K.D. et Compagnie A |
2010 QCCLP 5955 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 21 octobre 2009, monsieur K... D... (monsieur D…) dépose une requête auprès de la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative, le 30 septembre 2009[1].
[2] Dans cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision de monsieur D… du 16 mars 2009 dans laquelle il demandait la révision d’une série d’explications fournies verbalement par une préposée de la CSST vers le 11 mars 2009.
[3] Dans cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 3 août 2009 pour conclure qu’elle ne peut assumer le remboursement du coût pour l’utilisation de la marijuana au motif qu'il ne s'agit pas d’un médicament.
[4] Une audience a lieu, à Longueuil, le 26 avril 2010. Monsieur D… est présent. Bien que dûment convoqué, [la Compagnie A] (l'employeur) n’est pas représenté. La CSST est représentée par Me Sylvana Markovic.
[5] La date de fin d’enquête est reportée à plusieurs reprises, à la demande de monsieur D..., qui a produit de nombreux documents autorisés par la soussignée, au procès-verbal d’audience puis subséquemment par écrit[2], ainsi que l'extension des délais.
[6] Les 5 et 17 mai 2010, monsieur D..., tandis que les 7 et 12 mai 2010, la procureure de la CSST, produisent des commentaires écrits.
[7] Le 17 juin 2010, une lettre[3] est adressée à la soussignée concernant une demande de rectification faite par monsieur D... de son dossier médical auprès de l’Hôpital général de Montréal. Un délai additionnel est autorisé pour la production de documents.
[8] Toutefois, le 23 juillet 2010, monsieur D... renonce par écrit à toute production de documents additionnels en plus de préciser que son dossier est complet. Il donne également son autorisation, par écrit, afin que la Commission des lésions professionnelles rende une décision.
[9] Comme monsieur D... y indique spécifiquement n’avoir jamais eu l’intention d’obtenir un délai à la suite de la réception de la lettre datée du 17 juin 2010 (pourtant adressée à la soussignée)[4], le tribunal, par conséquent, ne tiendra pas compte de cette dernière lettre.
[10] Le 23 juillet 2010, le dossier est donc mis en délibéré.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[11] Monsieur D... demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a le droit d’être remboursé pour les frais d’utilisation de la marijuana.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[12] Dès le début de l’audience, le tribunal a été appelé à se prononcer sur une requête soumise par la CSST en cassation d’assignation à comparaître à l’égard de trois témoins, à savoir madame Solange Abel Bouchard, monsieur Jean-Pierre Crête et Me Sonia Grenier.
[13] Madame Solange Bouchard est l’agente d’indemnisation de la CSST ayant rendu la décision initiale du 3 août 2009, à la suite de l’avis émis par un membre du Bureau d'évaluation médicale concernant les sujets médicaux se rapportant à l’usage du cannabis. Monsieur Jean-Pierre Crête est le réviseur administratif de la CSST ayant signé la décision du 30 septembre 2009 faisant l’objet du présent litige. Me Sonia Grenier a pour sa part déjà agi à titre de gestionnaire de la CSST dans le dossier de monsieur D....
[14] Dès le début de l’audience, la procureure de la CSST informe le tribunal que madame Bouchard et monsieur Crête sont présents tandis que Me Sonia Grenier est disponible sur appel.
[15] Outre, ces trois assignations à comparaître pour ces témoins, transmises par monsieur D... le 30 mars 2009, il enjoignait également dans une autre citation à comparaître au docteur Alain Jodoin, membre du Bureau d'évaluation médicale ayant rendu l’avis du 2 juin 2009 ayant amené le présent litige, à se présenter comme témoin.
[16] Monsieur D... désirait faire témoigner ces personnes, puisqu’il jugeait inacceptable qu’elles ne lui aient pas accordé, à cause de son état physique, le remboursement des coûts d’utilisation de la marijuana dans le but de soulager sa douleur et qu’ainsi elles n’auraient pas examiné son cas selon les dispositions prévues à la loi en toute justice et équité. Il souhaitait que le tribunal vienne sanctionner ces employés de la CSST ainsi que le médecin membre du Bureau d'évaluation médicale qui auraient agi ou se seraient comportés d’une manière aussi inadmissible alors qu’elles auraient dû donner droit à sa demande d’utilisation de marijuana pour des raisons médicales.
[17] La Commission des lésions professionnelles a informé monsieur D... qu’elle ne pouvait émettre de telles ordonnances visant à sanctionner des comportements ou encore à émettre des avis disciplinaires dans le but de réprimander ces personnes.
[18] À ce sujet, le tribunal a mentionné à monsieur D... qu’il agissait « de novo », ce qui signifiait qu’il examinerait à nouveau la preuve au dossier ainsi que celle qui serait déposée lors de l’audience dans le seul but de déterminer si celui-ci a droit au remboursement des coûts pour l’utilisation de la marijuana autorisée par Santé Canada.
[19] Dans un tel cas, monsieur D... a laissé savoir qu’il n’avait plus l’intention de faire entendre ces quatre témoins.
[20] Comme monsieur D... en est venu à la conclusion qu’il n’était pas nécessaire de faire témoigner ces quatre personnes, cela dispose de la requête en cassation d’assignation à comparaître déposée par la CSST qui est, dès lors, devenue sans objet.
LES FAITS
[21] Pour les fins du présent litige, à savoir décider si monsieur D... a droit au remboursement des coûts pour l’utilisation de la marijuana autorisée par Santé Canada, il y a lieu de procéder au résumé des principaux faits suivants.
[22] Le 15 octobre 1973, alors qu’il est âgé de 19 ans, monsieur D... se blesse en soulevant des rouleaux de gazon mouillé [à la Compagnie A] où il travaille depuis quelques semaines à l’entretien du terrain de golf.
1. Les diagnostics
[23] Au cours des années, les diagnostics de hernie discale en L5-S1, de fusion en L3-S1, de pachyméningite et de failed back syndrome sont acceptés par la CSST à titre de lésion professionnelle.
[24] Par contre, le diagnostic de cervicobrachialgie n’est pas reconnu comme lésion professionnelle par notre tribunal dans une décision rendue le 8 avril 2009[5].
2. Les interventions chirurgicales
[25] En raison de sa lésion professionnelle, monsieur D... a subi les six interventions chirurgicales suivantes ainsi qu’une septième pour traiter une infection de la plaie :
- Le 6 décembre 1973, une chémonucléolyse au niveau L5-S1 effectuée par le docteur J. Sutton à l’Hôpital St-Mary;
- Le 12 juillet 1974, une décompression chirurgicale au niveau L5-S1 et une neurolyse en L5-S1 pratiqués par le docteur Sutton;
- Le 12 mai 1977, une laminectomie, une fusion postérieure en L5-S1 et une exérèse de la fibrose en L5-S1 exécutées par le docteur D. Younge à Calgary, en Alberta;
- Le 6 juillet 1978, une fusion au niveau L4-L5 effectuée par le docteur Farfan à l’Hôpital St-Mary;
- Le 13 mars 1996, une laminectomie totale en L4-L5 et L5-S1, une foraminotomie, une exérèse de pachyméningite et une greffe postérolatérale de L4-S1 avec plaque de Roy-Camille, intervention chirurgicale faite par le docteur Ferron;
- Le 21 janvier 2003, une exérèse des plaques Roy-Camille, une exérèse de pachyméningite, une laminectomie en L3-L4, une foraminotomie en L3-L4 et L4-L5 et une greffe en L3-L4 avec plaques effectuées par le docteur Ferron;
- Le 21 février 2003, un lavage et un débridement de la plaie par le docteur C. Gravel.
3. Les séquelles permanentes et les limitations fonctionnelles
[26] En 1978, une incapacité partielle permanente est initialement fixée à 12 % sous l’ancienne loi.
