Fournier et Produits de beauté Estée Lauder ltée |
2013 QCCLP 3907 |
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Dossier 474442-71-1206
[1] Le 12 juin 2012, madame Martine Fournier (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 8 mai 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 8 mars 2012 et déclare que le diagnostic d’épicondylite bilatérale n’est pas en relation avec l’événement du 15 janvier 2009 et, en conséquence, la travailleuse n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) en regard de ce diagnostic.
Dossier 474438-71-1206
[3] Le 12 juin 2012, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la CSST le 9 mai 2012, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 6 mars 2012 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des injections de xylocaïne.
Dossier 474394-71-1206
[5] Le 15 juin 2012, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la CSST le 8 juin 2012, à la suite d’une révision administrative.
[6] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 16 avril 2012 et déclare que la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter du 13 avril 2012.
[7] Une audience a été tenue à Montréal le 2 mai 2013 en présence de la travailleuse qui est représentée par Me Brigitte Ducas. Produits de beauté Estée Lauder (l’employeur) est absent, mais est représenté par Me Aaron Z. Makovka. La CSST est représentée par Me Dominic Dorval. L’affaire est prise en délibéré au terme de l’audience.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 474442-71-1206
[8] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que le diagnostic d’épicondylite bilatérale est relié à l’événement du 15 janvier 2009 et qu’elle a droit aux prestations prévues par la loi.
Dossier 474438-71-1206
[9] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’autoriser le remboursement des injections de xylocaïne visant à traiter une épicondylite bilatérale.
Dossier 474394-71-1206
[10] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle n’a pas la capacité d’effectuer son travail, compte tenu de sa lésion professionnelle initiale. De plus, dans l’hypothèse où le tribunal accepte la relation entre l’événement du 15 janvier 2009 et le diagnostic d’épicondylite bilatérale, la travailleuse demande au tribunal de retourner le dossier à la CSST afin que puissent être évaluées les questions d’ordre médical, telles que la consolidation, la suffisance des traitements, le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles.
L’AVIS DES MEMBRES
[11] La membre issue des associations syndicales estime que les requêtes de la travailleuse devraient être accueillies puisque celle-ci a démontré par une preuve probante que l’épicondylite bilatérale résulte de la compensation découlant des soins prodigués des suites de la blessure du 15 janvier 2009 survenue à l’épaule droite. Dans ce contexte, l’article 31 de la loi devrait s’appliquer. Conséquemment, les injections de xylocaïne visant à traiter l’épicondylite bilatérale devraient être remboursées et la CSST devrait évaluer l’atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles résultant de l’épicondylite bilatérale et ultérieurement se prononcer sur sa capacité à occuper son emploi.
[12] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis contraire. Il estime qu’aucune preuve médicale probante n’a été soumise pouvant reconnaître une relation entre l’épicondylite bilatérale résultant de la compensation et l’événement initial. Il soumet que la travailleuse n’a pas présenté une preuve démontrant la combinaison force/répétitivité et il souligne le délai d’apparition entre la lésion initiale et le diagnostic d’épicondylite bilatérale.
[13] Ainsi, la travailleuse ne devrait pas avoir droit au remboursement des injections de xylocaïne. Enfin, il estime que la preuve a démontré que la travailleuse est capable d’exercer son emploi et souligne que le médecin traitant est d’accord avec les limitations fonctionnelles retenues.
LA PREUVE
[14] Le 15 janvier 2009, madame Fournier est âgée de 39 ans et occupe un poste de maquilleuse depuis 1995 chez l’employeur. Elle est droitière.
[15] Son travail consiste à effectuer des maquillages et des retouches à raison de 37 ½ heures par semaine.
[16] À cette époque, elle ressent des douleurs à l’épaule droite depuis approximativement trois ans mais celles-ci s’intensifient à compter du 15 janvier 2009.
[17] À la demande du docteur Jean-Marc Lévesque, orthopédiste, des traitements de physiothérapie débutent le 11 avril 2009.
[18] Le 4 juin 2009, ce médecin diagnostique une tendinite de la coiffe des rotateurs droite.
[19] Le 13 juillet 2009, une radiographie de l’épaule droite montre une légère arthrose acromio-claviculaire et une minime irrégularité corticale au niveau de l’aspect inférieur du glénoïde.
[20] Une résonnance magnétique pratiquée le même jour conclut à un syndrome d’accrochage léger probable avec des signes de tendinopathie à la coiffe des rotateurs et à une légère bursite sous-acromiale. On observe aussi une minime déchirure partielle du tendon sus-épineux.
[21] La révision administrative rend une décision le 29 octobre 2009 par laquelle elle déclare que la travailleuse a subi une lésion professionnelle, soit une tendinite de la coiffe des rotateurs. Dans le cadre de cette décision, cette instance écrit :
L’employeur soumet à la Révision administrative que la travailleuse effectue des mouvements répétitifs avant [sic] son bras droit et en s’appuyant sur l’opinion de son infirmière, il précise que la réclamation devrait être acceptée en maladie professionnelle. Il indique que dans l’analyse des exigences physiques demandées pour le poste de maquilleuse, il est indiqué que la maquilleuse doit constamment élever l’épaule pour appliquer le maquillage et pour remplir les comptoirs de produits, soit pendant plus de 5 heures par quart de travail.
Questionné par la Révision administrative afin de déterminer si la travailleuse travaille avec le bras doit à une hauteur égale ou supérieure à l’épaule plus de la moitié de son temps de travail, l’employeur précise qu’elle travaille avec la main droite à cette hauteur plus de 80 % de temps, et ce sans support, tout en faisant des mouvements avant et arrière avec le coude.
[22] Afin d’augmenter la capacité et l’endurance de l’épaule droite, le 12 novembre 2009, le docteur Lévesque ajoute des traitements d’ergothérapie.
[23] Les notes de physiothérapie rédigées le 9 décembre 2009 indiquent que la patiente est traitée en physiothérapie et en ergothérapie à raison de cinq fois par semaine. Les mouvements impliquant la rotation interne de l’épaule droite sont encore limités. La force et l’endurance sont des limitations majeures empêchant le retour au travail.
[24] Le 2 février 2010, les thérapeutes des deux disciplines remarquent une diminution significative de la force et de l’endurance.
[25] Le docteur Lévesque relate le 17 février 2010 que la tendinite de la coiffe des rotateurs est augmentée avec les activités d’ergothérapie et de physiothérapie. Il procède à une infiltration.
[26] Le docteur Moreno Morelli, orthopédiste, diagnostique une tendinopathie et un accrochage à l’épaule droite le 31 mars 2010. Rédigeant des notes, le médecin signale que la patiente souffre de douleurs à l’épaule droite depuis quatre ans et qu’il s’agit d’une maladie professionnelle. Cette douleur a commencé au poignet droit et elle a migré proximalement. Elle est présente lors des activités au-dessus de la tête et à bout de bras. Deux infiltrations de cortisone ont été données.
[27] Des traitements d’acupuncture sont ajoutés le 13 mai 2010.
[28] Le 31 août 2010, la CSST accepte la relation entre le diagnostic d’accrochage de l’épaule droite et l’événement du 15 janvier 2009.
[29] Une intervention chirurgicale de l’épaule droite est pratiquée le 14 février 2011 par le docteur Morelli. Le protocole opératoire signale une arthroscopie, une réparation de la coiffe des rotateurs et un débridement du labrum.
