute ait recommandé la mesure d’adaptation, le refus de la CSST basé sur le fait que le travailleur ne remplissait pas d’autres conditions d’admissibilité de la politique a fait en sorte qu’aucune consultation en ce sens n’a été faite. Encore une fois, le tribunal ne croit pas qu’on doive en tenir rigueur au travailleur. De toute façon, la preuve a démontré que la cloueuse automatique de même que « l’entraîneur » sont des équipements qui permettront au travailleur de surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle et qui lui permettront de redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités de bricolage, le tout tel que prescrit par l’article 151 de la Loi. Ces équipements permettront également une certaine réparation des conséquences de la lésion professionnelle, respectant ainsi le principe de base de la Loi consacré par son article 1. Le paiement par la CSST de ces équipements permettra également au travailleur de prendre les mesures nécessaires pour atténuer ou faire disparaître les conséquences de sa lésion professionnelle selon les termes du cinquième paragraphe de l’article 184. Une telle indemnisation respecte également l’équité, le mérite réel et la justice du cas tel que le prescrit l’article 351. Rappelons que la politique 4.04 mentionne que le paiement de frais de réadaptation sociale doivent s’appuyer sur le degré d’autonomie et sur la réalité propre à chaque travailleur.
[39] En conséquence, le tribunal est d’avis que le travailleur doit être indemnisé pour l’achat d’une cloueuse automatique et d’un « entraîneur » de même que pour les équipements accessoires nécessités par ces deux outils et ce, parce que les conditions valides de la politique énoncée par la CSST en cette matière sont remplies et que de toute de façon, même en faisant abstraction de cette politique, la lettre et l’esprit de la Loi font en sorte que le travailleur doit être indemnisé en cette matière selon la preuve non contredite apportée à l’audience à l’effet que le travailleur, à cause des conséquences de sa lésion professionnelle, ne peut plus se servir des équipements non modifiés qu’il utilisait avant sa lésion et que les modifications suggérées lui permettront de s’adonner à nouveau à son loisir préféré.
[40] Il est également utile de mentionner que la CSST a accepté, dans de nombreuses décisions, d’indemniser le travailleur pour des frais de déneigement, de peinture, de tonte de gazon, de tonte d’arbres etc. reconnaissant ainsi son besoin d’aide en raison des graves conséquences entraînées par sa lésion professionnelle. Le tribunal rappelle également que l’agente de la CSST avait dans un premier temps indiqué au travailleur qu’elle trouvait surprenant que la CSST n’accepte pas de lui fournir les adaptations nécessaires et le tribunal croit que c’est cette première impression qui aurait dû guider la CSST dans la suite du dossier.
[41] Pour tous ces motifs, le tribunal croit qu’il y a lieu d’accueillir en partie la requête du travailleur.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE EN PARTIE la requête de M. Germain Rioux, le travailleur ;
MODIFIE la décision rendue par la CSST le 17 janvier 2002 à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit d’être indemnisé concernant l’installation de dispositifs anti-reculs sur ses fusils de chasse ;
DÉCLARE que le travailleur a droit d’être indemnisé, jusqu’à concurrence de la limite indexée prévue par la politique, pour l’achat d’une cloueuse automatique et d’un « entraîneur » ainsi que de leurs accessoires ;
ET
ORDONNE à la CSST de prendre les arrangements nécessaires, en collaboration avec le travailleur, pour donner suite au présent jugement.
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Me Jean-François Clément |
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Commissaire |
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[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] Beaulieu et Bousquet Puits # 1, C.L.P. 156531-08-0103, 29 octobre 2002, S. Lemire, commissaire; C.H.A.U.Q. et L'Espérance et Als, C.L.P 161836-32-0105, 28 novembre 2001, C. Lessard, commissaire (Révision judiciaire rejetée le 28 février 2002, 200-05-016330-024- C. S. Québec; Guilbault et C.A. Paul Lizotte, C.L.P. 156211-63-0103, 9 octobre 2001, R.-M. Pelletier, commissaire.
[3] 160. Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.
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1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui - même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c.6, a.165.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.