Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Laurentides

SAINT-ANTOINE, le 18 janvier 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

167765-64-0108

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me Daniel Martin

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Jean E. Boulais

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Gérald Dion

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

111460515

AUDIENCE TENUE LE :

4 décembre 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Saint-Antoine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUZANNE RICHER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE MÉDAILLON D'OR ENR.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 29 août 2001, madame Suzanne Richer (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 23 août 2001, à la suite d'une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST maintient la décision qu'elle a initialement rendue le 28 août 2000 et déclare que la travailleuse n'a pas droit au remboursement des frais d'entretien ménager.

[3]               Lors de l'audience, la travailleuse et son représentant sont présents.  Pour sa part l'employeur est absent, et ce, bien que convoqué.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de lui accorder les frais requis pour l'entretien courant de son domicile ainsi qu'une aide personnelle à domicile.

LES FAITS

[5]               Le 14 juillet 1996, la travailleuse occupe un emploi de préposée aux soins chez Le Médaillon d'Or enr. (l'employeur) depuis plus de quatre ans lorsqu'elle est victime d'une lésion professionnelle.  Elle est alors âgée de 57 ans.

[6]               Le 9 mars 1999, le docteur Jacques Duranceau, membre du Bureau d'évaluation médicale, rend son avis en relation avec cette lésion professionnelle.  Il retient un diagnostic d'entorse dorso-lombaire et fixe la date de consolidation au 20 mars 1998.  Il estime qu'aucun traitement n'est requis au-delà de cette date.  Il établit le déficit anatomo-physiologique à 2 % pour une entorse dorso-lombaire.  Il établit les limitations fonctionnelles suivantes :

« 5 -     EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES DU TRAVAILLEUR :

 

            Il existe des limitations fonctionnelles à savoir :

 

-          Éviter de soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 15 kg.

 

-          Éviter de travailler en position accroupie.

 

-          Éviter de ramper ou de grimper.

 

-          Éviter d'effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, extension ou de torsion de la colonne lombaire.

 

-          Éviter de subir des vibrations de basse fréquence ou de contrecoups à la colonne vertébrale. »

 

 

 

[7]               Le 30 juin 1999, la CSST avise la travailleuse qu'elle a droit à la réadaptation puisqu'il résulte de sa lésion professionnelle une atteinte permanente.

[8]               Le 4 août 1999, la conseillère en réadaptation rencontre la travailleuse.  Elle note que cette dernière a subi trois crises d'angine en juillet 1999.  La travailleuse précise qu'elle connaît cette condition cardiaque depuis deux ans.  La conseillère en réadaptation suggère de continuer le plan individualisé de réadaptation en vue d'une réorientation.

[9]               Le 16 septembre 1999, le docteur Duranceau complète un avis complémentaire dans lequel il précise qu’il existe une séquelle antérieure en relation avec un événement du 15 août 1988 soit un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une entorse dorso-lombaire.  Il maintient les limitations fonctionnelles.  Par la suite, la CSST constate l'absence d'augmentation de l'atteinte permanente en relation avec la lésion professionnelle du 14 juillet 1996. 

[10]           Le 27 septembre 1999, la CSST entérine l'avis du Bureau d'évaluation médicale émis le 9 mars et amendé le 16 septembre 1999.  Elle conclut que la travailleuse a droit à des indemnités de remplacement du revenu jusqu'à ce qu'elle se soit prononcée sur sa capacité à exercer un emploi.

[11]           Le 11 novembre 1999, la CSST avise la travailleuse qu'elle refuse sa réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation survenue le 14 juillet 1999.  Elle considère qu'il n'y a pas de détérioration objective de l'état de santé.  Elle ajoute que les diagnostics de déchirure radiaire aux niveaux L4-L5 et L5-S1 et la petite hernie discale centrale sous-ligamentaire L5-S1 sont une progression des changements dégénératifs déjà connus.  La travailleuse conteste cette décision.  Par ailleurs, le 28 juin 2000, elle se désiste de cette contestation puisque la CSST accepte de lui verser ses indemnités de remplacement du revenu jusqu'à l'âge de 65 ans et une indemnité réduite de 25 % jusqu'à l'âge de 68 ans.

[12]           Le 29 juin 2000, la CSST avise la travailleuse qu'il est actuellement impossible de déterminer un emploi qu'elle serait capable d'exercer à temps plein.  En conséquence, elle l'informe qu'elle continue de lui verser une indemnité de remplacement du revenu jusqu'à ce qu'elle ait atteint l'âge de 68 ans. 

[13]           Le 28 août 2000, la CSST avise la travailleuse qu'elle ne peut lui rembourser les frais d'entretien ménager.  Elle précise que ces services sont remboursables uniquement dans les cas où il y a une atteinte permanente grave à l'intégrité physique d'une personne en raison d'une lésion professionnelle.  Cette décision est contestée par la travailleuse. 