[30] Témoignant à l’audience, madame explique qu’après cette intervention, elle a été contrainte de porter une attelle pendant trois semaines, et ce, 24 heures par jour. Elle a aussi dû modifier ses activités quotidiennes.
[31] Puis, elle a porté cette attelle pour dormir pendant les trois semaines suivantes.
[32] Au début des traitements de physiothérapie, c'est-à-dire trois semaines après l’intervention chirurgicale, elle était souffrante et consommait beaucoup de médicaments dont du Lyrica, du Dilaudid et du Tramacet.
[33] Le 23 février 2011, le docteur Morelli prescrit de la physiothérapie deux fois par semaine. La fréquence est augmentée à trois traitements à compter du 19 avril 2011.
[34] Madame n’a jamais pratiqué de sport à part la bicyclette stationnaire et la danse salsa qu’elle a dû cesser en raison des douleurs aux bras.
[35] Le 21 juin 2011, le docteur Morelli maintient la poursuite de la physiothérapie trois fois par semaine.
[36] Le 24 août 2011, le médecin ajoute à la physiothérapie des traitements d’ergothérapie.
[37] Madame raconte que les premiers symptômes de douleur au coude gauche sont apparus à la fin de l’été 2011, à la suite des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.
[38] Le 2 septembre 2011, madame Maria Milioto, coordonnatrice du programme d’évaluation et de réadaptation de l’Est écrit au docteur Morelli afin d’obtenir son accord à la participation de sa patiente à un programme interdisciplinaire visant à augmenter ses capacités fonctionnelles et physiques.
[39] Un diagnostic d’épicondylite au coude gauche est posé par le docteur Morelli le 19 octobre 2011. Eu égard à ce nouveau diagnostic, il prescrit de la physiothérapie et des infiltrations de cortisone.
[40] Rédigeant une note ce jour-là, le docteur Morelli signale que la condition de l’épaule droite s’améliore, mais que depuis deux mois, la travailleuse ressent des douleurs au coude gauche. À ce sujet, il écrit « pain is mostly from over compensating ».
[41] Ce même jour, l’agente de la CSST écrit que la travailleuse doit avoir une injection de cortisone au bras gauche [sic] car il y a surutilisation de ce bras [sic] à la suite de la chirurgie de l’épaule droite. Les notes évolutives montrent que la CSST a assumé les frais de cette infiltration au coude gauche en novembre 2011.
[42] Du 2 novembre 2011 au 25 janvier 2012, la travailleuse suit un programme intensif de réadaptation afin de développer ses capacités fonctionnelles.
[43] Préalablement au programme, les 2 et 3 novembre 2011, une évaluation en physiothérapie et en ergothérapie a été effectuée par messieurs Pascal Boudrias et Michael Terzian. À cette occasion, la douleur au coude gauche, à l’épicondyle est déjà notée. On relève que madame a dû cesser de danser la salsa en raison des mouvements nécessitant l’élévation des bras. La force en prosupination au coude gauche est limitée, surtout en supination. Une diminution de force est observée aux membres supérieurs et particulièrement à l’épaule droite.
[44] On rapporte que la travailleuse a reçu des traitements de physiothérapie puis, de l’ergothérapie à compter de septembre, de l’acupuncture et une infiltration au coude gauche en octobre 2011 dont les coûts ont été défrayés par la CSST.
[45] Au chapitre des activités quotidiennes, l’ergothérapeute Terzian indique des stratégies compensatrices, entre autres lors du lavage des cheveux. Madame éprouve de la difficulté à stationner son auto. On lit qu’auparavant, elle assumait la responsabilité des activités de la vie quotidienne et elle les partage désormais avec son conjoint. Entre autres, elle ne fait plus l’épicerie.
[46] Il indique que « la travailleuse ne peut effectuer son travail en raison du syndrome douloureux persistant et incapacitant à l’épaule droite et au coude gauche, du déconditionnement physique généralisé, en plus d’éléments de kinésiophobie. »
[notre soulignement]
[47] Parmi les exigences de l’emploi, monsieur Terzian énonce que la patiente doit pouvoir pousser et diriger un chariot de marchandises dont le poids est environ de 175 livres. Environ deux fois par semaine, elle doit utiliser un chariot-élévateur qui l’oblige à pousser une porte et de fortement tirer sur une corde pour ouvrir et fermer les portes. Il dit que madame doit effectuer des mouvements des membres supérieurs à portée de main et aussi, fréquemment des mouvements au-dessus des épaules et occasionnellement au-dessous de la taille. Madame doit aussi manipuler des charges estimées entre 1 et 10 kilos (coffre de cosmétiques en métal et boîtes de marchandises).
[48] Au cours de cette évaluation, l’ergothérapeute note que certaines activités ont dû être interrompues en raison des douleurs à l’épaule droite et au coude gauche. Il parle des activités telles que pousser, tirer, transporter et soulever une charge.
[49] Il suggère un plan d’intervention qui tient compte du déconditionnement physique généralisé, du syndrome douloureux incapacitant à l’épaule droite et au coude gauche, ainsi que des éléments de kinésophobie notés. Il recommande un programme de réadaptation intensif en ergothérapie, physiothérapie et kinésiologie à raison de cinq journées complètes par semaine (de 9 h à 15 h 30) pour les quatre prochaines semaines, suivi d’une réévaluation. Ce programme intensif vise à augmenter la capacité à manipuler des charges, à augmenter l’endurance générale à l’effort au membre supérieur droit, la capacité à effectuer des mouvements fréquents ou de force dans toutes les positions avec le membre supérieur droit afin de lui permettre de compléter ses tâches professionnelles et celles inhérentes à sa vie personnelle.
[50] Le 29 novembre 2011, madame Joanny Morel, kinésiologue, dresse un bilan du programme. La patiente collabore bien au plan déterminé. Elle écrit que les exercices sollicitant les muscles cervico-dorsolombaires, les avant-bras et les biceps sont exécutés en totalité et à chaque présence. Un minimum de deux séries de chacun doit être exécuté en maintenant chaque position durant un minimum de 30 secondes.
[51] Madame Morel mentionne que les exercices de renforcement sont exécutés au moyen d’élastiques, de levée de poids, d’utilisation de la poulie (poids de 5 lb et de 10 lb) et de répétitions des mouvements au membre supérieur droit. Elle signale aussi qu’il a été décidé d’augmenter les répétitions d’exercices et aussi la charge utilisée. Elle observe l’apparition d’une douleur au coude droit.
[52] Il y a amélioration de la flexibilité et de l’endurance de l’épaule gauche. Par contre, selon l’effort fourni, l’intensité de la douleur varie de 4/10 à 8/10 pour l’épaule et le coude droit et de 4/10 au coude gauche.
[53] Elle souligne, par ailleurs, que les facteurs limitants sont la persistance du syndrome douloureux à l’épaule droite et la douleur aux coudes.
[54] Cette thérapeute recommande la poursuite du programme à raison de cinq jours par semaine, de 9 h à 15 h 30 pendant cinq semaines supplémentaires afin d’augmenter l’endurance du membre supérieur droit et la flexibilité des épaules et des coudes.