[27] À la suite d’une récidive, rechute ou aggravation du 15 octobre 1994, le déficit anatomo-physiologique est augmenté, le 9 août 1996, par le docteur Ferron à 33,8 %, soit 27 % correspondant au 12 % fixé antérieurement et une augmentation de 6,8 %. Il reconnaît des limitations fonctionnelles de classe 2. Dans une décision rendue par le bureau de révision paritaire de la CSST, en avril 1997, l’augmentation de l’atteinte permanente est établie à 6,4 %, le préjudice esthétique ayant été diminué à 0,4 %. Contestée par monsieur D..., celui-ci s’est désisté de sa déclaration d’appel, désistement reconnu comme étant valable par le tribunal (C.L.P. 87707-62-9704)[6].
[28] À la suite d’une récidive, rechute ou aggravation du 9 septembre 2002, le docteur Ferron établit, le 17 novembre 2003, dans son rapport d’évaluation médicale le déficit anatomo-physiologique à 42,75 %, soit une augmentation de 8,95 % de plus que lors de sa dernière évaluation. La CSST reconnaît une atteinte permanente à 13,49 %.
[29] Le 11 mars 2004, la CSST déclare monsieur D... inemployable en vertu de l'article 47 de la loi en raison de la chronicisation de sa condition physique, d’un pronostic défavorable au niveau médical (donc d’un risque élevé de récidive, rechute ou aggravation), de son parcours professionnel quasi-inexistant depuis 10 ans et vu qu’elle ne peut identifier un emploi comme convenable respectant ses limitations fonctionnelles.
4. La preuve relative à la demande de remboursement des frais de consommation de la marijuana
[30] Le 7 septembre 2007, le docteur Michel Leblanc réfère monsieur D... à une Clinique de la douleur[7].
[31] Le 12 mars 2008, le docteur J. Klein écrit dans un rapport médical : « urgent reference/ neurosurgery in Ottawa… complete bedrest until evaluation » .
[32] Le 14 mars 2008, monsieur D... demande à la CSST de lui rembourser le coût d’utilisation pour la marijuana à des fins médicales. À cette date, il indique notamment, quant à la date du début et aux coûts de son utilisation de cette substance :
[…] Since 1996 the fifth operation when 10 bolts and 2 plates were implanted I starting using Marihuana for pain on a regular basis. From 2003 the 6th and 7th operation the removal of bolts and plates, and the implant of 4 bolts, 2 plates, then the infection, the amount of Marihuana increasied to 3 to 5 grams a day.
[…]
[…] The cost of the governement supply is at $5.00 @ gram. Street cost were and are $10.00 to $ 15.00 @ gram. The amount of need for my condition is 5 grams @ day at a cost TO ME $ 50.00 @ day, when the governement cost would be $ 25.00. Since 2003 I have spent 60% to 80 % of what I receive from CSST to pay for medication that by law should be cost covered… […]
[Dossier C.L.P., pages 741 et 742]
[33] Le 25 mars 2008, la CSST l’informe qu’avant de répondre à sa demande au sujet de la marijuana, qu’il doit lui fournir une prescription de son médecin traitant ainsi qu’une autorisation de possession de marijuana émise par Santé Canada.
[34] Le 24 avril 2008, Santé Canada émet une autorisation pour la possession de marijuana sèche à des fins médicales au motif que sa demande répond aux critères de l’article 11 du Règlement sur l’accès à la marijuana à des fins médicales[8]. Cette autorisation est valide pour un an (avec une expiration prévue au 24 avril 2009). La quantité maximale permise est de 150 grammes.
[35] Une copie de cette autorisation est expédiée au docteur Jack Klein[9]. Ce dernier avait coché comme conditions médicales et comme symptômes pour justifier sa demande, adressée à Santé Canada, la présence d’une « douleur sévère et la persistance de spasmes musculaires »[10].
[36] Le 8 mai 2008, Santé Canada fait parvenir à monsieur D... une facture de 750,00 $ représentant le coût pour 150 grammes de marijuana séchée à des fins médicales.
[37] Le 16 mai 2008, le docteur Leblanc rédige trois documents. Il appose sa signature sur la facture ainsi que sur un certificat médical[11] dans lequel il indique :
Je connais ce patient depuis 2001. Il présente un problème lombaire complexe avec beaucoup de douleur. Il a tenté les différentes variantes de morphine (y compris Fentaryl en timbre cutané) et le Césamet sans beaucoup de succès. La seule substance qui soulage convenablement ce patient est la marihuana séchée telle que prescrite.
[Dossier C.L.P., page 439]
[38] Dans le troisième document[12], non signé, adressé à la CSST, on indique la quantité de marijuana séchée, soit 150 grammes par mois.
[39] Le 30 mai 2008, la CSST effectue des recherches dans le but d’obtenir les notes médicales du docteur Klein, parce que c’était lui qui avait signé le formulaire de Santé Canada pour une demande d’autorisation de possession de marijuana à des fins médicales.
[40] Le 11 juillet 2008, monsieur D... indique ne pas avoir consulté souvent le docteur Klein. Il l’a vu qu’une seule fois afin qu’il remplisse le formulaire de Santé Canada. Il indique à la CSST que ce sont plutôt les notes cliniques du docteur Leblanc dont elle devra tenir compte pour rendre sa décision.
[41] Le 12 novembre 2008, dans son information médicale complémentaire écrite, à la suite d’une demande de la CSST en ce sens, le docteur Leblanc corrobore être l’auteur du document daté du 16 mai 2008 et non signé, dont monsieur D... a fait parvenir la copie à la CSST en août 2008.
[42] Néanmoins, le docteur Leblanc ajoute que ce document « n’est pas une prescription, c’est une médication de nécessité médicale et il s’arrange avec le fédéral ».
[43] Le 17 novembre 2008, le docteur Leblanc demande une consultation auprès du docteur Céline Godet de la Clinique de la douleur de l’Hôtel-Dieu du Centre hospitalier universitaire de Montréal.
[44] La CSST réfère le dossier auprès de son médecin désigné, le docteur Claude Godin, pour examiner l’indication de la pertinence de l’usage de cannabis dans le présent cas.
[45] Le 12 décembre 2008, le docteur Godin produit son expertise. Lors de son examen clinique, effectué le 27 novembre 2008, monsieur D... précise avoir fait une demande pour être rencontré à la Clinique de la douleur de l’Hôtel-Dieu du Centre hospitalier universitaire de Montréal mais que l’attente est de plus de deux ans.
[46] Le docteur Godin émet l’opinion suivante :
Monsieur D... est un patient de 54 ans qui présente de toute évidence des problèmes reliés à de multiples chirurgies lombaires qui n’ont pas eu l’effet d’améliorer ses capacités fonctionnelles. Il y a eu six chirurgies lombaires plus une chirurgie pour drainage d’une infection.
Il présente actuellement un status post-greffe lombaire à deux niveaux avec exérèse de pachyméningite qui a été pratiquée au moins à deux reprises; il y a eu également une laminectomie extensive avec au moins quatre greffes postérieures. Il présente actuellement un tableau de douleurs chroniques. Le syndrome douloureux est diffus; monsieur D... mentionnait initialement au cours de l’entrevue que les douleurs étaient surtout reliées à sa condition cervico-brachiale gauche. Ensuite, il ajoutait que ses douleurs étaient d’intensité sévère dans toute sa colonne vertébrale.
Il présente des troubles sensitifs aux membres inférieurs sans atteinte motrice détectable même en présence des limitations de l’examen physique.
Monsieur D... présente une symptomatologie douloureuse qui semble être disproportionnée par rapport aux constatations objectives. Il y a probablement des aspects d’ordre psychologique qui peuvent s’ajouter aux douleurs chroniques qui découlent de ses multiples chirurgies lombaires.
