Y.L. et [Compagnie A] |
2009 QCCLP 156 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Sherbrooke |
Le 12 janvier 2009 |
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Région : |
Estrie |
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Dossier CSST : |
121095368 |
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Commissaire : |
Michel-Claude Gagnon, juge administratif |
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Membres : |
Bertrand Delisle, associations d’employeurs |
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Daniel Robin, associations syndicales |
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Partie requérante |
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[Compagnie A] |
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Partie intéressée |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
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Dossier 328847-05-0709
[1] Le 26 septembre 2007, monsieur Y… L… (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 17 septembre 2007 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision la CSST confirme les décisions qu’elle a initialement rendues le 24 mai 2007 et déclare que le travailleur n’a pas droit à l’allocation d’aide personnelle à domicile pour les travaux d’entretien ménager et qu’il n’a pas droit au remboursement des frais d’entretien pour le grand ménage, plus spécifiquement le lavage des planchers.
Dossier 342540-05-0803
[3] Le 12 mars 2008, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 13 février 2008 à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision la CSST confirme la décision qu’elle a rendue le 4 décembre 2007 et déclare que l’emploi d’assembleur de petits articles constitue un emploi convenable et que le travailleur a la capacité d’exercer cet emploi à compter du 30 novembre 2007.
[5] Elle déclare aussi que le revenu annuel brut de l’emploi convenable est de 16 684,80 $.
[6] Dans la même décision, la CSST déclare nulle la décision rendue le 18 décembre 2007.
[7] L’audience s’est tenue le 27 août 2008 en présence du travailleur et de son représentant. L’employeur, [la Compagnie A], a avisé le tribunal de son absence et demandé de confirmer les décisions rendues par la CSST.
[8] Pour sa part, la CSST est intervenue dans l’affaire et elle est représentée à l’audience.
[9] L’audience s’est poursuivie le 4 novembre 2008.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[10] Le travailleur demande de reconnaître qu’il a droit aux frais de grand ménage et de reconnaître que l’emploi d’assembleur de petits articles ne constitue pas un emploi convenable.
LA PREUVE
[11] Le 13 août 2001, le travailleur subit un accident du travail en tirant un boyau à pression inséré dans un tuyau. Le travailleur, qui occupe un emploi d’aide opérateur haute pression, se blesse au dos lors de la manœuvre. Un diagnostic d’entorse lombaire est retenu initialement, pour, par la suite, succéder au diagnostic de hernie L4-L5 gauche.
[12] Le 11 avril 2002, le docteur Guy Fournier examine le travailleur pour le compte de l’employeur dans le cadre d’une expertise médicale visant à évaluer différents aspects médicaux et administratifs de la lésion professionnelle.
[13] Il mentionne entre autres la prise importante de médications qui pourrait entraîner une dépendance si elle est poursuivie et suggère un traitement chirurgical et un réexamen par le docteur Kenny en raison de l’échec des traitements conservateurs.
[14] Le docteur Kenny examine le travailleur le 7 juin 2002 et relate que les symptômes du travailleur sont très exagérés puisque le seul signe clinique observé en relation avec la hernie L4-L5 est une diminution du réflexe rotulien gauche. Il n’envisage aucune chirurgie pour traiter la condition du travailleur et suggère plutôt que le travailleur puisse être réactivé le plus rapidement possible.
[15] Le 11 septembre 2002, le docteur Cabana examine le travailleur à la suite d’une demande du service médical de la CSST. Ce dernier rejette également l’indication d’une intervention chirurgicale et suggère une prise en charge pour enseignement de l’hygiène posturale et le développement des capacités fonctionnelles de travail en fonction de son travail habituel.
[16] La lésion est consolidée le 23 décembre 2002 par le docteur Castonguay. Au cours de la même période, l’agente de la CSST rapporte que le docteur Castonguay est d’accord avec le docteur Cabana pour que le travailleur participe à un programme d’évaluation de développement des capacités avec une approche multidisciplinaire (S.I.R.F.). Il précise que le rapport du S.I.R.F. permettra une meilleure évaluation des séquelles permanentes et des limitations fonctionnelles.
[17] Le 7 février 2003, la secrétaire du docteur Castonguay communique avec la CSST afin de s’informer sur les motifs qui justifient l’absence de référence au S.I.R.F.
[18] L’agent de la CSST est informé par le travailleur au cours de la même journée qu’il déménage et qu’il n’habite plus avec sa conjointe.
[19] Le 19 février 2003, monsieur Yvon Guay rencontre le travailleur à son logement afin d’évaluer la possibilité d’un support psychologique ainsi que d’une référence au S.I.R.F.
[20] Lors de cette rencontre, l’agent relate la conversation tenue avec le travailleur qui gravite autour des douleurs qui l’incommodent et l’empêchent de dormir. Le travailleur manifeste le souhait d’être opéré. Devant ce constat, monsieur Guay ne fait aucune référence au S.I.R.F.
[21] Lors de cette rencontre, le travailleur, qui habite Valcourt, est accompagné de la conjointe avec laquelle il vit depuis un an et demi. Il est indiqué qu’il utilise l’automobile de son fils pour se dépanner puisqu’il n’a plus son véhicule.
[22] Le 19 mars 2003, le docteur Ricard produit un rapport d’évaluation décrivant les séquelles de la lésion.
[23] Lors de cet examen, le docteur Ricard relate la persistance des douleurs qui affectent le sommeil du travailleur et qui sont semblables à celles ressenties depuis l’événement, malgré les traitements prodigués. Les douleurs sont localisées à la région lombaire basse avec irradiation au niveau de la cuisse en antérieur.
[24] L’examen moteur est normal et symétrique, mais une légère diminution du réflexe rotulien gauche est notée.
[25] Au niveau de la médication, il est question de prise d’analgésiques et d’antidépresseurs.
[26] Une atteinte permanente de 5,75 % est confirmée ainsi que des limitations fonctionnelles qui consistent à éviter de soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kilogrammes, travailler en position accroupie, ramper, grimper et effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, extension ou de torsion de la colonne lombaire.
[27] Le 1er avril 2003, l’agente de la CSST relate que le travailleur doit faire des démarches auprès du docteur Ricard afin d’être opéré à Montréal.
[28] Par la suite, la CSST réfère le travailleur à un psychiatre afin d’évaluer sa condition relativement à un diagnostic de dépression. Le travailleur ne se présente pas au rendez-vous fixé avec le docteur Lepage.
[29] En juin 2003, l’agent rapporte dans ses notes une discussion avec la docteure Claude Castonguay. Il est relaté que cette dernière est peu surprise de l’absence du travailleur au rendez-vous fixé avec le docteur Lepage puisque ce dernier est également souvent absent aux rendez-vous fixés par le docteur Castonguay. Il est question des consultations du 31 janvier 2003 et du 2 mai 2003.
[30] Il est aussi discuté avec le travailleur de consommation de médications prescrites pour une dépression et pour l’aider à dormir. L’agent relate que le docteur Castonguay a retiré les médicaments pour dormir parce que le travailleur prenait de la bière en même temps. Il rajoute que le travailleur se dit capable de ne pas prendre de médication avec de la bière.
[31] Le travailleur ne se présente pas au second rendez-vous fixé avec le docteur Lepage pour le 14 août 2003. Il invoque la perte de son permis de conduire et l’impossibilité de pouvoir trouver quelqu’un pour le reconduire. Finalement, il se présente au troisième rendez-vous prévu pour le 19 septembre 2003.
[32] Le 23 septembre 2003, le docteur Lepage remplit un rapport. Au niveau des antécédents, il relate ceci :
[…] Suite à une peine d’amour il y a plusieurs années, il a pris de la cocaïne sur une base régulière, sans complication.
Il a commencé à consommer de l’alcool vers dix-sept ou dix-huit ans, mais pas de façon régulière : « Comme les autres ». Pourtant, à chaque année il se promettait l’abstinence, qu’il pouvait soutenir de plus en plus longtemps jusqu’à une éventuelle rechute. Il a déjà perdu son permis de conduire à cause de l’alcool, puis à nouveau au cours de l’été 2003. Il n’aurait jamais perdu de travail, mais il y aurait eu quelques occurrences de black out.
[33] Il relate les allégués du travailleur quant à une consommation abusive d’alcool pour alléger la douleur depuis l’accident, ainsi que la suspension de son permis de conduire après avoir consommé de l’alcool.
[34] Au niveau de l’examen mental, il retient ceci :
[…]
Il se dit déprimé, mais l’examen n’en révèle aucun signe. Il n’est pas ralenti ni inhibé, il est à l’aise, relationnel, expressif sur le plan de la mimique, de la gestuelle, de la prosodie. Il sourit et s’amuse facilement. Il ne s’émeut à aucun moment. Il n’est pas non plus anxieux. Il se valorise de son parcours professionnel en regard de ses difficultés d’apprentissage. Son discours gravite autour de ses douleurs et de ses limitations, auxquelles il attribue un certain affaissement de l’humeur et ses comportements alcooliques. Il n’est pas psychotique ni suicidaire. Le sensorium est clair, l’état de vigilance est normal, les fonctions cognitives sont préservées. La pensée est plutôt concrète, les capacités intellectuelles sont probablement limites.
[…]
[35] Il retient la conclusion suivante :
Conclusion :
Je ne peux confirmer de tableau dépressif actif chez Monsieur L…. Il a pu traverser une période dépressive comme le rapporte son médecin au cours de 2002. Sur un rapport d’informations médicales complémentaires écrites du 7 février 2003, le Docteur Castonguay mentionne qu’il présente encore des symptômes dépressifs, qu’il est découragé de son état actuel et qu’il ne peut concevoir de devoir supporter cette douleur à vie. Pour ma part, je ne retrace pas de syndrome dépressif à l’histoire courante et je n’en observe pas de signe à l’examen. S’il est vrai que son état n’a guère changé depuis l’an dernier, il pourrait fort bien ne pas avoir présenté d’épisode dépressif majeur, tout au plus un trouble d’adaptation, lequel serait actuellement résolu.
Couramment, je n’identifie pas de trouble psychiatrique l’empêchant de vaquer à ses occupations quotidiennes ou à des activités de travail.
Monsieur L… présente un problème d’abus d’alcool, qu’il attribue à l’accident. Il laisse entendre que l’alcool lui sert à fuir certaines difficultés comme ses conflits conjugaux, sinon c’est essentiellement le contrôle de la douleur qui serait visé par cette consommation. Cela est possible, mais ce qu’il me dit de ses habitudes alcooliques antérieures est plutôt vague, et les défis d’abstinence qu’il s’est lancés de façon répétée, l’histoire de perte du permis de conduire, l’occurrence de black-out dans le passé, m’amènent à conclure que le problème n’est pas nouveau et ne peut être attribué à l’accident de travail de 2001.
Quoiqu’il en soit, je ne peux attribuer à l’abus d’alcool des limitations fonctionnelles significatives, et pas d’empêchement à travailler. D’ailleurs, tout gravite autour de la douleur et, selon sa propre réaction spontanée, tout changerait si on l’en débarrassait.
Je retiens donc comme diagnostic :
Axe I : Abus d’alcool.
