Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Laval

LAVAL, le 25 mai 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

142721-61-0007

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Lucie Nadeau

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Sarto Paquin

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Gaétan Forget

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

001962760

AUDIENCE TENUE LE :

27 février 2001

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

15 mai 2001

 

 

 

 

 

 

À :

Laval

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DORIS FRIGAULT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION SCOLAIRE DE MONTRÉAL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE

LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - LAVAL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le  18 juillet 2000, madame Doris Frigault (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 14 juillet 2000 à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue initialement le 17 mai 1999 et déclare que la travailleuse n’a pas droit à l’aide personnelle à domicile et à certains frais tels que le plan incliné, le transfert de dominance, le dispositif d’ouverture électrique de porte-fenêtre ainsi que de porte de garage, l’abri d’auto, le dispensateur d’eau chaude, les modifications des armoires ainsi que l’adaptation du levier de vitesse d’auto.

[3]               À l’audience, la travailleuse est présente et représentée par procureure.  La Commission scolaire de Montréal (l’employeur) est absente.  La CSST est intervenue au dossier en vertu de l’article 429.16 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001, la loi) et elle est représentée par procureure.

[4]               Les parties ont soumis leurs argumentations par écrit.  Les notes et autorités de la représentante de la travailleuse ont été produites le 11 avril 2001, après l’obtention d’une prolongation de son délai pour ce faire.  Les notes de la CSST ont été reçues le 26 avril 2001.  La représentante de la travailleuse a produit une réplique le 15 mai 2001, date à laquelle le dossier a été pris en délibéré. 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[5]               La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit à l’aide personnelle à domicile et qu’elle a droit à l’adaptation de son véhicule. Elle demande également de déclarer qu’elle a droit aux remboursements des frais suivants :

-modification des armoires de cuisine;

-achat et pose de tiroirs coulissants;

-achat et installation d’un dispensateur d’eau chaude;

-achat et installation d’un petit four;

-achat et installation d’une cafetière adaptée;

-achat d’un marche-pied pliant;

-achat d’un plan incliné et d’un fauteuil adapté;

-achat et pose d’un ouvre patio électrique;

-achat d’un abri d’auto Tempo;

-achat et installation d’un ouvre-porte de garage électrique.

 

[6]               Finalement elle demande de déclarer qu’elle a droit au remboursement de frais d’entretien extérieur qui ne sont pas actuellement acceptés par la CSST soit l’ouverture et la fermeture  saisonnière de la piscine ainsi que l’installation, le démontage et le remisage de l’abri d’auto.

LES FAITS

[7]               La travailleuse a subi un accident du travail le 8 février 1989.  Elle était alors âgée de 49 ans et enseignante au secondaire.  Elle s’est blessé à l’épaule droite en manipulant un chariot sur lequel elle transportait un téléviseur et un appareil vidéo.  Un diagnostic de tendinite à l’épaule droite a été posé.  Elle a finalement dû subir une chirurgie, soit une acromioplastie, le 13 juin 1990, pratiquée par le docteur Sylvain Gagnon, orthopédiste. 

[8]               Le 21 mai 1991, le docteur Gagnon complète un rapport d’évaluation médicale.  Les diagnostics retenus sont : douleurs chroniques à l’épaule droite, syndrome d’accrochage, tendinite du sus-épineux de l’épaule droite.  Il évalue les séquelles permanentes à 16 % soit 2 % pour une lésion des tissus mous de la coiffe avec séquelles fonctionnelles et 14 % pour des ankyloses de l’épaule droite.  La CSST a donc versé à la travailleuse une indemnité pour dommages corporels pour un pourcentage d’atteinte permanente de 19,20 % soit 16 % auquel s’ajoute 3,20 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie.  Le docteur Gagnon est aussi d’avis que la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles qu’il décrit ainsi :

«Nous suggérons qu'il y ait des limitations fonctionnelles où l'utilisation du bras sera minime et où il y aura changement de dominance quasi complet.

 

Nous croyons qu'elle nécessite de l'aide dans les travaux ménagers et une réorientation ou une adaptation à son travail lui permettant de ne pas bouger le bras droit avec une élévation de plus de 10° sans soulever de charge et sans mouvement répétitif, telle une longue période d'écriture, serait souhaitable.»

 

 

[9]               Le 7 juin 1991, la CSST rend une décision déclarant que la travailleuse est capable d’exercer son emploi à la suite de quelques adaptations apportées à son poste pour le transport de  des livres, l’écriture au tableau et la correction des travaux.  Cette décision a été contestée mais confirmée par une décision du bureau de révision de Laval le 5 décembre 1991.  La travailleuse n’est cependant pas retournée au travail. 

[10]           Par une décision rendue le 13 mars 1997, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles[1]  a reconnu que la travailleuse avait subi une récidive, rechute ou aggravation, le 22 août 1991, soit un trouble dysthymique secondaire à la douleur chronique de l’épaule droite et aux limitations fonctionnelles de son épaule droite.  La Commission d’appel reconnaissait également que la travailleuse avait besoin de traitements psychologiques jusqu’au mois de mars 1993.  Par la suite, le psychiatre Belzile a consolidé la lésion psychique pour le 29 mars 1993 et a reconnu une atteinte permanente de 5 % ainsi que des limitations fonctionnelles soit : baisse de la concentration, baisse de la résistance à l’effort et hypersensibilité aux divers facteurs de stress inhérents à la vie quotidienne.