[Dossier C.L.P., page 449]
[47] Selon le docteur Godin, il n’y a pas lieu de recommander l’autorisation d’un traitement de la marijuana en relation avec la condition musculo-squelettique vertébrale dans le présent cas pour les motifs suivants :
[…] Il n’est pas de la compétence de l’orthopédiste de déterminer si la consommation de marijuana faite par monsieur D... serait reliée à des problèmes d’accoutumance ou de toxicomanie. Il y a toutefois lieu de constater que monsieur D... a reçu une autorisation de Santé Canada d’utiliser la marijuana depuis le mois d’avril 2008 et que l’évaluation faite le jour de l’examen, montre avec assez d’évidence que l’effet de ce traitement sur la douleur ne fonctionne pas.
Pour ce qui est des choix thérapeutiques qui sont actuellement disponibles chez monsieur D..., il y a sûrement lieu d’orienter l’approche thérapeutique vers des traitements autres que des traitements pharmacologiques vu les risques de dépendance qui sont déjà mentionnés dans le dossier depuis plusieurs années. Monsieur D... présente toutefois une condition clinique qui doit faire l’objet d’une approche multidisciplinaire avec spécialiste de la douleur, psychologue et autres professionnels de la santé impliqués dans les traitements de la douleur chronique.
En conclusion je ne recommande pas que le traitement à la marijuana soit autorisé chez monsieur D... en relation avec sa condition musculo-squelettique vertébrale et qu’il y ait une évaluation multidisciplinaire de sa condition de douleurs chroniques.
[Dossier C.L.P., pages 449 et 450]
[48] Le 20 janvier 2009, le docteur Leblanc fait parvenir son rapport complémentaire à la CSST dans lequel il exprime l’opinion suivante :
Je me suis occupé de ce patient depuis quelques années concernant son problème lombaire. Il semble avoir eu un bon soulagement de ces douleurs avec la marijuana sèche. Je ne suis pas un spécialiste en douleur mais je crois qu’il aura besoin de ce type d’analgésie pour la vie à des doses qui pourraient varier selon son état de stress physique ou psychologique.
[Dossier C.L.P., page 454]
[49] Le 2 juin 2009, le membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Alain Jodoin, orthopédiste, rend son avis motivé.
[50] À la suite de l’examen de monsieur D..., le 6 mai 2009, et de la revue du dossier, le docteur Jodoin procède à un résumé de la littérature médicale quant à l’effet analgésique du cannabis sur le traitement de la douleur :
Les experts en traitement de la douleur croient généralement que le cannabis et les cannabinoïdes synthétiques demeurent une méthode expérimentale, qui devrait être employée uniquement dans des centres spécialisés et dans des conditions rigoureuses, après sélection serrée des candidats.
En raison du potentiel de tolérance et de dépendance physique et psychologique des cannabinoïdes, sa prescription à long terme, chez des patients souffrant de douleurs chroniques non cancéreuses, doit être précédée d’une évaluation par une équipe multidisciplinaire afin de déterminer si la douleur est d’origine physique, psychique ou mixte.
En présence d’un cas de douleur inexplicable sur le plan physique, on doit envisager la possibilité de facteurs d’ordre psychique ou social qui contribuent à entretenir et renforcer la douleur dans le but d’obtenir des gains primaires ou secondaires.
Avant d’inclure un patient dans un programme d’essai thérapeutique du cannabis on doit s’assurer qu’il répond aux critères suivants :
- Patient souffrant de douleur sévère d’origine organique avec peu ou pas de composante psychologique.
- Patient souffrant de douleur rebelle, sans évidence de gains primaires ou secondaires, chez qui toutes les mesures classiques de traitement reconnues, n’ont pas réussi à contrôler la douleur.
Compte tenu du risque très élevé de dépendance physique et psychologique que comporte le cannabis, il est suggéré de procéder à un essai préliminaire à court terme et de vérifier s’il se produit effectivement une diminution significative de la douleur selon une échelle visuelle ou analogique, une diminution de la consommation de narcotiques et de tranquillisants et une augmentation significative des AVQ/ADQ. Le tout devrait faire l’objet d’un suivi périodique qui permettra de justifier le maintien de la prescription ou son abandon.
Au contraire, il est bien connu et admis que le cannabis, en raison des effets psychotropes, amène rapidement une dépendance physique et psychologique ce qui peut entraîner une magnification de la douleur et la poursuite de la consommation.
[Dossier C.L.P., page 471]
[51] Concernant l’indication du cannabis dans le cas de monsieur D..., le docteur Jodoin est d’opinion :
Lors de mon évaluation, monsieur D... ne m’est pas apparu comme un patient en proie à des douleurs sévères. Monsieur D... a tenté de nous démontrer qu’il présente des douleurs intolérables à cause des vis et plaques dont il est porteur. Cet argument n’est certainement pas convaincant puisque des centaines de milliers de patients ont eu l’implantation de ce type de matériel sans qu’ils ne présentent de symptômes de douleur. L’instrumentation vertébrale, à moins qu’elle ne soit mal implantée, décelée ou infectée, n’est pas source de douleur. L’instrumentation ne sert qu’à immobiliser adéquatement un ou des segments vertébraux en attendant que la greffe osseuse se développe et vienne fusionner les niveaux de façon permanente.
De plus, monsieur D... présente actuellement des douleurs tout aussi intenses au niveau cervical qui ne correspondent nullement au site où il a été opéré. Il a tenté de relier ces douleurs cervicales aux opérations subies au niveau lombaire s’appuyant sur une vague théorie anatomique émise par une personne soi-disant réputée de son entourage. Cette théorie n’est pas fondée d’un point de vue scientifique.
Par contre, l’étude du dossier de monsieur D... démontre qu’il présente ou a présenté des problèmes de nature psychique assez marqués, qu’il est impliqué ou a été impliqué dans plusieurs litiges médicaux ou légaux, notamment avec le Dr Ferron et avec la CSST.
À plus d’une reprise, on a souligné un problème de dépendance aux narcotiques. Il faut aussi souligner que monsieur D... consomme de la marijuana depuis 1977 c'est-à-dire bien avant qu’il ne présente une douleur chronique au niveau lombaire.
Ces éléments de même que son comportement depuis de nombreuses années, nous amène à penser qu’il y a une composante non-organique significative dans la genèse de ses douleurs. Il y a ici une nette disproportion subjectivo-objective.
Le problème de monsieur D... n’a pas fait l’objet, à ma connaissance, d’une véritable évaluation multidisciplinaire dans une clinique de la douleur reconnue et compétente malgré la recommandation du docteur Leblanc le 4 septembre 2007. À mon avis, la simple prescription de marijuana par un médecin de famille qui n’a pas d’expertise spécifique eu égard à la douleur chronique ne saurait servir de caution compte tenu de la controverse importante entourant ce type de traitement.
Finalement, il est étonnant que monsieur D... rejette complètement un traitement pharmacologique à l’aide des médicaments cannabinoïdes. Il les considère complètement inefficaces alors qu’ils devraient normalement procurer un niveau de soulagement analogue à la marijuana.
[Dossier C.L.P., pages 472 et 473]
[52] Le docteur Jodoin en arrive à la conclusion suivante :
Suite à la lecture du dossier médical et à mon propre examen, je suis convaincu que les composantes non organiques jouent un rôle primordial dans le cas de monsieur D.... Je considère qu’il ne remplit pas les critères d’inclusion énumérés précédemment. À mon avis le dossier de monsieur D... n’a fait l’objet d’aucune évaluation sérieuse pour le traitement de ses douleurs chroniques.