Possibilité d’épisode dépressif ou de trouble d’adaptation, résolu.
Axe II : Trouble de personnalité probable à spécifier.
Axe III : Séquelles de traumatisme lombaire.
Axe IV : Limitations secondaires à l’axe III.
Axe V : Couramment dans la fourchette 71-80.
Étant dans l’impossibilité de confirmer un tableau dépressif actif ou d’attribuer à l’accident ses comportements alcooliques, je ne peux que conclure à la consolidation de la condition psychiatrique à la date de cet examen, probablement même avant. Par ailleurs, je n’identifie pas de pathologie psychiatrique attribuée à l’accident et susceptible d’entraîner des atteintes permanentes.
Quant au traitement, je ne crois pas qu’il soit encore nécessaire d’administrer des antidépresseurs d’une part en regard de l’examen mental normal, d’autre part en regard de l’absence de changement de son état, ce qui mettrait en question la sévérité de l’épisode qu’il a pu présenter.
[36] En octobre 2003, madame Nathalie Pinkos, conseillère en réadaptation, prend charge du dossier et débute les démarches afin d’évaluer la capacité du travailleur à refaire l’emploi antérieur selon les limitations fonctionnelles retenues par le docteur Rivard. À cet effet, une visite est effectuée chez l’employeur.
[37] Le 28 novembre 2003, la conseillère en réadaptation, madame Nathalie Pinkos, retient que le travailleur n’est plus capable d’effectuer l’emploi prélésionnel.
[38] Le 11 décembre 2003, l’employeur avise la conseillère en réadaptation qu’il est prêt à mettre à la disposition du travailleur des adaptations lui permettant de travailler en respectant les limitations fonctionnelles. La conseillère révise sa position initiale et confirme que le travailleur a la capacité de reprendre son emploi d’aide-opérateur.
[39] Le 19 janvier 2004, les diagnostics de zona et de priapisme sont refusés par une décision du tribunal et il ne sont pas considérés comme étant des composantes de la lésion professionnelle du 13 août 2001.
[40] Le 20 janvier 2004, le travailleur change de représentant et désigne monsieur Éric Marsan afin de l’aider dans l’administration de son dossier de la CSST.
[41] Le 12 février 2004, le travailleur informe la conseillère en réadaptation qu’il refuse l’emploi offert par son employeur parce qu’il se sent incapable et craint les conflits de travail en raison de ses limitations fonctionnelles. Le travailleur refuse également un autre emploi le 16 février 2004. Les motifs invoqués sont reliés à la manifestation de douleurs ainsi qu’aux conditions climatiques trop froides.
[42] Le 11 mars 2004, le docteur Dahan, physiatre, examine le travailleur et retient que le travailleur souffre d’un syndrome de douleur chronique et que le contrôle est fortement sous-optimal malgré la consommation régulière de médication. Il suggère une prise en charge multidisciplinaire qui combine de la physiothérapie, de l’ergothérapie, de l’acupuncture et de la psychologie.
[43] Le 15 mars 2004, monsieur Marsan rencontre l’agent de la CSST concernant le suivi médical du dossier et la référence aux différents examens en imagerie. Le lendemain, le travailleur informe la CSST qu’il ne veut pas être examiné sans en avoir parlé préalablement avec son représentant.
[44] Le 16 mars 2004, le docteur Lebel effectue une étude de conduction nerveuse et un électromyogramme et conclut à un examen normal sans changement pouvant objectiver une atteinte radiculaire lombo-sacrée.
[45] Le 23 avril 2004, l’agente de la CSST précise que le travailleur a reçu des informations de son pharmacien concernant la prise du médicament Duragesic. Il est question d’un traitement de maintien visant à aider le travailleur à mieux contrôler ses douleurs. Il est recommandé d’éviter de prendre de l’alcool avec le médicament et d’éviter toute tâche pouvant représenter un danger, comme conduire une automobile ou utiliser des machines dangereuses jusqu’à ce qu’il y ait certitude que le médicament n’affecte pas la vigilance.
[46] Le 3 mai 2004, le docteur Jacques St-Hilaire produit une expertise psychiatrique à la demande du représentant du travailleur, monsieur Éric Marsan.
[47] Il retient le diagnostic de trouble dépressif majeur d’intensité modérée associé à un trouble douloureux chronique en relation directe avec la lésion. En discussion, il souligne ceci :
Discussion :
Je constate un adulte souffrant, inquiet et [sic] sa vie et déprimé. Il s’ajuste mal à sa réalité actuelle et il nécessite des soins professionnels. Référence en psychologie (Mme Layral, Granby). Sera revu.
[48] Le 10 mai 2004, le travailleur avise l’agente de la CSST qu’il a rompu avec sa conjointe et qu’il habite avec son fils et une colocataire.
[49] À compter du 10 novembre 2005, le docteur Jean Turcotte produit une lettre dans le contexte de comparutions à la Cour de juridiction criminelle et pénale. Le texte de cette lettre mentionnée à différentes reprises au cours de l’année 2006 se présente de la manière suivante :
A QUI DE DROIT,
Sujet : M. Y… L…
1958 01 18
Madame, Monsieur,
La présente est pour confirmer que Monsieur présente un syndrome douloureux chronique lombo sciatalgique pour lequel il fait usage d’une médication analgésique et sédative qui est assez importante. Cette médication a comme effet secondaire de perturber l’état mental de Monsieur en ce sens qu’on observe un ralentissement psycho-moteur, des troubles de l’attention et de la concentration et son jugement peut être aussi altéré. Il est important de tenir compte de ces faits dans la perspective d’une comparution à la cour.
[...]
[50] Le 29 mars 2006, le tribunal rend une autre décision et retourne le dossier à la CSST afin qu’un emploi convenable respectant la capacité résiduelle du travailleur soit déterminé.
[51] Il refuse de reconnaître le diagnostic de « dépression secondaire/dépression multifactorielle » en relation avec l’événement du 13 août 2001 en indiquant dans ses motifs l’accord du médecin traitant avec l’opinion du docteur Lepage refusant cette même relation. L’expertise du 3 mai 2004 du docteur St-Hilaire est aussi considérée aux fins de rendre cette décision.
[52] Il refuse aussi de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation du 25 février et du 4 mai 2004 en relation avec l’événement du 13 août 2001. Le diagnostic d’hernie discale L5-S1 est refusé.
[53] Le 11 avril 2006, la CSST donne suite à la décision du tribunal et réfère le dossier à la conseillère en réadaptation, madame Nathalie Pinkos.
[54] Le 8 mai 2006, la CSST communique avec le travailleur afin d’entreprendre un processus de réadaptation professionnelle. Le travailleur demande à la conseillère en réadaptation de tenir compte de la participation du représentant aux rencontres concernant son dossier.
[55] En octobre 2006, alors qu’une amorce de réadaptation est effectuée par la conseillère en réadaptation, le travailleur l’informe que sa condition s’est aggravée à la suite de la levée d’une poche de patates d’un poids de 50 livres.
[56] La conseillère relate à ses notes les propos du représentant du travailleur à l’effet que ce dernier n’a pas confiance en la CSST et qu’il désire transiger avec son représentant. Au cours de la même période, une discussion téléphonique a lieu entre le médecin du service médical de la CSST et le médecin qui a charge du travailleur, le docteur Turcotte. Il est question de la consommation importante de médications et de sevrages à entreprendre.
[57] La conseillère en réadaptation entreprend, à partir du 13 octobre 2006, des démarches en vue d’aider le travailleur à cheminer avec une travailleuse sociale. Il est question d’évaluer et d’améliorer sa capacité de calcul et l’aider dans le choix d’une ressource en désintoxication. La possibilité d’une référence à la maison Alpha est mentionnée.
[58] Le 25 octobre 2006, la conseillère en réadaptation rapporte les discussions intervenues lors d’une rencontre avec le représentant du travailleur, monsieur Marsan, et le travailleur. Elle relate les propos du représentant quant à une référence à une ressource afin d’aider le travailleur à faire le deuil de son emploi et accepter sa perte de capacité ainsi que sa perte d’identité. Il est rajouté que le travailleur n’est pas d’accord avec une telle référence.
[59] Le 30 octobre 2006, la conseillère en réadaptation relate que le médecin du travailleur recommande un sevrage de médicaments et possiblement une cure de désintoxication. Elle souligne l’analphabétisme du travailleur et son manque d’intérêt pour améliorer la situation, sa perte d’identité, son deuil inachevé de capacité, sa désorganisation sur le plan socioprofessionnel et envisage de référer le travailleur à une travailleuse sociale afin de l’accompagner et de l’aider à se mobiliser.
[60] Le 15 novembre 2006, la conseillère en réadaptation rencontre une travailleuse sociale, madame Diane Tremblay, afin d’offrir un soutien au travailleur pour l’aider à contrôler la prise de médication. Un mandat de six mois est initialement envisagé, mandat qui s’échelonnera finalement sur une durée d’une année. À compter du 21 novembre 2006, il est aussi question de mandater la travailleuse sociale afin de référer le travailleur à une ressource pouvant évaluer ses capacités cognitives.
[61] La même journée, la conseillère reçoit une demande de renseignements de la Régie des rentes du Québec accompagnée de l’autorisation écrite du travailleur.
[62] Le 30 novembre 2006, le docteur Alain Dumont, médecin du service médical de la CSST, effectue un bilan téléphonique avec le docteur Jean Turcotte. Il est question du résultat de la résonance magnétique du 8 novembre 2006 dont l’interprétation démontre une accentuation de la hernie discale L4-L5 par rapport à l’examen du mois de mars 2004. La possibilité d’obtenir un autre avis en neurochirurgie est discutée.
[63] Le 2 février 2007, la conseillère en réadaptation relate à ses notes évolutives le suivi avec la travailleuse sociale. Elle indique que le travailleur chemine et qu’il démontre de l’ouverture dans sa relation avec la travailleuse sociale. Selon les rapports produits, les rencontres ont débuté le 29 janvier 2007.
[64] Le 19 février 2007, la conseillère en réadaptation réfère le travailleur en neuropsychologie afin de faire évaluer ses capacités cognitives. La rencontre est prévue le 16 mars 2007. Le travailleur ne se présente pas à ce rendez-vous.
[65] À cette époque, un changement intervient au niveau de la conseillère en réadaptation. Madame Michelle Rivard remplace madame Nathalie Pinkos.
[66] Le 21 février 2007, le docteur Turcotte refait une nouvelle lettre en vue des comparutions à la Cour et son texte se présente ainsi :
La présente est pour confirmer que M. L… présente un syndrome douloureux chronique lombo sciatalgique pour lequel il fait usage d’une médication analgésique et sédative. Cette médication peut amener un ralentissement psycho moteur, des troubles de l’attention et concentration avec altération du jugement possible. Il m’apparaît pertinent de vous communiquer cette information dans la perspective d’une comparution à la Cour.
Il est arrivé dans le passé que M. ait abusé de sa médication avec des manifestations cliniques de cet ordre. Actuellement, M. reçoit des services de réadaptation professionnelle de la CSST; il a, en particulier un suivi par une travailleuse sociale. De plus, il aura le 16 mars 2007, une évaluation en neuropsychologie dans le but d’objectiver ses capacités cognitives afin de mieux l’orienter dans l’exploration de ses possibilités professionnelles. Les différentes ressources qui seront mises à sa disposition pourraient nous amener à améliorer la condition douloureuse chronique, ce qui aurait pour effet d’alléger possiblement sa médication.
