Patron et Provigo Distribution (ctre dist. Épicerie) |
2008 QCCLP 4164 |
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[1] Le 1er mai 2007, le travailleur, monsieur Sylvain Patron, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 23 avril 2007 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 11 janvier 2007 et déclare que monsieur Patron n’a pas droit d’être remboursé des frais qu’il doit engager pour faire exécuter certains travaux d’entretien de son domicile.
[3] Monsieur Patron est présent à l’audience tenue à Laval le 22 avril 2008 et il est représenté. L’employeur, Provigo Distribution, a avisé le tribunal qu’il ne serait pas représenté à cette audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Monsieur Patron demande de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais qu’il doit engager pour faire exécuter des travaux d’entretien de son domicile, soit vider et laver les gouttières, laver le revêtement des murs extérieurs de sa maison, remplacer des planches de la clôture et peindre celle-ci, tailler des arbustes, laver un trottoir de béton et remplacer le tapis du plancher du balcon avant.
[5] Sa demande initiale visait aussi la teinture d’un patio et le lavage d’un second trottoir de béton, mais ces travaux ne sont plus en cause.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête de monsieur Patron doit être accueillie en partie.
[7] Ils estiment que monsieur Patron a droit d’être remboursé des frais qu’il doit engager pour faire exécuter certains travaux à sa résidence, soit vider et laver les gouttières, laver le revêtement des murs extérieurs de sa maison, remplacer des planches de la clôture et peindre celle-ci, tailler des arbustes et laver un trottoir de béton, puisqu’ils font partie des travaux d’entretien habituels et ordinaires d’un domicile. Ils considèrent cependant que le remplacement d’un tapis extérieur usé par le temps ne fait pas partie de tels travaux.
[8] De plus, ils estiment que monsieur Patron a droit au remboursement de ces frais même s’il n’était pas propriétaire d’une maison au moment de la survenance de sa lésion professionnelle et même s’il n’est pas le propriétaire de la maison où il habite maintenant.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[9] La Commission des lésions professionnelles doit décider si monsieur Patron a droit au remboursement des frais qu’il doit engager pour faire exécuter certains travaux d’entretien de son domicile, soit vider et laver les gouttières, laver le revêtement extérieur de la maison, remplacer des planches de la clôture et peindre celle-ci, tailler des arbustes, laver un trottoir de béton et remplacer le tapis du plancher du balcon avant.
[10] C’est en référant à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) que le tribunal doit décider de cette question, lequel prévoit la possibilité pour un travailleur victime d’une lésion professionnelle d’être remboursé des frais qu’il doit engager pour faire exécuter des travaux d’entretien courant de son domicile :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[11] En vertu de cet article, un travailleur peut être remboursé de tels frais dans la mesure où il démontre qu’une atteinte permanente « grave » à son intégrité physique résulte de sa lésion professionnelle, que les travaux qu’il est incapable de faire en raison de cette atteinte permanente constituent des « travaux d’entretien courant du domicile » et qu’il aurait normalement lui-même effectué ces travaux si ce n’était de sa lésion professionnelle.
[12] Suivant la jurisprudence bien établie du tribunal, l’analyse du caractère « grave » d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ne doit pas se faire en regard du pourcentage de cette atteinte permanente, mais plutôt en regard de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les travaux visés par l’article 165 compte tenu des limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle. La Commission des lésions professionnelles s’exprime comme suit à ce sujet dans l’affaire Lalonde et Mavic Construction et CSST[2] :
[46] La jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelles et de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a établi que l’analyse du caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique doit s’effectuer en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi². Dès lors, le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique n’est pas le critère unique et déterminant à tenir compte. Il faut s’interroger sur la capacité du travailleur à effectuer lui-même les travaux en question compte tenu de ses limitations fonctionnelles. Soulignons que les limitations fonctionnelles mesurent l’étendue de l’incapacité résultant de la lésion professionnelle. […].
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2 Chevrier et Westburne ltée, CALP 16175-08-8912, 1990-09-25, M. Cuddihy; Bouthillier et Pratt & Whitney Canada inc., [1992] CALP 605 ; Gasthier inc. et Landry, CLP 118228-63-9906, 1999-11 03, M. Beaudoin; Dorais et Développement Dorais enr., CLP 126870-62B-9911, 127060-62B-9911, 2000-07-11, N. Blanchard; Allard et Plomberie Lyonnais inc., CLP 141253-04B-0006, 2000-12-11, H. Thériault; Thibault et Forages Groleau (1981), CLP 131531-08-0001, 130532-08-0001, 2001-03-23, P. Simard.