[55] Le 29 novembre 2011, monsieur Boudrias réévalue aussi la condition physique et observe que les coudes sont sensibles. Il note que la douleur augmente avec l’activité et mentionne aussi l’apparition d’une nouvelle douleur au coude droit depuis l’évaluation précédente au début novembre.
[56] Il souligne que la condition demeure stable et constate, tout comme monsieur Terzian, que la patiente utilise des stratégies de compensation lors des mouvements de l’épaule droite.
[57] Ce même jour, monsieur Terzian signale à son tour que la travailleuse ne rencontre pas encore les exigences requises eu égard à l’endurance et à l’effort du membre supérieur droit. Il estime que les limitations découlent du déconditionnement et du syndrome douloureux persistant au membre supérieur droit.
[58] Le 5 décembre 2011, une agente de la CSST rapporte que la travailleuse montre beaucoup de motivation lors de sa participation au programme. Elle souligne qu’elle a maquillé en clinique de réadaptation pendant deux heures d'affilée, par jour, sans arrêt. La directrice du programme, madame Milioto, dit à l’agente que la travailleuse ressent des douleurs, mais que cela est normal car le programme de développement des capacités oblige à travailler ses muscles.
[59] L’agente ajoute qu’à cause des douleurs survenues lors du programme, le médecin traitant suggère deux demi-journées de physiothérapie et trois journées de développement de capacités.
[60] Le 9 décembre 2011, monsieur Terzian suggère un retour progressif au travail à compter du 16 janvier 2012.
[61] Une nouvelle évaluation est faite par monsieur Boudrias le 9 janvier 2012. Il note qu’il persiste des douleurs aux coudes et à l’épaule droite. Sont observées une nouvelle douleur à la région postérieure de l’épaule droite, une légère diminution de mobilité dans certains mouvements de l’épaule droite, une faiblesse au deltoïde droit et à la rotation interne de l’épaule droite de même qu’une perte de mobilité active dans certains mouvements du grand dorsal.
[62] Monsieur Boudrias parle d’une douleur au bras droit qui irradie à l’omoplate et qui empire depuis deux semaines. Il relate que la douleur est apparue avant Noël lorsque la travailleuse a complété une journée entière de maquillage dans le cadre du programme intensif de réadaptation. Cette douleur est cotée à 7/10 et peut grimper à quasi 10/10. Il observe une abduction et flexion à 4/5 avec compensation du trapèze supérieur.
[63] Il persiste aussi une douleur au coude droit au repos à 4/10 d’intensité mais accentuée par les séances de maquillage à 8/10. La douleur au coude gauche varie de 2 à 5/10.
[64] Le plan de retour au travail proposé est accepté par le docteur Morelli le 11 janvier 2012. Ce retour est effectif à compter du 16 janvier 2011. Le médecin maintient les traitements de physiothérapie.
[65] Dès le lendemain du retour, soit le 17 janvier 2012, monsieur Boudrias remarque une augmentation de douleur à l’épaule et au coude droit évaluée à 8/10 après trois heures de travail alors que la travailleuse a maquillé et a fait la caisse. Les traitements se poursuivent. Il signale que la gestion de la douleur est difficile et que le bracelet épicondylien est plus ou moins efficace. Il propose un TENS pour l’épaule et le coude droits et note une sensibilité dans la musculature des épicondyliens.
[66] Monsieur Terzian réévalue la condition de la travailleuse le 19 janvier 2012. Il persiste une douleur constante à l’épaule droite variant de 7 à 10/10. Il y a une douleur périodique au coude droit de 5 à 8/10 et au coude gauche de 2 à 3/10, à la région cervicale et au coude droit, augmentée par le travail.
[67] Le même jour, monsieur Terzian recommande la poursuite du plan de retour au travail progressif dans la mesure où la travailleuse peut obtenir une chaise ajustable en hauteur. Il recommande de maintenir les acquis par l’entremise d’un programme d’exercices à domicile.
[68] Ce dernier relate également la douleur à l’épaule et aux coudes. Malgré cette douleur, la travailleuse a toléré des simulations de sessions de maquillage de six heures et demie par jour en maquillant des sujets assis. Elle a effectué des mouvements de flexion et d’abduction des épaules entre le dessus de la tête et les genoux, a effectué une tâche bilatérale de dextérité manuelle à répétition avec les membres supérieurs en hauteur au dessus des épaules pendant 12 minutes en prenant trois pauses. Elle a manipulé des charges bilatéralement atteignant jusqu’à 25 livres, a poussé des charges atteignant 300 livres et a adopté des positions basses jusqu’à 20 fois par jour lors du programme lors des soulèvements de charge au sol.
[69] Commentant le retour au travail depuis le 16 janvier 2012, il opine que madame est capable d’accomplir ses tâches malgré la douleur et en utilisant des stratégies compensatoires. Il croit donc qu’elle peut demeurer au travail dans la mesure où elle dispose d’une chaise ajustable pour réduire l’exacerbation du syndrome douloureux.
[70] Malgré les observations précitées des 17 et 19 janvier qui consignaient l’augmentation des douleurs de l’épaule et du coude droits lors du retour au travail, monsieur Boudrias écrit le 25 janvier 2012 que le retour au travail ne risque pas d’aggraver la blessure initiale malgré les plaintes de douleurs aux coudes car il estime que les mouvements répétés ne durent pas longtemps et que l’amplitude des mouvements des épaules, des coudes, des poignets et des doigts n’est pas maximale.
[71] Une évaluation du poste de travail est effectuée le 27 janvier 2012 par monsieur Terzian qui conclut que la travailleuse pourra exécuter son travail si elle dispose d’une chaise ajustable permettant de réduire l’exacerbation du syndrome douloureux.
[72] À cette occasion, il observe le maquillage d’une personne assise sur une chaise de 70,5 cm et ensuite sur une chaise de 69,5 cm de hauteur. Dans le premier cas, les mouvements de flexion et d’abduction de l’épaule droite sont mesurés entre 30 et 60 degrés et dans le deuxième cas entre 35 et 55 degrés. Il ne mesure pas les mouvements d’amplitude lorsque les clientes sont debout mais madame Fournier l’informe que lorsque cela se produit, ces mouvements sont entre 60 et 120 degrés.
[73] Le 15 février 2012, le docteur Morelli rédige un rapport final qui consolide la lésion professionnelle avec atteinte permanente à l’intégrité physique et limitations fonctionnelles. Il procède à une infiltration aux coudes et retient un diagnostic d’épicondylite bilatérale et de déchirure de la coiffe des rotateurs.
[74] Le 23 février 2012, le physiothérapeute note que la patiente a atteint un plateau et qu’une douleur importante persiste même après le travail. Il écrit que la force est stable, l’endurance est stabilisée. Il n’y a pas de changement au ROM.
[75] Conséquemment, le médecin cesse les traitements.
[76] Ce même jour, la travailleuse demande le remboursement des injections de xylocaïne données par le docteur Morelli aux coudes.
[77] Le docteur Edward Katz de la CSST rédige une note évolutive le 21 février 2012 et déclare qu’il n’y a pas de relation entre l’épicondylite bilatérale et l’événement car la travailleuse a décrit une lésion professionnelle à l’épaule droite à la suite de mouvements répétitifs au travail. Elle n’a jamais mentionné de problèmes aux coudes. Selon lui, ce nouveau diagnostic posé trois ans après l’événement ne peut être relié à celui-ci.