Par conséquent, je crois que l’indication de prescrire à monsieur D... de la marijuana à des doses élevées pour le reste de ses jours ne repose pas sur des bases médicales sérieuses et ne devrait pas être acceptée en tant que traitement approprié à moins que des experts en traitement de la douleur n’en fassent une recommandation formelle.
[Dossier C.L.P., page 473]
[53] Le 22 avril 2010, madame Ann M. Vine, psychologue, souligne suivre monsieur D... depuis 1994. À l’origine pour une thérapie familiale, puis après son divorce, pour une thérapie personnelle jusqu’à la présente date. Selon elle, le docteur Leblanc a essayé plusieurs médications différentes, dont la liste obtenue auprès de la pharmacie démontre, qu’entre 2005 et 2008, la présence d’environ 37 prescriptions complétées, dont plusieurs l’ont été pour diminuer la douleur. Elle indique avoir dirigé monsieur D... dans les sites web, où elle a effectué des recherches, afin de lui fournir de l’information actualisée quant à l’utilisation de la marijuana pour la douleur.
[54] Quant au rapport du docteur Jodoin, cette psychologue le commente ainsi (pièce T-1) :
* In his report Dr. Jodoin seems to expect Mr. D. to present his pain based on scientific theories when in reality pain is a subjective experience. Mr. D. is the best source of information on what pain he is experiencing.
* With regard to his comments concerning Dr. Leblanc’s prescription for medical marijuana, he does not recognise that Dr. Leblanc from 2005 - 2008 prescribed most known pain relief medications for Mr. D., nor does he recognise that pain clinics who are in a position to provide the multidisciplinary evaluation of pain were not made available to Mr. D. in spite of his many requests.
[55] Le 26 avril 2010 (après l'audience tenue dans la matinée), dans un document écrit par le docteur Leblanc, il confirme que monsieur D... l’a consulté plus de 20 fois entre le 19 avril 2001 jusqu’au 18 novembre 2009. Lors de la première consultation, du 19 avril 2001, il avait écrit dans ses notes : « a des douleurs chroniques qui l’inquiètent beaucoup, et fumait de la marijuana qu’il a cessé depuis deux mois; car il s’inquiète pour sa santé, mais ses douleurs deviennent de pire en pire ». Quoiqu’il note qu’il soit suivi par le docteur Ferron en orthopédie, monsieur D... souligne, néanmoins, avoir besoin d’un médecin de famille.
[56] Au cours des consultations pour les années 2004 et 2005, le docteur Leblanc avait noté, d’une part, l’inefficacité des analgésiques et, d'autre part, que monsieur D... fume du cannabis dont il soutenait que cela aidait au contrôle de la douleur. Le 11 mai 2008, ce dernier l’aurait consulté pour sa lombalgie chronique et qu’il était « accepté pour recevoir des traitements de la marijuana par les autorités fédérales ». Il mentionnait qu’il allait rédiger une lettre comme « quoi c’est le meilleur soulagement ». Le 17 novembre 2008, comme monsieur D... lui soulignait son désir d’être vu auprès d’une clinique de la douleur il l’a référé au docteur Céline Godet au Centre hospitalier de Montréal « pour juger de l’indication au cannabis pour la douleur ».
[57] À l’audience, monsieur D... témoigne que depuis son accident de travail en 1973 à cause des nombreuses interventions chirurgicales, il est demeuré avec un tableau de douleur chronique parfois très intense. Comme la médication traditionnelle ne l’aidait pas du tout à soulager ses douleurs, il a débuté l’utilisation de la marijuana « en 1994 sur une base expérimentale ».
[58] Selon ses estimations, la consommation de marijuana diminuerait ses douleurs d’environ 40 % à 60 %.
[59] Depuis 1996, monsieur D... témoigne n'avoir aucun autre traitement ni médication, sauf lors des sixièmes et septièmes interventions chirurgicales où il a pris la médication prescrite par les chirurgiens sans pouvoir, toutefois, contrôler sa douleur.
[60] Interrogé à savoir si en 2010 il avait été rencontré à la Clinique de douleur de l’Hôtel-Dieu du Centre hospitalier universitaire de Montréal (tel qu’il l’avait mentionné au docteur Godin en novembre 2008 alors qu'il lui avait précisé avoir fait une demande pour être vu à cette clinique mais dont l’attente était de plus de deux ans), monsieur D... a d'abord mentionné qu’il était sur une liste dans une autre Clinique de douleur mais située en Ontario.
[61] Après que la soussignée lui ait offert d’aller téléphoner, en sa présence, pour s’enquérir du délai avant qu'il soit rencontré à cette clinique, monsieur D... a répliqué qu’il n’est présentement, pas plus d’ailleurs qu’il n'a jamais été, sur aucune liste d’attente d’une Clinique de la douleur.
[62] Puis, monsieur D... ajoute qu’aucune Clinique de la douleur ne veut prendre son dossier. Au Québec, on ne voudrait pas l’admettre dans une Clinique de la douleur en raison du fait qu’il ne possède pas de carte d’assurance maladie. De plus, il fait valoir que les listes d’attente varient de trois à cinq ans. En Ontario, il ne peut davantage être suivi dans une telle clinique car son cas relève de la CSST du Québec.
[63] De plus, il soutient qu’il revient à la CSST de lui trouver un spécialiste dans le traitement de la douleur. Il reproche à cet organisme de ne pas l’avoir assisté afin de le diriger vers une clinique spécialisée dans le traitement de la douleur.
[64] Enfin, il souligne que le membre du Bureau d'évaluation médicale étant orthopédiste n’est pas non plus un spécialiste dans le traitement de la douleur.
[65] Monsieur D... admet que le docteur Klein l’a rencontré qu’une seule fois dans le but d’émettre un certificat destiné à Santé Canada pour obtenir son autorisation pour l’utilisation de la marijuana à des fins médicales. Il n’est jamais retourné le consulter pour faire renouveler son certificat. Aucun médecin ne veut le faire à l’exception du docteur Leblanc.
[66] Il confirme qu’il est toujours suivi par la psychologue, madame Vine, à raison de deux à trois fois par mois « au téléphone ».
[67] Par ailleurs, on retrouve au dossier[13] la liste des prescriptions de médicaments, procurés auprès de pharmaciens au Québec[14], consommés par monsieur D... au cours de la période du 8 décembre 2000 jusqu’au 5 juin 2006 démontrant qu’il a consulté, outre le docteur Leblanc, plusieurs autres médecins qui les ont prescrits. Ces prescriptions démontrent également qu'il disposait d’un numéro de la régie d’assurance maladie du Québec (R.A.M.Q.) au cours de cette période.[15] C’est d’ailleurs ce numéro qui apparaît sur un rapport médical complété par le docteur Leblanc le 4 septembre 2007.
[68] Monsieur D... dément formellement, puisque non véridiques, toutes les informations médicales dans son dossier médical antérieur concernant un quelconque problème remontant à plusieurs années de toxicomanie ou de dépendance à une autre substance. Il reproche à la CSST de ne par avoir « authentifié » ces documents avant de les utiliser à son encontre.
[69] Le dossier médical antérieur provenant de divers Centres hospitaliers du Québec et les notes cliniques rédigées par différents médecins et spécialistes au fil des ans font état des constats suivants ainsi résumés par la soussignée :
- Le 22 janvier 1974 (pièce C-1), le docteur Warnes, psychiatre en chef à l’Hôpital St-Mary’s, note être en présence d'un « 19 year old tense, anxious and frustrated adolescent lying on his back and immobilized by recurrent low back syndrome. There is a history of accident proneness. Since age 12 he has had at least 4 accidents playing hockey. He was already admitted to the Children’s for his back ». Il ajoute que monsieur D... a été traité « six ans auparavant par un psychiatre pendant plus d’un an ». Il souligne que « last september … he became difficult again, started to drink, to use drug, left his job and appeared distressed… After a week of starting a new job « my back gave in » … I suspect that there is a lot of psychological magnification of physical pain but I do not have evidence for a conversion hysteria ».