[13] Par ailleurs, selon la jurisprudence constante, la notion d’« entretien courant du domicile » retrouvée à l’article 165 de la loi doit s’interpréter dans le sens de travaux d’entretien habituels, ordinaires du domicile qu’il faut faire régulièrement pour le maintenir en bon état, par opposition à des travaux inhabituels ou extraordinaires [3]. De plus, dans l’affaire Lussier et Steinberg inc.[4], il a été décidé que la notion de « domicile » ne devait pas être interprétée dans le seul sens d’un bâtiment d’habitation, mais plutôt dans le sens du bâtiment et du terrain sur lequel celui-ci se trouve.
[14] En l’espèce, la question de l’existence d’une atteinte permanente « grave » à l’intégrité physique chez monsieur Patron ne prête pas à débat puisque, à la suite de l’accident du travail dont il a été victime le 17 juillet 2005, il demeure avec d’importantes séquelles permanentes.
[15] En effet, dans l’exercice de son travail de préposé à la distribution, monsieur Patron subit à cette date une hernie discale L4-L5 gauche. Une discectomie avec foraminotomie est pratiquée et, après celle-ci, un diagnostic de pachyméningite est posé. La lésion est consolidée en octobre 1996, avec une atteinte permanente à l’intégrité physique de 24 % et des limitations fonctionnelles de classe 3 selon l’Institut de recherche en santé et en sécurité du travail (l’IRSST).
[16] Ces limitations consistent à ne pas manipuler des charges de plus de 5 kg, à ne pas faire des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude, à ne pas marcher longtemps et à ne pas garder la même posture (debout ou assis) plus de 30 à 60 minutes. Elles impliquent aussi de ne pas marcher en terrain accidenté ou glissant, de ne pas monter fréquemment des escaliers, de ne pas travailler en position accroupie ou en position instable, de ne pas ramper ou grimper, de ne pas subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale, et de ne pas faire des mouvements répétitifs des membres inférieurs.
[17] Dans le contexte d’une récidive, rechute ou aggravation qui survient le 27 décembre 2001, monsieur Patron subit une seconde chirurgie qui, selon le protocole opératoire, est pratiquée pour « une hernie discale foraminale et extra-foraminale L4-L5 droite et une lyse de pachyméningite ». La date de consolidation de cette récidive, rechute ou aggravation est établie au 9 février 2005 et le médecin traitant de monsieur Patron, le docteur Maurice Caron, conclut que celle-ci a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique additionnelle de 11,76 % et des limitations fonctionnelles de classe 4 selon l’IRSST[5].
[18] Ces limitations sont celles de classe 3 précédemment décrites auxquelles s’ajoute le fait que, en raison de son caractère continu et de son effet sur le comportement du travailleur et sur sa capacité de concentration, le phénomène douloureux qui affecte ce dernier est incompatible avec tout horaire de travail régulier.
[19] Dans une décision qu’elle rend le 25 septembre 2006, la CSST reconnaît que la condition physique de monsieur Patron est telle qu’il n’y a aucun emploi convenable qu’il serait capable d’exercer à plein temps.
[20] Ainsi, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, la preuve démontre que la capacité résiduelle de monsieur Patron est à ce point restreinte qu’il n’est pas capable d’effectuer les travaux pour lesquels il demande à la CSST, en novembre 2006, le remboursement des frais qu’il doit engager pour les faire exécuter.
[21] D’ailleurs, ce n’est pas parce qu’elle considère que l’atteinte permanente à l’intégrité physique de monsieur Patron ne peut pas être qualifiée de « grave » au sens de l’article 165 de la loi que la CSST refuse cette demande. La CSST motive plutôt son refus de la manière suivante dans sa décision du 11 janvier 2007 :
« En réponse à votre demande, nous vous informons que nous ne pouvons rembourser les travaux d’entretien suivants : laver et vider les gouttières, laver la maison extérieure, peindre la clôture, teindre le patio, remplacer les planches sur la clôture, couper des arbustes, changer le tapis avant, laver le béton.
En effet, pour déterminer votre admissibilité au remboursement de ces travaux, nous devons considérer votre situation au moment de l’événement, c'est-à-dire lors de la rechute du 27 décembre 2001.
Or, à cette date, vous étiez locataire au 2e étage du duplex de vos parents. Vous n’aviez donc pas à faire ces travaux.