[78] La soussignée note que le médecin de la CSST ne fait aucune analyse au sujet de la possibilité d’une relation entre les mouvements exécutés lors des traitements nécessités par la chirurgie à l’épaule droite et le diagnostic d’épicondylite bilatérale.
[79] Le 6 mars 2012, la CSST refuse le remboursement des injections mais déclare qu’il y a une relation entre l’événement et le nouveau diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite.
[80] À la demande de la CSST, le 9 mars 2012, le docteur Chaikou Bah examine la travailleuse et rédige un rapport.
[81] Lors de cet examen, la travailleuse présente une douleur à l’épaule droite évaluée à 3/10 au repos et à 8/10 lorsqu’elle se lave les cheveux. Une douleur aux coudes est aussi présente et intermittente. Madame signale à nouveau que les douleurs aux coudes sont apparues progressivement. Elle rapporte également des engourdissements occasionnels à la main droite et elle échappe des objets.
[82] Il écrit « Elle indique que dans le cadre de son travail, les patients étant debout 30 % du temps et 70 %, les patients étant assis, elle nous indique que même quand les patients sont assis, elle fait une démonstration, elle doit travailler avec les épaules en flexion antérieure de 70 à 90 degrés, quand les patients sont debout, elle travaille en flexion de 90 degrés au niveau de l’épaule droite. » [sic]
[83] Le médecin rapporte que la douleur au niveau de l’épaule droite irradie au niveau du trapèze et du bras. Il ajoute ce qui suit : « Elle présente des douleurs au niveau du coude compensatoires qui ont nécessité une infiltration au niveau du coude gauche ».
[84] Il relève une sensibilité à la palpation des épicondyliens. Cependant, l’extension contre résistance au niveau des poignets et du troisième doigt ne démontre pas d’épicondylite active.
[85] Se basant sur les diagnostics retenus par la CSST, soit une tendinopathie et un syndrome d’accrochage au niveau de l’épaule, il accorde une atteinte permanente de 12,5 % qu’il détaille comme suit :
Code |
Description |
DAP |
|
|
|
102 383 |
Atteinte des tissus mous au niveau du membre supérieur avec séquelles fonctionnelles |
2 % |
104 844 |
Abduction de 80 degrés retenus |
5 % |
104 933 |
Flexion de 100 degrés retenus |
2.5 % |
105 102 |
Rotation externe, 30 degrés retenus |
2 % |
105 184 |
Adduction, perte de 10 degrés et plus |
1 % |
[86] Il émet également les limitations fonctionnelles suivantes :
La patiente doit éviter :
· Tout mouvement répétitif au dessus de 100 degrés de flexion antérieure ou d’abduction
· De soulever toute charge dépassant 10 livres au dessus de 90 degrés de flexion antérieure ou d’abduction
· Toute activité de pousser ou tirer avec le membre supérieur droit soutenu a 90 degrés ou plus de flexion antérieure ou d’abduction. [sic]
[87] Dans une note complémentaire du 29 mars 2012, le docteur Morelli se dit d’accord avec l’évaluation du docteur Bah au sujet de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles octroyées.
[88] Le 5 avril 2012, monsieur Terzian complète un rapport d’évaluation du poste de travail. Il estime que les limitations fonctionnelles émises par le docteur Bah sont respectées, à l’exception de la manipulation mensuelle des boîtes de sacs d’emballage (25 livres). Selon lui, les mouvements de flexion et d’abduction de l’épaule droite au-dessus de 100 degrés ne sont pas répétitifs. Il conclut ceci en retenant que les clientes sont maquillées en étant assises. En conséquence, il est d’avis qu’en tenant compte de ces éléments, madame peut faire son travail.
[89] Une note évolutive rédigée le 13 avril 2012 par une agente de la CSST indique que, du 16 novembre 2009 au 11 novembre 2010, la travailleuse a reçu 216 traitements d’ergothérapie. Du 5 novembre 2009 au 10 février 2011, et du 3 mars 2011 au 26 octobre 2011, elle a reçu 384 traitements de physiothérapie. Du 2 décembre 2011 au 16 février 2012, 18 traitements de physiothérapie supplémentaires ont été donnés. Du 20 mai 2010 au 18 août 2010, elle a reçu 13 traitements d’acupuncture.
[90] Le 16 avril 2012, la CSST reconnaît que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique de 15,10 % dont 2,60 % pour douleur et perte de jouissance de la vie (DPJV).
[91] Le 6 juin 2012, le docteur Morelli diagnostique une épicondylite bilatérale secondaire à une déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite.
[92] Le 21 novembre 2012, la docteure Catherine Browman diagnostique une épicondylite et une épitrochléite aux coudes en relation avec une tendinite à l’épaule droite.
[93] Le 30 novembre 2012, la docteure Stéphanie Awad diagnostique une épicondylite, une épitrochléite aux coudes et une tendinite de l’épaule droite.
[94] Le 13 février 2013, la docteure Browman procède à une infiltration aux coudes.
[95] À la demande de la travailleuse, le 4 avril 2013, le docteur Maurice Duhaime examine la travailleuse et rédige un rapport. Son mandat vise à se prononcer au sujet de la relation entre l’événement initial et l’épicondylite bilatérale.
[96] Au chapitre des antécédents, il n’y a aucune douleur aux coudes et à l’épaule gauche avant l’événement.
[97] La patiente se plaint de douleurs au bord externe des coudes mais de moindre intensité. Elles sont augmentées par la préhension des petits instruments de travail qui demande l’exécution de gestes fins.
[98] Les tests sont négatifs et la mobilité des coudes est normale.
[99] Il conclut que l’épicondylite bilatérale a pu se développer à la suite des mouvements effectués au travail. Il souligne que madame est appelée à faire beaucoup de mouvements précis avec beaucoup de mouvements de pronation et de supination répétés bilatéralement et a développé une épicondylite.
[100] Le docteur Duhaime soutient que les douleurs se sont installées à la suite de la chirurgie de février 2011. Elles sont devenues intolérables lors des activités de réadaptation et lors du retour au travail progressif lorsque des mouvements répétés de prosupination des avant-bras, à bout de bras, ont été exécutés. Ils ont mis une contrainte sur les muscles épicondyliens. Il y a donc une relation probable entre l’épicondylite bilatérale et la lésion professionnelle.
TÉMOIGNAGE DE LA TRAVAILLEUSE
[101] Avant sa lésion professionnelle du 15 janvier 2009, elle n’a jamais eu de douleur aux coudes.
[102] À l’époque, la travailleuse maquillait environ cinq clientes à l’heure, en début de semaine, mais ce nombre doublait les jeudis, vendredis et samedis. Elle réalisait les maquillages en tenant le bras droit élevé. À son avis, avant l’événement, 50 % du temps, les clientes restaient debout pendant le maquillage. Quant à elle, la plupart du temps, elle travaille debout, mais cela peut varier selon les clientes, l’achalandage et d’autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte. Elle précise que depuis son retour au travail, l’espace de maquillage a changé et maintenant elle n’a pas le choix de maquiller des clientes qui se tiennent debout. Le pourcentage de clientes debout dépend aussi de l’affluence.