[…]
[67] Lors de son rapport du 26 mars 2007, la travailleuse sociale confirme que le travailleur collabore bien au processus et qu’il semble satisfait des rencontres. Cependant, elle relate également un évènement à caractère personnel qui interfère avec le processus puisque le travailleur ne se présente pas à l’évaluation neuropsychologique prévue.
[68] Les 9 et 14 avril 2007, le psychologue Jocelyn Chouinard procède à l’évaluation neuropsychologique du travailleur.
[69] Le 1er mai 2007, la conseillère en réadaptation communique avec le travailleur afin de répondre à une demande d’aide personnelle à domicile. Elle se réfère à l’expertise psychiatrique et reprend que les capacités intellectuelles du travailleur sont probablement limites.
[70] Le 5 mai 2007, madame Tremblay constate que l’objectif d’obtenir une évaluation neuropsychologique a été atteint malgré différentes situations d’ordre personnel et familial qui se sont présentées. Elle souligne que le travailleur est très positif et motivé face à l’avenir.
[71] Le 10 mai 2007, le psychologue Jocelyn Chouinard produit une expertise neuropsychologique afin d’évaluer les capacités cognitives du travailleur.
[72] Il note ses observations quant aux fluctuations anormales de vigilance qui l’oblige à prendre des pauses. Il soupçonne la prise de médicaments, mais rapporte les allégués du travailleur quant au respect du dosage prescrit. L’absence d’odeur d’alcool est aussi notée.
[73] Au niveau des fonctions cognitives, il retient une performance faible au test d’intelligence non verbale Toni et une performance très faible au test d’intelligence pour adultes de Wechler (WAIS-111, version française) pour un QI global qui est aussi estimé très faible, ce qui selon lui explique les difficultés rencontrées dans le système scolaire. Le niveau des connaissances générales est également très faible.
[74] Quant aux capacités de mémorisation et d’apprentissage, il retient ceci :
La mémoire et les capacités d’apprentissage n’ont pu être évaluées formellement en raison du manque de collaboration de monsieur. Dès qu’il a été confronté aux efforts à fournir pour mémoriser soit de courtes histoires, soit des listes de mots, il n’a pas voulu poursuivre malgré les encouragements de l’évaluateur. Cependant, les contenus qu’il rapporte de ses expériences personnelles passées et récentes suggèrent qu’il est capable de mémoriser et récupérer au besoin des informations enregistrées dans sa mémoire. Par exemple, à la deuxième entrevue, il se souvenait de ce qui s’était passé lors de la rencontre précédente, ce qui lui permettait d’aborder la seconde session d’évaluation avec plus de confiance.
[75] Sa discussion du dossier ainsi que sa conclusion sont rapportées de la manière suivante :
DISCUSSION
Cet homme de 49 ans a été victime d’un accident de travail il y a bientôt 6 ans. Depuis ce temps, il a été référé d’un spécialiste à l’autre dans le but de clarifier tantôt ses capacités physiques, tantôt sa condition psychologique, le tout en rapport avec sa capacité à refaire l’emploi qu’il exerçait au moment de l’accident. En mars 2006, après de multiples évaluations, la Commission des lésions professionnelles le déclarait inapte à cet emploi et demandait à la CSST d’entreprendre des démarches visant à lui déterminer un travail convenant à ses capacités. C’est dans ce contexte que nous l’avons rencontré plus d’un an après cette décision afin de fournir à la Commission un avis sur les capacités cognitives de monsieur. C’est donc un travailleur méfiant, anxieux de se voir encore une fois évalué, qui plus est, sur des habiletés qui l’ont toujours fait se sentir incompétent par le passé. Il faut l’entendre préciser avec empressement qu’il n’était pas bon à l’école, mais qu’il avait toujours été reconnu pour sa force physique et sa vaillance à l’ouvrage, ce qui suggère une estime de soi fondée en somme presque exclusivement sur ses capacités et son apparence physiques.
Malgré ses appréhensions, une fois à demi rassuré, il a consenti à collaborer à la démarche d’évaluation, en étant presque à chaque test confronté à l’échec et l’abandon. Sauf pour les tests de mémoire, je puis affirmer qu’il a fourni des efforts à la mesure de ses capacités.
Les performances qu’il a obtenues révèlent globalement de très faibles capacités intellectuelles. Même en limitant le plus possible les contenus verbaux vu les faibles antécédents académiques et les contenus culturels vu les faibles antécédents sociaux, et en utilisant des formats concrets comme des dessins (TONI), des figures à deux ou trois dimensions (images, blocs), ses performances demeurent nettement déficientes. Sa capacité à raisonner et à résoudre des problèmes, deux manifestations largement reconnues comme étant des manifestations de l’intelligence, sont très limitées. Il est possible que son état psychologique (méfiance, anxiété) et les effets secondaires de sa médication aient limité la pleine expression de son potentiel intellectuel, mais je doute que ces facteurs aient pesé significativement dans la balance.
CONCLUSIONS
En conclusion, pour répondre aux questions posées par la référente, les emplois où ce travailleur pourrait mettre à contribution ses capacités devront nécessairement être très simples et concrets, sans obligation de lecture, d’écriture et de calcul (même les opérations simples comme les additions et les soustractions sont pour lui très laborieuses, voire même impossibles), idéalement des emplois de type « aide » (ex : aide-livreur, aide-commis, aide-fermier, etc.) où il accompagnerait quelqu’un dans ses tâches et où il aurait très peu de décisions à prendre et de problèmes à résoudre. Bien sûr, ces restrictions s’ajoutent à ses limitations physiques et restreignent son employabilité.
Par ailleurs, même en l’absence de données psychométriques pour appuyer mes dires, je crois que sa capacité d’apprentissage est suffisamment bonne pour lui permettre de faire des acquisitions nouvelles qui seront moins du domaine des connaissances que des habiletés (mémoire sémantique vs procédurale). En ce sens, il faudra bien sûr privilégier la formation en emploi.
En terminant, la motivation de ce travailleur et sa fierté demeurent ses principales forces dans cette démarche de réorientation professionnelle. Si l’on prend le temps de créer une bonne relation de confiance avec lui (ce dont il est capable malgré la méfiance dont j’ai fait état au début), la probabilité qu’il puisse entreprendre et terminer une démarche de réintégration au marché du travail devrait être bonne malgré ses limitations et tout le temps écoulé depuis l’accident.
[76] En conclusion, il suggère des emplois très simples et concrets sans obligation de lecture, d’écriture et de calcul. Les exemples donnés sont des emplois d’aide-livreur, aide-commis, aide fermier, emplois où il est accompagné par un autre employé et que la motivation et la fierté du travailleur sont ses principales forces.
[77] Le 11 mai 2007, la conseillère en réadaptation, madame Rivard, effectue une visite à domicile accompagnée de l’ergothérapeute, madame Julie Bouffard, afin de procéder à l’évaluation de l’aide personnelle. Au sujet de cette rencontre, la conseillère relate ceci à ses notes :
[…] T a de la difficulté à répondre aux questions posées. Il répond fréquemment par « regarde, tu vois bien » sans pour autant expliciter ses difficultés à exécuter la tâche mais plutôt en mettant l’emphase sur le fait évident que la tâche n’a pas été faite depuis longtemps. T semble éprouver certaines difficultés au plan des capacités cognitives et revient souvent sur ses problèmes personnels (rupture avec ex-conjointe, logement qu’il n’aime pas, malpropreté du logement).
Lorsque madame Bouffard a fini son évaluation, nous procédons à une première rencontre de réad.
T occupe ses journées à regarder la télé, se promener à Valcourt et aller voir ses chums. Il avait repris la vie commune avec son ex-conjointe mais après cette dernière rupture, soit la 5e ou 6e, il dit qu’il ne retournera pas avec celle-ci et pensera plutôt à lui.
Cet hiver il a joué au pool avec ses chums. Cet été, il entrevoit la pêche.
Demandons à T ses attentes face à la CSST. Dit qu’il ne comprend pas la question. Demandons à T ce qu’il veut de la CSST. Veut qu’on laisse pour faire laver son plancher afin que le propriétaire de son immeuble « casse » son bail. Dit qu’il s’est trouvé un nouveau logement dans lequel il sera mieux et veut déménager.
[78] À la suite de cette visite, la CSST refuse l’aide à domicile pour le déménagement, le lavage et le cirage des planchers de l’appartement qu’il quitte, pour déménager les meubles, prendre les mesures des nouvelles fenêtres et pour installer les stores.
[79] Ce refus consigné aux notes évolutives du 22 mai 2007, reprend les différents paramètres de la grille d’aide personnelle et tient compte des limitations fonctionnelles du travailleur.
[80] Le 24 mai 2007, la CSST rend deux décisions. La première refuse d’accorder une allocation pour une aide personnelle à domicile et la seconde refuse les travaux d’entretien pour le grand ménage.
[81] Lors de son rapport du 11 juin 2007, la travailleuse sociale fait un résumé de la rencontre du 22 mai 2007 alors que le travailleur a aménagé un nouveau domicile. Elle précise que le travailleur est confiant en l’avenir et qu’il souhaite trouver des activités en lien avec ses capacités. Le travailleur se dit prêt à passer à autre chose malgré ses douleurs au dos.
[82] Elle souligne que l’appartement du travailleur est très éclairé, très propre et rangé et que l’équilibre physique et psychologique a été retrouvé. Elle estime que son suivi est terminé.
[83] Le 26 juillet 2007, la travailleuse sociale produit un autre rapport pour une visite du 16 juillet 2007. Lors de cette visite, elle constate que la motivation du travailleur a grandement diminué. Il est question du refus de l’aide domestique et du recours à des connaissances personnelles pour l’aider à faire les tâches d’aide domestique.
[84] La travailleuse sociale mentionne qu’à aucun moment, elle n’a observé des contenants indiquant une consommation excessive d’alcool sauf lors d’une situation personnelle pour laquelle le travailleur a communiqué avec elle en état d’ébriété. Il est indiqué que le travailleur fait attention lorsqu’il prend de la médication. Elle rajoute qu’il est possible que le travailleur puisse consommer lors de situations personnelles similaires.
[85] Elle décrit le travailleur comme étant une personne sociable, humaine et loyale qui peut cependant être victime d’abus en raison du fait qu’il ne sait pas lire, ni écrire. Elle précise que le travailleur a toujours été en confiance et coopératif lors des rencontres et qu’il attend les directives de son représentant pour la prochaine étape.
[86] Le 9 août 2007, une rencontre a lieu entre la conseillère en réadaptation, la travailleuse sociale et la conseillère en emploi, madame Carole Paquet. Il est question de référer le travailleur à une entreprise de Valcourt. Une rencontre avec la travailleuse sociale est prévue le 21 août 2007 et la conseillère souligne qu’il n’y a pas de répondeur en fonction chez le représentant du travailleur.