De plus, veuillez noter que les travaux de remplacement des planches de clôture et le changement du tapis avant, ne sont jamais remboursables car ils constituent un travail de rénovation et non d’entretien courant du domicile. »
[22] Dans la décision qu’elle rend à la suite d’une révision administrative, la CSST ajoute comme autre motif de refus le fait que monsieur Patron n’est pas propriétaire de la maison où il habite et pour laquelle il demande le remboursement de frais reliés à l’entretien de celle-ci.
[23] Lors de son témoignage, monsieur Patron explique à ce sujet que, tant au moment de la survenance du fait accidentel du mois de juillet 1995 que de la récidive, rechute ou aggravation du mois de décembre 2001, il habitait effectivement le haut du duplex dont ses parents sont propriétaires, mais que, en mai 2002, il a emménagé avec sa conjointe dans la maison que celle-ci possédait à titre de propriétaire depuis déjà plusieurs années. Il explique aussi qu’il s’est marié avec elle en juillet 2003 et que, en mai 2004, ils ont emménagé dans une nouvelle maison mieux adaptée à sa condition physique.
[24] Monsieur Patron indique que les titres de propriété de cette nouvelle maison sont au nom de sa conjointe, mais qu’il partage avec elle tous les coûts afférents à cette maison, notamment le coût de l’hypothèque, ceux des taxes municipales et scolaires et les coûts d’entretien.
[25] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la CSST ne peut pas refuser de rembourser à monsieur Patron les frais qu’il doit engager pour faire exécuter des travaux d’entretien courant de son domicile en fondant son refus sur le fait qu’il n’est pas le propriétaire de la maison pour laquelle il réclame ce remboursement.
[26] En effet, en édictant l’article 165 de la loi, le législateur a prévu qu’un travailleur peut être remboursé du coût des travaux d’entretien courant de son « domicile » et ce, sans par ailleurs définir ce terme. Il faut donc s’en remettre au sens courant de ce terme[6] et retenir de celui-ci qu’il ne réfère pas à autre chose qu’au lieu habituel d’habitation du travailleur.
[27] Le choix de ce terme par le législateur est logique puisque, s’il avait plutôt choisi celui de « propriété », cela aurait eu pour effet de priver injustement le travailleur qui est locataire de son lieu d’habitation du droit de bénéficier des dispositions de l’article 165 de la loi.
[28] Cela dit, le fait qu’un travailleur soit locataire de son lieu d’habitation peut faire en sorte qu’il n’aura pas droit au remboursement de frais d’entretien parce que ceux qu’il réclame concernent des travaux d’entretien qui relèvent de la responsabilité du propriétaire de ce lieu et non pas de celle du locataire. Chaque cas doit être analysé selon les faits qui lui sont propres.
[29] Cette situation n’est cependant pas celle qui concerne monsieur Patron puisque son statut eu égard à la maison où il habite n’est pas celui de locataire.
[30] Même si, pour diverses raisons qui été expliquées à l’audience, c’est la conjointe de monsieur Patron qui est propriétaire de cette maison, il demeure que cet endroit constitue à la fois son propre lieu d’habitation et celui qu’il partage avec sa conjointe à titre de résidence familiale. De plus, monsieur Patron assume avec sa conjointe la préoccupation de maintenir cette maison en bon état et il assume aussi avec elle la totalité des coûts afférents à cette maison, dont ceux reliés à son entretien.
[31] Le refus de la CSST fondé sur ce motif aurait pu être justifié si la preuve avait démontré que, non seulement monsieur Patron n’est pas propriétaire de la maison où il habite, mais qu’il n’a pas non plus à assumer quelque responsabilité d’entretien que ce soit à l’égard de ce lieu.
[32] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la CSST ne peut pas non plus refuser la demande de monsieur Patron au motif qu’il n’effectuait pas les travaux dont il demande le remboursement du coût d’exécution au moment de la survenance de sa lésion professionnelle en 1995 et de la récidive, rechute ou aggravation en 2001 puisqu’il n’était alors pas propriétaire d’une maison.