[103] Depuis son retour au travail, à raison de deux jours par semaine et de cinq heures par jour, elle garde désormais ses bras en position basse et les maintient près de son corps. Elle utilise ses deux membres supérieurs afin de contrôler le mouvement.
[104] La durée de maquillage varie entre cinq minutes et une heure. Un rendez-vous dure une heure et une leçon de maquillage nécessite une heure et demie de travail.
[105] 80 % de la journée de travail est réservée au maquillage. Le reste du temps, les tâches consistent à s’occuper de la caisse, à aller chercher des produits qui sont souvent rangés en hauteur. Elle doit aussi remplir les étagères avec les produits qu’elle va chercher au sous-sol avec de gros chariots. Elle s’y rend deux à trois fois par semaine et doit utiliser un vieux monte-charge dont il faut lever et pousser de lourdes portes dont elle estime le poids à environ 50 lb. Elle doit aussi transporter des sacs d’emballage d’environ 12 lb et des boîtes de cosmétiques de 35 lb.
[106] Quotidiennement, en fin de journée, elle doit laver les comptoirs, les miroirs et les pinceaux. Cette tâche dure environ 30 minutes.
[107] C’est en exécutant le programme en ergothérapie, et à la suite de son intervention chirurgicale, qu’elle a commencé à ressentir des douleurs au coude gauche au cours de l’été 2011. Elle a donc reçu une infiltration au coude en octobre 2011 à la suite du diagnostic d’épicondylite au coude gauche posé par le docteur Morelli.
[108] Madame explique que le programme de réadaptation intensif débuté en novembre 2011 prévoyait des séries d’exercices qui exigeaient l’utilisation des membres supérieurs et qui lui enseignaient à pratiquer la levée des bras. Elle signale qu’elle les exécutait, mais en se protégeant tout le temps et en gardant constamment les bras près du corps en raison de la douleur qu’elle ressentait à l’épaule droite depuis son intervention chirurgicale. Elle a commencé à ressentir de la douleur au coude droit.
[109] Au début de ce programme, les douleurs au coude gauche étaient déjà installées.
[110] Entre 9 h et 12 h et entre 13 h et 15 h, et ce, cinq jours par semaine, elle exécutait les séries d’exercices avec des poids et des élastiques qui exigeaient des mouvements répétés des membres supérieurs. Par contre, malgré cette douleur, elle se soumettait intégralement au programme.
[111] Elle souligne que, trois semaines après le début de ce programme, elle a aussi commencé à pratiquer des maquillages en clinique. Les physiothérapeutes servaient de modèles. Pour ce faire, elle disposait d’une chaise de 75 centimètres de hauteur. Ces maquillages ont continué jusqu’au 16 janvier 2012.
[112] Au fil de la période de réadaptation, madame Fournier affirme que la douleur ne cessait de s’accentuer pendant les exercices et elle s’est amplifiée au début des pratiques de maquillage. Plus particulièrement, les douleurs au coude droit se sont intensifiées pendant la période des Fêtes, puisque les maquillages se faisaient de plus en plus nombreux.
[113] À la maison, elle faisait aussi les exercices recommandés par les thérapeutes.
[114] Au cours du programme de réadaptation, elle a dit aux différents thérapeutes que sa douleur augmentait lorsqu’elle effectuait des exercices et qu’elle maquillait en clinique.
[115] À partir du 16 janvier 2012, lors du retour au travail progressif, elle a dû poser beaucoup de faux cils; ce qui exige de la précision. Elle souligne que son retour au travail a été difficile, car tout comme lors du programme de réadaptation intensif, il y avait beaucoup de pression aux coudes. Les mouvements répétés de montée et de descente des bras étaient douloureux.
[116] En arrivant au travail le matin, la douleur était déjà présente et elle s’accentuait au fil des efforts requis pour effectuer le travail.
[117] Le type de douleur qu’elle ressent depuis l’intervention chirurgicale est différent, car son omoplate bouge différemment et elle sent une lourdeur constante au membre supérieur droit.
[118] Depuis mai 2012, le docteur Morelli et la docteure Browman, orthopédiste, assurent un suivi médical.
[119] En 2012 et en 2013, elle a également reçu des traitements de physiothérapie, d’ergothérapie, de naturopathie, d’ostéopathie et des massages. Elle poursuit ces traitements (pièce T-3 en liasse).
[120] La docteure Browman a procédé à plusieurs infiltrations.
[121] Alors qu’avant l’été 2011 elle n’a jamais eu mal aux coudes, elle doit désormais utiliser un protège-coude [sic] pour lire, travailler, sécher ses cheveux et vaquer à ses activités ménagères.
[122] Commentant la visite de son poste de travail, elle souligne que l’agent de la CSST s’est informé de toutes les tâches inhérentes, a mesuré les chaises et les comptoirs. Pendant une quinzaine de minutes, il a observé la travailleuse pendant qu’elle maquillait deux personnes assises. Par contre, il n’a pas vu la pose de faux cils et n’a pas été témoin de plusieurs séances de maquillage. Madame estime donc que l’analyse du poste de travail n’est pas représentative de son travail.
[123] Actuellement, elle travaille deux jours par semaine à raison de cinq heures par jour.
ADMISSION
[124] Les parties admettent que si madame Véronique Bachand, maquilleuse, témoignait, celle-ci confirmerait les tâches d’une maquilleuse, les techniques de maquillage et l’achalandage.
ARGUMENTATION DE LA TRAVAILLEUSE
[125] La procureure de la travailleuse soumet qu’il s’agit ici d’une lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la loi.
[126] Selon elle, la preuve a démontré qu’à la suite de son intervention chirurgicale, la travailleuse a développé des mouvements de compensation qui sollicitaient particulièrement ses coudes et ce, de façon encore plus accentuée puisque madame souffrait de kinésiophobie et se protégeait en utilisant de façon moindre ses épaules et en exécutant les exercices du programme de même que les maquillages tout en gardant les bras le long de son corps.
[127] Elle prétend que le témoignage de madame confirme les observations médicales du docteur Morelli qui a diagnostiqué une épicondylite gauche le 19 octobre 2011 en soulignant que la douleur est présente depuis deux mois et qu’elle découle surtout de la compensation.
[128] Puis, au cours du programme intensif et interdisciplinaire qui a débuté en novembre 2011, le problème s’est aggravé puisqu’une douleur au coude droit est graduellement apparue lors des exercices de physiothérapie, d’ergothérapie et s’est accentuée au début des cliniques de maquillage.
[129] Le docteur Morelli a relié l’épicondylite bilatérale à la lésion professionnelle subie à l’épaule droite. Quant à la docteure Browman, elle relie l’épicondylite à la tendinite de l’épaule droite.
[130] Pour sa part, le docteur Bah a aussi mentionné que la travailleuse présentait des douleurs aux coudes compensatoires et qui ont nécessité des infiltrations.
[131] Quant au docteur Duhaime, il est d’avis que le travail a joué un rôle, mais il affirme aussi que les douleurs aux coudes sont graduellement apparues à la suite de la chirurgie et des traitements. D’autre part, il a souligné que les exercices en réadaptation ont exacerbé la pathologie.
[132] Les différents thérapeutes ont rapporté la kinésiophobie, les allégations de douleur aux coudes et, à l’instar des docteurs Bah et Morelli, les stratégies de compensation utilisées par la travailleuse.