[87] Le 10 août 2007, la CSST envoie une lettre pour confirmer que les frais d’une ressource externe sont alloués afin d’accompagner le travailleur dans une démarche de stage en entreprise.
[88] Le 28 août 2007, la conseillère en réadaptation relate que la rencontre du 21 août 2007 n’a pas eu lieu puisque le travailleur ne pouvait être rejoint. Le travailleur est finalement rejoint le 29 août 2007 et il est confirmé qu’il est sorti de détention le 27 août 2007.
[89] Le 29 août 2007, monsieur Marsan écrit à la CSST et souligne que le travailleur a passé les différents tests d’employabilité offerts et qu’il ne comprend pas pourquoi la CSST accepte de payer une ressource externe.
[90] Le 11 septembre 2007, la conseillère en réadaptation relate à ses notes évolutives le suivi avec la travailleuse sociale ainsi qu’avec la conseillère en emploi. Il est indiqué que le travailleur est disponible et bien disposé quant à la venue au dossier de la conseillère en emploi.
[91] Le 17 septembre 2007, la CSST rend une décision qui révise les décisions du 24 mai 2007. Elle refuse le droit à une allocation d’aide personnelle pour les travaux d’entretien ménager et refuse le remboursement des frais d’entretien courant du domicile pour le grand ménage, à savoir le lavage des planchers.
[92] Le 20 septembre 2007, la conseillère en réadaptation confirme que le travailleur a un rendez-vous avec la travailleuse sociale. Elle rapporte que la travailleuse sociale a expliqué le but de la rencontre au représentant du travailleur et que ce dernier a confirmé son absence. Il est cependant indiqué que le représentant souhaite être présent pour toute décision prise puisque le travailleur n’est pas en état de prendre des décisions.
[93] Le 24 septembre 2007, une rencontre a lieu au domicile du travailleur avec madame Tremblay et madame Paquet en présence de la conjointe du travailleur et de deux amis du travailleur. Lors de cette rencontre, deux amis du travailleur sont dans l’appartement ainsi que la conjointe du travailleur. Un des amis est couché sur le plancher et dort.
[94] La conseillère en emploi explore la possibilité d’un stage en emploi dans l’emballage chez Eco-Pak à Valcourt.
[95] Dans son rapport du 2 octobre 2007, la travailleuse sociale, madame Tremblay, relate que le travailleur a démontré de la fermeture lors de la présentation de madame Paquet, le travailleur voulant en référer à son avocat et ne souhaitant pas répondre aux questions.
[96] La travailleuse sociale reprend l’objectif de la démarche en faisant le lien avec l’évaluation neuropsychologique et la référence à une conseillère en emploi.
[97] Elle souligne que le moral et la motivation sont à la baisse. Il est question de différents évènements d’ordre personnel ainsi que de la présence et des interventions fréquentes de la conjointe.
[98] Le 24 octobre 2007, madame Carole Paquet effectue un bilan. Elle indique que la période de stage aurait permis de s’assurer que les tâches effectuées respectaient les limitations et les capacités du travailleur. Elle reprend que l’entreprise Eco-Pak semble être un milieu qui correspond aux capacités physiques et intellectuelles du travailleur. Elle souligne qu’une période de stage aurait aussi permis de développer le sentiment d’appartenance et d’accomplissement, étape essentielle à une intégration à l’emploi.
[99] Sa conclusion est la suivante :
Monsieur mentionne se sentir incapable d’accomplir ses activités quotidiennes, donc il ne peut se projeter dans l’image d’un travailleur, même à temps partiel.
Nous ne croyons pas que les limitations physiques de monsieur soient un obstacle à son intégration. Actuellement, le contexte social et la condition personnelle de monsieur ne sont pas des éléments favorables à une démarche d’intégration professionnelle.
[100] Le 20 novembre 2007, la travailleuse sociale, madame Diane Tremblay, produit un rapport final à la CSST. Celle-ci constate que le contexte de vie du travailleur amoindrit ses chances de succès et elle constate un retour à la case départ. Elle décrit certains problèmes psychosociaux vécus par le travailleur et reliés à deux déménagements, aux problèmes personnels avec sa conjointe qui accentuent la condition physique et psychique ainsi qu’aux différents autres évènements à caractère personnel.
[101] La conseillère en réadaptation retient un emploi convenable d’assembleur de petits articles décrit de la façon suivante :
Description de l’emploi convenable d’assembleur de petits articles
Ouvrier ou ouvrière du secteur de la fabrication de produits dont la fonction est d’ajuster et d’assembler des pièces et des composants à l’aide d’outils manuels ou électriques en vue de fabriquer en série de petits articles tels que des trophées, des jouets, des bijoux, des abat-jour ou des accessoires ménagers répondant aux normes de qualité de l’entreprise.
[102] Un salaire horaire de 8,00 $ est retenu pour un revenu annuel de 16 640,00 $. Elle rencontre le travailleur le 6 décembre 2007. Lors de cette rencontre, le travailleur l’informe qu’il est incapable de faire les activités quotidiennes à domicile qui dépassent une quinzaine de minutes.
[103] Le 7 décembre 2007, la conseillère en réadaptation entreprend des démarches avec un organisme de support en recherche d’emploi et retient la possibilité d’offrir une session de trois semaines au coût hebdomadaire de 400 $.
Témoignage du travailleur
[104] Il décrit rapidement son expérience de travail. Il a travaillé dans la haute pression pendant une douzaine d’années. Auparavant, il a travaillé chez Bombardier dans l’assemblage ainsi que chez PPD. Il a aussi travaillé dans l’isolation deux ans à Edmonton. Il n’est pas capable d’écrire une phrase simple, c’est sa conjointe qui remplit ses papiers habituellement. Il a terminé une sixième année et il n’aimait pas l’école.
[105] Lors de son emploi à Edmonton, il obtenait l’assistance de collègues pour communiquer puisqu’il ne parle pas l’anglais.
[106] En contre-interrogatoire, il répond qu’il n’a jamais eu de difficulté à se trouver un emploi. Il n’avait pas besoin de lire les consignes, car les autres travailleurs lui montraient l’emploi. Pour faire l’assemblage, il utilisait des outils tel qu’un « ratchet ».
[107] Il a toujours eu une bonne réputation de travailleur et souvent les employeurs voulaient l’embaucher parce que sa réputation était connue. Il donne en exemple, l’emploi occupé chez Domtar.
[108] Il confirme que sa force physique faisait sa fierté et qu’à la suite de l’accident il a perdu ses capacités.
[109] Il prend des médicaments qui provoquent de la somnolence pour combattre la douleur qu’il ressent dans les jambes. Cette douleur est fluctuante.
[110] Pour l’entretien du domicile, il a fait laver les murs par son voisin et a engagé un contracteur pour tondre son gazon une fois par semaine. Il paie pour la tonte du gazon alors que pour le déneigement c’est inclus dans son bail. Il a engagé quelqu’un pour faire le grand ménage la semaine dernière. Avant sa copine avec laquelle il est séparé, faisait le ménage.
[111] Il confirme qu’il ne possède plus de permis de conduire depuis une arrestation à Valcourt. Il s’est séparé de sa conjointe depuis approximativement un mois.
[112] Il précise que le docteur Turcotte n’a jamais fait de recommandation pour lui retirer son permis de conduire. Il en avait été question, mais sa conjointe pouvait aussi conduire lorsque les conditions l’empêchaient de le faire.
[113] Il rajoute qu’avant son accident, sa vie était belle, alors qu’après, plusieurs incidents déplorables sont survenus au niveau conjugal, financier ainsi qu’au niveau de sa condition physique.
[114] En ce qui a trait au support à l’emploi offert dans le contexte de la détermination d’un emploi convenable, il ne se souvient pas y être allé.
[115] Questionné sur ce que la CSST peut faire de plus pour l’aider, le travailleur répond qu’il souhaite ne plus avoir de douleurs et reprendre son emploi antérieur chez [Compagnie A]
Témoin M… L…
[116] Monsieur L… confirme qu’il était présent à la rencontre intervenue avec madame Paquet. Celle-ci voulait intégrer le travailleur dans un milieu de travail mais elle s’est interrogée sur la pertinence d’une telle intégration.
Témoin Julie Bouffard
[117] Madame Bouffard explique son travail d’ergothérapeute qui consiste à aider les gens à devenir autonomes. Elle a rencontré à domicile le travailleur afin d’évaluer les besoins d’aide personnelle à l’aide de la grille fournie par la CSST et elle a complété le pointage. La durée de la rencontre a été de 1 h 15.
[118] Durant l’entrevue, elle a fait lever le travailleur à quelques reprises et n’a remarqué aucun signe d’inconfort.
[119] Les deux difficultés principales rapportées étaient reliées au lavage du bain et du plancher. Elle a constaté que le travailleur pouvait effectuer ces tâches en fractionnant son temps.
[120] Elle n’a pas été surprise de constater que le travailleur n’était pas admissible en raison du faible pointage compilé.
[121] Elle n’a pas abordé avec le travailleur le déplacement des électroménagers qui font partie du grand ménage.
[122] Elle juge que laver les murs, le plancher et le bain, serait des tâches difficiles si elles étaient exercées dans la même journée.
Témoin Carole Paquet
[123] Madame Paquet est diplômée en orientation professionnelle et travaille depuis dix ans au Centre de réadaptation de l’Estrie. Elle est agente d’intégration professionnelle et conseillère en emploi pour une clientèle qui présente des restrictions. 75 % des personnes ont eu des traumatismes, l’autre pourcentage représente des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, des personnes avec accidents vasculaires ou amputations.
[124] Pour évaluer le travailleur, elle a tenu compte du rapport de monsieur Chouinard et des discussions avec madame Tremblay. Elle a considéré le profil du travailleur, ses forces et les tâches qu’il peut faire. Le travail représentait une fierté et une valeur importante. Les tâches devaient être concrètes et requérir de l’exécution, sans résolution de problème ni grosse décision à prendre, en plus de ne pas exiger de l’écriture et de la lecture. Les carences peuvent être compensées par d’autres qualités que le travailleur a mises en valeur dans ses expériences antérieures, telles que la mémoire visuelle, la capacité de repérer rapidement ce que l’on a besoin pour son travail.
[125] Dans l’exercice de son mandat, elle a trouvé un lieu de stage chez Eco-Pak en considérant les limitations fonctionnelles du travailleur telles que retenues par le docteur Ricard. Elle voulait visiter cette entreprise avec le travailleur et lui redonner espoir.
[126] Pour ce faire, elle s’est présentée au domicile du travailleur en compagnie de madame Tremblay afin de discuter de cette possibilité de stage. La rencontre s’est déroulée pendant approximativement 45 minutes. Ce dernier l’a interpellée sur la pertinence de sa présence et a demandé qu’elle communique avec son représentant.
[127] Le climat était très tendu et le travailleur n’a démontré aucune ouverture à entreprendre ce stage. Elle sentait de la méfiance et de l’agressivité. Le travailleur marchait de long en large dans son appartement. La conjointe du travailleur posait beaucoup de questions et se plaignait du surcroît de tâches causé par l’incapacité du travailleur.