- Le 11 février 1974[16], un psychiatre confirme que celui-ci est au repos en raison d’une « dépression nerveuse ».
- Le 10 septembre 1984, on retrouve ces informations consignées aux notes cliniques de l’Hôpital général de Montréal : « previous history of morphine addiction » et « 2 weeks ago … drank 24 beers plus marijuana ++ » (pièce C-1).
- Le 6 juin 1995[17], lors d’une consultation auprès de l’urgence de l’Hôpital général de Montréal il y est fait état que monsieur D... consomme du « Lithium à raison de 300 grammes par jour » et qu’il « fume environ six joints de marijuana quotidiennement pour la douleur ». Le neurochirurgien n’envisage alors aucune intervention chirurgicale. On suggère plutôt une consultation en psychologie pour « abus de drogue à cause d’une conversation inappropriée ». On le retourne à la maison avec des analgésiques.
- Le 1er mars 2003[18], une consultation est demandée en psychiatrie pour toxicomanie. Il y est indiqué qu'il consomme de la marijuana occasionnellement pour soulager ses douleurs. Il n’y a aucune consommation d’autres drogues.
[70] Le 5 mai 2010 (après l'audience), la psychologue, madame Vine, fait parvenir une lettre avec l’entête « South Shore Center for Individual and Family Counselling » adressée à la soussignée :
Subject : Medical document pertaining to K... D...
On April 27, 2010 Mr. D. came to my office to show me a medical document he received from the court hearing of April 26, 2010. This document which he is currently presenting to you as A1 to A5 refers him having a 12 year morphine addiction in addition to back surgery. This is the first time I have heard of morphine addiction in regard to Mr. D.
In the years since I first began provide counseling Mr. D. back in 1994, I have met with his ex-wife, his mother and his father, his friends, his pastor, his legal counsel, and his children. There has never been mention made of morphine addiction, whatsoever. In addition, I have not observed behavior that would suggest this type of addiction.
(notre soulignement)
[71] La même journée, dans une note manuscrite adressée à la soussignée, madame Vine ajoute les informations additionnelles suivantes :
Je connais M. D... depuis avril 2001. Je l’ai vu à de nombreuses reprises depuis cette date. J’ai examiné les documents A1 à A5 où il est question d’un ancien ulcère duodénal dans une note manuscrite du 10 septembre 1984. Dans mon dossier clinique et en particulier dans la section réservée aux antécédents médicaux, il n’y a aucune mention que M. D... ait un tel antécédent. Plusieurs scénarios peuvent être évoqués pour expliquer cette discordance mais ces scénarios ne pourraient être que spéculatifs. Je peux simplement affirmer qu’il m’est impossible de confirmer si cette note clinique (du10/9/1984) réfère réellement à M. Davis. Également, il n’y a aucune note dans mon dossier à l’effet que M. D... serait dépendant à la morphine.
(notre soulignement)
L’AVIS DES MEMBRES
[72] Conformément à l'article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[19] (la loi), la soussignée fait état de l'avis des membres nommés en vertu de l'article 374 de la loi ainsi que des motifs de cet avis.
[73] Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de confirmer la décision rendue par la CSST en révision administrative le 30 septembre 2009.
[74] Même si ces deux membres reconnaissent que la marijuana autorisée par Santé Canada constitue un médicament au sens de la loi, ils considèrent toutefois que la preuve médicale prépondérante, notamment les opinions des docteurs Godin et Jodoin de ne pas autoriser la marijuana dans le présent cas, leur permet de conclure que la CSST n'a pas à assumer le remboursement des frais reliés à l’utilisation de la marijuana.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[75] La Commission des lésions professionnelles doit décider si monsieur D... a droit au remboursement du coût de consommation de la marijuana séchée autorisée par Santé Canada.
[76] La Commission des lésions professionnelles étant saisie d’une décision rendue par la CSST en révision administrative, qui confirme sa décision initiale émise à la suite d’un avis émis par un membre du Bureau d'évaluation médicale concernant un aspect médical, elle doit donc apprécier la nécessité des soins et traitements à l’aide de la prépondérance de la preuve médicale.
[77] Par ailleurs, la CSST a pour sa part refusé le remboursement des frais d'utilisation du cannabis (la marijuana) au motif que cette substance n’est pas considérée comme un « médicament » dans le cadre de l’assistance médicale prévue à l'article 189 de la loi.
[78] Or, ce raisonnement de la part de la CSST n'a pas été retenu par la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles à la suite de l’interprétation des termes « médicaments et autres produits pharmaceutiques » énoncés au 3ième paragraphe de l'article 189 de la loi.
[79] Dans l’affaire Corbeil et Nadeau inc.[20], la Commission des lésions professionnelles retient que selon son sens courant, émanant de la lecture des définitions que l’on retrouve aux dictionnaires, de même que dans d’autres sources de référence (dont la Loi sur la pharmacie[21] et la Loi sur les aliments et drogues[22]) le mot « médicament » fait appel à une description très large. Madame la juge administratif Marielle Cusson considère que la définition des mots « médicament » et « drogue », alors que chacune de ces définitions réfère à toute substance ou mélanges de substances, est suffisamment large pour y inclure la marijuana lorsque celle-ci est prescrite à des fins médicales et autorisée par Santé Canada.
[80] La soussignée partage cette interprétation jurisprudentielle, qui a d'ailleurs été maintenue dans d’autres décisions[23], à savoir dans la mesure où la marijuana est prescrite et qu'elle fait l'objet d'une exemption à des fins médicales par Santé Canada que celle-ci se doit d'être considérée comme un médicament en application de l'article 189 de la loi.
[81] Ainsi, dans le présent cas, comme la marijuana est prescrite et qu'elle a fait l'objet d'une exemption à des fins médicales par Santé Canada elle doit être considérée comme un médicament. En effet, Santé Canada a effectivement émis le 24 avril 2008, une autorisation valide pour un an (avec une expiration prévue au 24 avril 2009) pour la possession de la quantité maximale de 150 grammes de marijuana sèche à des fins médicales. Santé Canada a d’ailleurs fait parvenir une facture de 750,00 $ pour laquelle monsieur D... désire être remboursé par la CSST.
[82] Toutefois, la Commission des lésions professionnelles considère que le fait d'obtenir une autorisation de Santé Canada pour la possession de marijuana sèche à des fins médicales ne constitue pas un sauf-conduit pour en obtenir le remboursement par la CSST.
[83] En effet, la jurisprudence a également reconnu qu'il fallait une preuve médicale prépondérante pour justifier le remboursement par la CSST de la marijuana ainsi autorisée par Santé Canada à des fins médicales.
[84] Ainsi, dans la décision Corbeil[24], la Commission des lésions professionnelles disposait d'une telle preuve médicale, puisque tant le médecin ayant charge du travailleur que les spécialistes consultés, dont l’un à la Clinique de la douleur de l’Hôtel-Dieu de Lévis, estimaient que le recours à la marijuana avait des effets positifs sur le soulagement de la douleur chronique du travailleur. Au surplus, la dépendance à cette substance avait aussi fait l’objet d'une évaluation détaillée.