[133] Au cours de la réadaptation, l’épicondylite est devenue bilatérale et a nécessité des infiltrations qui doivent être remboursées par la CSST car il s’agit d’une lésion professionnelle.
[134] Si l’épicondylite bilatérale est reconnue comme étant en relation avec l’événement, le dossier devrait être retourné à la CSST afin que cette dernière puisse se prononcer sur les questions d’ordre médical et éventuellement, sur la capacité de la travailleuse d’exercer son emploi.
[135] Dans l’hypothèse où le tribunal ne reconnaît pas la relation entre l’événement et l’épicondylite bilatérale, la procureure prétend que la travailleuse n’a quand même pas la capacité de reprendre son travail en raison des risques de rechute et des mouvements requis et contrevenant aux limitations fonctionnelles.
[136] Elle rappelle que la pathologie à l’épaule droite s’est développée au travail et souligne les propos tenus par la révision administrative dans sa décision du 29 octobre 2009, précédemment libellée. Cette décision démontre que l’employeur a reconnu que la travailleuse effectue des mouvements répétitifs avec le bras droit et que la réclamation devrait être acceptée comme une maladie professionnelle. Dans le cadre de cette décision, l’employeur a également reconnu que madame travaille avec le bras droit à une hauteur égale ou supérieure à l’épaule plus de la moitié de son temps de travail. Il a précisé qu’elle travaille avec la main droite à cette hauteur plus de 80 % du temps, et ce, sans support.
[137] Par ailleurs, l’ergothérapeute a clairement énoncé qu’une chaise ajustable devrait être fournie avant de permettre le retour au travail. Or, la travailleuse n’a jamais reçu cette chaise.
[138] Selon celle-ci, l’étude de poste n’est pas fiable puisqu’elle a été faite de façon sommaire. La procureure souligne qu’on y conclut que les mouvements ne sont pas répétitifs alors que le contraire a été dit précédemment par le thérapeute officiant au dossier et même par l’employeur, tel que rapporté dans le cadre de la décision rendue par la révision administrative.
[139] De plus, cette étude ne tient pas compte du fait que madame doit souvent maquiller ses clientes debout; ce qui implique une amplitude de mouvements différente et pouvant aller jusqu’à 120 degrés. Or, cet aspect n’a pas été évalué par monsieur Terzian qui n’a observé qu’une cliente assise.
ARGUMENTATION DE LA CSST
[140] Le procureur de la CSST souligne qu’en parlant d’une épicondylite, on parle d’une lésion aux tendons des coudes.
[141] Il ne s’agit pas d’une lésion qui reste en latence longtemps. Elle résulte de l’utilisation répétée des mains et des coudes et elle survient souvent pendant la quarantaine.
[142] La travailleuse devait prouver un lien de causalité entre la compensation et l’épicondylite bilatérale. Ce qu’elle n’a pas fait.
[143] Il souligne qu’en août 2011, soit avant le début du programme intensif de réadaptation, la douleur est initialement apparue au coude gauche. Puis, à la période des Fêtes 2011, cette douleur est apparue au côté droit. Par contre, il n’y a pas de preuve médicale probante qui peut expliquer le diagnostic d’épicondylite bilatérale. Aucune explication médicale n’a exposé comment une lésion à l’épaule peut susciter une épicondylite bilatérale puisque la travailleuse n’a soumis aucune preuve démontrant la sollicitation des sites impliqués lorsqu’une telle blessure survient.
[144] Selon lui, la preuve médicale est déficiente et le docteur Duhaime n’explique pas en quoi le travail est impliqué.
[145] La preuve soumise est également insuffisante car elle n’a pas démontré un lien entre le diagnostic et les mouvements répétés ou les postures requises au travail.
[146] Me Dorval dépose un article de doctrine qui a répertorié plus de 20 études qui ont scruté des postes de travail et analysé la relation avec un diagnostic d’épicondylite[2].
There is insufficient evidence for support of an association between repetitive work and elbow musculoskeletal disorders (MSDs) based on currently available epidemiologic data. No studies having repetitive work as the dominant exposure factor met the four epidemiologic criteria.
There is evidence for the association with forceful work and epicondylitis. Studies that base exposure assessment on quantitative or semiquantitative data tended to show a stronger relationship for epicondylitis and force. Eight studies fulfilling at least one criteria showed statistically significant relationships.
There is insufficient evidence to draw conclusions about the relationship of postural factors alone and epicondylitis at this time.
There is strong evidence for a relationship between exposure to a combinaison of risk factors (e.g., force and repetition, force and posture) and epicondylitis. Based on the epidemiologic studies reviewed above, especially those with some quantitative evaluation of the risk factors, the evidence is clear that an exposure to a combinaison of exposures, especially at higher exposure levels (as can be seen in, for example, meatpacking or construction work) increases risk for epicondylitis. […]
Epidemiologic surveillance data, both nationally and internationally, have consistently reported that the highest incidence of epicondylitis occurs in occupations and job tasks which are manually intensive and require high work demands in dynamic environments - for example, in mechanics, butchers, construction workers, and boilermakers.
Epicondylar tenderness has also been found to be associated with a combination of higher levels of forceful exertions, repetition, and extreme postures of the elbow. […]
[147] Il est d’avis qu’il y a absence d’une preuve d’association entre la force des mains, des doigts et des poignets requise pour exercer le travail de maquilleuse.
We chose to include those studies that addressed posture or examined workers in those activities or occupations that require repeated pronation and supination, flexion/extension of the wrist, either singly or in combination with extension and flexion of the elbow.
[…]
We conclude that there is insufficient evidence for the association of repetitive work and epicondylitis. For extreme posture in the workplace, the epidemiologic evidence thus far is also insufficient, and we turn to the sports medicine literature to assist us in evaluating the risk of the single factors of repetition and posture. The strongest evidence by far when examining the relationship between work factors and epicondylitis is the combination of factors, especially at higher levels of exposure. […]
[148] Ici, selon lui, on ne retrouve pas de combinaison posture et répétitivité.
[149] Le procureur admet que le travail de maquilleuse exige des mouvements répétés et comporte l’utilisation de postures contraignantes. Par contre, les accessoires sont légers et on ne retrouve pas les critères de combinaison de force et de charge lourde décrits dans l’étude soumise.
[150] Compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, il est impossible de conclure que l’épicondylite bilatérale découle du travail. D’ailleurs, le docteur Duhaime n’a pas démontré comment il en arrive à sa conclusion car, selon l’étude, la simple répétitivité des mouvements ne suffit pas.
[151] Conséquemment, les frais d’infiltration aux coudes ne doivent pas être remboursés puisqu’ils ne sont pas reliés à une lésion professionnelle.
[152] Quant à la capacité de travail, il estime que les limitations fonctionnelles sont respectées et que la preuve prépondérante le démontre. Il souligne l’analyse effectuée par monsieur Terzian et même les photos déposées par madame (pièce T-2) où on ne voit jamais de mouvements de l’épaule au-dessus de 90 degrés.
[153] De plus, l’employeur est désormais prêt à fournir la chaise ajustable recommandée.
[154] Même les tâches de nettoyage respectent les limitations fonctionnelles puisqu’elles ne sont qu’occasionnelles.