[128] Elle a terminé la rencontre et elle a invité le travailleur à reprendre le processus d’évaluation avec un stage, s’il changeait d’idée.
[129] Dans le stage proposé, le travailleur aurait été journalier et il aurait fait de l’assemblage, de l’emballage, de l’inspection, de la réparation et de la finition. Cet employeur était situé à un ou deux kilomètres du domicile du travailleur.
[130] En contre-interrogatoire, elle reconnaît avoir pris connaissance de la médication consommée par le travailleur mais s’être fiée à l’évaluation des autres professionnels compétents en la matière.
[131] Plusieurs aspects auraient été réévalués après l’expérience sur le terrain. Il est possible que certaines parties de la tâche n’aient pas été convenables, mais elle n’a pu les vérifier en raison du refus du travailleur de participer à ce stage.
[132] Les outils utilisés chez cet employeur pouvaient être des tournevis électriques, une scelleuse, une meule ou une lime pour nettoyer la bavure après ébarbage. Le travailleur pouvait aussi se servir d’un chariot élévateur et manipuler les pièces à portée de mains car la station prévue est debout et la table est située à la hauteur des hanches.
Témoin Michelle Rivard
[133] Madame Rivard est conseillère en réadaptation depuis cinq ans. Elle possède des formations universitaires en psychologie, en travail social et en toxicomanie.
[134] Elle souligne qu’à la suite du bilan effectué avec les docteurs Turcotte et Dumont, la CSST était prête à aider le travailleur et à le référer à un centre de désintoxication.
[135] Le travailleur a refusé une référence en psychologie en février 2003 ainsi qu’en octobre 2006. Lors de la rencontre du 25 octobre 2006, en présence de monsieur Marsan, le représentant du travailleur voulait que le travailleur obtienne un support psychologique, alors que le travailleur était d’avis contraire.
[136] Elle explique que le travailleur se percevait invalide et voulait d’ailleurs se faire reconnaître à ce titre par la Régie des rentes du Québec.
[137] Une travailleuse sociale a aussi été mandatée pour accompagner le travailleur aux différentes rencontres avec les intervenants désignés au dossier pour l’aider à cheminer dans ses démarches de réadaptation.
[138] Le travailleur avait des problèmes à respecter ses rendez-vous et la CSST voulait s’assurer de la présence du travailleur en désignant une ressource pour l’accompagner.
[139] Elle décrit la rencontre du 11 mai 2007 visant à évaluer l’aide à domicile. Cette rencontre s’est effectuée en présence de l’ergothérapeute Julie Bouffard et d’elle-même. Une grille à cet effet a été complétée et elle s’est fiée à l’évaluation des besoins par la spécialiste pour la compilation des pointages.
[140] Elle a constaté que le travailleur n’avait pas le goût de faire le ménage. Il voulait faire laver et cirer son plancher, déménager ses meubles, prendre les mesures des fenêtres pour installer des rideaux, dans le contexte d’un changement de domicile. Selon l’évaluation transmise par madame Bouffard, le travailleur n’avait pas d’intérêt pour apprendre des techniques de gestion ou alterner les tâches.
[141] Pour ce qui est de la participation à un centre de désintoxication, le travailleur a décidé de ne pas se prévaloir de l’offre de la CSST et le mandat de la travailleuse sociale a été réorienté en conséquence.
[142] La CSST a par la suite référé le travailleur à madame Carole Paquet pour évaluer la possibilité d’un stage en emploi. Elle ne voit pas ce que la CSST pouvait faire de plus pour aider le travailleur, considérant que l’obstacle principal semblait être associé à l’environnement social.
[143] La CSST n’avait alors pas d’autres choix que de rendre une décision unilatérale en tenant compte des différents rapports versés au dossier. Avec cette décision, il était aussi prévu d’offrir un support à la recherche d’emploi d’une durée de trois semaines au coût hebdomadaire de 400 $. Elle ne sait pas si le travailleur s’est prévalu de cette mesure auprès de l’organisme spécialisé identifié.
[144] Elle considère que l’emploi convenable identifié respecte toutes les conditions. Ce dernier est approprié puisqu’il correspond à la réalité du travailleur. Il respecte sa capacité résiduelle en fonction des limitations fonctionnelles retenues pour la lésion professionnelle et ne représente pas de danger pour sa santé et sa sécurité.
[145] Il offre également une possibilité raisonnable d’embauche puisque deux emplois étaient disponibles sur le site d’Emploi Québec et que le travailleur pouvait aussi entreprendre un stage au sein d’une entreprise située dans sa région. La description de l’emploi d’assembleur de petits articles s’apparente à ce que le travailleur aurait effectué dans le cadre de son stage chez Eco-Pak.
[146] Elle se réfère aux notes versées au dossier ainsi qu’à la description du système Repères.
[147] Selon la description de Repères déposée en preuve, l’emploi d’assembleur de petits articles est un emploi dont les tâches et le matériel utilisé sont présentés ainsi :
Tâches
- Prend connaissance des procédures et des instructions d’assemblage.
- Prépare les outils et le poste de travail.
- Prépare les pièces et les composants et les dispose selon l’ordre des opérations d’assemblage.
- Utilise des machines-outils préalablement réglées telles que des perceuses, des poinçons, des riveteuses, des fraiseuses, etc. pour exécuter des opérations de coupe, de fixation et d’ajustage.
- Boulonne, visse, agrafe, soude, colle ou assemble de toute autre façon les pièces et les composants à l’aide d’outils manuels ou électriques.
- Sable, taille, polit ou nettoie les articles à l’aide d’outils et de produits pour leur donner leur forme définitive et une belle apparence.
- Vérifie le montage final des articles assemblés et corrige, s’il y a lieu, les défauts détectés.
- S’assure, s’il y a lieu, que les articles assemblés fonctionnent correctement et effectue, au besoin, des réglages simples ou des ajustements.
- Remplit des formulaires de contrôle et de suivi de production.
- Assure l’entretien des outils.
- Assure le rangement et l’entretien de son poste de travail.
- Peut emballer les articles assemblés et apposer des étiquettes.
- Peut acheminer les articles vers le service d’expédition ou d’entreposage.
Fonctions liées aux données, personnes et choses
Données Personnes Choses
Copier (5) Aucune fonction liée (8) Manipuler (4)
Matériel utilisé
Pièces, composants, outils manuels (tournevis, pince, jeu de clés, agrafeuse, lime, ciseau), outils électriques (perceuse, visseuse, riveteuse, poinçon, fraiseuse, sableuse, polisseuse), fer à souder, fusil à colle, vis, boulons, écrous, rivets, agrafes, colle, solvant, produits nettoyants, matériel d’emballage, formulaires.
[148] Les caractéristiques personnelles sont décrites de la manière suivante :
Caractéristiques personnelles
Champs d’intérêt
· Aimer travailler physiquement ou manipuler des instruments.
· Aimer accomplir des tâches répétitives, selon des normes établies.
Intérêts ICIP
· Aimer manipuler ou utiliser des objets inanimés.
· Aimer voir concrètement les résultats de son travail.
· Aimer accomplir des tâches répétitives, selon des normes établies.
Intérêts ICIT
· 1er rang Aimer travailler avec des outils, de la machinerie, réparer ou fabriquer des choses.
· 2e rang Aimer travailler selon des procédures établies, sous la supervision des autres.
· 3erang Aimer comprendre les phénomènes et résoudre les situations problématiques.
Intérêts MEQ-Kuder
· Aimer travailler physiquement ou manipuler des instruments.
Personnalité
Types de personnalité (Holland)
1e position R Préférer travailler physiquement ou manipuler des instruments.
2e position I Préférer comprendre les phénomènes et résoudre les situations problématiques.
3e position C Préférer travailler de façon méthodique, selon des normes établies.
Indices de tempérament
· Préférer réaliser des tâches répétitives de façon fréquente et régulière.
· Préférer accomplir des tâches selon des directives déjà établies.
· Préférer travailler de façon méticuleuse, avec le souci du détail et de la précision.
Qualités personnelles exigées
· Sens de l’organisation
· Minutie
· Sens de l’observation
· Esprit d’équipe
· Facilité d’adaptation
[149] Les habiletés suivantes présentent une cote faible et sont donc peu exigées :
Aptitudes BGTA
Description Cote
G Habileté à comprendre, à apprendre et à raisonner rapidement. Faible
V Habileté à comprendre et à utiliser les mots pour communiquer Faible
N Habileté à faire des calculs rapidement et avec exactitude. Faible
S Habileté à imaginer et visualiser des formes géométriques et
des objets dans l’espace. Faible
P Habileté à remarquer les différences entre les formes, les
volumes et les détails. Faible
Q Habileté à remarquer les détails dans les chiffres et les mots. Faible
[…]
[150] Tandis que les habiletés à coordonner la vue et le mouvement des mains et des doigts rapidement et avec précision, l’habileté à mouvoir les doigts rapidement avec précision et l’habileté à mouvoir les mains habilement et avec facilité obtiennent une cote moyenne.
[151] Au niveau des capacités physiques, celles-ci sont décrites ainsi :
Capacités physiques
Vision : Etre capable de voir de près
Perception sensorielle : Être capable de distinguer les couleurs
Position corporelle : Etre capable de travailler en position assise ET debout ou en marche
Etre capable de travailler dans des positions inconfortables (ex. : se pencher, s’accroupir, etc.)
Coordination des membres : Etre capable de coordonner les mouvements de ses membres supérieurs
Force physique : Etre capable de soulever un poids d’environ 5 à 10 kg
Précisions
Dans certaines entreprises, à l’occasion, le poids à soulever peut être plus important.
[152] La formation requise pour cet emploi est une formation en cours d’emploi avec quelques années d’études secondaires à titre de formation préalable et les perspectives d’emploi sont acceptables.
[153] Le document déposé en preuve reproduit également différentes appellations d’emploi associées au code 9498, code qui décrit l’emploi d’assembleur et assembleuse de petits articles.
[154] En contre-interrogatoire, le représentant du travailleur demande à la conseillère si celle-ci s’est interrogée plus à fond sur les difficultés qu’elle a constatées au plan cognitif. Il l’interpelle sur la note rapportée au dossier quant aux possibilités intellectuelles qui sont limites. Elle indique qu’elle ne prétend pas avoir la compétence pour évaluer cet aspect et qu’elle s’est fiée à ce que les autres intervenants au dossier ont rapporté. Ceux-ci ont eu de la difficulté à obtenir des réponses précises de la part du travailleur, ce dernier répondant souvent par la phrase « regarde, tu vois bien ».
[155] Elle souligne que même si la condition psychologique a été refusée, elle a tenu compte de cet aspect dans l’évaluation.
[156] Au niveau du problème de scolarisation, elle a référé le travailleur à une ressource externe pour évaluer la pertinence de l’inscrire à une mesure de formation. Elle reprend que malgré la carence au niveau de la formation, le travailleur a développé d’autres manières d’y suppléer et cet aspect ne l’a jamais empêché d’occuper des emplois avant son accident.
[157] Dans ce sens, elle souligne qu’il ne faut pas interpréter d’une manière rigide les exigences d’études secondaires indiquées au répertoire Repères puisque cette condition ne correspond pas à la réalité du marché du travail.