[11]           La travailleuse a également présenté une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation, le 15 juillet 1996, pour une tendinite de la longue portion du biceps gauche alléguant que cette lésion résulte d’une surutilisation de son membre supérieur gauche en raison des séquelles à son épaule droite.  La CSST a refusé sa demande, le bureau de révision a confirmé le refus ainsi que la Commission des lésions professionnelles[2] dans une décision rendue le 6 avril 1999.  La travailleuse a présenté une requête en révision de cette décision, requête qui a été rejetée le 25 février 2000[3]. 

[12]           En août 1997, l’agent de la CSST demande une évaluation en ergothérapie et il indique ce qui suit, en annexe, au mandat :

«Dans une lettre datée du 15 janvier 1994, la travailleuse demande le remboursement de certains frais d’adaptation résidentielle, de travaux d’entretien et elle réclame aussi des frais d’aide domestique et ce, rétroactivement à la date de l’accident.

 

Le mandat est d’évaluer le tout, soit les frais d’aide personnelle de 1989 à ce jour, les frais d’entretien qu’elle a encourus jusqu’à présent (gazon, neige, grand-ménage, etc) et les frais d’adaptation résidentielle qui sont déjà soumis et ceux qu’elle voudrait soumettre.»

 

 

[13]           Le 22 septembre 1997, madame Élaine Tremblay, ergothérapeute, complète un rapport qui fait suite à une entrevue avec la travailleuse, réalisée au domicile de cette dernière, le 15 août 1997.  Elle signale d’abord que la travailleuse vit seule dans un duplex dont elle est copropriétaire.  Sur la situation physique actuelle de la travailleuse, elle écrit :

«Mme Frigault présente une attitude de protection à l'épaule droite; elle évite en effet toute mobilisation de l'épaule droite et conserve le bras en adduction près du corps.  Cependant, elle utilise spontanément la partie distale du bras droit, c'est-à-dire qu'elle est capable de mobiliser le coude, l'avant-bras, le poignet et la main droite.  La cliente étant droitière, elle a amorcé un transfert naturel de dominance à travers ses activités quotidiennes afin de protéger son membre supérieur droit.  Cependant, au cours de l'année 96, la cliente a commencé à ressentir de la douleur à l'épaule gauche, pour laquelle elle a été infiltrée à trois reprises et elle a été suivie en physiothérapie pendant environ 6 mois.  Mme Frigault mentionne donc qu'elle doit également protéger son bras gauche et éviter de le sursolliciter.»

 

 

[14]           L’ergothérapeute évalue les besoins de la travailleuse pour chacun des items prévus au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile[4].  Nous reviendrons, sur les éléments pertinents de cette évaluation, dans le cadre des motifs.  Sa conclusion est la suivante :

«Mme Frigault a donc besoin d'assistance partielle pour l'entretien ménager léger et d'une assistance complète pour le ménage lourd de même que pour tous les travaux extérieurs.

 

Nous recommandons les aides techniques suivantes:

 

®                lacets élastiques;

®                tire fermetures à glissières;

®                dispositif basculant pour chaudrons;

®                chariot d'épicerie sur roulettes. »

 

 

[15]           Le 17 mai 1999, la CSST rend sa décision sur les demandes de la travailleuse en précisant que seules les limitations fonctionnelles touchant son membre supérieur droit peuvent être prises en considération compte tenu du refus de la rechute du 15 juillet 1996 concernant l’épaule gauche.  Considérant les nombreux éléments visés par la décision, il y a lieu de reproduire les extraits suivants:

«[…]

 

Conséquemment, après étude de votre dossier, voici la liste des frais réclamés que nous acceptons ou que nous refusons de vous rembourser:

 

·         Aide personnelle:    vous n'êtes pas éligible à l'aide personnelle puisque vous êtes capable de prendre soin de vous-même et d'effectuer sans aide la plupart de vos tâches domestiques.

 

Mais, pour faciliter certaines tâches rendues difficiles en raison de l'état de votre membre supérieur droit, la Commission accepte la plupart des recommandations faites par madame Élaine Tremblay, ergothérapeute, dans son rapport d'évaluation du 22 septembre 1997.  Ainsi, nous vous rembourserons sur présentation des pièces justificatives les articles suivants:

 

-          ouvre-pot et napperon antidérapant;

-          lacets-élastiques

-          tire-fermeture à glissière;

-          dispositif basculant pour chaudron;

-          chariot d'épicerie sur roulettes;

-          une paire de ciseau gaucher (non renouvelable);

-          barre de bain amovible;

-          brosse à long manche.

 

Nous ne pouvons pas vous accorder une assistance pour l'entretien ménager de votre résidence puisque cela fait partie de l'aide personnelle à domicile et que vous n'êtes pas éligible à cela tel que mentionné auparavant.

 

·         Adaptations demandées:     est acceptée l’achat d'une boule à fixer à votre volant pour la conduite de votre automobile d'une seule main;

 

sont refusées:  le plan incliné, le transfert de dominance dans le contexte où il n'y a pas de retour sur le marché du travail, l'ouvre-porte de garage, l'ouvre-porte patio, l'abri d’auto, le dispensateur d'eau chaude, les modifications à vos armoires et l'adaptation du levier de vitesse de votre automobile.