[14]           À l'audience, la travailleuse dépose les notes de consultation du docteur Payne couvrant la période du 22 décembre 1998 au 15 novembre 2001.  Elle dépose une décision rendue par la CSST le 28 septembre 2001, qui reconnaît une aggravation de l'événement du 14 juillet 1996.  La CSST conclut qu’il existe une relation entre la tendinite de la hanche et les séquelles dorso - lombaires.  Puis, le 16 octobre 2001, la CSST reconnaît une augmentation de l'atteinte permanente qui a été évaluée par le médecin traitant à 4,70 %.

[15]           Lors de l'audience, la travailleuse déclare qu'antérieurement à l'événement du 14 juillet 1996, elle était en mesure d'effectuer sans assistance l'entretien courant de son domicile.  Ainsi, elle pouvait passer la balayeuse, laver sa chambre de bain, faire son lit de même que les autres tâches requises pour l'entretien de son logement.  Auparavant, elle n'avait pas eu besoin d’engager quelqu’un pour exécuter ces tâches.  Or, depuis son accident du travail du 14 juillet 1996, elle déclare ne plus être en mesure d'exécuter ses tâches d'entretien courant de son domicile, tel que passer la balayeuse, faire l'époussetage, nettoyer la salle de bain et laver les planchers.  Elle éprouve de la difficulté à faire son lit ou encore à nettoyer ses armoires.  Elle est incapable de laver les murs de son logement.  Elle se dit limitée par la présence d'une douleur constante au dos.  Elle présente des difficultés à se pencher de même qu'à se relever d'une position accroupie.  Ainsi, elle est incapable de gravir un escabeau.  La CSST a fait installer une barre pour faciliter l'entrée et la sortie du bain.  Au moment de son accident, elle vivait avec une autre personne mais vit seul depuis 1997.  Elle vit dans un logement comportant 4½ pièces.  Il s'agit du même logement où elle vit depuis sept ans.  Afin d'effectuer ses tâches, elle engage une personne à ses frais.  Elle souligne qu’aucun agent de la CSST ne s’est rendu à son domicile afin d’évaluer sa capacité à exécuter les tâches d'entretien courant de son domicile.  Dans un avenir rapproché, elle prévoit devoir repeindre son appartement et devra pour ce faire engager quelqu’un.

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[16]           Le représentant de la travailleuse est d'avis que cette dernière a droit à l'aide personnelle à domicile qui est prévue aux articles 158 et 159 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).  Il est également d'avis que la travailleuse a droit aux frais d'entretien courant de son domicile tel que le prévoit l'article 165 de la loi.  Il considère que la travailleuse doit être indemnisée des conséquences de sa lésion professionnelle.  Il constate qu'elle a droit à la réadaptation que requiert son état tel que le prévoit l'article 145 de la loi.  Il souligne que les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle empêchent la travailleuse d'effectuer l'entretien courant de son domicile.  Il demande en conséquence de modifier la décision rendue par la CSST. 

L'AVIS DES MEMBRES

[17]           Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d'employeurs sont d'avis que la travailleuse demeure avec une atteinte permanente grave en relation avec sa lésion professionnelle du 14 juillet 1996.  Ils constatent non seulement que la travailleuse est porteuse d'une entorse dorso-lombaire mais également d'une tendinite de la hanche gauche.  Ils considèrent que les limitations fonctionnelles reconnues par le Bureau d'évaluation médicale ne permettent pas à la travailleuse d'exécuter les travaux d'entretien courant de son domicile.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[18]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a droit au remboursement des frais requis pour l'entretien courant de son domicile en raison de son accident du travail survenu le 14 juillet 1996.

[19]           L'article 165 de la loi se lit comme suit :

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui‑même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

 

[20]           Pour sa part, la travailleuse invoque également l'application de l'article 158 de la loi qui se lit comme suit :

158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui‑même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

 

[21]           Enfin, le représentant de la travailleuse invoque que la travailleuse doit être indemnisée pour les conséquences reliées à sa lésion professionnelle, tel que l'édicte l'article 1 de la loi.  Il dépose d'ailleurs une décision rendue par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles[2] où il a été reconnu qu'une des conséquences de l'accident du travail était que le travailleur ne pouvait plus s'occuper de sa fille handicapée.