[158] Elle considère que les exigences de l’emploi d’assembleur de petits articles sont respectées dans leur globalité.
[159] Au niveau des deux emplois disponibles en Estrie, elle ne sait pas à quel endroit ils étaient disponibles.
[160] Pour ce qui est des contre-indications reliées à la prise de médication, elle n’a pas exploré plus à fond cet aspect, jugeant qu’elle n’a pas à questionner la compétence du médecin traitant.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
Le travailleur
[161] Le représentant du travailleur admet que le travailleur n’a pas droit à l’aide personnelle, selon l’évaluation effectuée par la CSST, mais qu’il a cependant droit aux frais d’entretien pour le grand ménage, en considérant les médications prises par le travailleur ainsi que les limitations fonctionnelles. Les travaux de grand ménage sont reliés au lavage des murs et des planchers, activités que le travailleur ne peut faire selon sa condition.
[162] Il souligne que le tribunal doit évaluer le dossier sous l’angle de l’article 165 et non de l’article 158 comme la CSST l’a effectué.
[163] Sous cet aspect, la CSST n’a pas évalué le déplacement des électroménagers qu’exigent ces travaux et il est démontré que tant la prise de médication que les limitations fonctionnelles ne permettent pas au travailleur d’accomplir ces travaux de grand ménage.
[164] Pour la question de l’emploi convenable, il admet que la CSST a mis en place plusieurs mesures généreuses, mais que l’impact de plusieurs facteurs n’a pas été convenablement évalué. La détermination de l’incapacité du travailleur, l’effet des médications sur l’aspect physique et psychique ainsi que la présence des limitations fonctionnelles en sont des exemples.
[165] L’emploi convenable a été déterminé d’une manière unilatérale, sans vérifier la description donnée au système Repères, ni sa compatibilité avec les conditions édictées par la loi pour un tel emploi, ni vérifier l’application des mesures de réadaptation qui y sont prévues.
[166] Il s’agit d’un emploi trop général et la CSST n’a pas vérifié auprès des employeurs de la région dans quelle mesure le travailleur pourrait ne pas avoir à remplir des rapports.
[167] En résumé, la CSST n’a pas considéré les carences au niveau de la formation, c'est-à-dire la faible scolarité du travailleur et son incapacité à lire et à écrire des procédures et compléter des formulaires, ce dernier ne pouvant même pas remplir un mandat poste. Il reprend à cet effet le rapport du psychologue Chouinard qui mentionne que les emplois doivent être très simples, concrets et sans obligation de lecture, d’écriture et de calcul.
[168] Il demande de retenir le rapport du psychologue Chouinard effectué quatre ans après l’évaluation du psychiatre Lepage. Cette évaluation, qui s’est déroulée sur une journée, reproduit mieux la réalité du travailleur et n’a pas été analysée par la CSST. Monsieur Chouinard n’a pas noté un manque de participation ou de crédibilité de la part du travailleur.
[169] La CSST n’a pas non plus considéré l’incapacité du travailleur à pouvoir utiliser des outils, de la machinerie en raison de la prise de médications prescrites par le médecin du travailleur.
[170] Il souligne qu’il faut tenir compte de la médication et des effets secondaires de celle-ci sur la capacité du travailleur à pouvoir faire ses journées normalement. Selon la description de la médication produite à l’audience, celle-ci peut entraîner de la somnolence, même le jour. Il avance que la condition personnelle du travailleur ne favorise pas la réadaptation.
[171] Quant au stage offert, le titre d’emploi est associé au travail d’un journalier et regroupe plusieurs postes de travail. Le travailleur peut faire de l’assemblage, de l’emballage, de l’inspection et de la mécanique.
[172] Aussi, il s’agit d’une proposition de stage et non d’un emploi. Il juge non crédible la promesse d’embauche décrite par madame Paquet alors que l’employeur n’a pas rencontré le travailleur.
La CSST
[173] La représentante de la CSST précise qu’elle n’a pas à faire la preuve hors de tout doute des différents sujets sur lesquels elle a rendu ses décisions.
[174] Pour le grand ménage, elle demande au tribunal de retenir que la grille d’aide personnelle remplie par la conseillère en réadaptation avec référence à l’évaluation des différentes tâches par une ergothérapeute, ne donne pas le pointage suffisant pour permettre au travailleur de se faire rembourser les frais de grand ménage.
[175] En ce qui a trait à la décision concernant l’emploi convenable, le travailleur confirme que ses attentes sont plutôt reliées à l’élimination des douleurs, aspect sur lequel l’organisme n’a aucun contrôle.
[176] La CSST a cependant tenu compte, pour rendre sa décision, de la capacité du travailleur selon les limitations fonctionnelles retenues et le travailleur doit apprendre à vivre avec ses douleurs. L’organisme a soutenu le travailleur afin de l’aider à cheminer avec différents intervenants spécialisés.
[177] Pour l’emploi convenable retenu, la CSST a identifié l’emploi d’assembleur de petits articles qui englobe aussi selon le code CNP 9498 plusieurs autres appellations d’emploi qui sont associées à la même description.
[178] Elle demande de situer cette description en parallèle avec le témoignage rendu par madame Paquet et la réalité du marché du travail.
[179] Quant à la prise de médication, le travailleur en prenait déjà beaucoup en 2003 et aucune limitation fonctionnelle n’a été identifiée sous cet aspect.
[180] Le travailleur a fait preuve de débrouillardise toute sa vie dans l’accomplissement des différentes tâches de travail qui comprenaient des exigences comparables en terme de formation et d’habiletés à celui de l’emploi convenable identifié et la lésion professionnelle n’a rien changé à cette réalité.
[181] Malgré les différents services multidisciplinaires offerts, le travailleur a manifesté plusieurs craintes qui sont reliées à la vie personnelle de ce dernier et la CSST ne peut contrôler cet aspect.
[182] Elle recommande la prudence dans l’appréciation des effets de la prise de médication sur la détermination de l’emploi convenable. Les rapports du docteur Turcotte s’inscrivent dans un tout autre contexte que celui du dossier dont le tribunal est saisi. Il faut aussi se rappeler que le docteur Turcotte n’a pas suggéré le retrait du permis de conduire du travailleur, malgré les rapports remplis.
[183] D’ailleurs, madame Paquet a considéré le rapport de monsieur Chouinard pour retenir l’avenue d’un stage alors qu’à ce moment la prise de médication n’avait pas été une contre-indication sur la capacité de travailler.
[184] Lorsque madame Tremblay a assuré le suivi pendant une année, le travailleur prenait aussi de la médication sans l’empêcher de cheminer, sauf lorsque les problèmes avec sa conjointe ont été ressortis, avec un retour à la case départ.
[185] Le stage offert aurait pu aboutir à un emploi, mais le travailleur a refusé cette option.
L’AVIS DES MEMBRES
[186] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales estiment que la requête du travailleur doit être rejetée pour ce qui est de la question de l’allocation des frais de grand ménage. La décision de la CSST doit être maintenue puisque la preuve démontre que les conditions prévues par la loi ne sont pas rencontrées.
[187] Le membre issu des associations d’employeurs demande aussi de rejeter la requête du travailleur quant à la détermination de l’emploi convenable d’assembleur de petits articles et de maintenir la décision de la CSST puisque la preuve démontre que ce n’est pas en raison de la lésion professionnelle que le travailleur ne peut reprendre l’emploi identifié, mais plutôt en raison de ses problèmes personnels qui ne sont ni d’ordre psychique ou physique mais qui se manifestent par une absence de collaboration dans le processus de réadaptation.
[188] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête du travailleur doit être accueillie pour ce qui est de l’emploi convenable et la décision de la CSST infirmée puisque le travailleur a démontré une certaine collaboration dans le processus d’identification de l’emploi convenable. Il est reconnu que la composante personnelle interfère avec l’identification de l’emploi convenable mais le travailleur n’est pas capable d’exercer l’emploi fixé aussi parce qu’il prend de la médication en raison de la douleur qui découle de la lésion professionnelle. L’emploi identifié représente donc un danger pour la santé et la sécurité du travailleur.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossier 328847-05-0709
[189] La Commission des lésions professionnelles doit évaluer si le travailleur a droit aux travaux d’entretien courant de son domicile.
[190] Il s’agit d’évaluer en premier lieu si l’activité de lavage des planchers est visée par l’article 158 ou par l’article 165 de la loi. Le tribunal reconnaît que les activités telles que le lavage des murs et des planchers[1], sont des activités visées par l’article 165 de la loi.
[191] L’article 165 prévoit ceci :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[192] Pour avoir droit au remboursement des frais qu’il a encourus, le travailleur doit donc démontrer qu’il a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique découlant de sa lésion professionnelle, qu’il est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait lui-même n’eut été de sa lésion professionnelle, et que le total des frais réclamés ne dépasse pas le montant prévu à l’article 165 pour l’année en cause.
[193] Puisqu’il s’agit d’un exercice annuel[2], les réclamations doivent être analysées d’une manière à respecter les limites fixées par la loi et le travailleur doit produire des factures[3] pour recevoir l’allocation prévue.
[194] Cet article, qui s’insère dans le chapitre 1V de la loi consacré à la réadaptation, constitue une des mesures prises pour permettre à un travailleur accidenté d’assurer son maintien à domicile ou faciliter son retour à la suite d’un accident du travail.
[195] La notion d’atteinte permanente grave n’est pas définie à la loi, cependant, le tribunal a établi qu’il y a lieu d’analyser le caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi[4].
[196] Lors de la rencontre du 11 mai 2007, il apparaît clairement que les travaux d’entretien évalués étaient reliés au lavage et cirage des planchers. Le lavage des murs n’est aucunement mentionné.
[197] La requête du travailleur doit donc être limitée à ce qui a été évalué par la CSST, à savoir le lavage et le cirage des planchers. Il n’a jamais été question de faire laver les murs.
[198] Le travailleur a subi un accident du travail qui a entraîné une hernie L4-L5 gauche avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles qui sont incompatibles avec les activités de lavage et de cirage de planchers.
[199] La preuve démontre qu’il serait difficile pour le travailleur de laver le plancher dans une même journée et au surplus le déplacement des appareils électroménagers contreviendrait vraisemblablement avec les limites imposées quant à la levée de poids qui ne peut dépasser 15 à 25 kilogrammes.
[200] Le témoignage de l’ergothérapeute démontre que cet aspect n’a pas été inclus dans l’analyse qui a servi à documenter le refus de l’allocation demandée.
[201] Selon les circonstances décrites, eu égard au type de travaux à effectuer, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le travailleur est incapable d’effectuer ces travaux d’entretien courant du domicile.
[202] Par contre, le contexte dans lequel la demande du travailleur a été présentée, confirme que la demande du travailleur est motivée par des considérations d’ordre personnel qui ne sont aucunement reliées à l’objectif visé par l’article 165 de la loi qui est d’assurer le maintien au domicile du travailleur en prévoyant une allocation financière pour couvrir les travaux qu’il ne peut exécuter en raison de sa lésion professionnelle.