 

·         Travaux d'entretiens:          sont acceptés la tonte du gazon, les travaux de fermeture et d'ouverture du terrain l'automne et le printemps ainsi que le déneigement.  À cet effet, vous devrez nous soumettre deux (2) soumissions à chaque saison et les faire accepter par la CSST avant de donner le contrat.

 

·         Pièces justificatives:           nous avons actuellement dans votre dossier la facture pour l'achat d'une paire de ciseau gaucher et d'une barre d'appui amovible pour le bain.  Cette facture s'élève à 133.70$ que nous vous remboursons immédiatement.  En ce qui concerne les autres items que nous acceptons, il faudra nous soumettre des factures nous démontrant que vous les avez achetés.

 

 

[…]»

 

 

[16]           La travailleuse a demandé la révision de cette décision, décision qui a été confirmée par la révision administrative, d’où la présente contestation.

[17]           La travailleuse a obtenu et produit une autre évaluation en ergothérapie, faite par madame Julie Masse, le 23 février 2001.  Cette évaluation fait suite à deux rencontres avec la travailleuse, une première au domicile de celle-ci et, une seconde, en clinique pour une série d’évaluations.  Mme Masse signale que la travailleuse présente une attitude de protection de l’épaule droite et utilise l’avant-bras et la main droite en évitant d’éloigner le coude du corps.  La travailleuse lui rapporte également des douleurs à l’effort à l’épaule gauche ainsi que des douleurs cervicales et céphalées.  Elle procède à un bilan physique et fonctionnel de l’état de la travailleuse avec une série de tests de force, de dextérité, de tolérance et d’endurance.  Puis elle évalue chacune des demandes de la travailleuse et ses conclusions sont les suivantes :

«Voici notre conclusion quant aux besoins à combler en terme d'aide personnelle et adaptation domiciliaire auprès de Mme Doris Frigault.

 

-          Le remplacement de la porte-patio ou l'installation d'un dispositif d'ouverture électrique est nécessaire.

 

-          L'abri auto est indispensable pour permettre la libre utilisation de sa voiture.  Étant donné que Mme a l'habitude de ranger sa voiture dans le garage,  l'ouvre-porte de garage est requis.

 

-          Un porte-poussière à long manche est requis pour prévenir l'aggravation des symptômes aux deux épaules.

 

-          L'utilisation d'un plan incliné est essentielle pour rendre possible la lecture sans exacerbation de la douleur au niveau des épaules et du cou.  Notons que l'achat d'un coussin orthopédique est recommandable afin de favoriser une meilleure posture et augmenter sa tolérance à cette activité.

 

-          Les armoires adaptées, les tiroirs coulissants, le dispensateur d'eau chaude, le petit four grille-pain et la petite cafetière rendent possible l'exécution autonome des repas.  Ces modifications sont donc essentielles.

 

-          Mme nécessite une assistance partielle pour certaines tâches reliées au ménage léger, soit : nettoyer les planchers et les électroménagers, laver les miroirs en hauteur difficilement accessibles, changer les lits et les ampoules électriques au plafond.  Notons que Mme demeure incapable d'exécuter les travaux lourds reliés au ménage et à l'entretien extérieur.»

 

 

[18]           À l’audience, la travailleuse témoigne.  Elle est actuellement âgée de 61 ans et elle est retraitée.  Elle fait d’abord état des séquelles de son accident du travail en expliquant qu’elle tient son bras droit collé au corps au niveau du coude et qu’elle l’utilise uniquement comme appui.  Elle dit qu’elle ne peut soulever son bras droit.  Elle relate qu’elle a, par elle-même, au fil du temps, modifié sa dominance de droitière à gauchère.  Elle souligne également ses douleurs cervicales et celles à son bras gauche.  Elle souligne aussi que la perte d’autonomie qu’elle a subie engendre de la frustration qui affecte son état psychologique et qu’elle a tenté d’améliorer sa qualité de vie par différentes modifications et divers équipements. 

[19]           Puis elle explique ses besoins pour chacun des items demandés.  La modification aux armoires de cuisine a consisté en l’installation de tiroirs coulissants dans le garde-manger et certaines des armoires et en l’installation d’un rangement pour les petits appareils électriques.  Cela lui permet un accès plus facile des différents objets et facilite la préparation des repas.  Le dispensateur d’eau chaude qu’elle utilise pour la préparation du thé, de la tisane ou la cuisson de certains aliments lui évite d’utiliser la bouilloire.  Le petit four qu’elle a fait installer sur son comptoir lui évite d’utiliser le four de la cuisinière électrique dont la manipulation est plus difficile surtout avec des plats chauds.  Le marchepied pliant lui permet d'avoir accès aux rangements supérieurs.

[20]           Elle explique qu’elle a dans sa cuisine une porte-patio à triple vitrage qui est très lourde, que sa maison est climatisée et, que l’été, elle passe beaucoup de temps à l’extérieur sur le patio.  La manipulation de la porte augmente ses douleurs à l’épaule gauche et c’est pourquoi elle a besoin d’un dispositif d’ouverture électrique pour la porte-patio.  Elle demande également un dispositif électrique pour l’ouverture de la porte du garage.  Il s’agit d’une porte double en bois, très lourde. Elle utilise le garage pour son automobile et comme rangement.  Elle utilise aussi, l’hiver, un abri d’auto afin de diminuer le déneigement et en raison du fait que son entrée est en pente. 