[85] Dans l'affaire Bélanger[25], la Commission des lésions professionnelles en arrive à la même conclusion car la preuve médicale prépondérante avait démontré que le médecin traitant avait prescrit « l’utilisation de la marijuana pour les effets psychotropes et antidouleurs du produit » et qu’il s’était assuré de requérir l'opinion d’un psychiatre « afin d’éliminer la possibilité d'un usage illicite de ce produit … [et] … toute attitude manipulatrice » de la part du travailleur. De plus, à la demande de la CSST, le travailleur avait rencontré un psychiatre « spécialisé en toxicomanie » qui avait aussi recommandé la consommation de marijuana dans ce cas. C’est pourquoi le médecin traitant avait conclu que « le processus de prescription [de marijuana] s’était effectué avec la plus grande prudence et le plus de professionnalisme possible », ce qui avait été retenu par le tribunal qui en avait autorisé le remboursement.
[86] Dans la décision J… B. et [Compagnie A] [Compagnie B] [26], la Commission des lésions professionnelles disposait également d'une preuve médicale prépondérante. À ce sujet, le médecin traitant avait recommandé l’inhalation quotidienne de 4 grammes de marijuana en raison d'une atteinte sévère de la colonne lombaire (ayant résulté en une atteinte permanente grave à l'intégrité physique de 113,38 %) pour lequel ce médecin assurait aussi un suivi médical régulier pour le renouvellement de l'autorisation destinée à Santé Canada. De plus, le médecin désigné par la CSST partageait la même opinion que le médecin traitant quant au fait que cette modalité thérapeutique était indiquée dans ce cas.
[87] L’affaire Généreux[27] présente les mêmes similitudes que les autres causes mentionnées, puisque la Commission des lésions professionnelles disposait dans ce cas, outre de l’opinion motivée du médecin ayant charge du travailleur, également de l'avis du médecin spécialiste désigné par la CSST qui avaient tous deux conclu à la pertinence d’ajouter la marijuana dans le traitement à des fins thérapeutiques de contrôle de la douleur.
[88] Dans l'affaire Rousse[28], la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur a le droit au remboursement des frais encourus pour l’achat de marijuana, à raison de 3.5 grammes par jour, conformément à l'autorisation émise par Santé Canada, au motif que « l’ensemble des médecins, y compris le médecin du BEM, a reconnu que l’utilisation de la marihuana dans le cas du travailleur était appropriée ».
[89] Par contre, dans l'affaire Roy[29], après analyse, la Commission des lésions professionnelles conclut que la marijuana n’est pas un traitement indiqué pour la douleur chronique du travailleur et qu’il n’a pas droit au remboursement du coût de la marijuana aux motifs suivants :
[121] La Commission des lésions professionnelles constate que travailleur prend de la marijuana depuis l’âge de 18 ans. En 1998, il a augmenté sa consommation et prenait plusieurs joints par jour en plus de plusieurs bières. C’est d’ailleurs le travailleur qui a demandé au docteur Guévin de lui prescrire la marijuana pour ses douleurs.
[122] La Commission des lésions professionnelles retient l’opinion du docteur Chiasson et celle du docteur Molina-Negro du Bureau d’évaluation médicale (les parties reconnaissent que même si la CSST n’était pas liée par son avis, il s’agit d’une opinion médicale parmi celles présentes devant le tribunal).
[123] Il ressort de l’évaluation du docteur Molina-Negro et de celle du docteur Chiasson que la marijuana n’est pas un traitement indiqué pour le travailleur pour trois raisons principales.
[124] Le travailleur n’a pas bénéficié d’une évaluation multi-disciplinaire pour connaître l’origine de sa douleur (lésion physique, psychologique, etc.) et son médecin lui a prescrit de la marijuana sans évaluer de façon adéquate ses antécédents d’alcoolisme et de toxicomanie. La Commission des lésions professionnelles ajoute que bien que Santé Canada ait approuvé l’usage thérapeutique de la marijuana, recommandé par le médecin traitant du travailleur, il n’y a pas eu d’analyse du cas du travailleur.
[125] Le travailleur a un historique de dépendance au cannabis. Il a présenté dans le passé une dépendance sévère à l’alcool, dépendance qu’il présente encore.
[126] Il souffre de dépression et on ne prescrit pas de marijuana pour contrôler un phénomène de douleur chronique à une personne qui présente une dépression. L’administration de médicaments ou de substances avec un potentiel de tolérance et de dépendance doit être évitée dès qu’on soupçonne une composante psychique.
[127] En final, le docteur Chiasson conclut qu’il y a une « contre-indication absolue » à donner de la marijuana à ce travailleur.
[90] Dans l'affaire A…K…[30], la Commission des lésions professionnelles conclut que, selon la preuve prépondérante, la marijuana n'est pas non plus un traitement indiqué pour le travailleur aux motifs qu'il n'a pas bénéficié d’une évaluation multidisciplinaire pour connaître l’origine de sa douleur; que la prescription de marijuana a été faite sans qu’il soit procédé, au préalable, à une évaluation d’antécédents d’alcoolisme et/ou de toxicomanie, d’antécédents psychologiques ou psychiatriques du travailleur et de sa famille et, enfin, que la prescription de la marijuana a été faite sans l’élaboration d’un protocole d’administration de cannabis et d’un suivi médical serré. À la suite de la revue de la preuve, le tribunal conclut que la marijuana ne constitue pas un traitement indiqué pour le travailleur vu la présence de ses antécédents familiaux, de ses antécédents de consommation, de ses périodes de détresse psychologique et de ses composantes qualifiées de non organiques qu’il présente.
[91] Ces constats jurisprudentiels étant posés, qu’en est-il de l'étude préalable du dossier médical de monsieur D... pour justifier médicalement le recours à la marijuana dans son cas?
[92] La preuve révèle que depuis son accident du travail en 1973, monsieur D... a subi de nombreuses chirurgies avec une atteinte permanente à son intégrité physique et des limitations fonctionnelles de classe 2. La CSST l’a aussi déclaré inemployable. Selon lui, il est demeuré avec des douleurs chroniques non soulagées par la médication conservatrice et que la consommation de la marijuana, du moins depuis 1994, l’aide à diminuer ses douleurs. C’est pourquoi il désire que la CSST lui rembourse ses frais d’utilisation, à des fins médicales, de la marijuana séchée autorisée par Santé Canada.
[93] C’est le docteur Jack Klein qui a coché comme conditions médicales et comme symptômes pour justifier sa demande, adressée à Santé Canada, la présence d’une « douleur sévère et la persistance de spasmes musculaires ». Toutefois cette opinion n’est pas prépondérante dans le dossier pour les motifs suivants.
[94] Premièrement, la Commission des lésions professionnelles constate que le docteur Klein n'est pas le médecin traitant de monsieur D.... Deuxièmement, il l’a rencontré qu’une seule fois dans l’unique but de remplir le formulaire destiné à Santé Canada. Troisièmement, c’est donc monsieur D... qui lui a demandé de lui prescrire de la marijuana pour ses douleurs. Quatrièmement, ce médecin n'a pas non plus assuré de suivi médical par la suite (même s’il a recommandé la quantité maximale de marijuana permise par Santé Canada). Enfin, on ne dispose d’aucune opinion médicale de ce dernier, pas plus d'ailleurs de ses notes médicales, pour justifier cette recommandation « à des fins médicales » sinon des commentaires fort laconiques au formulaire de Santé Canada quant à une douleur sévère et à une persistance de spasmes musculaires sans aucune autre explication.
[95] Pour sa part, le docteur Leblanc avait référé monsieur D... à une clinique de la douleur dès le 7 septembre 2007, puis à nouveau le 17 novembre 2008, pour « juger de l’indication au cannabis pour la douleur ».