[33] En effet, bien que la jurisprudence soit partagée sur cette question, la soussignée souscrit à la position qu’adopte le tribunal dans l’affaire Bacon et Général Motors du Canada ltée[7] :
[77] La prochaine condition à remplir est que les travaux d’entretien réclamés soient des travaux que le travailleur « effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion ». D’entrée de jeu, le tribunal remarque que la CSST et certaines décisions du présent tribunal semblent remplacer le verbe « effectuerait » par « effectuait » en référant systématiquement au vécu prélésionnel du travailleur au niveau des travaux d’entretien courant du domicile. Le tribunal note que le législateur a plutôt utilisé le verbe « effectuer » au conditionnel et non pas à l’imparfait. Le tribunal estime donc qu’il doit plutôt rechercher dans la preuve les éléments démontrant ce qui se serait passé dans l’éventualité où le travailleur ne s’était pas blessé et non pas systématiquement et uniquement ce qu’il faisait auparavant. Bien entendu, le vécu passé du travailleur pourra être garant de l’avenir et constituer une preuve très importante pour démontrer qu’il n’aurait pas effectué lui-même certains travaux. Cependant, si un travailleur peut démontrer par une preuve prépondérante que, bien qu’il n’effectuait pas lui-même les travaux d’entretien courant avant sa lésion il les aurait effectués après cette lésion, ceci lui permettra d’obtenir les bénéfices prévus par la Loi.
[78] Cette interprétation a d’ailleurs été adoptée par le commissaire Pierre Simard dans l’affaire Huard et Huard13. Dans cette affaire, un travailleur avait acquis une résidence après la survenance de sa lésion professionnelle de sorte qu’avant cette lésion, il n’effectuait pas lui-même la tonte du gazon. En se procurant cette résidence, le travailleur constate qu’il est incapable de procéder lui-même à la tonte du gazon et il demande à la CSST le remboursement des frais encourus à cet effet, ce que la CSST refuse prétextant qu’il n’effectuait pas lui-même cette tâche auparavant n’ayant pas de gazon à couper. La Commission des lésions professionnelles décide dans cette affaire que lorsqu’elle interprète le terme « effectuerait normalement lui-même », la CSST en révision administrative ajoute à cette condition qui emploie le conditionnel, une seconde condition à savoir que le travailleur devait lui-même accomplir les travaux antérieurement à sa lésion professionnelle. Selon la Commission des lésions professionnelles, donner un tel sens à l’article 165 en réduit considérablement la portée, ce qui est inacceptable. Le test constitue donc plutôt de vérifier si le travailleur, dans l’hypothèse où il n’aurait pas subi de lésion professionnelle, effectuerait lui-même les travaux. Le présent tribunal se rallie totalement à cette position qui est conforme à l’objectif ultime de la Loi tel qu’énoncé à son article 1, soit la réparation des lésions professionnelles ainsi que des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires.
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13 C.L.P. 222161-31-0311, 12 février 2004, P. Simard.
[34] Les déclarations de monsieur Patron lors de son témoignage selon lesquelles il aurait lui-même effectué les travaux d’entretien qu’il veut en l’espèce faire exécuter sont crédibles et non contredites.
[35] En effet, monsieur Patron explique que son père a toujours été propriétaire d’immeubles à logements et que, dès l’âge de 12 ans, il a régulièrement aidé ce dernier à faire tous les travaux d’entretien de ces immeubles. De plus, étant jeune adulte, son père l’embauchait durant l’été pour faire des travaux de rénovation dans ces immeubles et, dans ce contexte, il a donc appris à faire des travaux de peinture, de plomberie, d’électricité, de menuiserie, etc.
[36] Monsieur Patron explique aussi qu’en 1989, il a fait l’achat d’un immeuble à logements et que, jusqu’à la survenance de son accident du travail en 1995, il effectuait lui-même tous les travaux de rénovation et d’entretien nécessaires pour maintenir cet immeuble en bon état.
[37] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles estime que, exception faite du remplacement du tapis qui recouvre le plancher du balcon avant de la maison, tous les travaux visés par la demande de monsieur Patron se qualifient à titre de travaux d’entretien courant du domicile.
[38] Monsieur Patron explique que le « tapis gazon » qui recouvre ce plancher est à ce point usé qu’il doit être remplacé et qu’il souhaite garder un tel type de recouvrement pour des questions de sécurité puisqu’il doit se déplacer avec une canne. Toutefois, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le remplacement d’un tapis usé par le temps n’entre pas dans la catégorie de ce qui constitue des travaux d’entretien réguliers, habituels et ordinaires qu’il faut faire pour maintenir son domicile en bon état.
[39] À l’inverse, tailler des arbustes, vider et laver les gouttières dans lesquelles s’accumulent des feuilles tombées des arbres de même que laver avec un outil à jet d’eau sous pression le revêtement d’aluminium de la maison qui devient poussiéreux constituent de tels travaux. C’est aussi le cas pour le lavage qu’il faut faire avec ce même type d’outil d’un petit trottoir de béton qui relie le stationnement et le balcon arrière de la maison afin d’y éliminer la mousse qui s’y forme parce qu’il est situé sous un arbre.