[21]           Elle demande un plan incliné pour la lecture et pour l’écriture, plus précisément pour faire des mots-croisés.  Cela évite d’aggraver ses douleurs cervicales.  Au niveau de l’hygiène personnelle, elle affirme qu’elle ne peut se coiffer convenablement elle-même et qu’elle doit aller chez le coiffeur une fois par semaine.  Pour l’approvisionnement, elle explique qu’elle ne peut soulever de charges à l’exception de petites charges.  Elle a donc besoin que quelqu’un l’accompagne pour faire ses courses.  Quant à l’entretien ménager, elle embauche une femme de ménage trois heures par semaine pour passer l’aspirateur, changer les lits, faire la salle de bains, nettoyer les planchers et les électroménagers.  Elle souligne aussi qu’elle ne peut assurer l’entretien de la piscine, qu’elle possède depuis plus de 25 ans, pour l’ouverture et la fermeture en début et en fin de saison. 

[22]           À la demande de la CSST, madame Élaine Tremblay, ergothérapeute a témoigné.  Elle explique que pour son évaluation elle réfère aux descriptions et aux définitions du Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile, notamment pour la description de ce que constitue le ménage léger et le ménage lourd.  Elle commente le rapport de madame Masse en soulignant que les conclusions sont assez semblables.  Ce qui l’étonne, c’est que celle-ci a administré une série de tests à la travailleuse qui servent davantage pour l’évaluation des capacités de travail alors que pour les activités domestiques, les exigences sont moindres.  Selon elle, cependant, les résultats observés par madame Masse lors de ces tests démontrent une capacité plus grande que celle qu’elle a pu observer elle-même sur un plan fonctionnel.

[23]           Elle explique également que plusieurs choses peuvent faciliter la vie sans être indispensables.  Par exemple, pour l’ouverture de la porte-patio, elle souligne qu’elle a expliqué à la travailleuse une technique lui facilitant l’ouverture.  Elle affirme qu’un dispositif électrique, tel que demandé par la travailleuse, est recommandé dans le cas de déficience sévère des deux membres supérieurs suivant un guide d’adaptation fréquemment utilisé en ergothérapie. 

[24]           En contre-interrogatoire, elle reconnaît que les modifications apportées aux armoires de cuisine étaient judicieuses tout en affirmant que d’autres solutions auraient pu être envisagées.

[25]           Ré-interrogée à la suite de ce témoignage, la travailleuse explique le résultat des tests en disant qu’elle a donné le maximum de sa capacité et qu’elle était à cette époque en physiothérapie.

L'AVIS DES MEMBRES

[26]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir en partie la requête de la travailleuse.  Il considère que la travailleuse a droit à l’aide personnelle à domicile en vertu de l’article 158 de la loi pour des besoins évalués conformément au règlement applicable, à un total de 4 points soit 2.5 pour l’hygiène corporelle, 0.5 pour le ménage léger et 1 point pour le ménage lourd.  Il ne retient pas de besoin pour l'approvisionnement.  Il accorderait les frais et les adaptations suivantes : ouverture et fermeture de la piscine qui était déjà là avant l’accident; modifications aux armoires de cuisine, marche-pied pliant et ouvre-porte de garage électrique qui apparaissent nécessaires.  Il refuserait, par contre, l’achat d’un dispensateur d’eau chaude, d’un petit four, d’une cafetière adaptée, d’un ouvre-patio électrique, d’un abri d’auto, d’un plan incliné et d’un fauteuil adapté.

[27]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis d'accueillir en partie la requête.  Il considère que la travailleuse n'a pas droit à l'aide personnelle à domicile mais qu'elle a droit au remboursement des frais engagés pour faire exécuter les travaux d'entretien ménager de son domicile.  Elle a également droit au remboursement des frais relatifs à la modification des armoires et à l'ouvre-porte de garage électrique.  Par contre, il est d'avis qu'elle n'a pas droit aux frais suivants : ouverture et fermeture de la piscine, dispensateur d'eau chaude, petit four, cafetière adaptée, marche-pied pliant, plan incliné, fauteuil adapté, ouvre patio électrique, abri d'auto.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[28]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer le droit de la travailleuse à une série de mesures de réadaptation sociale.  L’article 151 de la loi précise le but de la réadaptation sociale et, l’article 152, le contenu d’un programme de réadaptation sociale :

151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

      1° des services professionnels d'intervention psychosociale ;

2° la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle ;

      3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile ;

      4° le remboursement de frais de garde d'enfants ;

      5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

[29]           La Commission des lésions professionnelles retient d’abord que la travailleuse a subi une  lésion professionnelle à l’épaule droite.  Ses problèmes à l’épaule gauche n’ont pas été reconnus comme en relation avec la lésion professionnelle.  La travailleuse s’est vue reconnaître une atteinte permanente à l’intégrité physique de 19,20% et des limitations fonctionnelles suivant lesquelles elle a un usage fort restreint de son bras droit.  Le témoignage de la travailleuse et l’évaluation des deux ergothérapeutes établissent que la travailleuse a effectué un changement de dominance par elle-même et qu’elle évite toute mobilisation de son épaule droite.  Elle conserve son bras en adduction près du corps mais demeure capable d’utiliser sa main, son poignet et son avant-bras droit.