[96] Néanmoins, sans obtenir l’opinion d’un spécialiste dans le traitement de la douleur, le 16 mai 2008, il complète deux certificats. Dans l’un, il recommande de la marijuana séchée, à raison de 150 grammes par mois, en précisant par la suite que ce « n’est pas une prescription, c’est une médication de nécessité médicale et il s’arrange avec le fédéral ». Dans l’autre, ce médecin indique le suivre depuis 2001 pour un « problème lombaire complexe avec beaucoup de douleur » pour lequel il a tenté différentes variantes de morphine sans beaucoup de succès. La seule substance qui le soulage convenablement est la marijuana séchée, ce qu'il réitère à nouveau le 20 janvier 2009, en ajoutant ne pas être un spécialiste en douleur mais qu’il croit, néanmoins, que celui-ci aura besoin de ce type d’analgésie « pour la vie à des doses qui pourraient varier selon son état de stress physique ou psychologique ».
[97] À la suite d’une revue de la littérature médicale, résumée par le docteur Jodoin, sur l’effet analgésique du cannabis sur le traitement de la douleur et à cause du potentiel de tolérance et de dépendance physique et psychologique des cannabinoïdes chez des patients souffrant de douleurs chroniques non cancéreuses, la Commission des lésions professionnelles constate que le docteur Jodoin a fait preuve de plus de prudence et de réserve quant une prescription à long terme. Une telle prescription doit être précédée d’une évaluation par une équipe multidisciplinaire dans le but de déterminer si la douleur est d’origine physique, psychique ou mixte.
[98] Or, même la psychologue, madame Vine, consultée depuis de nombreuses années par monsieur D..., lorsqu’elle commente le 5 mai 2010 des documents déposés lors de l'audience qui faisaient état d’une dépendance à la morphine de la part de celui-ci au cours des 12 dernières années, souligne que depuis le début de la thérapie privée en 1994[31] il n’a jamais eu de mention d’une dépendance à la morphine. De plus, elle n'a aucune note dans son dossier démontrant une dépendance à la morphine. Elle indique ne pas avoir observé de comportement chez lui qui pouvait suggérer ce type de dépendance, bien qu’à ce sujet il importe de souligner que, selon le témoignage de monsieur D..., les consultations sont faites « au téléphone ».
[99] Cette opinion de la psychologue, qui ne fait état d'aucun antécédent pertinent en plus de n’être appuyée sur aucune littérature médicale ou autre, présente donc peu de force probante pour l’évaluation du présent dossier quant à la pertinence ou non pour monsieur D... de consommer de la marijuana pour soulager les douleurs.
[100] De plus, bien que cette psychologue précise suivre en thérapie monsieur D... depuis 1994 et l'avoir rencontré à de nombreuses reprises par la suite, alors que monsieur D..., selon son témoignage, a indiqué consommer de la marijuana depuis « depuis 1994 sur une base expérimentale », elle n'a consigné aucune note à ce sujet.
[101] Au surplus, ses allégations quant à l’absence d’antécédents pertinents ne sont pas corroborées par les dossiers antérieurs provenant de centres hospitaliers ainsi que par les notes cliniques de différents médecins consultés par monsieur D... au cours des années faisant plutôt état de divers antécédents fort pertinents dont on doit nécessairement tenir compte lorsque l’on recommande l'utilisation, en dernier ressort et à long terme, la prise de marijuana pour le soulagement des douleurs chroniques.
[102] Certes, monsieur D... dément formellement la présence d’une dépendance ou de toxicomanie antérieure. Pour réfuter les informations contenues dans ses dossiers médicaux antérieurs, il soutient qu’il y aurait eu des erreurs sur la personne.
[103] Or, une telle affirmation ne peut être retenue d’autant plus que la lecture des différents dossiers médicaux et hospitaliers antérieurs foisonnent de nombreuses informations, que seul d'ailleurs monsieur D... a pu fournir aux différents intervenants, incluant de nombreuses informations médicales et personnelles, et même à caractère nominatif, en plus de contenir une impression de données que l'on retrouve à sa carte d’assurance maladie du Québec.
[104] À ce sujet, la psychologue, madame Vine, après avoir examiné, après l'audience, les documents (A1 à A5) indique que dans son dossier clinique ne contient aucune mention de tels antécédents médicaux et qu’elle ne peut que spéculer sur cette discordance. Elle ajoute qu’il est impossible de confirmer si la note clinique du 10 septembre 1984 réfère réellement à monsieur D....
[105] Par ailleurs, bien que la psychologue affirme en 2010, en quelques phrases laconiques, ne pas avoir noté de dépendance à la morphine, on ne dispose pas non plus de test ni d'évaluation psychologique permettant de corroborer une telle affirmation. Certes, comme elle l’affirme, monsieur D... est le meilleur juge de la douleur ressentie. Néanmoins, la recommandation de consommer de la marijuana dans le but de soulager la douleur doit relever d'une évaluation médicale objective et d'un suivi périodique.
[106] De plus, considérant le risque très élevé de dépendance physique et psychologique que comporte le cannabis, le docteur Jodoin avait suggéré une façon plus prudente et responsable de gérer une telle recommandation pour consommation de la marijuana à des fins thérapeutiques, à savoir :
[…] procéder à un essai préliminaire à court terme et de vérifier s’il se produit effectivement une diminution significative de la douleur selon une échelle visuelle ou analogique, une diminution de la consommation de narcotiques et de tranquillisants et une augmentation significative des AVQ/ADQ. Le tout devrait faire l’objet d’un suivi périodique qui permettra de justifier le maintien de la prescription ou son abandon.
Au contraire, il est bien connu et admis que le cannabis, en raison des effets psychotropes, amène rapidement une dépendance physique et psychologique ce qui peut entraîner une magnification de la douleur et la poursuite de la consommation.
[107] Avant d’inclure un patient dans un programme d’essai thérapeutique du cannabis, le docteur Jodoin précise que l'on doit vérifier qu’il répond à certains critères. En plus de s’assurer de la présence d’une douleur sévère d’origine organique avec peu ou pas de composante psychologique ou de la présence d’une douleur rebelle, sans évidence de gains primaires ou secondaires, chez qui toutes les mesures classiques de traitement reconnues n’ont pas réussi à contrôler la douleur.
[108] Or, on ne dispose d’aucune évaluation sérieuse dans le dossier de la part du docteur Klein ni du docteur Leblanc et pas davantage de la psychologue, madame Vine.
[109] Selon la preuve, il n’y a eu aucun essai thérapeutique préliminaire du cannabis, à court terme, puisque c’est monsieur D... qui a débuté lui-même la consommation de la marijuana pour ses douleurs chroniques, nous dit-il, en 1994.
[110] La lecture des notes cliniques du docteur Leblanc ne permet pas davantage de détecter un suivi périodique pour permettre de justifier le maintien de la prescription ou son abandon, sauf l’allégation de monsieur D... voulant que cela l’aide à diminuer ses douleurs.
[111] Par ailleurs, comme le docteur Klein a rencontré monsieur D... qu’une seule fois, dans le but de compléter les documents destinés à Santé Canada pour obtenir son autorisation pour possession de marijuana, on peut en déduire qu’il n’y a eu aucune évaluation, premièrement dans le but de déterminer si la douleur est d’origine physique, psychique ou mixte. Et deuxièmement, pour évaluer le risque très élevé de dépendance physique et psychologique que comporte le cannabis.
[112] Il en est de même de la part du docteur Leblanc, puisque la lecture de ses notes cliniques ne fait aucunement état d’une évaluation concernant le recours à la marijuana à des fins médicales. Certes, dès 2007 puis à nouveau en 2008, il l’avait référé auprès d’un centre de douleur. Mais pour des raisons ambiguës[32], monsieur D... n’aurait jamais été inscrit sur une liste d’attente.