[155] À cet effet, il cite les propos tenus par le juge administratif Danis dans l’affaire Lavoie et Air Canada[3] :
[24] Pour déterminer si l’emploi respecte la capacité résiduelle du travailleur, il faut donc examiner les tâches principales dudit emploi2. Si le travailleur est incapable d’effectuer une tâche principale en raison de ses limitations fonctionnelles, l’emploi n’est pas convenable puisqu’il ne respecte pas la capacité résiduelle du travailleur3. Lorsqu’une tâche contrevient aux limitations fonctionnelles du travailleur, il faut déterminer si elle fait partie des attributions principales de l’emploi visé. S’il s’agit d’une tâche accessoire, alors l’emploi est jugé convenable malgré que cette tâche puisse contrevenir aux limitations fonctionnelles4. Dans certains cas, celle-ci peut être exécutée de façon occasionnelle et le travailleur peut obtenir de l’aide. Alors, on peut conclure que l’emploi est convenable5.
2 Chiquette et Ressources Campbell inc. (Les), C.A.L.P. 77546-02-0602, 13 septembre 1996, J.-M. Dubois.
3 Tremblay et Coffrages C.C.C. ltée [1995] C.A.L.P. 771 .
4 Gagnon et Flash Café, C.A.L.P. 55241-03-0311, 19 juin 1995, M. Beaudoin; Pisano et Grand Footwear inc., [1995] C.A.L.P. 1576 .
5 Chevalier et Zellers inc., C.A.L.P. 72621-03-9508, 2 février 1996, M. Beaudoin.
RÉPLIQUE
[156] La procureure de la travailleuse rétorque qu’elle ne soutient pas essentiellement que l’épicondylite bilatérale résulte du travail et des mouvements exigés par celui-ci, mais plutôt qu’il s’agit des suites de l’intervention chirurgicale et de la compensation qui en a découlé, tel que souligné par les docteurs Bah et Morelli. La preuve soumise permet d’appliquer l’article 31 de la loi, car la nouvelle lésion est apparue à la suite des soins lorsque la travailleuse protégeait particulièrement son bras droit en surutilisant son bras gauche. Plus tard, la blessure est devenue bilatérale dans le contexte du travail réalisé en réadaptation.
[157] Elle souligne aussi que même si la CSST soumet de la doctrine médicale, elle n’a déposé aucun rapport médical désavouant les conclusions des docteurs Morelli, Browman, Bah et Duhaime.
ARGUMENTATION DE L’EMPLOYEUR
Le procureur de l’employeur n’a soumis aucune preuve et aucune argumentation.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[158] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a une relation entre le diagnostic d’épicondylite bilatérale et l’événement du 15 janvier 2009. Elle doit également décider si la travailleuse a droit au remboursement des injections de xylocaïne. Enfin, elle doit également déterminer si la travailleuse est capable d’exercer son emploi depuis le 13 avril 2012.
[159] D’entrée de jeu, il y a lieu de rappeler que la notion de lésion professionnelle est prévue à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[160] La CSST a reconnu que les diagnostics de tendinite, de déchirure de la coiffe des rotateurs et d’accrochage de l’épaule droite découlaient de la lésion professionnelle du 15 janvier 2009.
[161] Certes, une lésion professionnelle peut prendre la forme d’une maladie professionnelle, d’un accident du travail ou encore d’une récidive, rechute ou aggravation.
[162] Mais, elle peut aussi survenir par le fait ou à l’occasion des soins ou de l’omission de ces derniers, ou dans le cadre d’une activité prescrite au cours d’un plan individualisé de réadaptation, tel que prévu à l’article 31 de la loi, lequel se lit comme suit :
31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion :
1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;
2° d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.
Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).
__________
1985, c. 6, a. 31.
[163] Le tribunal constate que la CSST a refusé de reconnaître une relation entre l’épicondylite bilatérale et l’événement du 15 janvier 2009, sans procéder à une analyse de la survenance d’une lésion professionnelle pouvant résulter des soins, de l’omission des soins ou d’une activité prescrite au cours d’un plan individualisé de réadaptation.
[164] Or, la Commission des lésions professionnelles possède les pouvoirs prévus à l’article 377 de la loi et procède de novo :
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
__________
1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
[165] Ainsi, puisque le tribunal doit rendre la décision qui aurait dû être initialement rendue, il conserve le pouvoir de qualifier la lésion professionnelle selon la preuve administrée devant lui, et ce, sans tenir compte des conclusions retenues par la CSST.
[166] Dans l’affaire G. E. Canada (St-Augustin-Desmaures) et Laperrière[4], la Commission des lésions professionnelles s’exprimait ainsi :
[62] La CSST a traité ce dossier sous l’angle d’une rechute, récidive ou aggravation. Le tribunal estime plutôt qu’une lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la loi est survenue ce jour-là […]
[63] Même si la CSST n’a pas traité le dossier sous cet angle, le présent tribunal bénéficie des pouvoirs prévus à l’article 377 de la loi […]
[64] Le présent tribunal a le pouvoir de déterminer le type de lésion professionnelle subie à une date donnée. La loi reconnaît qu’une lésion professionnelle peut prendre plusieurs formes dont l’accident du travail, la maladie professionnelle, la rechute, récidive ou aggravation ou la lésion survenant à cause ou par omission des soins.
[65] Le rôle du présent tribunal consiste à répondre à la question de la survenance d’une lésion professionnelle et de la qualifier dans l’exercice du rôle qui lui a été confié par le législateur3.
3 Lessard et Société des alcools du Québec, C.L.P. 60390-62-9406, 15 février 1996, L. Thibault; Lafrenière et Sodema, [2001] C.L.P. 12 ; Dent et Intersan inc., [2002] C.L.P. 400 .
[167] L’article 31 de la loi ne peut s’appliquer qu’en présence d’une lésion professionnelle. La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles reconnaît que la lésion, dont il est question à cet article de loi, doit être distincte de la lésion professionnelle initiale.
[168] La soussignée fait siens les propos tenus par le juge administratif Clément dans l’affaire Allard et Daharpro Construction[5] :
[29] Il faut ensuite qu’une blessure, une maladie ou un problème de santé se manifeste en raison de l’omission de soins. Il s’agira alors d’une deuxième lésion considérée comme une lésion professionnelle par extension en vertu de l’article 31 de la loi3.
[…]
[44] D’ailleurs, la Commission des lésions professionnelles a régulièrement interprété largement les notions de nouvelle blessure ou maladie survenant à l’occasion de l’omission des soins en reconnaissant notamment que l’apparition d’une atrophie constituait une nouvelle lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la loi6.
3 Pinet et Société immobilière du Québec, C.L.P. 109241-32-9901, 23 janvier 2001, G.Tardif, (décision sur requête en révision).
6 Jack Spratt inc. et C.S.S.T., [1997] C.A.L.P. 1750 .
[169] Conformément à la loi, ce principe s’applique tant à l’occasion des soins que lors de l’omission de ceux-ci s’il en résulte une nouvelle blessure.
[170] À propos de l’application de l’article 31 de la loi, la jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelles a clairement élaboré que, pour qualifier une blessure ou une maladie de lésion professionnelle au sens de cet article, la preuve doit établir, de manière prépondérante, que la nouvelle lésion est attribuable aux soins ou aux traitements reçus à la suite d’une lésion professionnelle. Le seul facteur de contemporanéité ne suffit pas pour répondre aux exigences énoncées à l’article 31 de la loi, puisque ce dernier ne crée pas de présomption. Le lien de causalité doit donc être prouvé à partir d’un ensemble d’éléments d’ordre factuel et médical qui tend à en établir l’existence[6].