[30]           Analysons maintenant chacune des demandes de la travailleuse en considérant cette condition physique, son témoignage et les deux évaluations réalisée par les ergothérapeutes Tremblay et Masse.

Ø      L’AIDE PERSONNELLE À DOMICILE

[31]           L’aide personnelle à domicile est prévue aux articles 158 à 162 de la loi qui se lisent ainsi :

158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

159. L’aide personnelle à domicile comprend les frais d’engagement d’une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion.

________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

160. Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.

________

1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.

 

 

161. Le montant de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.

________

1985, c. 6, a. 161.

 

 

162. Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur :

      1° redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle ; ou

      2° est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5).

 

________

1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a.79; 1994, c. 23, a. 23.

 

 

[32]           Pour avoir droit à l’aide personnelle à domicile, la travailleuse doit satisfaire à trois conditions : être incapable de prendre soin d’elle-même, être incapable d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’elle effectuerait normalement et que l’aide soit nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

[33]           La jurisprudence[5] a interprété que le «et» de l’expression «est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement» est conjonctif.  Un des principaux motifs étant qu’en vertu de l’article 162, le droit à l’aide personnelle cesse lorsque le travailleur redevient capable de prendre soin de lui-même «ou»  d’effectuer sans aide ses tâches domestiques.  L’obtention de l’aide doit donc répondre aux deux mêmes conditions.

[34]           Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’elle n’a pas la preuve que la travailleuse est incapable de prendre soin d’elle-même.  Quant on analyse les différents besoins évalués à ce sujet dans la grille du Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile soit le lever, le coucher, l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, les soins vésicaux, les soins intestinaux, l’alimentation, on constate que la travailleuse est capable de réaliser ces activités de façon autonome. Madame Tremblay a évalué chacun de ces besoins et a conclu que la travailleuse n’avait pas besoin d’aide et était autonome. Le seul élément identifié par les deux ergothérapeutes concerne la capacité de se coiffer. Madame Tremblay écrit à ce sujet :

«Pour ce qui est du séchage des cheveux, nous avions suggéré à la cliente un support mural pour séchoir afin d’éviter de mobiliser l’épaule droite pour maintenir le séchoir; Madame affirme qu’elle n’est pas capable de maintenir l’épaule gauche en élévation soutenues pour effectuer la mise en pli avec sa brosse.  Étant donné l’atteinte aux deux épaules, nous pouvons objectiver les difficultés de la cliente à effectuer les mises en plis.»

 

 

[35]           Madame Masse rapporte que la travailleuse est incapable de se coiffer de façon satisfaisante et qu’elle voit un coiffeur une fois par semaine.  Elle conclut que la travailleuse nécessite une assistance «pour une coiffure réussie, selon ses critères».  C’est sa seule recommandation à la rubrique «Soins personnels».  Dans son témoignage, la travailleuse a réitéré qu’elle ne peut se coiffer convenablement.

[36]           Le tribunal considère que ce seul élément est insuffisant pour conclure que la travailleuse est incapable de prendre soin d’elle-même.  Se coiffer fait partie des soins de base mais la preuve ici n’établit pas que la travailleuse est incapable de se coiffer.  L’expression d’une «coiffure réussie selon ses critères» est révélatrice.  Il ne s’agit pas d’une incapacité mais d’une certaine exigence qui n’est pas rencontrée et qui amène la travailleuse à aller chez le coiffeur une fois par semaine.

[37]           La travailleuse n’a pas établi qu’elle était incapable de prendre soin d’elle-même, ce faisant elle n’a pas droit à l’aide à domicile en vertu de l’article 158 de la loi.  Par conséquent, il n’est pas nécessaire, comme l’a fait la procureure de la travailleuse dans sa plaidoirie, de procéder à l’évaluation et au calcul des différents besoins selon la grille du règlement.

Ø      LES TRAVAUX D’ENTRETIEN COURANT DU DOMICILE

[38]           Par ailleurs, la procureure de la travailleuse a plaidé subsidiairement que les travaux d’entretien ménager légers et lourds peuvent être octroyés en vertu de l’article 165 de la loi comme «travaux d’entretien courant» du domicile.  Toujours au chapitre de la réadaptation sociale, l’article 165 prévoit :

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[39]           D’une part, la soussignée partage l’interprétation déjà élaborée en ce sens par la Commission des lésions professionnelles  dans l’affaire Lebel et Municipalité Paroisse de Saint-Éloi[6] dans laquelle la commissaire s’exprimait ainsi :

«26. Ce que la travailleuse demande cependant, c'est l'application de l'article 165 précité et elle soutient que l'entretien ménager qu'elle ne peut plus faire en raison des deux chirurgies au niveau lombaire, (passer l'aspirateur, laver les planchers, nettoyer les salles de bain, les vitres, etc.) constitue des « travaux d'entretien courant du domicile ».