[203] Dans notre affaire, il est démontré que le travailleur souhaitait faire casser son bail parce qu’il voulait changer de logement. Il s’agit donc de considérations de nature contractuelle qui ne visent pas à le maintenir dans son domicile, mais plutôt à faciliter un déménagement, lequel déménagement n’est aucunement associé à un problème d’adaptation à la capacité résiduelle qui découle de la lésion professionnelle.
[204] Les éléments complémentaires soumis lors de l’audience concernent une nouvelle demande qui n’a pas fait l’objet de la décision qui doit être révisée par le tribunal. Les frais allégués sont associés à l’année 2008 et visent le maintien du travailleur dans un nouveau domicile.
[205] Les notes de la travailleuse sociale permettent aussi d’entrevoir que des travaux ont aussi été réalisés en 2007 par des connaissances personnelles du travailleur.
[206] Le travailleur pourra faire une demande à la CSST afin que celle-ci évalue si les conditions prévues par l’article 165 de la loi sont rencontrées. Le travailleur devra produire les pièces justificatives requises afin de démontrer que les frais ont été engagés et que les frais demandés se situent dans les limites prévues pour les années concernées à savoir l’année 2007 et l’année 2008.
Dossier 342540-05-0803
[207] La Commission des lésions professionnelles doit évaluer si l’emploi d’assembleur de petits articles constitue un emploi convenable au sens de la loi.
[208] La notion d’« emploi convenable » est définie comme suit à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[209] En vue de déterminer cet emploi convenable, la CSST doit s’en remettre aux articles pertinents de la loi qui prévoient ceci :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure
prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 145.
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
__________
1985, c. 6, a. 146.
166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.
__________
1985, c. 6, a. 166.
167. Un programme de réadaptation professionnelle peut comprendre notamment :
1° un programme de recyclage;
2° des services d'évaluation des possibilités professionnelles;
3° un programme de formation professionnelle;
4° des services de support en recherche d'emploi;
5° le paiement de subventions à un employeur pour favoriser l'embauche du travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique;
6° l'adaptation d'un poste de travail;
7° le paiement de frais pour explorer un marché d'emplois ou pour déménager près d'un nouveau lieu de travail;
8° le paiement de subventions au travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 167.
171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.
Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.
__________
1985, c. 6, a. 171.
[210] Il en résulte que pour déterminer un emploi convenable, la CSST doit rechercher la collaboration du travailleur et mettre à sa disposition différents mécanismes pour faciliter l’établissement d’un plan individualisé de réadaptation professionnelle qui aboutira par la suite à l’identification d’un emploi convenable.
[211] Afin de faciliter la compréhension de la décision qui doit être rendue dans cette affaire particulière, le tribunal estime nécessaire d’effectuer un retour sur certains aspects du dossier qui ont précédé l’établissement de l’emploi convenable.
[212] La revue de l’historique confirme qu’à la suite de la lésion professionnelle du 13 août 2001, une série de mesures ont été prises par la CSST pour établir un plan individualisé de réadaptation physique, sociale et professionnelle en tentant d’associer étroitement le travailleur et son représentant.
[213] Le représentant qualifie ces mesures de généreuses, le tribunal pourrait aussi rajouter qu’elles ont pris compte de l’ensemble de la réalité du travailleur et lui ont aussi offert toutes les opportunités de retrouver un équilibre à la suite de la lésion professionnelle reconnue, compte tenu des séquelles permanentes retenues et des recommandations médicales du médecin qui a pris charge du dossier.
[214] Quelles que soient les mesures prises, celles-ci ne peuvent être gage de succès que si la personne à laquelle elles s’adressent, les utilise d’une manière à en optimiser les résultats.
[215] Dans notre affaire, le travailleur a subi une hernie L4-L5 pour laquelle aucune intervention chirurgicale n’était envisagée. Lors des investigations, le docteur Kenny a reconnu qu’un plan de réactivation physique devait être privilégié plutôt que l’option d’une chirurgie pour une hernie dont le seul signe clinique observé se résumait en une diminution du réflexe rotulien.
[216] Le médecin du travailleur a d’ailleurs retenu, dès septembre 2002, l’avenue de faire participer le travailleur à un programme de développement des capacités malgré le fait que dans les mois précédents il était question d’une prise importante de médication.
[217] La lecture des différentes notes au dossier permet de confirmer que le travailleur était en désaccord avec l’option retenue par le docteur Kenny et envisageait plutôt d’autres avenues, telles qu’une chirurgie.
[218] Cette attitude du travailleur confirme que la non acceptation d’un plan de réadaptation s’est manifestée dès le départ, et s’est poursuivie à différents moments par la suite.
[219] D’ailleurs, il a refusé en février 2003 de participer à un programme comme il a refusé également un support psychologique visant à contrôler ses douleurs, alors que la lésion est consolidée avec une atteinte permanente de 5,75 % et des limitations fonctionnelles de classe 1 décrites antérieurement.
[220] Bien qu’il soit question de démarches que souhaitait faire le travailleur pour régler son problème par une intervention chirurgicale, celles-ci ne se sont pas concrétisées et cette option a été finalement mise de côté, mais la non acceptation de la douleur ainsi que la perception du travailleur quant à son incapacité à reprendre des activités rémunératrices ont continué à monopoliser le dossier jusqu’à l’audience.
[221] En cours d’évolution du dossier, le travailleur a tenté de faire reconnaître sans succès une lésion psychologique, alors que différentes absences aux rendez-vous fixés sont remarquées, tant par le médecin du travailleur, que par la CSST, qui tente de faire expertiser le travailleur en psychiatrie.
[222] Il est aussi question du problème de consommation d’alcool et de médication auquel se rajoute la suspension du permis de conduire. Il s’ensuit une recommandation du médecin du travailleur afin de retirer certaines médications qui étaient consommées avec de l’alcool.
[223] La CSST a fait une première tentative de réintégration dans un emploi chez l’employeur prélésionnel, tentative qui s’est soldée par un échec puisque le travailleur a refusé un premier emploi pour des motifs qui ne sont aucunement reliés à sa lésion professionnelle. La seconde tentative s’est soldée également par un échec lorsque le travailleur a refusé un autre emploi en raison des douleurs reliées à sa lésion professionnelle et en raison d’autres motifs qui ne s’y rattachent aucunement.
[224] Lors de ces deux refus, la question de la médication n’est aucunement abordée mais le travailleur se prive toutefois d’une mesure qui aurait pu lui permettre de reprendre un emploi chez son employeur antérieur et de vérifier sur le terrain la compatibilité de certains éléments, dont la médication et sa capacité à travailler avec une douleur.
[225] Toutefois, le tribunal ne peut conclure que la question de la consommation de médication et d’alcool a été évacuée du dossier sans qu’il n’y ait de tentative d’aider et de soutenir le travailleur.
[226] Au contraire, la preuve démontre que les intervenants de la CSST ont considéré cet aspect et tenté d’aider le travailleur à régler ce problème en étroite collaboration avec le médecin du travailleur et différents autres intervenants médicaux et sociaux.
[227] Passant d’une proposition d’une cure de sevrage à un suivi étroit d’une travailleuse sociale, la question de la consommation d’alcool et de médication n’a aucunement empêché le travailleur de cheminer graduellement comme en fait foi les constats de la travailleuse sociale qui l’a accompagné régulièrement.
[228] Même le docteur Turcotte, médecin dont l’opinion est utilisée par le travailleur pour bonifier sa preuve concernant sa situation d’incapacité, a convenu en février 2007 qu’un plan de recyclage professionnel pouvait avoir un impact favorable sur la condition douloureuse chronique et sur la prise de médication.
[229] En résumé, la CSST a entrepris un long processus qui s’est déroulé sur plus de quatre années afin de faire cheminer le travailleur en lui faisant rencontrer des conseillers spécialisés en réadaptation pour établir un plan individualisé de réadaptation, une travailleuse sociale pour l’accompagner dans ses démarches et pour l’aider à contrôler la prise des médications, un neuropsychologue pour évaluer ses capacités cognitives ainsi qu’une conseillère spécialisée en emploi pour l’aider à identifier ainsi qu’à reprendre un emploi sur le marché du travail.
[230] Le neuropsychologue, après avoir analysé différentes composantes cognitives qui lui font conclure que le travailleur présente de très faibles capacités intellectuelles, suggère lui aussi une réintégration dans certains emplois très simples et concrets sans obligation de lecture, d’écriture et de calcul.
[231] Il existe donc une convergence dans ce dossier pour considérer que le travailleur peut être recyclé professionnellement malgré la présence de certains facteurs défavorables.
[232] Il est révélateur d’ailleurs que la travailleuse sociale, madame Tremblay, à laquelle le travailleur accorde une confiance, selon les différents rapports versés au dossier, constate à partir du mois de mai 2007 que son mandat est réalisé et que le travailleur est prêt à passer à autre chose, cette autre chose étant comme elle le mentionne dans un rapport ultérieur d’être rencontré par madame Paquet pour fermer la boucle par une réintégration sur le marché du travail.
[233] Or, malheureusement, le travailleur a fait marche arrière en adoptant une attitude qui remet en question d’une manière unilatérale la dernière étape du processus et le projet de réintégration avancé par la CSST.
[234] Ce comportement de la part du travailleur questionne directement le niveau de collaboration minimal auquel l’organisme est en droit de s’attendre d’un travailleur qu’elle veut recycler sur le marché du travail.
[235] À partir de ce moment, il ressort que la position du travailleur reprise par son représentant est celle de vouloir être reconnu inapte à effectuer toute forme de travail.
[236] Il ne faut pas se surprendre dans ce contexte que la CSST ait alors déterminé unilatéralement un emploi convenable qu’elle qualifie elle-même de théorique. Il est d’ailleurs reconnu[5] que le travailleur a l'obligation de collaborer à l'élaboration de son plan individualisé de réadaptation selon l'article 146 de la loi mais que, dans certains cas, la CSST est justifiée de déterminer un emploi convenable de façon unilatérale.
[237] Le tribunal estime que les conditions de ce dossier peuvent être assimilées à ce que la jurisprudence reconnaît comme conditions donnant ouverture à l’établissement d’une décision unilatérale. Le travailleur doit assumer la responsabilité des décisions qu’il prend dans le cadre d’un processus de réadaptation et la CSST doit pour sa part faciliter l’exercice de cette responsabilité en créant un milieu favorable, ce qu’elle a fait.
[238] Comment peut-elle agir autrement, lorsqu’une ressource spécialisée qui a travaillé étroitement avec un travailleur pour l’amener à cheminer pendant plusieurs mois de l’année 2007, vient à conclure après avoir jugé son suivi terminé en juin 2007, que le travailleur retourne à la case départ comme en fait foi son rapport de novembre 2007.
[239] Au cours de cette période pendant laquelle est intervenue cette ressource, plusieurs obstacles d’ordre psychosocial se sont présentés mais cette composante n’a pas empêché le dossier d’évoluer d’une manière favorable.
[240] En désignant cette ressource complémentaire pour contrôler cet aspect, la CSST a mis à la disposition du travailleur tous les moyens requis pour l’aider dans son recyclage professionnel.
[241] En refusant toute tentative de stage en milieu de travail, le travailleur se prive et prive la CSST d’un mécanisme complémentaire qui permet de mieux définir un emploi convenable.