[113] Au surplus, on relève des notes cliniques que le docteur Leblanc suit monsieur D... depuis le 19 avril 2001, date où ce dernier rapporte qu'il « fumait de la marijuana qu'il a cessé depuis 2 mois ». Au fil des ans, il n'a jamais recommandé la consommation de marijuana. Or, le 25 mars 2008, la CSST demande à monsieur D... de lui fournir une prescription d'un médecin avant d’évaluer sa demande de remboursement de marijuana. C'est le 16 mai 2008, que ce médecin complète trois documents. Or, à cette date, dans ses notes cliniques on ne retrouve aucune évaluation sauf des commentaires laconiques, à savoir qu'il a été « accepté par les autorités fédérales » (à la suite de la prescription d’un autre médecin, le docteur Klein) et qu'il va rédiger « une lettre comme quoi c'est le meilleur soulagement ».
[114] La Commission des lésions professionnelles considère que cette preuve (des docteurs Klein et Leblanc et de la psychologue madame Vine) dont fait état monsieur D..., au soutien de sa demande d'autorisation pour le remboursement de ses frais pour marijuana, ne fait pas le poids devant les deux opinions médicales détaillées des docteurs Godin et Jodoin qui sont appuyées tant par des examens cliniques effectués dans les règles de l’art que par de la littérature médicale.
[115] À ce sujet, le témoignage de monsieur D... quant à la nécessité de consommer de la marijuana à des fins médicales ne peut venir pallier au manque de preuve médicale pour appuyer ses prétentions.
[116] Le docteur Godin avait pour sa part constaté, malgré l’autorisation de Santé Canada d’utiliser la marijuana depuis le mois d’avril 2008 (valide jusqu’en avril 2009), que son examen effectué, le 27 novembre 2008, montrait « avec assez d’évidence que l’effet de ce traitement [consommation de marijuana] sur la douleur ne fonctionne pas ».
[117] De plus, il observait la présence d’une symptomatologie douloureuse qui semblait « être disproportionnée par rapport aux constatations objectives ». Il considérait qu’il y avait « probablement des aspects d’ordre psychologique qui peuvent s’ajouter aux douleurs chroniques qui découlent de ses multiples chirurgies lombaires ».
[118] Le docteur Jodoin en arrivait à une conclusion similaire lors de son évaluation du 6 mai 2009 où « monsieur D... ne m’est pas apparu comme… en proie à des douleurs sévères ». Il ajoutait « il a tenté de nous démontrer qu’il présente des douleurs intolérables à cause des vis et plaques dont il est porteur » et que cet « argument n’est certainement pas convaincant car des centaines de milliers de patients ont eu l’implantation de ce type de matériel sans qu’ils ne présentent de symptômes de douleur ». De plus, il « présente actuellement des douleurs tout aussi intenses au niveau cervical qui ne correspondent nullement au site où il a été opéré ».
[119] C’est pourquoi, le docteur Jodoin estime qu’en présence d’un cas de douleur inexplicable sur le plan physique, on doit envisager la possibilité de facteurs d’ordre psychique ou social qui contribuent à entretenir et à renforcer la douleur dans le but d’obtenir des gains primaires ou secondaires.
[120] Le docteur Godin avait aussi suggéré d’orienter l’approche thérapeutique vers des traitements autres que pharmacologiques en raison des risques de dépendance déjà mentionnés dans le dossier depuis plusieurs années. Il considérait que la condition clinique devait faire l’objet d’une approche multidisciplinaire avec spécialiste de la douleur, psychologue et autres professionnels de la santé impliqués dans les traitements de la douleur chronique.
[121] Dans le présent cas, la Commission des lésions professionnelles retient comme étant prépondérantes les opinions des docteurs Godin et Jodoin qui recommandaient de ne pas autoriser le traitement à la marijuana en relation avec la condition musculo-squelettique vertébrale présente chez monsieur D... qui devait plutôt faire l’objet d’une évaluation multidisciplinaire de sa condition de douleurs chroniques.
[122] Par conséquent, la CSST n'a pas à assumer le remboursement des frais reliés à l’utilisation de la marijuana.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur K... D... du 21 octobre 2009;
CONFIRME pour d'autres motifs la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative, le 30 septembre 2009;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’a pas à assumer le remboursement du coût pour l’utilisation de la marijuana.
|
|
|
Doris Lévesque |
|
|
|
|
|
|
Me Sylvana Markovic |
|
Vigneault, Thibodeau, Giard |
|
Représentante de la partie intervenante |
[1] dont la traduction anglaise est datée du 9 octobre 2009.
[2] Lettres datées des 3 mai, 5 mai, 10 mai et 7 juillet 2010.
[3] Lettre rédigée par monsieur Robert Cox, responsable de l’accès à l’information au Centre universitaire de Santé de McGill, adressée à la soussignée, débutant ainsi : « À la demande de monsieur K… D… […] » .
[4] Voir note précitée 3.
[5] C.L.P. 344813-62-0804, 8 avril 2009, É. Ouellet.
[6] C.L.P. 87707-62-9704, 25 mai 2005, M. Langlois (confirmée en révision le 23 septembre 2005, B. Roy).
[7] Dossier C.L.P. page 430.
[8] [2001] 135 G.O. II, 1330.
[9] C’est le docteur Klein qui a rempli le certificat et a donné son adresse comme étant située sur le boulevard A à ville A, au Québec.
[10] Dossier C.L.P. page 756.
[11] Dossier C.L.P. page 439.
[12] Dossier C.L.P. page 440.
[13] Dossier C.L.P. pages 1145 et suivantes.
[14] Pharmacie située à ville B, Québec.
[15] Son numéro d’assurance maladie est le suivant : [...].
[16] Dossier C.L.P. page 610.
[17] Dossier C.L.P. pages 510 à 513.
[18] Dossier C.L.P. page 570.
[19] L.R.Q., c. A-3.001.
[20] [2002] C.L.P. 789 , M. Cusson; révision rejetée le 20 février 2004, C. Bérubé, révision judiciaire rejetée [2004] C.L.P. 1251 C.S., requête pour permission d’appeler rejetée, C.A. Québec, 200-09-005022-048, 21 décembre 2004.
[21] L.R.Q., c. P-10.
[22] L.R. 1985, c. F-27.
[23] Bélanger et Gestion Technomarine International inc., [2007] C.L.P. 1258 , requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Rimouski, 100-05-002157-078, 10-01-08, j. Ouellet, (09LP-196), Généreux et Hôtel Redo Senneterre, C.L.P. 325779-08-0708, 8 octobre 2008, F. Daigneault, (08LP-146), J…B… et [Compagnie A] [Compagnie B], C.L.P. 359151-63-0809, D. Besse, 29 avril 2010 (révision pendante); Rousse et Bridgestone Firestone Canada inc., C.L.P. 376829-63-0904, 23 juin 2010, L. Morissette.
[24] Précitée à la note 20.
[25] Précitée à la note 23.
[26] Précitée à la note 23.
[27] Précitée à la note 23.
[28] Précitée à la note 23.
[29] R.R. et Compagnie A et CSST, C.L.P. 324594-71-0708 et autres, 30 mars 2009, L. Landriault.
[30] A…K… et [Compagnie A] et CSST, C.L.P. 264655-64-0506 et autre, 18 janvier 2010, S. Moreau.
[31] Quoique dans un document manuscrit signé la même journée, cette psychologue indique suivre monsieur D... depuis avril 2001 (voir le paragraphe [71] de la présente décision).
[32] Monsieur D... soutient qu'il ne dispose pas d’une carte d’assurance maladie valide au Québec alors qu'il consulte le docteur Leblanc au Québec depuis 2001 jusqu’au 18 novembre 2008 (selon ses notes cliniques) et que son dossier pharmaceutique au Québec démontre qu'il en avait possédait une du moins pour la période du 8 décembre 2000 jusqu’au 5 juin 2006 (dossier C.L.P. pages 1145 et suivantes).
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.