[22]           Dans le présent dossier, la travailleuse réclame les coûts reliés à l'entretien courant de son domicile.  À cet égard, le témoignage crédible et non contredit de la travailleuse révèle qu'avant la survenance de sa lésion professionnelle elle effectuait l’entretien courant de son domicile.  Auparavant, elle n'avait donc jamais engagé quelqu’un pour exécuter ces travaux.  Elle pouvait alors faire des travaux tels que : passer la balayeuse, laver les planchers et la chambre de bain, faire les lits, nettoyer les armoires de la cuisine et laver les murs.  Or, depuis sa lésion professionnelle, elle présente un problème persistant au dos et à la hanche, qui fait en sorte qu’elle a de la difficulté à se pencher et à se relever pour nettoyer son logement.  Elle n’est pas en mesure d’utiliser un petit escabeau.  Elle doit requérir l’assistance d’un tiers pour que soit fait l'entretien courant de son domicile.

[23]           Les travaux d'entretien courant sont prévus à l'article 165 de la loi mais n’y sont pas définis.  Par ailleurs, il a déjà été reconnu que cette expression devait comprendre qu'il s'agit de travaux d'entretien habituel, ordinaire du domicile, par opposition à des travaux d'entretien inhabituel ou extraordinaire[3].

[24]           Dans l'affaire Lebel et Municipalité Paroisse de Saint-Éloi[4], la Commission des lésions professionnelles a souligné que l'article 165 de la loi devait couvrir des soins réguliers, habituels ou ordinaires et courants du domicile afin que ce dernier soit maintenu en bon état.  Elle soulignait que l'article 158 de la loi réfère à une aide personnelle à domicile visant des situations beaucoup plus graves en termes de conséquences immédiates car cette aide est associée au fait qu'un travailleur soit incapable de prendre soin de lui-même dans des activités comme se laver.  Or, elle constate que l'article 165 de la loi n'est pas conditionnel à l'impossibilité de prendre soin de soi-même et vise plutôt les cas où le travailleur demeure avec une atteinte permanente grave et des limitations fonctionnelles qui l'empêchent de reprendre certaines activités qu'il effectuait auparavant, soit des travaux d'entretien courant.

[25]           Dans le présent cas, la travailleuse est en mesure de prendre soin d'elle-même, et ce, malgré les limitations fonctionnelles émises par le docteur Duranceau.  Toutefois, ces mêmes limitations fonctionnelles ainsi que le phénomène de douleurs résiduelles la rendent incapable d'effectuer l'entretien courant de son domicile au sens de l'article 165 de la loi.  L'analyse de la preuve versée au dossier permet de conclure que la travailleuse est porteuse d'une atteinte permanente grave, ce qui ne s'apprécie pas uniquement en raison du pourcentage mais aussi en regard de la capacité résiduelle d'un travailleur[5].  À cet égard, la Commission des lésions professionnelles prend en considération tant la lésion au dos que celle à la hanche, ce qui globalement ne permet pas à la travailleuse d’effectuer l’entretien courant de son domicile.

[26]           En raison de l’existence de cette atteinte permanente, la travailleuse a droit à la réadaptation que requiert son état.  Dès lors, elle a établi son droit au remboursement des frais d'entretien courant de son domicile tel que le prévoit l'article 165 de la loi.  Par contre, elle n’a pas démontré son droit à une aide personnelle à domicile, car cela est conditionnel à l'impossibilité de prendre soin de soi-même, ce qui n'est pas le cas de la travailleuse.  En accord avec l'analyse effectuée par la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire Lebel et Municipalité Paroisse de Saint-Éloi[6], il y a lieu de considérer que les frais d'entretien courant de son domicile comportent des soins réguliers, habituels, ordinaires et courants de ce dernier afin de le maintenir en bon état.  La travailleuse devra donc soumettre à la CSST le détail des frais qu’elle doit encourir pour cet entretien afin qu’elle puisse obtenir un remboursement.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée par madame Suzanne Richer ;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative, le 23 août 2001 ;

DÉCLARE que madame Suzanne Richer a droit au remboursement des frais requis pour l'entretien courant de son domicile ;

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu’elle rembourse à madame Suzanne Richer les frais engagés pour l'entretien courant de son domicile.

 

 

 

 

Me Daniel Martin

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Défenseurs

(Monsieur Georges Dubois)

 

Représentant de la partie requérante

 



[1]          L.R.Q., ch. A-3.001.

[2]          Luc Bastien et Personnel illimité inc. et CSST - Laurentides, 19 février 1998, 89626-64-9706, M. Cuddihy.

[3]          Lévesque et Mines Northgate, [1990] C.A.L.P. 683 .

[4]          124846-01A-9910, 29 juin 2000, L. Boudreault, (2000LP-29).

[5]          Chevalier et Westburne, 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy ; Bouthillier et Pratt & Whitney Canada inc., [1992] C.A.L.P. 605 ; Michel Boileau et Les Centres jeunesse de Montréal, C.L.P. 103621‑71‑9807, 1er février 1999, A. Vaillancourt.

[6]          Précitée, note 4.

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