 

27. La représentante de la CSST soutient le contraire, et à ce sujet, dépose une décision rendue par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) en 1997(2). Dans celle-ci, le commissaire fait une distinction entre les « travaux d'entretien courant du domicile » (art. 165) et « les tâches domestiques » (art. 158). Après avoir fait état des définitions des mots « domestique » et « entretien » par le dictionnaire Petit Robert, le commissaire conclut ainsi :

 

     « À la lumière des définitions précitées, la Commission d'appel est d'avis que le déplacement de meubles et de lavage de planchers se retrouvent davantage dans la catégorie des tâches domestiques et qu'il apparaît difficile de les relier à des soins, réparations ou dépenses qu'exige le maintien en  bon état d'un bien. En somme, il s'agit de travaux requis pour la propreté, le confort et la commodité des lieux et qui ne se justifient pas au titre du maintien en bon état physique d'un bien.»

 

28. Avec égard, la soussignée ne partage pas cette interprétation étroite de la notion de « travaux d'entretien courant du domicile ». Revoyons les définitions courantes et usuelles des mots « domestique » et « entretien «, que l'on retrouve au Larousse:

 

     « Domestique : 1. Qui concerne la maison, le ménage.

     Entretien : 1. Action de maintenir une chose en bon état, de fournir ce qui est     nécessaire pour y parvenir(3) . »

 

29. La Commission des lésions professionnelles estime que l'on doit également examiner la définition du mot « courant » afin de préciser de quel genre de travaux d'entretien on parle à l'article 165 :

     « Courant, e : 1. Qui est habituel; ordinaire, banal. Les dépenses courantes. C'est un mot tellement courant ! Un modèle courant. »

 

30. Le tribunal ne peut conclure, comme le fait le commissaire Roy, que l'entretien ménager participe uniquement à « la propreté, le confort et la commodité des lieux ». Qu'il suffise d'imaginer un intérieur mal entretenu, des planchers et des tapis sales et poussiéreux, des salles de bain encrassées, des vitres et des miroirs qui ne sont pas nettoyés régulièrement, une cuisinière et un réfrigérateur malpropres pour se convaincre qu'il ne s'agit pas ici seulement de confort ou de commodité. Si un entretien régulier n'est pas fait, il est manifeste que le domicile ne sera pas « maintenu en bon état ». Il lui faut donc des soins réguliers, habituels, ordinaires, courants.

 

31. Même si, à l'article 158, on parle de travaux domestiques, il faut comprendre que cette disposition s'applique à « l'aide personnelle à domicile », qui inclut certes ce genre de travaux, mais qui vise plutôt des situations beaucoup plus graves en terme de conséquences immédiates, puisqu'on associe cette aide au fait qu'un travailleur soit incapable de prendre soin de lui-même dans des activités de base comme se laver, aller à la toilette, etc. On a qu'à examiner la grille d'évaluation pour constater que l'on vise ici des cas lourds.

 

32. L'article 165, quant à lui, n'est pas conditionnel à l'impossibilité de prendre soin de soi-même mais vise plutôt les cas où un travailleur demeure avec une atteinte permanente grave et, généralement, avec des limitations fonctionnelles importantes, qui l'empêchent de reprendre certaines activités pré-lésionnelles qu'il effectuait auparavant, soit des travaux d'entretien courant. De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, cette interprétation va dans la logique de la loi, qui « a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires(4) ».

 

(2) Roy et Brasserie Charny inc., 78743-03-9604, 97-06-20, J.G. Roy.

(3) Il est intéressant de noter que la définition de «entretenu» donne l’exemple suivant : Tenu en bon état, tenu en état : maison mal entretenue».

(4) Article 1 LATMP.

 

 

[40]           D’autre part, la preuve est très claire quant au besoin d’aide de la travailleuse pour les travaux ménagers.  Dès le rapport d’évaluation médicale en 1991, le docteur Gagnon notait que la travailleuse nécessite de l’aide dans les travaux ménagers.  Madame Tremblay conclut qu’elle a besoin d’assistance partielle pour l’entretien ménager léger et d’une assistance complète pour le ménage lourd.  Elle réfère aux définitions suivantes du Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile :

«Ménage léger : la capacité de faire seul, les activités d’entretien régulier de son domicile telles que épousseter, balayer, sortir les poubelles, faire son lit.

 

Ménage lourd : la capacité de faire seul, les activités de ménage telles que nettoyer le four et le réfrigérateur, laver les planchers et les fenêtres, faire le grand ménage annuel.»

 

 

[41]           L’évaluation de Madame Masse est au même effet.  La travailleuse a besoin d’une assistance partielle pour certaines tâches reliées au ménage léger et elle est incapable d’exécuter le ménage lourd.

[42]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la travailleuse a droit, en vertu de l’article 165, au remboursement des frais engagés pour l’entretien de son domicile, sous réserve du maximum prévu à cette disposition compte tenu que des sommes sont déjà allouées par la CSST en vertu de cette disposition.