[40] La peinture d’une clôture de bois fait aussi partie des travaux d’entretien courant du domicile[8] et, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le remplacement de quelques planches de la clôture à l’occasion de la peinture de celle-ci constitue aussi de tels travaux.
[41] Refaire une clôture, en tout ou en partie, ne constitue évidemment pas un travail d’entretien courant du domicile. Toutefois, lorsque des menus travaux s’imposent avant de peindre une clôture, comme par exemple solidifier une planche, changer une attache métallique rouillée ou encore, remplacer ici et là une planche devenue trop abîmée, il faut alors conclure qu’il s’agit de réparations mineures préalables et en quelque sorte inhérentes à ces travaux.
[42] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, il s’agit de tenir à l’égard de ce type de travaux le même raisonnement que celui applicable aux travaux de peinture d’une pièce, lesquels nécessitent de façon préalable la réparation (plâtrer et poncer) des fissures aux murs.
[43] Certes, il n’est pas toujours facile de déterminer quand les réparations qu’il faut faire à l’occasion de travaux de peinture peuvent ou ne peuvent pas être qualifiées d’entretien courant. Encore là, chaque cas doit être analysé à son mérite selon les faits qui lui sont propres, mais avec comme point de repère le fait qu’il doivent s’agir de réparations mineures et ordinaires qu’il faut régulièrement faire pour maintenir en bon état l’objet à peindre.
[44] C’est le cas dans la présente affaire puisque, lors de son témoignage, monsieur Patron déclare que ce sont seulement quelques planches de bois abîmées qu’il faut ici et là changer avant de peindre la clôture.
[45] Incidemment, la Commission des lésions professionnelles note que c’est seulement en 2006 que monsieur Patron a demandé à la CSST le remboursement des frais d’entretien dont il est question, alors que c’est pourtant depuis mai 2002 qu’il habite une maison avec sa conjointe. Comme monsieur Patron l’indique lors de son témoignage, cette situation s’explique par le fait que, jusqu’en 2006, les deux fils de sa conjointe habitaient aussi cette maison et que ce sont eux qui s’occupaient de ces travaux.
[46] Pour l’ensemble de ces motifs, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que monsieur Patron a droit au remboursement de frais qu’il doit engager pour faire exécuter les travaux suivants d’entretien courant de son domicile : vider et laver les gouttières, laver le revêtement extérieur de la maison, remplacer quelques planches de la clôture et peindre celle-ci, tailler les arbustes et laver un trottoir de béton.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE, en partie, la requête du travailleur, monsieur Sylvain Patron;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 avril 2007 à la suite d’une révision administrative; et
DÉCLARE que monsieur Sylvain Patron a droit d’être remboursé des frais qu’il doit engager pour faire exécuter les travaux suivants d’entretien courant de son domicile : vider et laver les gouttières, laver le revêtement extérieur de la maison, remplacer quelques planches à la clôture et peindre celle-ci, tailler les arbustes et laver un trottoir de béton.
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Ginette Morin |
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Commissaire |
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Monsieur Richard Bélanger |
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R. A. T. M. P. |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L. R. Q., c. A-3.001
[2] C.L.P. 146710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois.
[3] Lévesque et Mines Northgate inc., [1990] CALP 683 .
[4] C.L.P. 153020-62-0012, 18 mai 2001, L. Boucher.
[5] Une atteinte permanente à l’intégrité psychique de 7,90 % est aussi reconnue dans le contexte de la récidive, rechute ou aggravation du 27 décembre 2001.
[6] Le petit Larousse illustré 1998, Paris, Larousse-Bordas, 1997, p 344.
[7] [2004] C.L.P. 941 ; voir au même effet : Aubut et Construction L.F.G. inc., C.L.P. 248654-01C-0411, 18 février 2005, L. Desbois; Lachapelle et Meubles Norbec ltée, C.L.P. 261083-64-0504, 16 juin 2006, R. Daniel; Venne et Les excavations Payette ltée et CSST, C.L.P. 261034-63-0504, 11 décembre 2006, D. Beauregard.
[8] Lussier et Steinberg inc. précitée, note 3; Babeau et Boulangerie Weston Québec ltée, C.L.P. 166478-62B-0108, 16 janvier 2003, N. Blanchard.
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