[242] Certaines des caractéristiques de ce stage se rapprochaient de ce que le travailleur avait déjà connu lors des expériences antérieures tant au niveau des tâches, par exemple les tâches reliées à l’assemblage chez PPD, que de l’utilisation des outils, c'est-à-dire utilisation d’un « ratchet » chez PPD comparée à l’utilisation d’un tournevis électrique dans le stage.
[243] De plus, la CSST a aussi mis à sa disposition un autre programme qui est complémentaire à l’emploi convenable identifié, à savoir un support à la recherche d’emploi d’une durée de trois semaines pouvant être entièrement défrayé par elle, lequel programme n’a vraisemblablement pas été utilisé par le travailleur.
[244] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et tenu compte de toutes les circonstances particulières au dossier à évaluer, le tribunal retient que l’emploi d’assembleur de petits articles est un emploi convenable au sens de la loi. Pour en venir à une telle conclusion, le tribunal reprend les conditions prévues à la définition d’un emploi convenable.
[245] Comme le précise la conseillère en réadaptation, l’emploi convenable déterminé est approprié puisqu’il tient compte de la réalité du travailleur.
[246] L’emploi d’assembleur de petits articles est un emploi simple et concret qui correspond aux goûts et aux intérêts du travailleur lorsque l’on établit une comparaison entre les caractéristiques de certains autres emplois exercés avant la lésion professionnelle, tels que l’emploi d’assembleur chez Bombardier et le profil des forces et habiletés décrit aux rapports des spécialistes qui ont évalué le travailleur.
[247] Le travailleur peut certainement mettre à contribution les qualités rapportées au rapport du psychologue Chouinard, à savoir la vaillance, la motivation et la fierté, qualités dont il a fait preuve au cours de ses expériences antérieures et qui sont toujours transférables pour un nouveau milieu de travail.
[248] La revue des habiletés décrites au système Repères s’associe très bien avec le contexte décrit par le psychologue Chouinard. Les exigences d’apprentissage, de raisonnement, de compréhension, de calcul sont considérées faibles dans ce type d’emploi.
[249] Le travailleur doit démontrer une habileté manuelle qui sollicite ses doigts, ses mains et sa vue, ce qu’il a d’ailleurs été en mesure de mettre en évidence lors des emplois antérieurs.
[250] L’emploi permet au travailleur d’utiliser sa capacité résiduelle puisque les exigences physiques de l’emploi ne contreviennent pas d’une manière générale avec les limitations de classe 1 retenues par le médecin évaluateur. Le travailleur possède les capacités sensorielles et de vision décrites. Au niveau de la position corporelle, l’emploi n’exige pas de ramper, grimper ou effectuer des amplitudes extrêmes de flexion, extension ou de torsion de la colonne lombaire.
[251] Il est vrai que la description fournie par le système Repères indique que le travailleur doit avoir la capacité de travailler dans des positions inconfortables et il est donné en exemple la position accroupie. Cependant, il faut comprendre que le médecin évaluateur a utilisé la mention « éviter » ce qui n'interdit nullement de le faire à l'occasion[6].
[252] Cet aspect aurait pu être nuancé si le travailleur avait accepté de poursuivre le processus par un stage en milieu de travail et faire aussi l’objet d’une recommandation au terme de laquelle une adaptation aurait pu être proposée pour éliminer cette contrainte.
[253] Le travailleur n’a aucun problème au niveau de la coordination des membres et les exigences de force physique sont bien inférieures aux limites de poids fixées par le médecin évaluateur et qui se situent entre 15 et 25 kilogrammes.
[254] L’emploi correspond aux qualifications professionnelles du travailleur puisqu’il est démontré que le travailleur a occupé des emplois lors de ses expériences de travail et ses carences de formation n’ont jamais été un obstacle. Sa vaillance, sa motivation et sa fierté sont des qualités qui lui permettent de suppléer à ces exigences.
[255] Le tribunal ne peut faire abstraction des expériences de travail antérieures pour évaluer cette composante et ne peut s’en remettre uniquement aux exigences de formation théorique. Comme le mentionne madame Paquet, le travailleur a fait la preuve par le passé que ses carences en lecture et en écriture pouvaient être compensées par une bonne mémoire visuelle et une capacité à repérer rapidement ce que l’on a besoin.
[256] Ce constat de madame Paquet est validé en partie au rapport de monsieur Chouinard lorsqu’il indique, après avoir reproduit certains allégués du travailleur quant au fait qu’il doit se faire aider lorsqu’il complète un mandat poste, que le contenu des expériences passées et récentes suggère une capacité de mémorisation et de récupération des informations enregistrées.
[257] Il donne par la suite un exemple concret qui confirme un niveau fonctionnel pour la mémorisation et l’apprentissage, lequel niveau n’a pu être évalué formellement lors de son rapport, en raison du manque de collaboration du travailleur, mais il retient en conclusion que la capacité d’apprentissage du travailleur est suffisamment bonne pour faire des acquisitions nouvelles au niveau des habiletés par une formation en emploi, option qui a été retenue par la CSST mais rejetée par le travailleur.
[258] Le travailleur confirme lui-même qu’il a toujours fait preuve d’un niveau de débrouillardise suffisant pour se faire aider par d’autres collègues de travail lorsqu’il ne comprenait pas certains aspects des tâches.
[259] Même si le travailleur avance qu’une partie de sa fierté résidait dans sa force physique, laquelle force est limitée depuis l’accident par les séquelles de la lésion professionnelle, il n’en demeure pas moins que le psychologue Chouinard a ressorti que la fierté comme la motivation du travailleur constituaient toujours les principaux atouts de sa réorientation professionnelle.
[260] L’emploi convenable offre des possibilités raisonnables d’embauche selon les données du système Repères puisque les perspectives sont acceptables. La conseillère en emploi a répertorié deux emplois disponibles en Estrie sur le site d’Emploi-Québec.
[261] Le travailleur peut certes dénoncer qu’il ne s’agit pas d’une abondance d’emploi, mais cette preuve complète cependant les données du système Repères et le travailleur n’oppose aucune preuve de son côté. Il est reconnu que pour démontrer qu’un emploi n’est pas convenable, un travailleur doit faire un minimum de démarches structurées[7].
[262] Dans l’affaire qui nous intéresse, aucune recherche ni démarche personnelle n’ont été effectuées pour tenter d’invalider l’emploi convenable en démontrant qu’il ne présentait pas des possibilités raisonnables d’embauche.
[263] Ce constat est d’ailleurs aussi valable pour l’ensemble des critères de l’emploi convenable. Les éléments soulevés ne sont pas appuyés par une preuve circonstanciée et crédible.
[264] Finalement, l’emploi respecte la santé et la sécurité du travailleur. Le représentant du travailleur a fait grand état des effets de la médication sur la capacité du travailleur à faire l’emploi identifié. Il invoque même que celle-ci pourrait représenter un danger lors de la manipulation des outils en raison des risques de somnolence.
[265] Par contre, les médecins qui ont suivi le travailleur n’ont aucunement émis d’avis dans ce sens après la consolidation de la lésion. Le psychologue Chouinard n’en vient pas à cette conclusion lorsqu’il suggère des emplois que pourrait effectuer le travailleur ainsi que des appareils qu’il pourrait manipuler.
[266] D’ailleurs, tel que mentionné précédemment, la prise de médication n’a pas entravé l’évolution favorable survenue au cours de la période d’assistance de la travailleuse sociale située entre janvier et juin 2007.
[267] Le tribunal comprend que la situation psychosociale ait pu influencer l’évolution du processus, mais la CSST a mis en branle toutes les mesures pour tenir compte de cet aspect d’une manière à aider le travailleur en considérant cette composante d’ordre personnel.
[268] D’une certaine manière, les réponses fournies par le travailleur à l’audience démontrent que ce dernier a mis de côté l’option de réintégrer un emploi, adoptant plutôt celle d’une personne dont l’invalidité est totale. D’ailleurs, le représentant du travailleur nous oriente directement vers cette piste lorsqu’il écrit à la CSST le 29 août 2007.
[269] Or, même s’il était démontré que la condition personnelle du travailleur causait une invalidité totale, celle-ci n’exempterait pas le travailleur d’être assujetti aux conditions de détermination d’un emploi convenable, si la lésion professionnelle entraîne des limitations fonctionnelles qui sont compatibles avec l’emploi convenable identifié[8].
[270] Quant au revenu brut annuel déterminé pour l’emploi convenable, aucune preuve ni représentations n’ont été effectuées pour invalider cet aspect de la décision, ni celui de la détermination de l’indemnité de remplacement du revenu qui y correspond.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 328847-05-0709
REJETTE la requête de monsieur Y… L…, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 septembre 2007 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit aux travaux d’entretien courant du domicile, à savoir le lavage des planchers et des murs selon la demande analysée le 11 mai 2007, puisque celle-ci ne répond pas aux conditions fixées par l’article 165 de la loi.
Dossier 342540-05-0803
REJETTE la requête de monsieur Y… L…, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 13 février 2008 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’emploi d’assembleur de petits articles constitue un emploi convenable et que le travailleur a la capacité d’exercer cet emploi à compter du 30 novembre 2007.
DÉCLARE que le revenu brut annuel de l’emploi convenable est de 16 684,80 $ et que le travailleur a droit aux indemnités de remplacement du revenu qui y correspondent.
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Michel-Claude Gagnon |
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M. Éric Marsan |
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LÉGER, MARSAN, ASSOCIÉS |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Simon Laberge |
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HEENAN, BLAIKIE |
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Représentant de la partie intéressée |
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Me Marie-José Dandenault |
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PANNETON, LESSARD |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] Ganotec inc. et Rick Morin, C.L.P. 314915-04-0704 et 326872-04-0708, 13 février 2008, A. Quigley.
[2] Boroday et Société Canadienne des Postes, C.L.P. 91417-62-9708 et 108373-62-9812, 21 juin 1999, L. Vallières.
[3] Babeu et Boulangeries Weston Québec ltée, C.L.P. 166478-62B-0108, 16 janvier 2003, N. Blanchard, (02LP-177).
[4] Chevrier et Westburne ltée, C.L.P.16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy, (J2-15-19); Boileau et Les centres jeunesse de Montréal, C.L.P.103621-71-9807, 1er février 1999, Anne Vaillancourt; Filion et P.E. Boisvert auto ltée, C.L.P.110531-63-9902, 15 novembre 2000, M. Gauthier; Cyr et Thibeault et Brunelle, C.L.P.165507-71-0107, 25 février 2002, L. Couture.
[5] Guirgis et Bretts Discount ltée, C.L.P. 137984-71-0005, 27 février 2003, L. Landriault.
[6] Beaudoin et Agence de sécurité St-Jérôme (fermé), C.L.P. 186939-64-0206, 7 juillet 2006, J.-F. Martel.
[7] Trudel et les Tuyaux de béton Brunet ltée, C.L.P. 50432-62-9304, 20 janvier 1994, B. Lemay.
[8] Voir à ce sujet l’affaire France Léveillée et Howick inc. et CSST, C.L.P. 273357-64-0509, 16 octobre 2006, J.F. Martel.
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