[171] En l’espèce, la soussignée estime que l’article 31 de la loi s’applique puisqu’une preuve prépondérante et non contredite a démontré que l’épicondylite bilatérale diagnostiquée par le docteur Morelli le 15 février 2012 est une lésion professionnelle distincte de la lésion originale et qu’elle est attribuable aux soins ou traitements reçus et rendus nécessaires à la suite de l’intervention chirurgicale de l’épaule droite qui découlait de la lésion professionnelle subie le 15 janvier 2009.
[172] La travailleuse a témoigné de façon fort crédible et a essentiellement fait ressortir qu’avant cette lésion professionnelle du 15 janvier 2009, elle n’avait jamais ressenti de douleur aux coudes, ni pratiqué aucun sport ni aucune activité personnelle sollicitant ce site.
[173] Madame a souligné qu’elle aime son travail de maquilleuse et qu’elle se soumettait donc avec application à exécuter tous les exercices prévus au programme de traitement prescrit afin de guérir et de pouvoir être en mesure de reprendre son poste.
[174] Sous cet aspect, son témoignage est confirmé par tous les intervenants au dossier qui ont souligné que leur patiente était motivée, collaborait au programme en étant ponctuelle et en persistant à exécuter les exercices requis malgré les douleurs.
[175] Il est essentiel de souligner la relation temporelle entre l’intensification des traitements et l’installation progressive de la douleur. Trois semaines après son intervention chirurgicale à l’épaule droite, des traitements de physiothérapie ont été prescrits au rythme de deux fois par semaine. En juin, ces traitements augmentent à trois fois par semaine. En août, le médecin ajoute l’ergothérapie. Or, la douleur au coude gauche apparaît à la fin de l’été selon madame.
[176] Le témoignage de madame Fournier est corroboré le 19 octobre 2011 par le docteur Morelli qui diagnostique pour la première fois une épicondylite gauche et parle de douleurs présentes depuis deux mois en expliquant qu’elles sont principalement issues de la compensation.
[177] Puis, à partir du début novembre 2011, l’intensification des traitements s’accroît de façon significative lors du début du programme interdisciplinaire intensif. À court terme, la douleur au coude droit apparaît et est consignée par les thérapeutes. Au cours de cette période, messieurs Terzian et Boudrias ont aussi observé les stratégies compensatrices dont use madame. La preuve a démontré que la douleur s’intensifie rapidement au fil du programme et d’autant plus lors de l’ajout des cliniques de maquillage dont le nombre augmente pendant les Fêtes.
[178] En octobre 2011, en février et en mars 2012, les docteurs Morelli et Bah relieront spécifiquement l’épicondylite (d’abord gauche et devenue bilatérale) à la lésion à l’épaule droite et à la compensation découlant des traitements nécessités à la suite de l’intervention chirurgicale. Précisément, le docteur Bah parle de douleur compensatoire au coude gauche.
[179] À cet effet, la doctrine médicale soumise par le procureur de la CSST s’applique parfaitement à la situation vécue par la travailleuse durant le programme de traitements prodigués à la suite de l’intervention chirurgicale et le second programme intensif de développement interdisciplinaire.
[180] En effet, à compter de novembre 2011, entre 9 h et 12 h et entre 13 h et 15 h, à raison de cinq jours par semaine, la travailleuse a exécuté des séries d’exercices au moyen de poids et d’élastiques.
[181] Madame a bien expliqué qu’en effectuant les exercices, elle surprotégeait son épaule droite en gardant les bras le long du corps, ce qui impliquait implicitement l’usage d’une certaine force. D’autant plus que la preuve a révélé qu’en novembre 2011, la kinésiologue a décidé d’augmenter la répétition des exercices de même que la charge utilisée lors de leur exécution.
[182] On retrouve donc là non seulement la notion de répétition de mouvements sollicitant les coudes, les mains et les poignets, mais aussi les notions de charges qui nécessitent l’usage de force et d’endurance décrites dans la doctrine médicale déposée.
[183] Il est pertinent de rappeler que, ponctuellement, la travailleuse a mentionné ses douleurs aux coudes aux thérapeutes avec qui elle travaillait. Sur ce point, le témoignage de la travailleuse au sujet de la détérioration de sa condition physique au fil des programmes d’exercices apparaît des plus crédible et se trouve confirmé par les différents intervenants du centre de réadaptation qui ont consigné des notes à ce sujet au dossier.
[184] Pour tous ces motifs, la Commission des lésions professionnelles retient que l’épicondylite bilatérale diagnostiquée le 15 février 2012 est une lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la loi puisque la preuve prépondérante a démontré que lors des différents programmes d’exercices intensifs et lors des simulations, la travailleuse a constamment ressenti des douleurs croissantes lors des sollicitations bilatérales répétées accomplies avec des charges des épicondyliens et des poignets. À cet effet, le témoignage de la travailleuse est entièrement et constamment corroboré par les thérapeutes.
[185] Conséquemment, la travailleuse a droit au remboursement des injections de xylocaïne aux coudes dont la nécessité résulte de la lésion professionnelle initiale reconnue par la CSST.
[186] Considérant la décision reconnaissant que la travailleuse a subi une lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la loi, soit une épicondylite bilatérale, la décision rendue par la CSST le 8 juin 2012 à la suite d’une révision administrative est prématurée.
[187] En conséquence, il y a lieu de retourner le dossier à la CSST.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de madame Martine Fournier, la travailleuse;
INFIRME la décision rendue le 8 mai 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a subi, le 15 février 2012, une lésion professionnelle, au sens de l’article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, soit une épicondylite bilatérale.
Dossier 474438-71-1206
ACCUEILLE la requête de madame Martine Fournier, la travailleuse;
INFIRME la décision rendue le 9 mai 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des injections de xylocaïne.
Dossier 474394-71-1206
ACCUEILLE la requête de madame Martine Fournier, la travailleuse;
DÉCLARE prématurée la décision rendue le 8 juin 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
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Linda Daoust |
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Me Brigitte Ducas |
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F.A.T.A. |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Aaron Z. Makovka |
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DUNTON RAINVILLE |
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Représentant de la partie intéressée |
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Me Dominic Dorval |
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VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c.A-3.001.
[2] Chap. 4 : « Elbow Musculoskeletal Disorders (Epicondylitis) : Evidence for Work-Relatedness », dans UNITED STATES, DEPARTMENT OF HEALTH AND HUMAN SERVICES, PUBLIC HEALTH SERVICE, CENTERS FOR DISEASE CONTROL AND PREVENTION et Bruce P. BERNARD, Musculoskeletal Disorders and Workplace Factors : A Critical Review of Epidemiologic Evidence for Work-Related Musculoskeletal Disorders of the Neck, Upper Extremity, and Low Back, Washington, NIOSH, 1997, pp. 4-1 - 4-48.
[3] C.L.P. 221400-64-0311, 20 mars 2006, J.-C. Danis.
[4] 2013 QCCLP 118.
[5] 2013 QCCLP 1320 .
[6] Daharpro Construction et Boutin, C.L.P. 423778-03B-1011, 6 juillet 2012, A. Quigley.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.