[43]           Au chapitre des travaux d’entretien courant du domicile, la travailleuse réclame aussi le remboursement des frais d’ouverture et de fermeture de la piscine.  Elle a déjà obtenu de la CSST le remboursement des frais de déneigement, de tonte du gazon et d’entretien du terrain qui suivant la jurisprudence sont considérés comme des travaux d’entretien du domicile. Même en privilégiant une interprétation large des termes «travaux d’entretien courant du domicile», le tribunal considère qu’on ne peut y inclure les frais reliés à la piscine.  Comme l'a déjà décidé la Commission des lésions professionnelles[7], une piscine constitue un équipement très accessoire, généralement destiné à des fins strictement récréatives.  Les coûts de son ouverture et de sa fermeture ne peuvent être inclus dans le concept de «travaux d'entretien courant du domicile».

Ø      ADAPTATION DU DOMICILE ET DU VÉHICULE

[44]           L’adaptation du domicile et l’adaptation du véhicule sont prévues aux articles 153 et 155, selon certaines conditions énumérées à l’article 156 :

153. L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si :

      1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique ;

2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile ; et

      3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.

 

      Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.

________

1985, c. 6, a. 153.

 

 

155. L'adaptation du véhicule principal du travailleur peut être faite si ce travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et si cette adaptation est nécessaire, du fait de sa lésion professionnelle, pour le rendre capable de conduire lui-même ce véhicule ou pour lui permettre d'y avoir accès.

________

1985, c. 6, a. 155.

 

 

156. La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci lui fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.

________

1985, c. 6, a. 156.

 

 

[45]           En ce qui a trait à l’adaptation de l’automobile, la CSST a déjà accepté dans sa décision de rembourser l’achat d’une boule à fixer au volant pour permettre la conduite d’une seule main.  La travailleuse n’a pas démontré d’autre besoin à cet égard. 

[46]           Quant aux adaptations domiciliaires, plusieurs demandes sont soumises.

§         Modifications des armoires de cuisine / achat et pose de tiroirs coulissants

[47]           Madame Tremblay décrit ainsi les travaux effectués :

«Madame mentionne avoir fait modifier les armoires de cuisine en faisant installer des tiroirs coulissants; ainsi, elle n’a pas à manipuler plusieurs objets pour atteindre les items situés dans le fond des armoires; elle n’a qu’à tirer sur le tiroir et saisir directement l’item dont elle a besoin.  Elle a également modifié l’aménagement de ses armoires de façon à ce que les objets utilisés plus fréquemment soient facilement accessibles.»

 

 

[48]           Madame Tremblay conclut que les modifications des armoires étaient très pertinentes.  Lors de son témoignage, elle explique que d’autres mesures auraient pu être envisagées : table d’appoint, confection de tablettes.  Madame Masse est d’avis que ces modifications sont essentielles et qu’elles rendent possible l’exécution autonome des repas.

[49]           La Commission des lésions professionnelles considère que l’adaptation des armoires de cuisine est effectivement nécessaire pour permettre à la travailleuse d’avoir accès aux commodités de la cuisine et ainsi lui permettre d’être autonome dans la préparation de ses repas.  Les deux ergothérapeutes le reconnaissent.  La CSST a fait valoir que d’autres solutions auraient pu être envisagées, ce qui est exact.  Pour reprendre l’expression de l’article 153, il s’agit tout de même d’une solution appropriée.  Le tribunal fait donc droit à cette demande.

§         Achat et installation d’un dispensateur d’eau chaude, d’un petit four et d’une cafetière adaptée

[50]           La Commission des lésions professionnelles ne peut faire droit à ces demandes.  Si l’on peut comprendre que ces appareils puissent faciliter la vie de la travailleuse, puissent lui être utiles, l’article 153 réfère à des adaptations qui soient nécessaires pour faciliter l’accès aux biens et commodités du domicile.  Le critère est celui d’une nécessité, ce qui est différent d’une utilité ou d’une facilité.  Le dispensateur d’eau chaude, le petit four et la cafetière adaptée n’apparaissent pas nécessaires.  La preuve ne démontre pas une incapacité de la travailleuse quant à la manipulation d’une bouilloire ou d’un plat à retirer du four considérant qu’elle a l’usage de son bras gauche et qu’elle peut utiliser sa main droite en appui. 

[51]           L’analyse qui est faite par madame Tremblay au sujet de la robinetterie peut être transposée aux présentes demandes :

«Madame ajoute qu’elle a fait changer la robinetterie de la salle de bain de façon à avoir une seule robinetterie à manipuler plutôt que deux.

[…]

Bien que le changement de robinetterie puisse faciliter la vie de la cliente, cette adaptation n’était pas requise par sa condition. Madame est tout à fait capable d’ajuster le robinet d’eau chaude et d’eau froide de façon successive, soit en utilisant uniquement le bras gauche ou en faisant l’usage des deux bras, en évitant de manipuler l’épaule droite par un mouvement d’accompagnement du tronc en flexion antérieure.»

 

 

§         Achat d’un marche-pied pliant

[52]           La travailleuse prétend qu’un marche-pied pliant est essentiel parce qu’il lui permet d’avoir accès aux rangements supérieurs sans avoir à lever les bras.  La Commission des lésions professionnelles rejette cette demande.  D’une part, la travailleuse a toujours l’usage de son bras gauche.  D’autre part, les armoires ont été aménagées afin de rendre facilement accessible les accessoires courants. 

§         Achat d’un plan incliné et d’un fauteuil adapté

[53]           Au moment de l’évaluation de madame Tremblay, la travailleuse justifiait sa demande d’un plan incliné par l’éventualité de suivre des cours.  Lors de son témoignage, elle parle d’un besoin pour la lecture et de mots-croisés. Quant au fauteuil adapté, cette demande apparaît lors de l’argumentation.  Mme Masse avait parlé plutôt d’un coussin orthopédique pour une meilleure posture. La Commission des lésions professionnelles ne dispose pas de preuve pouvant justifier la nécessité de ces accessoires en relation avec les conséquences de la lésion subie par la travailleuse à l’épaule droite.  La Commission des lésions professionnelles rejette donc ces demandes.

§         Achat et installation d’un ouvre patio électrique

[54]           Soulignons d’abord qu’il ne s’agit pas d’une adaptation visant l’accès et la sortie de façon autonome du domicile tel que prévu au deuxième paragraphe de l’article 153 de la loi.  La porte- patio n’est pas l’accès principal du domicile. 

[55]           Par ailleurs, la preuve n’établit pas que cette adaptation soit nécessaire.  Madame Masse qui conclut à la nécessité de cet équipement affirme pourtant que «Madame possède la force requise pour ouvrir cette lourde porte».  Elle fait valoir compte tenu de la sollicitation de l’épaule gauche, que cette tâche devrait être effectuée le moins souvent possible et qu’un tel dispositif améliorait la qualité de vie de la travailleuse.  Encore une fois, il n’y a pas une preuve d’incapacité et ce sont des justifications qui ne rencontrent pas le critère de nécessité.  Qui plus est, madame Tremblay a enseigné à la travailleuse une technique pour l’aider à ouvrir la porte.

 

§         Achat d’un abri d’auto Tempo

[56]           La Commission des lésions professionnelles ne peut faire droit à cette demande.  Les deux ergothérapeutes ont reconnu que la travailleuse avait besoin d’aide pour le déneigement.  Madame Tremblay indique que la travailleuse s’est procuré un abri d’auto pour réduire le déneigement.  Madame Masse écrit : «L’abri d’auto permet la libre utilisation de sa voiture qu’elle range dans le garage en évitant l’accumulation de neige et de glace sur le pavé».  La travailleuse a déjà obtenu de la CSST le remboursement des frais de déneigement et il apparaît au tribunal que cela répond aux besoins reliés à la libre utilisation de son automobile.  Il n’y a, dans ce contexte, aucune nécessité d’une deuxième commodité visant le même besoin.

[57]           Par conséquent, la travailleuse n’a pas droit non plus aux frais reliés à l’installation, le démontage et le remisage de l’abri d’auto Tempo qu’elle réclamait comme travaux d’entretien du domicile en vertu de l’article 165 de la loi.

§         Achat et installation d’un ouvre porte de garage électrique

[58]           Ce besoin n’a pas été évalué par madame Tremblay.  Quant à madame Masse, elle considère que ce dispositif est requis.  Elle indique que l’ouverture manuelle de la porte de garage implique des mouvements et le déploiement d’une force qui exacerbent la douleur à l’épaule gauche.  La travailleuse a expliqué qu’il s’agit d’une double porte en bois, très lourde.  La Commission des lésions professionnelles considère que cela peut rendre difficile la manipulation d’une seule main et la travailleuse n’a pas la force nécessaire pour effectuer cette activité.  Ce dispositif  favorise l’autonomie de la travailleuse dans ses déplacements et apparaît donc justifié.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE EN PARTIE la requête de madame Doris Frigault (la travailleuse);

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 14 juillet 2000 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit à l’aide personnelle à domicile;

DÉCLARE que la travailleuse a droit, en vertu de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, au remboursement des frais engagés pour faire exécuter les travaux d’entretien ménager de son domicile;

DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des frais suivants :

            - achat d’une boule à fixer au volant pour permettre la conduite d’une seule main

      -modifications des armoires de cuisine / achat et pose de tiroirs coulissants

-achat et installation d’un ouvre porte de garage électrique.

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais suivants :

            - ouverture et  fermeture de la piscine

-achat et installation d’un dispensateur d’eau chaude, d’un petit four et d’une cafetière adaptée

-achat d’un marche-pied pliant

-achat d’un plan incliné et d’un fauteuil adapté

-achat et installation d’un ouvre patio électrique

-achat d’un abri d’auto Tempo

-installation, démontage et  remisage de l’abri d’auto Tempo.

 

 

 

 

 

Lucie Nadeau

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Turbide, Lefebvre, Giguère, S.E.N.C.

( Me Céline Giguère )

 

Représentante de la partie requérante

 

 

 

Panneton, Lessard

( Me Dominique Wilhelmy )

 

Représentante de la partie intervenante

 

 



[1]           36128-61-9201, 97-03-13, M. Cuddihy.

[2]           90759-61-9708, 99-04-06, L. Crochetière.

[3]           90759-61-9708, 00-02-25, S. Di Pasquale.

[4]           (1997) 129 G.O. II, 7365.

[5]           CSST et Fleurent, [1998] C.L.P. 360 ; Lebel et Municipalité Paroisse de Saint-Éloi, 124846-01A-9910,  00-06-29, L. Boudreault (00LP-29).

[6]           Déjà citée, note 5.

[7]           Dion et Hydrotope ltée, 14415-05-0008, 01-02-13, F. Ranger.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.